Évidemment, c'est un sujet sensible parce qu'on a tous un rapport différent à la bouffe. Pour certains c'est un plaisir, pour d'autres une obligation chiante, voire un ennemi plein de graisse, ou plus prosaïquement une réserve de protéines. Certains ne jurent que par le bio, le slow-food ou la haute gastronomie, d'autres préfèrent la facilité des snacks ou des fast-foods. Parfois c'est une combinaison de tout ça.
Personnellement, j'ai passé ma vie d'étudiant à manger n'importe quoi... par la suite j'ai eu l'occasion de travailler quelques mois dans différentes fermes et donc de rencontrer de nombreux maraîchers, éleveurs, arboriculteurs, apiculteurs... bref, des métiers indispensables, puisque sans eux nous serions littéralement mort de faim
Ce cheminement a beaucoup changé ma façon de voir la nourriture et donc de la choisir et de la cuisiner. J'aimerais partager avec vous quelques notions issues de ces rencontres, de livres consacrés à l'alimentation – dont le court mais efficace "Food rules" de Michael Pollan – et de mon expérience personnelle.
Je précise que je suis omnivore et que je n'ai pas d'allergie particulière. Je pratique du sport environ deux fois par semaine mais je n'ai pas d'objectif en terme de perte de poids ou de prise de masse. Je ne suis pas non plus un intégriste de la bouffe saine, les dérapages kebab-bière-chocolat sont légions ; un protocole trèèès scientifique qui me permet d'affirmer que la différence entre les phases équilibrées et les phases déconnades est flagrante :
Disclaimer de rigueur : ce sont des conseils généraux pour vous aider à vous lancer, mais vous devrez les adapter à votre propre cas, notamment si vous êtes diabétique, allergique... Consultez un médecin si vous avez des doutes.
Prenez le temps de cuisiner
C'est tout con mais si vous n'avez pas le temps de cuisiner, vous n'aurez jamais vraiment le choix des produits utilisés et de la façon dont ils sont préparés. Et si vous travaillez au point de ne plus avoir le temps de cuisiner, c'est le moment de revoir vos priorités. Ce temps peut être :
- réparti de façon régulière sur votre semaine (comptez environ une heure / jour pour préparer 3 repas, par ex : 10 min pour le petit déj', 10 min pour un préparer un sandwich / une salade, 40 min pour un repas plus élaboré).
- concentré sur une ou deux demi-journées où vous cuisinez plusieurs plats et / ou en grande quantité. Vous pouvez ensuite mettre vos préparations au frigo ou surgeler (voire mettre en conserve si vous avez un peu de matos ou peu de place dans votre frigo).
Achetez une base de condiments et d'ustensiles de cuisine
Mon kit de survie (trouvable un peu partout, pas la peine d'acheter du matos pro si vous débutez) :
- une grande casserole, une petite casserole, un grand wok, une petite poêle, un grand saladier
- une louche, un fouet, une spatule et évidemment assiettes, bols, couverts, un four traditionnel et des plaques de cuisson
- un bon couteau de cuisine, avec une lame de 20 cm. Paradoxalement, au plus un couteau de cuisine est aiguisé au plus il est sûr (moins de risques de glisser et de vous trancher un doigt...). Ca vaut la peine d'investir dans un couteau japonais correct (dans les 20 à 40 euros)
- sel, poivre (en moulin), herbes de provence, curry, thym, estragon
- de l'huile d'olive lambda pour la cuisson
- une huile de qualité qui ne doit pas être cuite, pour l'assaisonnement des salades diverses (ex : huile d'olive vierge extra - généralement 15-20 € / L - mais un gros plus en terme de goût et d'apport nutritionnel)
- du vinaigre (balsamique ou de cidre)
- de la moutarde
- du sucre brun, non raffiné
- du vrai beurre, pas de la margarine
- des oeufs (bio et plein air, le premier chiffre imprimé sur l'oeuf est un 0 – pour avoir longtemps travaillé avec des poules, j'insiste, ça fait une vraie différence en terme de goût, de qualité de produit et de bien-être animal)
- de la farine
- de l'ail frais (l'ail en poudre ne goute plus rien après quelque semaine) ou du piment pour relever les plats et les sauces
- du riz et des pates complètes
- des légumineuses sèches (lentilles, pois chiches, flageolets, fèves...)
