Re: Strange Days
Posté : 25.12.12
En ce moment, quand je ne suis pas en train de boire, de fumer ou de me branler, je lis des livres. A très haute dose. A ce rythme-là, j’aurais bientôt écumé la totalité des œuvres traduites en Français d’Edouard Limonov, mon écrivain favori. En deux semaines, j’en ai plié trois : Le poète russe préfère les grands nègres, Histoire de son serviteur, et Le dos de madame Chatain. Ça va laisser un grand vide, quand je les aurai tous lus. Il est en quelque sorte mon compagnon de malheur. L’excité dans le monde des fous tranquilles. Un trublion aussi sensible, violent, orgueilleux et complexe que moi. « Agent aveugle et sourd de mystères funèbres, une âme de malheur faite avec des ténèbres ! » Limonov vit toujours. Il est actuellement opposant politique en Russie. Je le rencontrerai peut-être un jour. Ou peut-être pas. Je n’escompte pas lui trouver facilement un remplaçant, mais je ne serais jamais à cours de bouquins à dézinguer. Je compte passer à Marc-Edouard Nabe, ensuite. Ou Rebatet. Et puis je dois impérativement finir Mort à crédit… et trouver le temps de baiser, avec ça.
La dernière fois que j’ai vu Sarah, la rouquine qui me sert actuellement de compagne, ce ne fut pas franchement une réussite. Enfin quoique. Comme d’hab, nous avons commencé par picoler du blanc en écoutant du jazz, puis Charles, mon colocataire, s’est joint à nous pour fumer un pétard. Du shit dégueulasse, car trouver de l’herbe dans ma ville est aussi simple qu’arracher un orgasme à Christine Boutin. Après ça, j’avais encore envie de picoler et déconner un peu, mais elle s’est allongée sur mon lit en fermant ostensiblement les yeux. Difficile de faire plus explicite. Charles s’est barré, j’ai éteint la musique et me suis pieuté. Je l’ai doigtée une première fois, lui arrachant quelques râles encourageants, avant de descendre m’occuper de sa chatte avec ma langue. Ce coup-là, ça lui a plu, je peux le garantir. Elle mouillait, et pas qu’un peu. On s’est caressé un moment, je me souviens que je bandais, mais, je ne sais plus trop pourquoi, je ne l’ai pas prise. Un peu plus tard ; j’ai recommencé à la doigter. En plongeant mon majeur bien au fond, j’ai atteint une sorte de cavité ultra-sensible (le deep spot ?). En la stimulant un moment, j’ai obtenu des effets spectaculaires. Ensuite, elle a voulu que je la prenne, mais sur le moment, plus moyen de bander. J’y arrivais pourtant quelques minutes plus tôt à peine. Je me suis efforcé de penser à Katie Holmes en minijupe et ballerines noires, mais rien à faire. Ensuite, j’ai dû m’endormir pendant qu’on se caressait.
J’ai définitivement des trips sexuels totalement perchés, et il faut certaines conditions bien précises pour qu’une nana m’excite. Ce n’est visiblement pas le cas de celle-là. Pas pour l’instant, du moins. Quel bordel. J’envie ceux qui sont capables de fourrer n’importe qui, n’importe quand, sans conditions. Si j’étais comme ça, je n’aurais jamais la moindre trouille d’aller au pieu, et je défouraillerais comme un lapin. Et je me servirai plus souvent de ma queue, au détriment de mes doigts et de ma langue. Foutue nature qui m’a fagoté comme un charlot. Mais je ne désespère pas encore de trouver un moyen de me débarrasser de mon appréhension et de faire se dresser mon outil sur simple commande. Et là….
Mercredi soir, j’avais envie de me la coller. On est d’abord sorti s’envoyer quelques bières dans un bar avec Charles et quelques autres compères. Comme le bar était moche, on est retournés chez moi pour continuer à boire et fumer des joints. Ensuite, ça devient très flou. Je me suis retrouvé dans un grand appart’ vraisemblablement habité par des nostalgiques de l’union soviétique, qui avaient fait toute la déco en conséquences. Affiches de Mao et objets d’époque compris. J’étais complètement pété. Je me suis mis je ne sais plus comment à discuter avec une Clémence, qui avait fait des études littéraires. J’adore les nanas qui font des études littéraires. Je suis foutrement incapable de me rappeler de quoi on a bien pu parler. De littérature, probablement. Mais le courant passait bien. Je voyais que je lui plaisais. Je le précise parce que c’est tout nouveau, je ne voyais jamais ce genre de trucs avant. Là, je la voyais se passer la main dans les cheveux, se mordiller les lèvres, je notais un imperceptible changement dans son regard. Ça me dopait aux hormones. Manque de bol, elle partait pour six mois au Pérou le surlendemain. J’ai pris son numéro au cas où, miroitant une unique baise d’adieu jeudi, pour la fin du monde. Classe. Hélas, ça s’est pas goupillé correctement. Tant pis.
