Cyrano de Bergerac, l'AFC à la pointe de l'épée

Note : 23

le 20.05.2012 par Terrigan

15 réponses / Dernière par Spring le 03.07.2012, 12h01

Parce que des fois, on fait autre chose que regarder Netflix. Partagez et discutez ici de ce que vous aimez et de ce qui vous intéresse.
Je suis mitigé, Terrigan. Je vais faire un peu l'avocat de Cyrano, puisque personne n'a voulu défendre autre chose que son panache ou le style de l’œuvre. Moi, c'est pour le personnage-même que je veux m'engager... Mais je lui assènerai tout de même quelques coups à la fin. :wink:

Je pense que notre époque a perdu une capacité "d’enivrement" que possédaient encore les anciens. Dans notre époque désabusée, plus de chevaliers prêt à mourir dans un duel à cause d'une baffe, ou pour une noble cause.

Ce qui est beau chez Cyrano, c'est cette capacité à engager toute son âme et à risquer mille périls pour préserver l'image qu'il a de lui-même, et pour suivre ses propres valeurs. Il se sait être un prince, et il est prêt à affronter le monde entier pour préserver son idéal personnel.

Il ne se croit pas capable de séduire la fille, et tout en s'abandonnant complètement à son élan du cœur, dans un désespoir fou, il se sacrifie tout de même pour son concurrent. Pas par faiblesse; par magnanimité. Pourquoi il ne "tente pas son coup", en avouant son amour? Toujours par honneur: il ne peut souffrir, en tant que Prince d'âme, d'être ridiculisé.

Certes, il peut paraître ridicule, mais tel est la nature du dramatique, du pathétique, de toujours être à un doigt du burlesque.

Et c'est ce même burlesque qui fait la grandeur des héros, de ceux qui refusent de balancer un nom sous la torture, même celui d'une personne haïe, parce que ce serait s'abaisser à l'indignité, perdre toute valeur à ses propres yeux. Et le héros meurt heureux, grand d'avoir maîtrisé la mort, la souffrance et la peur, et lance un regard victorieux et moqueur au bourreau, qui est humilié par tant de noblesse... Enfin, vous m'avez compris (sérieux) :lol: ): ces héros ne sont pas des AFC, qui, eux sont guidés par la faiblesse et la peur!

Cependant, et c'est là que je rejoins Terrigan, il existe de nombreux héros qui ont cette force morale de faire plier le monde plutôt que de s'y plier, et qui cependant ne peuvent même pas éveiller le doute d'Afcisme ou pas, tellement leur force est évidente, et je les préfère largement à des Cyrano et à des Cid. Mon auteur préféré, Joseph Kessel, ne consacre sa plume qu'à de tels hommes, et il parle d'expérience, je vous conseille notamment le très beau et épique Les cavaliers, ou, plus connu, La condition humaine de Malraux, et enfin, l'histoire de Don Juan, qui ne cesse de défier les Cieux dans une exigence de liberté entière, et en mourra, puni pour ses blasphèmes...

Tous ces livres démentent l'avis de LuxLisbon selon lequel seuls les losers émeuvent, enfin en tout cas pour moi :wink: Pourquoi? Parce que le plus orgueilleux, le plus fier, le plus courageux des héros possède ses faiblesses humaines, et j'en suis arrivé à un stade d'exigence où je ne suis ému que par les faiblesses des "forts" et ne ressens que mépris pour les "gentil loser antihéros" qui restent dans leur marasme de médiocrité et se complaisent dans leur collection de défauts. Je dirais même que je suis ému par l’héroïsme et la soif d'absolu qui l'accompagne, alors que c'est pas le truc émouvant d'habitude.

My 2 cents... :wink:
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] Intéressant le 30.06.12, 08h32 par Terrigan
Iskandar a écrit :Tu viens de me confirmer un truc dont récemment je commençais à me douter. Je n’ai, mais alors pas du tout la même vision. Pire, ce n’est que récemment que j’ai réalisé que sincèrement, des gens trouvaient les loosers beaux (je sais, je dois paraître sacrément à côté de la plaque en disant ça…), confirmé depuis par un pote.
Tu pourrais détailler si tu peux STP. Qu’est-ce qu’il y a de beaux chez les loosers. Même du côté de l’art. Quelles « vraies » émotions sont-ils à même de nous faire ressentir ? Sincèrement, je ne comprends absolument pas. Je lirai le livre conseillé, mais si tu avais un peu de temps pour résumer l’essentiel en quelque lignes…
Mais tu le dis toi-même, puisque tu parles de "vraies" émotions. Les losers sont vrais. Ils sont humains. Ils ne gagnent pas à chaque coup. Et ils l'acceptent, parfois, parce qu'ils sont suffisamment humbles pour savoir qu'on ne peut pas toujours être devant.
Je n'ai jamais eu l'esprit de compétition, et même si j'essaie de réussir dans ce que je fais, il m'est arrivé d'échouer. Ceux qui ne supportent pas l'échec sont des gamins immatures. Vouloir s'améliorer est une bonne chose ; ne pas avoir conscience qu'on ne sera jamais parfait en est une autre, révélatrice d'un narcissisme que j'abhorre.
J'aime les humains, et j'aime leurs faiblesses. Elles sont toujours bien plus touchantes et intéressantes que les forces qu'on étale de manière obscène, afin de se faire mousser un peu plus.
Et je rejoins Padawan sur une chose : les forts qui faillissent, voilà ce qui m'intéresse, me plaît. Un mec qui a le monde à ses pieds, mais vient tromper sa femme dans mes bras, parce qu'il n'est pas heureux. Voilà ce qui me touche, bien plus que les super-héros : ils n'existent pas, de toute manière...
Ben c'est impressionnant, mais comme je disais, je ne partage absolument pas cette manière de voir, et jusqu'à récemment...