- quelques conserves d'aliments non préparés : des tomates pelées, des sardines, des haricots...
Votre liste de course
- achetez des produits frais, au moins une fois par semaine : essentiellement des légumes, de la salade et des fruits
- essayez de manger quelques feuilles de salade ou de la verdure à tous les repas (vous pouvez en utiliser en accompagnement, en crudité dans un sandwich, dans une omelette, en soupe...). Notez également que de nombreuses plantes sauvages et très courantes (jeunes pousses d'orties et de pissenlits, ail des ours...) sont comestibles, facilement identifiables et peuvent se récolter si vous avez accès à un coin de campagne ou un parc pas trop pollué à proximité (si ce lieu est fréquenté par des chiens ou des renards, vous pouvez cuire les plantes à 60° par mesure de précaution, sinon un simple lavage eau + vinaigre suffit, plus d'infos ici).
- si comme moi vous êtes un gros mangeur de pain, achetez le pain le plus complet possible, si possible au levain, c'est plus nourrissant et plus digeste. Bonus : si vraiment vous aimez le bon pain, essayez au moins une fois de le faire vous même, à base d'une vraie farine sans adjuvant. Les autres ingrédients sont simples : de l'eau, du sel et de la levure (ou du levain, que vous pouvez faire vous même également à base d'eau et de farine). Et pourtant 99,9999 % des pains du commerce y compris celui que vous achetez en boulangerie contiennent un surplus de gluten, de l'acide ascorbique, des arômes...
- si vous avez l'habitude de grignoter des biscuits ou des barres chocolatées entre les repas, remplacez les par des fruits frais ou secs (noisettes, noix, noix de cajou, raisins secs...)
- en matière de protéines, il y a de bonnes alternatives à la viande rouge (qui est généralement assez chère et qui a un coût environnemental élevé) : les œufs, la volaille, le poisson, les produits laitiers... et pour les végétariens : les légumineuses (pois, haricots, lentilles, fèves), les noix, les graines, les céréales et les légumes
Maintenant que vous savez ce qu'il vous faut, il y a quelques critères importants à prendre en compte pour choisir les meilleurs produits, en fonction de différents critères :
Le goût
- beaucoup de fruits et légumes développent leur goût caractéristique seulement lorsqu'ils arrivent à maturité sur le plant. Pour arriver rouge dans un supermarché français, une tomate est cueillie verte en Espagne et murira durant le transport au conatct du gaz dégagé par d'autres tomates (l'éthylène).
- il est possible de forcer une plante à pousser n'importe quel moment de l'année sous un éclairage artificiel, en l'arrosant et en la nourrissant uniquement des éléments nutritifs qui lui sont indispensables (azote, phosphore, potassium, autrement dit les engrais NPK utilisés en agriculture conventionnelle). Les fruits de ces plantes se développent ensuite rapidement en se gorgeant d'eau (notez que le même principe est utilisé pour les animaux élevés en batterie)
- cependant les conditions "idéales" des cultures industrielles (notamment sous serre) ne sont pas forcément "idéales" en terme de goût. Les carottes et les panais par exemple développent un goût plus sucré après les premières gelées, les plantes développement certains nutriments (les polyphénols) lorsqu'elles sont agressées par un ravageur, un arbre fruitier fructifiera plus après une période de sécheresse...
- La plupart des nutriments – pour rappel : les vitamines, acides aminés essentiels, acides gras essentiels, minéraux et oligo-éléments – qu'on retrouvent dans les fruits et légumes proviennent du sol (et pas d'une pub pour les yaourt ou l'eau minérale). Si une plante pousse dans un sol pauvre en nutriment (c'est le cas des sols en agriculture conventionnelle qui ont été surexploités), voire hors sol (en hydroponie), ses fruits seront également d'une faible qualité nutritive.
