Se re-découvrir.
J'ai grandi. J'ai mûri. J'ai pris de l'âge. J'ai pris de l'expérience. J'ai appris, des erreurs. Je suis plus forte. Je me suis endurcie. C'est chouette parce que je suis plus sereine aujourd'hui. Ça pue parce que je tends vers l'annihilation. Trop, peut-être?
Je disais plus haut que je ne savais pas pourquoi je me sentais pas heureuse là. Au delà du fait que je sois foncièrement depressed, ce qui manquait à ma vie. Ce qui clochait. Et là, tout de suite, ce dont j'ai envie, c'est de retrouver la femme que j'étais, et que j'ai perdu quelque part entre ma période d'adolescence et la période où j'ai dû apprendre à jouer l'adulte.
Depuis 3-4 ans, j'ai le sentiment de m'être perdue. Perdue à vouloir tout rationaliser, à vouloir prendre trop de recul sur les choses, bien que j'en ai les capacités. Pour me défendre, me protéger en fait. Pas contre les autres. Contre moi. Ma sensibilité, mes instabilités, mes insécurités. A ce qu'on me renvoyait d'immaturité, d'irresponsabilité, d'égoïsme, d'instabilité. A vouloir jouer à l'adulte, l'adulte équilibré, l'adulte sain, l'adulte épanouie et en réussite sociale. A jouer la femme sérieuse, ambitieuse, carriériste. A "ça va bien maintenant tes enfantillages". Perdue à vouloir faire taire ce foutu "trop".
J'ai replongé dans mes écrits, du passé, comme je le fais, souvent. Souvent quand j'ai le sentiment de me perdre quelque part, dans ma chronologie. C'est pas juste de par ma peur de perdre la mémoire et le souvenir, de la dépersonnalisation totale et entière. C'est aussi pour me rappeler, pour soupeser, mesurer mon état d'avancement. Qui j'étais, qui je suis, qui je veux devenir. Je garde des traces de l'expression de mon être, finalement.
Il y avait cette femme. En trinôme amoureux, mais plutôt en rôle de maîtresse. Elle s'empêchait de vivre des choses avec moi, même pas par rapport à sa copine. Sa copine routine. Sa copine sécurité. Sa copine matérialité. Mais par induction morale. Par ses jugements de valeur. Et finalement, je l'ai compris plus tard, par sa peur de ma liberté, de mon indépendance, de ne jamais pouvoir me capturer et de me voir m'enfuir. Et puis il y avait moi, là, le "trop". La trop. Je bousculais ses codes. Je bousculais sa vie. Je l'ai senti. Elle m'a demandé ce que je voudrais pour nous. Pour elle, pour moi. Je lui avais dis:
Peut-être, qui sait, si on avait échangé un baiser ce soir là... Tu sais, lorsque nos fronts se touchaient. Nos nez. Notre respiration l’une contre l’autre. Ta bouche se situait, je le sentais, à quelques millimètres de mes lèvres. Peut-être que si on s’était embrassée, on se serait rendue compte qu’il n’y avait que de l’amitié. Mais ça, comment peut on le savoir ? C’est cet interdit... Cet interdit de savoir. D’avoir le cœur net. Est-ce qu’il pourrait y avoir une histoire ? Est-ce qu’on tomberait amoureuse ? Est-ce qu’on vibrerait ? Est-ce que ça me transformerait ? Mais si on me montre autre chose, si on me montre que ça peut être beau et idyllique, alors, je me dis que je n’ai pas à accepter d’avoir peur de la vie. C’est peut-être pour ça que j’ai peur de m’enfermer dans une relation. Que je veux garder ma liberté. Je veux garder cette part de cauchemar, bien présent dans mon esprit. Je veux continuer à me sentir profondément seule, tout en goûtant au plaisir d’être avec l’Autre. C’est peut-être le seul compromis que j’ai trouvé. Je suppose, j'ai parfois du mal à me nuancer.Je ne te demande pas de quitter ta copine... Je demande à savoir. Pourra-t-on se rapprocher, partager d’autres moments ensembles, rire aux éclats, discuter pendant des heures interminables, s’ouvrir l’une à l’autre, se rendre transparente, se regarder dans les blancs des yeux en sentant, en le sentant ce fil invisible