Ce serait un sujet intéressant de savoir comment se construit la sensibilité des gens. Mais là, je n'ai aucune piste.
J'aimerais pas dire, mais les oeuvres d'art litéraire ne sont pas des manuels de développement personnel. Ce sont des œuvres d'art, qui répondent à une logique qui ne se résume pas à "faites ceci, faites cela". Pour ça, faut lire Stéphane Édouard, Mystery, Christophe André, ou suivre un coach.

Mais ce n'est pas de la litérature. Et les grandes œuvres ont à nous apporter bien autre chose.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] Absolument le 02.07.12, 19h46 par Blusher
  • [0] Développe stp le 02.07.12, 20h23 par Iskandar
0 (Developpe stp) le 02.07.12, 20h23 par Iskandar
Je vais répondre d'abord par une question. Pourquoi lis-tu de la litérature, Iskandar ?

Moi, quand j'en lis (actuellement, pour des raisons de temps, malheureusement, je n'en lis pas beaucoup), je n'en lis pas pour voir à quoi ressemble un modèle de ce qu'est l'homme idéal auquel même éventuellement j'aimerais tendre.

J'en lis pour m'imprégner de quelque chose de beau. J'en lis pour découvrir un univers qu'un auteur a créé. J'en lis pour voir comment un auteur perçoit, présente, décrit une réalité et des choses de la vie que je ne connais pas.

Lorsqu'on lit Cyrano, on lit l'histoire d'un homme qui se fourvoye. Mais est-ce inintéressant pour autant ? Au contraire, c'est d'autant plus intéressant. Car ses erreurs, son erreur, celle de croire que son défaut le disqualifie, c'est l'erreur la plus commune qui soit. Le voir, le lire, ça nous renvoie à une réalité humaine la plus universelle, celle qu'on connait tous, avant ou après. Cyrano n'est pas un héros, c'est un anti-héros, et c'est ce qui le rend intéressant et c'est ce qui fait que tout le monde peut en tirer un enseignement. Pas besoin d'être passé par la révélation FTSienne, Spikeienne ou Mystérienne pour comprendre que Cyrano s'était planté. Je l'avais compris lorsqu'on me l'avait fait lire au lycée (peut-être qu'en l'occurrence, mes profs n'avaient pas trop mal fait leur taf).

Cyrano, ça nous donne un certain regard sur l'humain qui nous enrichit d'autant plus que son personnage est pathétique. Mais il est pathétique en ce qu'il est nous, il est profondément nous.

Bref. Je ne lis pas de la litérature pour devenir un alpha. J'en lis pour m'enrichir, pour nourrir mon esprit.

En ce moment même j'écoute un concert de Bach. Bach est profond, triste, puissant dans sa précision et son angoisse musicale presque mathématique. C'est pas ce qui va me donner envie d'aller baratiner de la jolie fille. J'en aurais peut-être envie demain. Peu importe. Pour l'instant j'écoute quelque chose de grand. Très peu alpha, mais tellement humain.

Mais on peut aussi faire comme le faisait "feu" champion et ne jurer que par une soit-disant "litérature" qui n'a comme seule utilité de montrer la voie vers plus d'"alphaness". Ne lire que du développement personnel, et éventuellement de la bonne litérature soigneusement choisie en fonction du degré de "gagnance" des personnages. Pourtant, je ne suis pas certain que ça rende vraiment plus gagnant. En tout cas, personnellement, ça ne m'intéresse pas.

Ni le monde, ni l'art, qui en est une sublimation, ne se résume à un combat entre "AFC" et "PUA", à une opposition entre "perdants" et "gagnants", bordel. Si certains le croyent, il est temps qu'il oublient un moment le monde de la séduction et du "devpers" pour redécouvrir d'autres réalités.

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PS: ça n'empêche pas que je trouve le post de Terrigan génial. Enfin, à supposer que s'y trouve la bonne dose de second degré que j'y suppose.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] 100% d'accord le 03.07.12, 19h03 par LuxLisbon
Histoire de mettre mon grain de sel:

il n'y a que moi qui voit Cyrano (de Edmond Rostand) comme une oeuvre de propagande? Et particulièrement virulente, avec ça?
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