Salut,
intéressante discussion, je suis dégoûté de n'y prendre part que maintenant. Spectrum et Llyandre ne sont pas loin d'avoir répondu à la question à savoir : "Comment convaincre son interlocuteur?"
Spectrum m'a coupé l'herbe sous le pied : convaincre se fait autant par le fond que par la forme, et comme l'a dit Llyandre quit à n'être bon que dans un seul domaine, ce devrait être la forme. Je rajoute donc ma pierre à l'édifice :
Etre bon sur le fond :
Disons-le clairement : être bon sur le fond demande un travail titanesque que 99% des gens ne font pas et ne peuvent pas faire : on ne peut tout simplement pas être bon sur le fond sans être au minimum un spécialiste (sinon un expert) du domaine duquel on traite. Or nous n'avons pas le temps d'être des spécialistes et encore moins des experts de tout ce dont nous aimons parler.
Le fond se base sur 2 piliers :
- - l'accumulation et la vérification de la véracité des données : travail titanesque de recherche et requiert des compétences de journaliste en amont,
- la construction d'un point de vue à partir d'une interprétation logique (*) des données : travail titanesque de réflexion et requiert des compétences de logicien en amont.
* : vous pouvez y rajouter la
logique fallacieuse (logique illusoire qui est destinée à tromper) si vous êtes un conn*** de manipulateur.
Retenez bien ces 2 points : c'est à la fois sur cela que vous devez construire votre argumentation et à la fois sur cela que vous devez attaquer votre interlocuteur.
Prenons un exemple (merci de ne pas faire de polémique, ce n'est qu'un exemple!!) :
- Interlocuteur : "Le problème en France c'est l'assistanat"
- Moi : "Précises ce que tu appelles assistanat"
- Interlocuteur : "On paye trop de gens à rien foutre en France"
- Moi : "Donc tu parles des gens qui touchent le chômage et des aides et qui ne recherchent pas d'emplois"
- Interlocuteur : "oui"
- Moi : "Quand tu dis problème tu veux bien dire par là le principal facteur source de la crise économique en France?"
- Interlocuteur : "oui"
Le sujet est défini on peut commencer à débattre
- Moi : "Sais-tu combien il y a de chômeurs en France qui glandent et profitent sur nos cotisations?"
Cas 1 : pas de sources
- Interlocuteur : "plein!"
- Moi : "non mais as-tu une étude sérieuse sur laquelle te reposer?"
- Interlocuteur : "non mais regardes autour de toi bla bla" (crâches son venin)
- Moi : "tu ne peux pas te baser sur ce que tu vois. Généraliser sur 3 mecs que t'as vu glandé n'est pas possible : c'est un échantillon non représentatif. Je ne dis pas que ces mecs ont raison de glander, dis-moi juste combien il y en a en France depuis une source fiable stp"
- Interlocuteur : "je ne sais pas mais regardes"
- Moi : "Si tu ne sais pas combien il y a de gens qui glandent en France sur nos cotisations, tu ne peux rien affirmer. Renseignes-toi et je serai heureux d'en reparler".
- Interlocuteur : "Game over"
Cas 2 : 1 source de mauvaise qualité
- Interlocuteur : "J'ai lu sur un blog qu'il y avait X% des chomeurs qui blabla"
- Moi : "Ce blog indiquait-il sa source?"
- Interlocuteur : "Non mais c'est un blog super bien fait, tu le verrais tu ne douterais pas blabla"
- Moi : "As-tu vérifié sa source oui ou non?"
- Interlocuteur : "non"
- Moi : "Tant que tu n'as pas vérifier la véracité de cette statistique tu ne peux rien affirmer. Vérifies sa source et je serais heureux d'en reparler avec toi.
- Interlocuteur : "Game Over"
Cas 3 : 1 source de qualité
- Interlocuteur : "J'ai lu sur un blog qu'il y avait X chomeurs qui glandaient blabla"
- Moi : "Ce blog indiquait-il sa source?"
- Interlocuteur : "Oui, il y a un lieu sur l'INSEE, je suis allé voir et j'ai vérifié la méthode qu'ils ont utilisé pour établir cette statistique [argumentation juste]"
Note : à partir de là vous admettez que le débat est possible sous réserve que votre interlocuteur ne vous ment pas sur sa source ce que vous vous devez de vérifier par la suite.
- Moi : "Ok donc es-tu capable de chiffrer la perte que représente ces X chômeurs sachant que leur argent est réinvesti dans l'économie"
Cas 1 : pas capable
- Interlocuteur : "Mais tu te rend compte : X con*** de chomeurs qui [crache son venin]. C'est abusé tout ce qu'on perd!"
- Moi : "Es-tu capable de le chiffrer approximativement Oui ou non?"
