Alors comme ça c'est une bénédiction de travailler sur sa passion?La punchline d'intro qui sert à rien a écrit :Une passion est un trésor personnel.
Soit on le laisse hors-commerce et on le chérit pour ce qu'il est, soit on décide de le vendre...
Ok, regardons ça en détail:
INTRO: Mon parcours
C'est un parcours typique: études + travail qui va avec + malaise + reconversion.
Depuis tout petit, je me consacre pleinement à mon sport favori. Enfant, c'était la vie du petit garçon sage qui passe son temps aux entraînements et la plupart de ses weekends en compétition. Passé le bac les choses ont évolué, mais j'ai toujours plus ou moins pratiqué ce sport - ou d'autres qui s'en rapprochaient et nourrissaient mon évolution.
Notons que mes parents m'avaient inculqué que c'était un loisir, à vivre pleinement pour le fun et l'école de la vie, mais que mon destin était de faire des études prestigieuses et de chopper un boulot prestigieux. J'ai fait ce que j'ai pu de cette vision des choses, pas forcément mauvaise en soi.
Parallèlement, j'ai donc fait des études de droit et je suis devenu un super juriste. Enfin... C'est ce que je croyais. Costar cravate, coupe de cheveux courte et clean à la Keanu Reeves, je me souviens quand j'ai eu mon diplôme j'ai cru que c'était la consécration, en fait c'était juste le début des emmerdes...
Quelques années plus tard, ma vie pro était devenue une impasse qui sonnait comme une mauvaise blague, entre périodes d'essai avortées, chômage et petits boulots loin en dessous de mon diplôme.
Au fond de la cave, je me suis regardé dans le miroir, j'ai vu un gros loser, j'ai dit "bon, le juridique c'est cramé. Fais ton deuil. Maintenant, plutôt que de passer le reste de ta vie à être smicard dans des boulots de merde où tu n'as rien à faire, tu vas te prendre par la main et essayer de faire quelque-chose avec tout ce que tu connais de ta passion."
Quelques années plus tard, je suis l'heureux entraîneur de deux associations sportives.
Vraiment? Vraiment?
Bah oui! Pas de retournement de situation sur ce coup-là, je suis vraiment heureux dans ma vie professionnelle, et plutôt en réussite
avec en prime une "rédemption" sociale et à mes propres yeux, par rapport à mes errements de jeunesse qui resteront toujours objectivement tristes.
Néanmoins, c'est un bonheur "global". Quand on regarde en détail, il y a toujours des petits malheurs, comme d'habitude...
Je vais donc ici aller dans le détail et vous montrer l'arrière-boutique du travail-passion, avec ses quelques effets pervers à surveiller:
I] "Le prix de la passion" (l'idée fourre-tout dans laquelle ranger les petites merdes)
Rien n'est gratuit en ce bas-monde. Surtout quand c'est bon!
Or, on sait bien que c'est délicieux de travailler sur sa passion. Donc....La citation inutile de tonton Terrigan a écrit :Tout ce qui est bon est immoral, illégal, hors de prix, mauvais pour la santé ou pas d'accord pour coucher avec moi!
...Il va falloir passer à la caisse, à un moment où un autre. La vie est une créancière sympa sur les moyens de paiement. Elle accepte les chèques, CB, paypal, si vous n'avez pas d'argent vous avez bien du temps, et à la fin le plus souvent on paye cash
A] Le prix à payer par rapport au monde
* Moitié professionnel, moitié bénévole.
L'idée c'est que vous ne pourrez jamais TOUJOURS vous retrancher derrière votre fiche de poste. Il y aura toujours plus à faire, et/ou plus de temps à passer.
La bonne nouvelle, c'est que ce que vous faites en plus constitue un facteur de performance, qui vous aidera à atteindre vos objectifs. Car vous en avez. Vous êtes comme le cadre sup ou le chef d'entreprise qui veut surnager quand c'est la merde, et surclasser la concurrence quand tout va bien!
