Bonsoir Sahasrara, je passe un peu après la bataille et j'espère que tu me liras : ce sujet m'inspire et j'espère pouvoir apporter quelque chose d'utile. Je prétends pas avoir la solution, et je pense que ce que tu recherche, c'est juste des réflexions différentes, des occasions d'ouvrir tes perspectives à un moment où tu bute. Je vais donc te donner ma vision des choses, et tu prendras ce que tu veux dedans.
Depuis le début de cette discussion, une chose me revient en permanence, c'est une intuition seulement : c'est que tu as peur de toi. C'est complètement différent du manque d'estime de soi, à mes yeux. Surtout dans ton cas, où tu semble consciente des ressources dont tu dispose.
J'ai l'impression qu'il y a des pans entiers de toi que tu as barricadés dans un bunker. Tu as peur de ce qui se passera si tu te laisse aller à être comme tu es dedans. Alors ça peut rejoindre le regard des autres d'une certaine manière, mais c'est surtout par rapport à toi en fait.
Il y a forcément une raison quand on rationalise ses relations à ce point, quand le cerveau est l'organe dominant. C'est un poison mais ça peut être une force si on apprend à le contrôler. Ce que tu as commencé à faire, à priori.
Le truc à prendre en compte, c'est que tout n'est pas que rationalisation. Et en terme de comportements humains, tu as peut-être constaté qu'en dépit de tout le contrôle que tu peux t'imposer, il y a du "toi" qui ressort de temps en temps, qu'en bonne cérébrale, tu vas analyser après pour y donner le sens qui te convient. C'est la rationalisation à posteriori, et ça n'a pas de sens parce que de base, certaines expériences sont faites pour être vécues et pas pensées.
Et ça va se ressentir dans les interactions, parce que peu de personnes réfléchissent si loin si je m'en réfère aux gens que j'ai pu côtoyer jusque là. Ça ne les rend pas moins intéressants, mais il faut pas se cloîtrer derrière notre réflexion tellement mieux que tout. Démonstration :
A ma décharge, il m'est arrivé de m'ouvrir à eux mais de me rendre compte que d'attendre d'eux qu'ils puissent me soutenir et me guider comme je l'avais fait pour eux, c'était placer la barre trop haut... Car je ne récoltais souvent que de la compassion assez maladroite -dans le meilleur des cas - et finalement peu de conseils avisés de leur part.
Tu espère donner aux gens un appui pour leurs problèmes psychologiques, sur comment aborder leur fonctionnement. C'est louable, et d'ailleurs l'altruisme aide à fonder de belles relations. Seulement, tu espère qu'ils te rendent la pareille de la même manière. Ils n'en sont peut-être tout simplement pas capables : ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas autre chose à t'apporter. Et au niveau d'introspection où tu en es, non seulement je n'ai pas l'impression qu'ils aient la possibilité de t'apporter ça, mais en plus, tu vas avoir besoin de prendre ce qu'ils ont à te donner. Peut-être moins de temps à refaire le monde et la psyché autour de cafés, plus de temps à s'amuser, à laisser un peu sortir qui tu es, expérimenter.
Sahasrara a écrit :Et effectivement, c'est ce qu'il s'est passé. On pourrait croire qu'il s'agit d'une prophétie autoréalisatrice mais je n'avais aucune idée de la façon dont cette relation allait se terminer, et pourtant ce fut pile la leçon dont j'avais besoin, car elle a actionné le levier le plus douloureux chez moi, c'est à dire la peur de l'abandon.
Tu dis : "Je m'y attendais, et c'est arrivé"
Je lis : "Je m'y attendais, et je l'ai fait arriver"
Et tu seras plus ou moins d'accord avec moi, quant au rôle de notre perception des choses sur l'inconscient :
Mais n'oublies pas qu'il s'agit d'un sentiment d'abandon, pas d'un abandon à proprement parler.
Sahasrara a écrit :Pour l'inconscient c'est la même chose...
Donc tu es d'accord avec moi sur le fait que, peu importe que ce soit vrai ou pas, l'important c'est ce que tu crois. L'inconscient te renverra les moyens nécessaires assez vite.
C'est là que tu peux utiliser ta capacité à rationaliser pour faire plier la façon dont tu interprète les choses. Dans une certaine mesure, tu peux prendre les problèmes sous plusieurs angles différents, et c'est dommage de choisir le pire pour ce que tu attends de l'existence.
Et dans tous les cas, une relation ne doit pas forcément être "fonctionnelle". On n'est pas condamné à être le psychothérapeute de son mec/sa nana, de ses potes. Il y a d'autres choses à partager, qui valent autant le coup.
Et puis, c'est juste se condamner à une existence froide et solitaire que de refuser les moyens d'expression de ses proches. Une attention est une attention, peu importe qu'elle ne soit pas au niveau de ce que tu aurais fait dans ce domaine précis. C'est un peu comme dire à un gamin que son dessin est moche : on le pense tous mais c'est pas la réussite de l'oeuvre qui fait son charme. Ton entourage a peut-être autant envie de t'aider à sa manière, que toi à ta manière... qui sait ?
Oui vous l'aurez deviné je ne crois pas au hasard...
Je ne suis pas surpris. Il faudrait lui laisser un peu de place, peut-être ?
La petite citation de la fin :
Le Dictateur, Charlie Chaplin a écrit :Nous sommes inhumains à force d'intelligence.