- Interlocuteur : "non"
- Moi : "Ok donc chiffres-le et nous pourrons continuer ce débat la prochaine fois"
- Interlocuteur : "Game Over"
Cas 2 : capable
- Interlocuteur : "Oui ca fait approximativement tant de X euros de perdu"
Demande de justifier son calcul, on va dire que son calcul est bon
- Moi : "As-tu calculé combien représenter les autres principaux facteurs de crise économique en France?"
Non => Game Over
Oui + calculs justifiés => Continue
- Moi : "Donc comparons les principaux facteurs de crise économique de la France avec celui des chômeurs qui glandent"
Selon les chiffres, on pourra donc conclure si oui ou non le 1er facteur de la crise économique en France c'est l'assistanat. En admettant que cette conclusion donne raison à l'interlocuteur, le débat devra évoluer vers les solutions à ce problème avec la même rigueur intellectuelle : une rigueur que seuls les experts peuvent avoir (on peut être un expert sans que ce soit notre profession mais ca demande de sacrifier beaucoup de temps libre).
Cet exemple vous montre comment construire une argumentation (rôle de "interlocuteur") et comment détruire une argumentation (rôle de "moi"). Tout de suite, c'est plus compliqué que ce au quoi on est habitué : les gens se préoccupent plus de défendre leur égo à travers leurs avis (qui ne sont que des croyances vu le peu de pertinence qu'ils ont) que de se forger des avis solides et de valeurs. La mauvaise nouvelle à la lecture de ceci c'est que vous ne devez plus avoir grande estime de vos points de vue. La bonne nouvelle c'est que vu que tout l'monde est comme vous, il vous suffira d'être moins mauvais que votre interlocuteur sur le sujet pour le convaincre de votre avis (tout aussi faux que le sien

). Si vous voulez progresser sur le fond, faîtes le minimum journalistique et surtout travaillez votre logique. Aristote est le premier a avoir approfondi la logique (cf : l'Organon d'Aristote) à travers l'une de ses formes : la logique formelle (syllogismes etc..). Il l'a approfondi par nécessité pour combattre les Sophistes qui étaient de grands spécialistes de la
logique fallacieuse et cela lui a permis de prendre le dessus sans difficultés (sources oubliées et à vérifier). Bref, suivez son exemple : développez votre logique pour être meilleur en argumentation.
Etre bon sur la forme :
Pendant des années, peu d'interlocuteurs ont pu me tenir tête dans des débats car je ne savais que trop bien comment détruire leur argumentation. Avec le recul ça n'a que rarement servi car j'étais aussi mauvais sur la forme que j'étais bon pour détruire les argumentations. Il m'a fallu le temps mais j'ai fini par comprendre : vous pouvez avoir la meilleure argumentation du monde et même faire dire oui à votre interlocuteur; si vous ne ménagez pas son égo cela ne sert quasiment à rien. A ce propos je reprendrais une des citations reprises par Dale Carnegie :
Homme convaincu malgré lui, reste toujours du même avis
Et une de Dale Carnegie lui même :
C'est par le cœur qu'on atteint l'esprit des hommes
Le principe est simple : tout homme est dôté d'un égo surdimensionné et il est plus important pour lui de défendre son égo que d'avoir raison. Il faut d'abord que la forme soit correcte (on passe par le cœur...) pour que le fond fasse mouche (...pour atteindre l'esprit). Imaginez l'égo de votre interlocuteur comme une montagne immense et inébranlable dôté d'un seul et minuscule passage : celui du respect et de la considération pour votre interlocuteur. Soit vous passez par ce passage, soit vous êtes parti pour creuser à travers une montagne. Autant dire qu'il va falloir être persévérant pour percer, et quand cela sera fait il y a de fortes de chances pour que cela ne vous mène pas au même endroit que le passage qui était disponible.
Quand je dis qu'il faut respecter et considérer son interlocuteur c'est très subtile. J'ai déjà donné un
exempleà ce propos. Au respect de l'ego, il faut aussi ajouter la clarté du discours : vos idées doivent être claires dans votre tête pour qu'elles le soient en sortant de votre bouche. N'hésitez pas à faire une pause pour remettre de l'ordre plutôt que parler pour rien dire. A priori si vous êtes bon sur le fond (donc la logique, le raisonnement, la structure) vous aurez discours clair et synthétique.
De façon général pour la forme, je ne peux que vous conseiller de vous procurer
Comment se faire des amis de Dale Carnegie qui vous apprendra le minimum et l'essentiel de la forme.
Amicalement,
Logrus
P.S : Valmont je comprend exactement ce que tu veux dire : je suis comme toi un cartésien blasé par tant de stérilité. Mais je t'enjoins fortement à accepter tes torts, comme j'ai accepté les miens (il me semble que ce sont les même) : apprends à respecter et à considérer tes interlocuteurs et ils seront sensibles à tes idées. Nous sommes les propres causes de la stérilité d'un débat par notre brutalité psychologique dont nous n'avons pas conscience car nous nous bornons à réduire la communication aux idées alors qu'une personne est bien plus que cela, et avant tout un être de sentiments. N'abandonnes pas!