Ce qui ressort de tout ce débat, c'est principalement l'impression d'un manque de sentiments/d'implication émotionnelle dans le jeu de la séduction, ce qui est un paradoxe hautement problématique.
Voici une affirmation que l'on peut ouvertement discuter, mais que je pense intimement vraie :
On ne tombe amoureux que parce qu'on a lu des histoires d'amour.
L'anglicisme et le vocabulaire technique sont, pour nous, des mots neutres émotionnellement : on n'a pas d'imaginaire qui s'est construit dessus, ces mots ne se trouvent pas dans les contes de fées qu'on a entendu dans notre enfance. Précis, concis et neutres, ils permettent une efficacité d'analyse redoutable. Mais en utilisant ces mots pour penser les rapports de séduction (car on pense par les mots, ils sont donc intrinsèquement liés à nos émotions), on abandonne nos mots courants, gorgés d'émotions. Il y a donc une positivité de ce vocabulaire, l'efficacité, mais il y a aussi une négativité : on perd le sentiment.
Or le sentiment, n'est-ce pas le plus grand plaisir du
jeu de séduction ?
Opposons l'anglais et le français,
Game et
séduction :
- The Game : pour nous, ça se rapproche du jeu video, avec des niveaux, des performances rationnelles et des progrès constatable par des statistiques. C'est l'art du PUA, que l'on imagine difficilement tomber dans des transports amoureux. Le Game peut procurer un plaisir certain, et intense ! Mais ce n'est pas le même plaisir que celui que l'on imagine spontanément quand on parle de "séduction" et de "séducteur ».
- Séduction : c'est tout un imaginaire qui se mobilise lorsqu'on entend ce mot, notamment celui des séducteurs romantiques, des amours passionnées, etc. On voit une folle nuit d'amour en connivence parfaite avec l'autre, une osmose. Mais c'est aussi l'imaginaire de la transgression, de la manipulation, de l'adultère : les filles des siècles précédents n'étaient jamais fautives mais simplement considérées comme "victimes" d'un séducteur.
Il faut donc tout d'abord se poser la question de savoir ce que l'on veut en pratiquant la séduction/le game.
Il semble qu'on ait quitté la pure rationalité des PUA américains des décennies précédentes. On nuance, on veut un équilibre. On refuse le vocabulaire froid du management/coach. Bon, ce problème n'est pas nouveau, et pas propre à la séduction, il suffit (puisqu'on parle de littérature) de regarder l'ironie grinçante de Dickens au début de
Hard Times.
Chapter 1 : The One Thing Needful
C'est un maître d'école qui parle.
"Now, what I want is Facts. Teach these boys and girls nothing but Facts. Facts alone are wanted in life. Plant nothing else, and root out everything else. You can only form the minds of reasoning animals upon Facts : nothing else will ever be of any service to them. This is the principle on which I bring up my own children, and this is the principle on which I bring up these children. Stick up to Facts, sir!"
Les faits et la trop grande rationalité font peur pour la séduction, l'éducation, et à peu près tout le reste.
Dès lors, j'approuve l'idée de réinvestir notre vocabulaire courant, qui porte en lui l'émotion, mais de le maîtriser. S'approprier la langue et s'approprier la séduction, c'est la même chose :
Il faut faire un art de ce qui n'est qu'une habitude (art au sens de technique maîtrisée) comment disent les grammairiens de Port-Royal. En apprenant à utiliser notre propre langage, avec précision, avec art, on pourra analyser et penser de façon efficace toutes les situations sans toutefois briser la charge émotionnelle qui rend la séduction savoureuse.
Ce que je veux dire, c'est qu'on peut utiliser un vocabulaire spécifique et précis, mais il faut le coupler, de temps en temps, avec des mots de notre langue pour éviter de passer à côté de la saveur de la séduction. Et il faut continuer à lire des romans, des histoires, pour enrichir son expérience de la séduction et faire surgir en nous des émotions qu'on n'éprouvait pas spontanément. Nécessairement, cette émotion se manifeste, et la fille la ressent. Ne rêve-t-on pas tous de les mouvoir dans des zones émotionnelles encore inexplorées ?
Certes, ce n'est peut-être pas le meilleur conseil pour un "AFC" ; mais, une fois ce stade dépassé, ne nous bridons pas, vivons pleinement l'expérience !