Locknar a écrit :Alors voila le sujet est lancé, comment d'après vous peut-on devenir un bon négociateur? Quelles sont vos astuces pour faire pencher la balance de votre coté?
Il y a plein de choses à dire sur le sujet parce qu'effectivement la négociation se pratique au quotidien, dans plein de domaines. On ne s'en rends pas toujours compte, on ne se l'autorise pas toujours mais on peut négocier énormément de choses.
Selon moi, il faut déjà avoir les qualités suivantes :
- de l'intelligence sociale
- du culot
- de la culture générale (ou de la bonne documentation)
De l'intelligence sociale pour comprendre à qui on à affaire. Quelle est la marge de manœuvre de la personne avec qui on négocie ? Ou est son intérêt ? Est-ce qu'il s'agit du boss ou d'un intermédiaire qui devra rendre des comptes ?
Du culot parce qu'on peut négocier beaucoup plus souvent et dans beaucoup plus d'endroits qu'on ne le croit.
On ne négocie pas avec une caissière de supermarché. Elle n'a aucun intérêt personnel à vous faire une ristourne, elle risque même de se faire taper sur les doigts si elle s'y risquait.
Par contre le gérant ou un indépendant a toute latitude pour négocier (ex : j'arrive généralement à négocier un prix quand j'achète 10 bières dans un night-shop

). C'est à vous d'utiliser de bons arguments.
D'ailleurs dans l'absolu, un bon vendeur ne vous fera jamais une réduction "juste pour vous faire plaisir", quoi qu'il en dise. S'il vous fait un bon prix, c'est parce qu'il a quelque chose à y gagner (vous fidéliser, vendre en gros, vider son stock, etc.).
Il est aussi très important de bien vous renseigner sur la valeur réelle de la transaction. Si vous négociez un objet, savoir quel est son coût réel (coût de fabrication et de transport). Quels sont les coûts annexes (marketing, marge des intermédiaires...). Si vous négociez une augmentation, quelle est votre valeur (quel est le barème de votre salaire, mais aussi quelle est votre importance pour l'entreprise, est-ce que vous êtes facilement remplaçable, etc).
On a donc un interlocuteur avec un
objectif A et vous avez un
objectif B. Selon moi, l'erreur la plus courante est de croire que vous arriverez à atteindre votre objectif ou de le dévoiler d'entrée de jeu. Dans une négociation, vous atteindrez forcément un compromis, qu'on pourrait appeler l'
objectif C. Si vous atteignez votre objectif B, c'est que vous étiez dans une position de force, du coup ce n'était pas une négociation
Et proposer un objectif irréaliste (un
objectif B trop élevé ou trop bas), montre juste à votre interlocuteur que vous n'avez aucune idée du prix réel et ça va généralement jouer en votre défaveur. Soit il va prendre ça comme un manque de respect et il va vous envoyer chier, soit il va se décourager et s'adresser à quelqu'un de plus avisé.
L'astuce c'est donc d'avoir un objectif C réaliste et d'utiliser l'objectif B comme levier pour l'atteindre. C'est ce qui se passe dans une négociation classique, type achat de voiture (mettons une voiture d'occase dont la valeur réelle est de 4500 € à l'argus) :
Vendeur : je vends la voiture à
6000 €.
Acheteur (liste les défauts) : il y a une griffe sur la portière, la batterie est morte, je dois changer les pneus, je vous en propose
4000 €.
Vendeur : allons, ça reste une bonne occase, elle tiendra encore bien 10 ans, je peux vous la faire à 5000 € dernier prix...
Et ça peut continuer comme ça jusqu'à ce qu'on trouve un compromis. Si le vendeur et l'acheteur ont tous les deux une idée de la valeur réelle, c'est une négociation "pour la forme", ils savent tous les deux que la bagnole partira autour de
5000 €... mais n'utiliseront jamais ce prix comme base de discussion. Ceci dit, il arrive qu'un bon négociateur puisse faire pencher franchement la balance en sa faveur.
Parce qu'il y aussi d'autres facteurs subjectifs, notamment la rareté. Est ce que le vendeur a beaucoup d'autres clients intéressés ? Est-ce qu'il a besoin de thunes rapidement ? Est-ce qu'il a besoin de place dans son garage ? Est ce que l'acheteur a d'autres occasions aussi bonnes à aller voir ? Tout ça se base souvent sur l'apparence et le non verbal (de façon générale : n'étalez pas vos signes extérieurs de richesse lorsque vous achetez, ne précipitez pas la négociation si vous souhaitez vendre). C'est aussi là-dessus qu'il y a souvent une bonne part de bluff. Et que la raison soit vrai ou pas, celui qui est prêt à laisser tomber la transaction est en position de force. C'est généralement la dernière carte à jouer.
Autre exemple en brocante : un brocanteur professionnel vends une BD à 10 € et vous trouverez la même BD à 1 € sur le stand d'un particulier quelques mètres plus loin. La différence ?
Ce n'est pas le produit mais l'intérêt du vendeur qui diffère.
Si vous proposez 1 € au vendeur pro, il vous rira au nez. Il a une idée assez précise de la valeur de la BD et il est là pour gagner sa croûte. Le particulier est généralement là pour faire de la place dans son grenier, si vous passez en fin de journée, il se fera un plaisir de liquider sa caisse de livres pour quelques euros.
Ce sont des petits exemples de la vie quotidienne mais qui s'appliquent aussi bien pour négocier une augmentation, un contrat, un loyer, des verres dans un bar, des nuits d’hôtel, etc.
En bref, si je résume :
- cerner rapidement le contexte de la négociation et l'intérêt de votre interlocuteur
- bien connaître l'objet de la négociation, se documenter avant si nécessaire
- avoir un objectif réaliste en tête mais ne pas le dévoiler à votre interlocuteur
- la rareté comme moyen de pression : être prêt se retirer la négociation
Les brocantes et les marchés sont un bon terrain de jeu pour s'entraîner que ce soit en tant que vendeur ou acheteur. J'ai personnellement aussi beaucoup appris en voyageant dans les pays où TOUT se négocie (notamment en Afrique et en Asie).
Dernier point important, faites preuve de bon sens : ne vous acharnez pas à négocier des prix déjà bas à des vendeurs plus pauvres que vous. Et soyez sans pitié si vous négociez avec une multinationale qui vous exploite