- Par conséquent, la taille, la couleur et l'aspect général d'un produit ne permettent pas de juger de sa qualité, qu'elle soit gustative ou nutritive
C'est un peu triste de devoir parler de toxicité lorsqu'on parle de bouffe, mais vu que la plupart des fruits et légumes sont traités d'une façon ou d'une autre, allons y :
- par définition un insecticide ou un un herbicide a un impact négatif sur l'environnement (et donc sur nous à plus ou moins long terme) puisqu'il vise à détruire les insectes, les micro-organismes et les plantes jugées "indésirables" (et qui finissent par devenir résistantes auxdits pesticides... c'est l'escalade). A titre d'exemple, le glyphosate (aka "RoundUp"), le désherbant total le plus utilisé dans le monde, est considéré comme très "peu actif pour les animaux à sang chaud" par son fabricant mais comme "cancérigène probable" par l'OMS ; je vous laisse faire votre propre opinion là-dessus
- précisions aussi que l'agriculture bio labellisé "AB" n'est pas la panacée en matière d'agriculture "naturelle". Les normes AB autorisent l'usage de biopesticides, la monoculture, l'usage de semences hybrides (F1)... bref, un produit bio "AB" peut avoir été produit dans des conditions similaires à celles de l'agriculture conventionnelle, ça dépend très fort de l'intention de l'agriculteur (véritable engagement ou simple envie de surfer sur la vague du bio)
- les exploitations en "conversion à l'agriculture biologique" qui mettent en place des pratiques biologiques (durant 2 ans en général) avant de pouvoir être labellisé "AB".
- les exploitations qui appliquent le cahier des charges de l'agriculture biologique (et bien souvent un cahier des charges encore plus strict) mais qui estime que le label "AB" a perdu sa signification (ou trop cher) et refusent d'être labellisées
- d'autres pratiques encore relativement marginales comme l’agroécologie ou la permaculture qui limitent au minimum les intrants et l'usage de pétrole, favorisent la biodiversité, l'aspect social, le recyclage de biomasse, la vie dans le sol...
C'est indéniable, une carotte "bio" coûtera plus cher qu'une carotte produite dans des conditions industrielles (et subventionnées !), a fortiori dans un supermarché.
On peut par contre relativiser ce coût en prenant en compte les éléments suivants :
- au kilo, le coût de produits frais est généralement négligeable par rapport au prix des produits transformés (barres chocolatées, chips, plats préparés...)
- la part de budget consacré à l'alimentation est en constante diminution depuis 1960, de même que la place qu'on accorde à l'alimentation par rapport à d'autres dépenses (question de priorités, encore une fois)
Autre possibilité : les petites épiceries qui sont parfois approvisionnées en direct, encore une fois il faut voir au cas par cas.
Le meilleur rapport qualité / prix selon moi, vous l'obtiendrez en contactant une association qui permet aux paysans d'écouler leur production sans intermédiaire, par exemple une AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) en France ou un GASAP (groupe d'achats solidaires de l'agriculture paysanne) en Belgique :
http://www.reseau-amap.org/recherche-amap.php
http://gasap.be/
Le principe est simple : chaque semaine un producteur de votre région livre des assortiments de fruits et légumes à un point de collecte proche de chez vous. En échange vous vous engagez à acheter régulièrement ses produits. Avantage : vous n'avez pas grand chose à faire à part aller chercher le panier qui contient les produits frais et de qualité qu'il vous faut pour cuisiner une semaine, pour une quinzaine d'euros d'environ. C'est aussi un bon moyen pour discuter directement avec l'agriculteur (et la jolie petite hippie brune de votre quartier, tant qu'à faire).
Inconvénient, il n'est généralement pas possible de choisir précisément l'assortiment, c'est variable en fonction des saisons et des récoltes.
Il y aurait encore bien des choses à dire sur tout ça, mais pour résumer :
- le plus dur c'est de prendre l'habitude d'acheter des produits frais et de les cuisiner
- une fois que vous aurez pris cette habitude, testez les différentes filières : les supermarchés, les petites épiceries, l'achat direct... comparez les prix et les différences en terme de goût
- approvisionnez-vous autant que possible auprès des producteurs consciencieux, discutez avec eux si possible, c'est la meilleur garantie en terme de qualité, d'éthique et de prix
Quelques autres topics bouffe sympa :
Les meilleures recettes de FTS : post410504.html
Votre petit déj : post411993.html
Le minimum : le-minimum-vt24379.html
Quelques ressources :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379769
https://fr.wikipedia.org/wiki/Impact_en ... _de_viande
https://fr.wikipedia.org/wiki/Roundup
Food rules ("Les règles d'une saine alimentation" en français) de Michael Pollan