Mister P a écrit :Je conseillerais pour ma part de faire un tour d'horizon des notions abordées en philo avec un bon manuel de terminale L. Pour chaque notion, il y a un cours sur une ou deux pages puis des extraits des grands penseurs.
Pas d'accord. Pour faire de la philo il faut y accorder du temps. Lire quelques pages sur une notion nous fait croire qu'on a tout compris, mais cela nécéssite un professeur. Quand on voudra aller plus loin il devra corriger tout ce qui était inexact/trop imprécis. le risque est de partir du principe que le manuel a raison, se faire un genre de cadre mental général, puis tout voir à partir de là. Cela revient à avoir des préjugés sur tout ce qu'on lira.
- On a d'emblée de multiples points de vue sur une question donnée
Et on a l'impression qu'il faut choisir, que tous ces auteurs se disputent, et qu'au fond on dire ce qu'on veut sur une notion puisque personne n'est d'accord. En réalité c'est beaucoup plus subtil que ça. C'est pour cela qu'on ne dit plus jamais (normalement) qu'une dissertation est thèse/antithèse/synthèse. Cela reviendrait à dire une chose puis son contraire, enfin à raccorder comme on peut deux choses qui se repoussent absolument. Une dissertation (je rappelle que la dissertation est la version écrite de la pensée structurée, de la logique à l'occidentale telle que nous l'on léguée les Grecs) est une progression, on entre de plus en plus dans la finesse et la subtilité des concepts, mais en aucun cas la deuxième partie n'annule la première, et la troisième ne reprend aucune des deux autres sans ajouter quelque chose.
- Je pense que c'est un peu audacieux de vouloir commencer la philo directement par les oeuvres
- On pourra commencer l'étude des oeuvres selon ses goûts et après avoir acquis le vocabulaire de base
Ce qui est audacieux c'est de penser retrouver la pensée exacte de l'auteur à partir de résumés. Bien au contraire le plus efficace est de se battre avec les oeuvres. D'autant plus que certaines ne sont pas si difficiles que ça à saisir. A ce propos attention au piège: souvent les plus simples à saisir sont celles qui paraissent compliquées. Par exemple Kant fait de très longues phrases, à la première lecture on ne comprend rien. En fait il y a tout chez Kant, et une fois qu'on a "décrypté" la grammaire on peut saisir l'idée. Chez Nieztsche, ou même chez Descartes, le texte est simple...mais chaque mot compte, il y a même certaines choses à déduire soi-même...l'effort personnel, les capacités de rélexion et la culture philosophique du lecteur sont bien plus sollicités que chez Kant ou Hegel).
Pour revenir à ce que je disais (désolé), il vaut donc mieux lire les oeuvres d'abord. Lire
vraiment: s'arrêter dès qu'on ne saisit pas quelque chose, réfléchir, relire, ... Si vraiment quelque chose est obscur, passer. Plus loin dans le texte il y a de fortes chances pour que la notion soit expliquée différemment ou résumée (mais pour comprendre le résumé il faut déjà avoir cogité). Une fois que ce travail a été effectué, lire des
commentaires (et non pas des
résumés) du type "Que sais-je" - ou plus étendu, ça ne peut être que mieux - permet de confirmer ce que l'on avait compris, et souvent d'intégrer les notions dans un cadre plus général, d'extraire de l'oeuvre les grandes lignes de forces qui la tiennent, ce qu'il est parfois difficile de faire seul.
Voilà mon point de vue. Lire des résumés, c'est bien pour des élèves qui veulent empêcher le bateau de couler avant un examen. Ici les gens ne sont pour la plupart pas des élèves, ils viennent pour comprendre vraiment, exactement les choses. Je leur donne la méthode "académique", qui a fait ses preuves (pour moi aussi, bien évidemment), qui se résume en deux points: pour trouver la pensée de l'auteur, lire l'auteur ; pour saisir la pensée de l'auteur, développer sa culture et sa réflexion personnelle.