Sofia, 16 décembre
Sortie ordinaire : too much.
Avec Sophie_is_happy, on crèche depuis quelques jours chez une nana sympa, Amandine(¹) à Blagoevgrad (Bulgarie de l'ouest). On profite de l'accueil et du courant qui passe super bien pour laisser passer la pluie, la neige et le froid glacial qui ont sévi depuis quelques jours. Ce weekend, on décide de monter à Sofia en stop, le temps de visiter un peu et de sortir.
Amandine a croisé un mec récemment. Didjey(¹), beau gosse avec qui ils s'échangent des mails depuis quelques jours et qu'elle a déjà vu 2/3 fois. Le courant passe bien, et elle lui a dit de passer samedi soir au pub où doit se retrouver pour un concert d'harmonica.
Ayant passé la nuit dehors je suis un peu naze, mais les filles, qui sont arrivées la veille, m'ont assuré que ça valait le coup, alors banco on décolle. Et sur les coups de 11h, on débarque au pub. Ambiance cool, style pub avec du monde mais pas trop. Alors qu'on approche de notre table, un quarantenaire à la barbe de trois jours arrête Sophie. Je comprends qu'il s'agit de l'harmoniciste que les filles ont rencontré hier, et qui doit jouer ce soir. Ou pas : en fait, un souci de son les oblige à annuler le concert, mais il peut jouer juste pour le petit groupe de filles chez un pote, explique-t-il à Sophie en lui prenant le bras.
Il termine son explication par un coup d'œil dans ma direction. Je fais un clin d'œil à Sophie et je souris : Bonjour ! Sophie me présente : « Hey, voici mon mari » (dans les Balkans c'est plus simple de se présenter mariés qu'en couple).
Moment de flottement. «Ah oui, c'est toi le mec qui… bon, ben on se revoit plus tard hein. »
On n'aura plus de nouvelles de la soirée. Pour quelqu'un qui disait la veille à Sophie être passionné par ce que nous faisons, c'est limité comme conversation. Bah, on verra bien dans quelques jours, mais j'ai dans l'idée qu'il risque d'être moins disponible.
En s'asseyant à notre table, on croise Didjey. Tout sourire, plein d'énergie, il fait la bise aux filles et discute quelques secondes. Ça semble être un mec cool.
Bref, on se pose, on discute, il y a quelques personnes qu'on ne connaît pas, d'Arménie, de Géorgie, des States, c'est plutôt cool même si l'ambiance retombe de temps en temps. La musique est un peu forte, et j'ai toujours mon foutu problème à discerner les voix quand il y a trop de bruit, je m'emmerde par moments du coup (vu le niveau de bruit, je peux discuter que en 1-on-1).
J'en profite pour regarder un peu les interactions autour de moi. J'adore faire ça. En gros, une fois la soirée un peu tassée, on n'est plus que 3 mecs autour de la table, pour 5 nanas. Didjey s'est mis en mode alpha-male, mais en regardant un peu je remarque que ça sonne faux. Je veux bien qu'il soit exubérant, mais là c'est too much. J'en fais part à Sophie, qui me fait remarquer qu'il présente systématiquement les gens par leur prénom, alors même qu'il ne leur a pas parlé au delà du bonjour initial. D'ailleurs il ne parle qu'aux nanas. Ça pue l'incohérence à plein nez : quand on est plein d'énergie, on l'est avec tout le monde, pas juste avec les nanas. Ah attends, deux des filles, un peu alcoolisées, suspendues à ses paroles, il m'interpelle par dessus la table, interrompant les conversations :
« Hey Julien, tell me, are those four ladies typical French girls? » (²)
Ha ha, il cherche un pawn ? Mauvais choix mon ami. Jouons !
— There is no such thing as a typical French girl. »
Pas de réponse.
Au bout de 15 longues secondes de silence gêné de sa part, Amandine me sourit :
« Oh, you're a philosopher. »
Dommage qu'il concède la victoire aussi vite, je pensais qu'il aurait plus de répondant. Là encore ça montre à quel point la question était préparée, et à quel point quand ça ne se déroule pas de la manière prévue il n'y a plus rien derrière.