Dans la chambre où j’avais mis mes fringues, j’ai repéré une barrette de shit, sur une cheminée hors d’usage. Ni une ni deux, j’ai certifié à Charles que je repartirai avec cette foutue barrette. Problème : au moment où je comptais me barrer, trois types (dont le propriétaire des lieux, de la chambre, et vraisemblablement de la barrette) discutaient en cercle juste devant la cheminée. Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie… pardon. J’étais baisé. Mais tandis que le désespoir s’emparait de moi, j’ouvris machinalement une porte dans le couloir, et me retrouvais nez à nez avec… le disjoncteur. Ce qui m’inspira immédiatement un plan machiavélique. Je retournais dans la chambre qui renfermait la cheminée, et donc la barrette, et me mêlais au groupe des trois mecs en train de discuter. Au bout de trente secondes, il fit subitement nuit noire. Mon comparse venait de faire sauter les plombs avant de filer à l’anglaise. Sa part du boulot était accomplie, il me restait à faire de même. Ce ne fut pas très compliqué. Sitôt les lumières éteintes, les trois types bourrés et défoncés qui m’entouraient émirent simultanément un « ho ! » où se mêlaient surprise et dépit, et se ruèrent dans le couloir pour voir d’où venait le problème. Ni une ni deux, je chopais la barrette, marchait en sifflotant vers la porte d’entrée, dit au revoir à quelques personnes et fichait le camp en toute impunité. Victoire. Pitoyable forfait mais grosse satisfaction.
Le lendemain, j’ai accueilli François, un ami de la capitale descendu pour le week end. Il est blond, plait beaucoup aux femmes et possède un engin à faire rougir un noir. Après un pétage de crâne effectué dans les règles de l’art, je l’ai emmené à une soirée en centre ville. Pas de communistes cette fois-ci, mais de bonnes réserves de liqueur et une bande de marioles bien décidés à tout donner pour la dernière soirée de leur vie. Parce que oui, jeudi 21 décembre, c’était la fin du monde. Il y avait deux meufs qui me plaisent beaucoup. La première, c’est Violette, je vous en ai déjà parlé. Elle s’est ramenée déguisée en extra-terrestre, un costume un poil ridicule composé d’une robe flashy, d’une cape vert pomme et de fausses antennes en papier alu. J’ai surpris deux meufs qui ne peuvent pas la saquer se foutre copieusement de sa gueule. Ça m’a beaucoup touché. D’abord parce que quand une nana me plait, le fait d’entendre ses « rivales » se foutre de sa gueule me fait de la peine pour elle, me donne envie de la choyer et de la protéger. Ensuite parce que je trouvais ça craquant qu’elle se soit déguisée comme une gamine, quitte à prêter le flanc aux moqueries en tous genres. E plus, cette fille a un beau visage et une poitrine tout à fait correcte, mais ses atouts s’arrêtent au niveau de la ceinture. Elle a un cul vraiment énorme, et des jambes un peu mal foutues. Ses genoux se touchent. Ça rebute pas mal de mecs. Moi, ça me rend dingue. Ma pauvre petite princesse que certains ne regardent même pas à cause de ses jambes… Rien que pour ça, je lui donnerais tout l’amour qu’elle voudrait. Bref, je m’égare, encore une fois.
