Un homme est le résultat de REVOLUTIONS INTERIEURES successives, qui le changent à jamais sans retour en arrière possible.
Pendant des années on est une personne, avec son système de valeurs, ses croyances, ses (in)certitudes ... et un jour, on a un déclic, et tout change. Et on est quelqu'un d'autre.
Pas exactement une nouvelle personne, mais une version plus sage ( ou plus folle) et plus forte ( ou plus fragile) de la précédente.
Chacun d'entre nous est la somme d'une série de déclics, qui nous font avancer. Pas nécessairement en avant, pas nécessairement dans la bonne direction - une certitude remplace une croyance, et on devient autre chose, voila tout.
Je crois pouvoir dire que je suis réellement devenu un homme le jour où j'ai eu cette révélation, que je vais essayer de vous expliquer.
L'agneau fragile
J'ai fait toute ma scolarité avec un an d'avance, me retrouvant avec des gens plus agés que moi : l'écart allait de 1 à 4 ans. A cet age-là, c'est énorme. J'ai très logiquement fini par forger la croyance (pas vraiment consciente) que ces gens là étaient plus expérimentés que moi et que leur avis prévalait sur le mien.
Ainsi, jusqu'à ce déclic qui a changé ma vie à jamais, je m'étais toujours défini en fonction de l'image que me renvoyait le regard "des gens".
Je cherchais à me structurer, à adapter ma personnalité, ma façon d'être, de parler, de bouger, de m'habiller en me basant sur ce qu'ils me renvoyaient (ou que je croyais qu'il me renvoyaient).
J'interprétais la moindre remarque comme le signe que quelque chose chez moi était PAS BON, et qu'il fallait que je change ça.
A cette époque, j'étais terriblement paumé, en plein doute et frustré de ne pas trouver ma place, car totalement persuadé d'être totalement inadapté, à des kilomètres derrière les autres : je n'étais pas comme "tous les autres".
Désespérément, j'essayais de suivre le mouvement, d'adopter les codes, les gestes, les attitudes... mais quoique je fasse, je me sentais toujours différent, maladroit, désassorti : j'étais le vilain petit canard, je ne trouvais pas ma place, je ne sentais pas l'harmonie.
Le déclic
Peu à peu, face au malaise que j'éprouvais (mon sentiment d'inadéquation, d'inadaptation, de culpabilité aussi), j'ai commencé à m'isoler, à devenir plus solitaire.
L'un dans l'autre, j'ai ainsi appris à devenir indépendant : avec du recul, ce fut une BONNE chose. En m'isolant des autres, j'ai ainsi appris à me connaître et à faire mes propres choix, en mon âme et conscience ... et ainsi, me forger des valeurs et des croyances qui m'étaient propres, fruit de mes réflexions et observations.
Je ne me rappelle plus exactement le jour et l'heure de ce déclic, ni ce qui l'a déclenché.
Sans doute est-ce le fruit d'un processus amorcé longtemps avant, le fruit de petites observations, de plus petits déclics, comme un puzzle qui finit par se mettre en place tout seul une fois qu'on a toutes les pièces qui le composent.
Toujours est-il qu'un jour, j'ai eu LA révélation.
Ce jour là, j'ai soudain réalisé l'évidence : tous ces "autres", ces "gens", de l'avis desquels j'étais TOTALEMENT DEPENDANT : ils n'avaient rien de plus que moi. Plus que ça, j'ai réalisé que la plupart d'entre eux avait même plutot moins.
J'ai réalisé que beaucoup étaient des gens sans passions, ternes, paresseux, médiocres, sans étincelle, se pressant devant les fausses idoles (célébrité, paillettes, ...) et tournant le dos aux grandes questions de la vie. Sympathiques et de bonne volonté, certes, mais qui n'atteindraient jamais les sommets - qui n'y pensaient même pas.
Ces gens que je pensais plus savants, plus experts que moi, j'ai réalisé qu'ils étaient juste des gens, avec leurs faiblesses et leurs défauts...
... et que j'étais loin d'être le plus paumé.
La métamorphose
Dans les quelques mois qui ont suivi, cette nouvelle information a RADICALEMENT changé la façon dont je percevais le monde jusqu'alors : j'avais une nouvelle vision de la façon dont tournait le monde autour de moi. Pour la première fois je VOYAIS et comprenais les lois de la nature.
Mes lectures et les discussions que j'ai eues ont confirmées tout ça : Nietzsche, Houellebecq... l'homme est un mouton, il est absurde, il erre sans but, il survit mais ne vit pas : il avance juste assez pour son confort, puis s'arrête quand il trouve de l'herbe.