Autre bonne nouvelle, en faire le minimum peut faire partie de vos objectifs. C'est comme tout, ça se planifie, avec une bonne organisation et aussi la motivation et la formation d'amis - bénévoles, toujours prêts à vous aider ou s'impliquer eux-même sur votre activité car elle est belle!
Dans ce contexte, vous garderez toujours un petit côté "j'en fais plus bénévolement" pour maintenir votre image. Car l'image du roi fainéant ou du fonctionnaire n'est motivante pour personne.
* Crise économique et concurrence entre travailleurs.
Non seulement c'est la crise, y'a plus de sous pour l'industrie lourde, alors pour votre passion c'est même pas la peine, mais en plus, du côté de vos collègues, et donc concurrents sur le marché du travail, y'a du monde sur la corde à linge!
(sauf dans mon secteur d'activité. I win, une fois de plus!)
C'est pour ça notamment qu'il est difficile de trouver une bonne rémunération et des conditions de travail correctes. Globalement, que vous soyez indépendant ou salarié, c'est difficile de faire son beurre.
Comme d'habitude, comme partout. Je dis juste ça pour vous montrer que la question de votre performance est vitale.
Mais comme c'est votre passion, vous avez viscéralement envie d'être performant!
* Les gens ne sont pas (toujours) vos amis.
Attention à votre employeur si vous en avez un, il ne faut pas le laisser exprimer des idées du style "Oh ça va tu peux bien faire ce énième truc que je te colle sur le dos, t'es passionné oui ou non?"
De même, attention aussi aux clients et aux interlocuteurs de toute sorte, qui adoooorent vous balancer dans les pattes que vous pouvez bosser pour rien, vous aimez tellement ça...
Attention aux gens qui ont des métiers "normaux". Ils sont jaloux de vous et se feront un plaisir de vous tacler au moindre signe de faiblesse:
- Huh? Tu te sens surchargé de travail en ce moment? Bah viens à mon boulot pour voir (tapette) Sous-entendu: c'est moi qui ai la plus grosse (charge de travail / force de travail)
- T'es crevé, malade, t'as pas le moral? Rien à foutre. Sois cool et tais-toi.
- Tes horaires sont décalés? Démerde-toi, Assume! (bah, c'est ce que je fais, je disais juste que mes horaires sont décalés, comme un simple fait objectif. Mais merci pour la leçon de morale, tu m'enverras ta facture...)
De manière générale, mais c'est partout pareil, il faut faire attention à se plaindre un minimum.
Vous seuls savez ce que vous faites et l'énergie que ça vous coûte. La seule chose que vous avez à faire, c'est serrer les dents pendant les coups de bourre, et avoir un positionnement concret pour refuser de faire telle ou telle chose à la suite d'une décision construite et argumentée.
Mais tant que vous êtes sur place, c'est le bon vieux "assume"
B] Le prix à payer par rapport à votre activité
* Putain mais qu'est-ce qu'on se fait chier!
Bah oui c'est la vie professionnelle, avec son lot de corvées et de grands moments de solitude.
En basculant du côté professionnel de la barrière, vous avez hérité de toute l'arrière-boutique, et de toute la merde qu'il y a dedans. Mais ça reste toujours mieux que d'essayer de faire carrière dans la grande distribution (ou tout autre environnement professionnel qui vous glace le sang)
encore une fois, "t'as signé, assume"
D'ailleurs la gestion des corvées est un critère de performance. Je ne pense pas que les gens qui réussissent dans leur passion soient de gros branleurs qui se laissent ralentir par les corvées qui s'éternisent. Ils abattent les corvées sans pitié pour mieux se consacrer à la partie créative et enrichissante de leur travail.
* Putain mais qu'est-ce qu'on se fait chier! (Huh? encore?)
L'usure du quotidien amène à des moments où même la matière brute et pure de votre passion va vous écœurer.
en tant que sportif, c'était cool de vivre ma vie de compétiteur, puis d'adulte loisir.
C'était cool d'aider mon maître de stage au début de ma formation.
C'est beaucoup moins cool d'enchaîner les entraînements, semaine après semaine.
