Ici Arsène Lupin, un ancien player qui se remet à la séduction après des années de douce concrétion autour d’un noyau de LTR et de travail salarié , ponctuées de vilaines galères de santé, et de pertes de proches.
En 2005, à l’aube de mes 30 ans, j’étais insatisfait de ma vie amoureuse. Quelques semaines de questionnements, de recherches sur le net ont conduit mes pas vers la communauté FTS. Les bootcamps solo, les premiers résultats au-delà de toutes espérances, la rencontre de players, la constitution de lairs, etc, m’ont bien occupé (et amusé !) pendant trois années.
Puis l’usure, l’envie de nouveaux loisirs, un boulot rendu plus exigeant et précaire par la crise de la dette publique, m’ont accaparé.
2019 , 44 ans. Malgré un long combat, la boîte est en liquidation judiciaire. Les collègues restants et moi attendons nos courriers de licenciement, et récupérerons de confortables indemnités de départ. En plus de l’assurance-chômage supérieure dévolue aux licenciés économiques.
Je me retrouve avec beaucoup de temps libre et aucun souci immédiat. Des questions cruciales comme une éventuelle réorientation professionnelle, l’envie de quitter le sud de la France n’appellent pas de réponses instantanées. D’un naturel indolent, je regarde avec inquiétude ces changements drastiques poindre à l’horizon. Mais je sais comment anticiper le mouvement : me mouvoir, m’émouvoir.
En effet, le vacarme mental du travail disparu, j’entends les chuchotements d’un fantôme qui me questionne inlassablement :
- « quel est ton bilan amoureux depuis 2012, au regard de ton goût pour le papillonnage ? »,
- « quand tu devras tout prouver dans un nouveau job, auras-tu l’énergie et le temps de faire le joli coeur ? »
- « T’es tu vraiment bien regardé dans le grand miroir ? Te représentes-tu ton physique dans 4, 10, 15 ans ? »
Ces années m’ont un (tout petit) peu cabossé. Trop de cheveux gris. Yeux et mémoire perdant de leur précision. Sommeil plus diaphane. Quelques centimètres de tour de taille en trop (cela sera facile à traiter, je mange trop, de toute manière). Mais des jambes et un fessier d’adolescent (merci, les randonnées cyclotouristes de 10 heures) et un visage pas trop marqué.
Mon relatif savoir-faire sargistique ? Rouillé, poussiéreux, stocké dans un recoin de ma mémoire comme dans un coffre à jouets au fond du grenier. Je n’ai qu’à monter ces marches, pousser la trappe, écarter les toiles d’araignées, ouvrir le meuble.
Plus tangiblement, mes agendas, contenant mes résumés de sorties, aux pages agrafées de #close sur serviettes de table, cartes de visite, font ressurgir des souvenirs aux saveurs hétéroclites. Même chose pour les FR et SR, stockés sur un petit disque dur externe (qui a eu du mal à démarrer, comme si le temps ne voulait pas relâcher son bras de lecture cliquetant).
Je lis quelques posts et FR récents sur FTS. L’humain ne change guère, ses questions non plus, mais les modalités si. Me semble-t-il que les drogues et les bitures violentes sont bien plus présentes dans les virées nocturnes qu’il y a 14 ans ? Je lis l’explosion des sites et applis de rencontre : dédain de ma part, avant de me rappeler que j’avais quelquefois dragué sur MSN vers 2001-2003. Attention à la mémoire sélective et au syndrome du « vieux con ».
Constat que les forums de drague sont moins fréquentés. La communauté a-t-elle migré vers d’autres outils ou s’est-elle évaporée avec l’usure, ou mise à bas par la nouvelle guerre des sexes ?
Pour faire du sport en variant les exercices, j’ai ressorti mes patins à glace de 1994 qui m’attendaient, métaphoriquement, près du coffre à jouet et des agendas. Le retour sur la glace ne fut hésitant qu’une heure. Magie de la mémoire musculaire : mon glissé devient propre. Juste quelques petits muscles dans les chevilles, les pieds, à renforcer. Une bouffée de belle nostalgie s’abat alors que j’accélère au son d’une dance music stupide mais entraînante. Ce ne sont plus les tracks de Corona, Scatman ou Eiffel 65 de ma jeunesse qui résonnent, mais l’ambiance enjouée, uplifting (comme disent les critiques musicaux) est bien là.
C’est décidé, ma musique d’ancrage pour le game, sera la Dance. House music classique ? J’en écoute déjà régulièrement. High Energy ? Non, les voix deviennent vite crispantes. Italo-disco ? Avec sa pêche, sa joie discrète ou sa mélancolie assumée, elle sera parfaite !
(oui, j’adore les posts avec de la musique dedans)
Le culot pour les abordages revient presque aussi vite. Dès que je sors faire une course, j’en profite pour draguer. A la troisième course, approche en direct game sur une MILF métisse dans le centre commercial. Cela n’a rien donné bien sûr (plein de petites choses à recouvrer niveau timing, assurance, etc.). Mais la timidité ne me freinera pas comme à mes débuts, c’est déjà ça !
Mon premier objectif est de me débarrasser du fantôme (ou techniquement la voix anticipatrice de ma conscience), et de recouvrer mon caractère solaire. Je ne sais quels résultats seront nécessaires pour y parvenir.
(nota, "Sur l'Onde de choc" est un excellent bouquin d'anticipation/SF de John Brunner, qui, écrit dans les années 1970, a su voir notre époque actuelle).