qui nous relie, ce lien étrange dont tu parles, et ne se voir que comme des amies ? Tu me demandes ce que je voudrais ? Permets-moi d’éprouver des sentiments pour toi. Laisse toi en éprouver pour moi. Cesse de vouloir faire ce qui est bien, ou juste, la justice n’existe que dans l’esprit de celui qui la conçoit. Mais fait ce que tu souhaites au plus profond de toi, comme si tu n’avais qu’une vie, et que cette vie, elle se vivait maintenant, ou jamais. Ecoute ton cœur, ton corps, et ton esprit. Ne cesse pas d’avoir peur, mais prends du courage. Ne te freine pas d’impossible, mais ouvre toi aux opportunités. Laisse nous nous dire ces mots qui nous brûlent les lèvres. Laisse-toi me voir et me regarder dans les yeux sans honte. Ne rougis pas de ce que tu ressens, mais enivre toi. Délecte toi, love toi dedans, regarde moi, parle moi, serre moi dans tes bras, étouffe moi s’il le faut, effleure moi, touche moi, caresse moi, embrasse moi, mords moi, attache moi, fais moi l’amour, fais moi du bien, fais moi du mal. C’est ça que je veux. C’est toi, sans ombre, sans secret, sans écran, sans censure, sans interdit, sans barrière, sans chaîne. Mais toi, entière, sincère, vivante. Je cherche, je veux trouver cette personne si passionnée que je sens en toi. Je veux la découvrir, je veux qu’elle sorte de cette personne qui ne sait plus où elle va, plus ce qu’elle veut, qui se laisse vivre, qui s’éteint, qui se laisse aller au bon vouloir de la vie, je veux te voir, te sentir vibrer, te voir sourire réellement, t’entendre rire aux éclats, t’entendre dire que ta vie est telle que tu l’as toujours voulu.
J'ai relu et je me suis dit, bêtement "Ce n'est pas possible que ça soit moi qui lui ai écrit ça". Je ne me reconnais pas quand je relis ces quelques lignes. Je me reconnais dans celle à qui je les adressée. Je me demande qui est cette femme, si sensible, si pleine de vie, de rage de vaincre, si prête, si faite pour vivre. Aujourd'hui, je ne pourrai pas exprimer un tiers de ça, à personne. Si on me demande ce que je voudrais, je dirai tout au plus "Tu fais comme tu veux, je m'en fou, prends toi en charge". Elle me manque cette femme que j'étais. Je me manque. Je voudrais retrouver cette sensibilité. Je voudrais vivre ma vie à bras le corps. Tout est paisible maintenant. Qu'est-ce que j'étouffe. Ce que j'aimerai brûler de nouveau. Ce que j'ai de feux éteints. J'ai le sentiment de me laisser vieillir. De ne plus être capable d'animer quoi que ce soit chez moi ou chez l'autre. De garder rien que pour moi et égoïstement mes richesses intérieures.
Et puis il y a une autre femme que j'étais. Celle qui s'avouait :
D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été viscéralement attirée par les plaisirs sexuels. Ce n'était pas de la nymphomanie (qu'on ne saurait confondre), mais une forme d'épicurisme : tous les bons plaisirs, je les prends. Faire l’amour, je le vois comme un truc un peu charnel, un peu salissant, violent, je veux salir l’autre avec ma langue, ma bouche, mes doigts, mon sexe, et je veux qu’il me salisse. Et c'est cela même qui me dicte ma façon de faire l'amour avec les femmes, cela même qui me permet de la toucher et d'en éprouver du plaisir, alors qu'elle ne me touche pas. Je me représente ses plaisirs, le plaisir que je peux apporter à son sexe. Je fais attention à chaque détail, je suis une fine observatrice. J'observe le rythme de leurs cambrures, les moments où elles ne se contrôlent plus et ne cherchent plus la pudeur, comment leurs corps réagissent avec une caresse, une pénétration, une morsure, un frôlement, à des mouvements doux, à des mouvements sauvages... Je veux qu'elles éprouvent du plaisir, et les plaisirs qu'elles éprouvent, je les ressens sur moi. La recherche de l'osmose.