ça le reste le plus souvent, mais des fois ça me pèse.
Le plus souvent la passion rend le travail cool, et des fois au contraire le travail rend la passion chiante à mourir. Il y a donc une gymnastique de l'esprit et des bonnes habitudes à mettre en place pour ne jamais se laisser blaser. Car un passionné blasé, c'est un passionné mort!
Et donc il faut garder son enthousiasme d'enfant. C'est une généralité. Une généralité à combiner avec une autre généralité inverse: l'important est de se comporter comme un adulte qui fait ce qu'il a à faire, au lieu de rêver à un paradis perdu où tout serait agréable...
II] Deux conseils phare pour baliser votre parcours
A) Méfiez-vous du bonheur
Argl, si il faut se méfier du bonheur en plus, mais où va-t-on???
Au début de ma carrière, je rentrais du travail lessivé et je me laissais aller dans ma vie perso. C'est mon problème et je ne voyais pas de quoi me poser de questions sur la nature de mon travail.
Jusqu'à ce que j'en discute avec une bonne amie à moi qui à l'époque travaillait à haut niveau dans les médias. Elle dirigeait une équipe qui parcourait la France pour faire des émissions de télé, et c'était l'éclate. La route, le côté "caravane itinérante" de son équipe de collègues, les rencontres émouvantes avec des gens adorables...
Et donc elle m'a dit qu'elle aussi rentrait lessivée, avec aucune envie de faire quoi que ce soit pour sa vie à elle! Et que naturellement elle gérait ce phénomène, entre soirée dvd-dodo et "je suis crevée mais je me bouge le cul"
C'est là que je me suis aperçu que le bonheur professionnel bouffe l'envie d'aller se chercher du bonheur dans la vie personnelle et intime.
Une fois qu'on sait ça, on fait la part des choses et ça va mieux!
Le bonheur professionnel est un cadeau bonus, et en aucun cas votre source numéro 1 de bonheur. Ne l'oubliez pas.
B) Ne soyez pas passionné!
(ou alors pas trop )
Ok vous travaillez sur une matière qui vous passionne, mais ça n'est pas une raison pour vous comporter TOUT LE TEMPS comme un passionné.
C'est un peu comme dans Top Gun - Pilote de chasse, voilà un métier passionnant! Si vous regardez ce film sous cet angle:
- Vous avez le droit d'être Maverick, le chien fou,
- Mais vous avez aussi le droit d'être Iceman, le mec détaché qui vient, qui se sert et qui s'en va, sans faire dans la dentelle.
Ne soyez pas passionné, ce conseil m'a été "offert" par un de mes formateurs.
Au début j'ai eu du mal à comprendre, d'ailleurs j'ai toujours du mal à faire les réglages, mais comme vous pouvez le constater en me lisant j'ai compris l'idée de départ.
Son conseil était formulé ainsi:
C'est un bon encouragement aux comportements et décisions "de pro", et pas de gentil idéaliste tout content de s'agiter dans tous les sens dans une activité qu'il adore...Un sage a écrit :Ne soyez pas passionnés.
Sinon vous allez vous faire bouffer par votre vie professionnelle, et ce sera votre faute!
On retombe sur le bon sens des travailleurs qui ne sont pas passionnés par leur travail.
Et c'est encore une fois un équilibre à (ré)inventer à son propre niveau, de façon très intime.
CONCLUSION: Vous êtes un travailleur comme les autres.
Exit les arrières-pensées & comportements d'ado attardé! Exit les postures de mère courage!
Par exemple, Si vous bossez comme un taré ou si au contraire vous faites le minimum, c'est que vous avez évalué que c'est ce qui est dans votre intérêt sur une période donnée! Ce n'est pas par réflexe...
Une dernière, pour la route:
Votre passion n'est pas une armure. elle ne vous protégera ni du monde, ni de vous-même.
C'est juste l'environnement que vous avez choisi pour faire votre vie professionnelle.
Edit: Bidouillage de plan en deux parties deux sous-parties.
Le sujet exigeait bien l'utilisation de cet héritage gadget de mes années juriste...