Frigo, voiture, canapé, DVD, qui va gagner la Star Ac' cette année ?
La puissance de cette citation, sa justesse me frappent de plein fouet chaque fois que je la relis.Nietzsche a écrit :Veux-tu avoir la vie facile ? Reste toujours près du troupeau, et oublie-toi en lui.
Nietzsche en parle mieux que moi dans son oeuvre.
J'ai compris que j'avais quelque chose d'essentiel, et que relativement peu de gens ont : une envie viscérale de ne pas céder à la médiocrité, et à ne pas laisser le troupeau décider pour moi du sens que je dois donner à ma vie.
En percevant soudain le troupeau, j'ai compris que je n'étais pas comme ça.
Pas meilleur, mais différent. Et j'ai pu commencer à développer ma propre personnalité sans plus craindre leur regard.
- En effet, pourquoi accorder de l'importance à ce qu'ils pensent de moi, en quoi devrai-je considérer leur avis comme parole d'évangile et plus légitime que le mien ? Pourquoi serai-je celui qui se trompe de voie et eux ceux qui ont raison ?
Les remarques, les vannes, les tirages de maillot : j'ai compris ce que c'était : de la PEUR.
- Plus on s'éloigne du troupeau, plus ça inquiète ceux qui y restent. Et ils se mettent à bêler pour vous décourager et vous ramener dans les rangs.
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Soyons clairs : ces gens que je compare à des moutons, à des brebis, je ne les crois pas pas plus cons que moi : j'ai juste un tempérament et des aspirations dans la vie qui différent des leurs, et à ce titre, je crois que ce qu'ils pensent de moi importe peu.
Il ne s'agit donc pas de prétendre valoir mieux que les autres, mais de suivre son propre chemin, quitte à s'éloigner de la plupart des gens. Voilà ce que je dis.
Fin de la parenthèse.
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Maintenant que j'avais compris que je n'appartenais pas au troupeau, un monde de possibilités s'étendait à mes pieds. Au dehors, étaient d'autres lions, d'autres esprits fiers et libres, indépendants, décidés, éclairés.
J'ai compris que je devais suivre non pas le chemin du troupeau, mais celui que j'avais envie de suivre : les lions ne suivent pas les sentiers tracés, ils vont là où les portent leur instinct de lion.
Le regard du lion sur les brebis
Si d'innombrables brebis m'entourent, j'ai arrêté de prêter attention à leurs bêlements que je sais sans fondement. MAIS JE NE MEPRISE PAS LES GENS POUR AUTANT : je sais que tout le monde ne veut pas être un lion.
Je sais aussi qu'on trouve des brebis exceptionnelles.
Encore une fois, rien ne permet de dire que le lion vaut mieux que la brebis. Ils suivent juste deux chemins très différents.
Lion ... mais pas parfait
Tout lion que je me sens être, je sais aussi que je ne suis pas parfait et accompli pour autant : je suis juste un jeune lion qui n'a pas fini d'apprendre et de progresser.
Et je sais que parmi les lions, se trouvent des lions stupides, des lions lâches, des lions égarés et des lions fous. Et je sais que les lions aussi parfois ont peur; que parfois, ils se trompent et qu'il leur arrive de se surestimer, voire même, de revenir brebis dans le troupeau.
=> Le courage d'assumer son indépendance, et la volonté pour suivre sa voie sans écouter ceux qui essaient de nous décourager... sans quoi, la gravité nous ramène vers le bas.
Je sais aussi que finalement, vouloir sortir du troupeau, ça me fait entrer dans un autre troupeau : en sort-on jamais vraiment ? D'ailleurs, peut être que je crois être un lion, mais qu'en définitive, je ne suis toujours qu'un mouton - un autre genre de mouton, un peu plus fier et arrogant, au point de se penser lion ?
Alors ?
Alors je ne suis véritablement devenu un Homme que le jour où j'ai VU le troupeau et que j'ai réalisé que je pouvais en sortir, et que ça ne me tuerait pas.
Au dehors du troupeau, pas de péril plus mortel que celui de s'y oublier.
Mieux vaut en sortir, que s'y dissoudre.
Le chemin ne s'arrête pas là, je ferai d'autres erreurs, je me tromperai, je ferai plus de mal que je ne le veux; mais je continue d'avancer là où me porte mon instinct et où me guide ma sagesse, mes deux crocs les plus tranchants; je n'écoute plus les bêlements.
J'essaie d'être un bon lion.