En fait, plus Sophie et moi regardons de près, plus ça sent le mec qui est tombé sur un site FTS-like et applique des recettes de cuisine. On décide de noter, histoire de rire. En moins de vingt minutes, voilà ce qu'on note :
→ Sexue délibérément et sans subtilité (place du gode-ceinture comme un cheveu sur la soupe). Jusqu'à couper une conversation entre deux nanas pour placer une blague de cul. Réception glaciale.
→ Ne parle qu'aux filles. C'est une grosse erreur, d'une parce que du coup je suis là à analyser son game au lieu de déconner avec lui, de deux parce que c'est une incohérence que Amandine n'a pas manqué de remarquer.
→ Exception pour le social-proof : il accueille les arrivants et présente les personnes par leur nom, y compris lorsqu'il ne les connaît pas. C'est pas idiot, mais c'est too much et vite grillé par un regard un minimum habitué.
→ Utilisation sélective de time-bridge : il les fait très détaillés avec sa cible, et pas de time-bridge du tout avec les autres. Là encore, l'asymétrie sonne faux, et montre que c'est une technique et pas quelque chose de naturel.
→ Essaie de jouer sur plusieurs tableaux. Il game à la fois Amandine et, sentant que ses chances glissent, il commence à gamer une autre nana du groupe. Amandine le spotte directement.
→ Commande un gâteau chocolat-tiramisu (qu'il ne touchera pas). Pas mal en soi, mais vu qu'il est le seul à payer depuis 2h ça ajoute le gâteau sur la cerise du too much.
→ Paie des bières aux filles à tour de bras. Je reviens dessus plus loin.
→ Ne boit pas.
La combinaison de ces deux là est malsaine. En moins d'une demi-heure il a commandé 4 pintes sans mouiller ses lèvres. Clairement, c'est délibéré, et d'ailleurs deux des filles commencent à être en piteux état. Sophie_is_happy décide de mettre fin au manège, et sort pour une discussion entre filles aux toilettes, avec Amandine.
Game over. Ouvrons la boîte noire ensemble si vous le voulez bien, après tout on n'est pas là que pour se moquer.
En fait il a le profil typique de ces mecs qui se pointent sur FTS, pensent qu'ils vont juste chopper les techniques et les appliquer et que ça va marcher. Au final, ils sont incohérents, ce qui transpire de chacune de leurs actions sans qu'ils ne s'en rendent compte. Parce que ce n'est pas naturel, parce que ça ne fait pas partie de leur personnalité.
Ici en l'occurence 3 grands axes :
→ je suis un alpha male, j'anime la conversation autour de moi. Probablement avec un catalogue de phrases travaillées. Le souci c'est qu'il n'y a pas de répondant derrière, ce qui fait s'effondrer l'illusion facilement.
→ je suis super social… mais je ne parle pas aux mecs. Incohérence grillée à des kilomètres.
→ je suis à l'aise à parler cul. Ben non, parce que quand on est à l'aise on le télescope pas comme ça si maladroitement. Là ça faisait plus « pour cacher ma timidité je montre ma bite ».
D'ailleurs, Amandine confirmera par la suite que lors de ses 3 dates, il n'a jamais tenté le KC alors qu'elle était open. Pire même, à chacune de ces dates il l'a faite boire beaucoup, et a fini, à la troisième date par
demander « can I kiss you? ». Seriously mec ?
De la bouche de Amandine même, s'il l'avait fait au lieu de demander, elle ne l'aurait pas repoussé. Et il aurait évité de se griller à cette soirée.
Moralité ?
On ne le dira jamais assez : la séduction, ce ne sont pas des recettes de cuisine.
PS: au sujet du fait de payer à tour de bras, je pense que c'est une erreur de calibrage. Le rapport à l'argent des bulgares n'est pas le même, et il est probable que ça marche relativement bien avec les nanas d'ici.
(¹) les prénoms ont été changés.
(²) à l'étranger, les françaises ont la réputation d'être très entreprenantes.