A force de rencontre, je me rends de plus en plus compte que les "belles" femmes me déplaisent. Celles qui décrochent des torticolis aux gens dans la rue. Celles qu'on admire, qu'on désire, et jalouse en même temps. A côté desquelles on se sent toujours laide. Leur beauté finit par me lasser, m'ennuyer. Elle est figée,elle n'évolue pas. Ou bien il y a de ces belles femmes qui pourrissent à vue d’œil, leur visage se décompose et devienne laids quand on apprend à les connaître. Alors qu'il y a de ces beautés humbles mais perceptibles, dans un regard, un sourire, une fossette, des mèches de cheveux, une façon de bouger les mains, une nuque à découvert... des détails qui leur donnent un charme, bien à elles, et à force de les contempler, d'observer finement, en détail, ce qu'elles semblent ignorer, nier, ça brille. Elles sont belles en tout et ne le savent même pas, pas encore. Et chaque jour, un peu plus, leur beauté éclate, à force de cette humilité. Et à l'intérieur, des trésors, multiples, intenses. Et ce sont tout ces détails. Ce sont ces femmes là qui me plaisent. Rien d'arrogant, ni d'extravagant. Juste quelque chose qui ressemble à une délicieuse volupté. Les relations amoureuses que je peux entretenir avec ces femmes, je le vois un peu comme des trésors, que je me garde de détériorer, que je sublime : C'est mon émotion humaine matérialisée. C'est la névrose obsessionnelle que je n'ose avouer que par des jeux de lumière, des matières étranges, des beautés qui surprennent, c'est rendre le laid beau, et le beau laid, c'est découvrir son humanité.
A force de vouloir prendre du recul sur l'idée de la Femme, de vouloir les faire descendre de leur piédestal, de me mettre en posture de celle qui domine, de chercher à faire taire mon âme romantique, en ne me laissant jamais être surpassée, je sens mes relations manquer de naturel, de spontanéité. Je ne prends pas le temps d'embrasser toute ma palette émotionnelle. Je ne me laisse plus tant que ça surprendre par une femme. Je ne lui accorde plus tant de beauté. Je ne me laisse plus être atteinte quand elle disparait de ma vie. Je ne leur donne plus de place particulière dans ma vie. Satine oui, elle avait réveillé ça chez moi. Ça éclatait tellement que j'avais même plus les armes pour les maîtriser. J'accueillais en moi toutes les émotions qu'elle me provoquait, mais je n'arrivais pas à les saisir, c'était trop envahissant, ingérable. Ah oui, parce que, j'ai mis fin à notre relation (pas pour ces raisons à proprement parlé mais, qui sait, peut-être?).
Alors oui, il s'agit pas de faire déferler sa sensibilité dans une tempête émotionnelle. Ça, c'est l'adolescence. Mais quand les gens me sortent que "beh oui, les choses doivent être paisibles, tranquilles, cool", je pense pas qu'ils se rendent compte à quel point je suis intense et à quel point je fais baisser en intensité ma sensibilité, à quel point je me fais mourir pour leur ressembler. C'est pour ça que j'adore ces femmes qui manquent totalement de filtre. Qui pleure 5 fois dans l'heure, qui défaillent de désespoir devant une injustice (ou un même un chien qui mourrait dans un film, tiens), qui hurlent de colère au premier mec qui ose leur manquer de respect. Parce qu'elles se permettent des choses que je ne me permets plus de faire. Je me projette.
Alors ce que j'ai envie, c'est de refaire le chemin à l'inverse. Comme un petit Poucet, grappiller les indices et remonter à la source de mon enivrement, de mes joies et raisons de vivre. Un jour j'ai lu quelque chose comme :
"Quand vous voyez un adulte, gardez en tête qu'il est simplement l'enfant qui a grandit".