Il y avait aussi Emmanuelle. Elle est bourrée de qualités, Emmanuelle. Par exemple, elle est petite. Un adage dit que « qui se ressemble s’assemble », un autre que « les contraires s’attirent » : difficile de s’y retrouver dans un merdier pareil. Mais une chose est certaine : j’adore serrer une naine dans mes bras du haut de mon mètre 90. Et puis, elle a des grands yeux. Immenses. Malheureusement, ses goûts musicaux sont à chier. On peut pas tout avoir. Globalement, j’ai passé la soirée entre ces deux nanas, François, un hippie qui retape des maisons en montagne, un type qui avait adoré une blague que j’avais faite sur les portugais à une soirée précédente (aucun souvenir) et qui tenait absolument à ce que je lui en raconte d’autres, et le cubi de vin espagnol que j’avais rapporté. Quelqu’un avait distribué des « missions » aux invités, à savoir des petits papiers indiquant le nom d’une personne présente et une chose à lui faire subir. Je ne sais pas ce qu’Emmanuelle avait d’inscrit sur le sien, mais nous nous sommes retrouvés tous les deux dans la salle bain, elle en train de me tartiner du gel coiffant sur la barbe, et moi en train de peigner en arrière ses cheveux imbibés du même gel coiffant. J’étais relativement bourré, et elle m’excitait. Je me souviens que la scène a duré un moment, qu’elle a tenté de sortir mais que je l’ai ramenée contre moi en l’enveloppant avec une serviette. Mais je ne me souviens pas l’avoir embrassée.
Violette me harcelait en permanence pour que je vienne fumer avec elle. Elle fait partie de ce cercle restreint de personnes qui ne fument qu’avec quelques verres au compteur, et qui du coup n’ont jamais de clopes sur eux et passent leur temps à taxer. Je l’envoyais chier une fois sur deux. Le reste du temps, j’acceptais.
Un peu plus tard, je me suis retrouvé dans la cuisine en compagnie de la colocatrice de Violette, Jenny, une fille avec l’accent du sud et un caractère bien trempé. Elle a pour habitude de me traiter de pédale et autres trucs du genre à chaque soirée. Comme ce soir-là, elle ne l’avait pas encore fait, je suis venu quémander.
« Allez quoi, rien qu’un petit « homo refoulé ! »… »
J’ai dû finir par trouver les mots justes puisqu’elle m’a carrément collé une tarte. Amicale, bien sûr. La prochaine fois que je serai au pieu avec une nana, je lui demanderai de m’en mettre une. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me plait. Ensuite, Violette m’a longuement parlé de ses complexes sur le balcon.
« Mon physique, je m’en fous, on m’a souvent dit que j’étais jolie. Mais personne m’a jamais dit que j’en avais dans le crâne. Ça me manque. »
Je ne sais plus ce que j’ai répondu. Je venais de fumer de la marijuana et j’étais un peu à l’ouest.
J’ai demandé à Emmanuelle de me rincer un verre dans la cuisine. Elle l’a fait. L’espace d’un instant, je me suis senti l’âme d’un bon père de famille à l’ancienne. Ensuite, elle est partie. Je lui ai dit au revoir sur le seuil. J’ai dû être un peu trop expressif, puisque François, qui avait vu la scène, en a profité pour me rappeler que j’étais censé être en ménage. La soirée commençait à se vider. Violette m’a demandé de l’accompagner chez elle pour une sombre histoire de pull col roulé bleu marine. En, bref, un pote à moi l’avait emballée il y a quelques mois et elle était rentrée avec son pull, qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de lui rendre. Son appart était juste à côté, mais il faut monter six étages pour y accéder. 103 marches pour garder la forme. Je l’ai suivie dans sa chambre, elle m’a donné le pull. Je me suis un peu attardé, je sentais qu’on hésitait autant l’un que l’autre. Mais je me suis contenté d’offrir sa joue à mes lèvres. J’étais visiblement trop sec pour avoir du cran.
Nous avons pris le chemin du retour avec François. Par hasard, nous sommes passés devant son ancien immeuble.
« Ed… tu te rappelles de mon voisin du dessous… Ramez ? »
Un peu que je m’en rappelais. Un connard de portuguais quadragénaire, obèse et fasciste du sommeil. Le genre de loser qui n’a rien dans la vie et dont le seul plaisir se résume à emmerder les autres. Un faible habité par le ressentiment. Friedrich l’aurait adoré. Il nous avait emmerdé à maintes reprises pour des broutilles. Il était 3h00 du matin. La fin du monde approchait. Le moment idéal pour une petite vengeance personnelle. Par chance, le code de l’immeuble n’avait pas changé. Nous sommes montés silencieusement jusqu’au deuxième étage, et, nous plantant tous deux face à la porte de Ramez, l’avons copieusement arrosée de pisse. Avant de décamper, j’ai tambouriné comme un sourd sur sa porte en hurlant :
« POLICE !! OUVREZ !!! POLICE !!!! »
Puis nous avons mis les bouts en vitesse. Un grand moment. Je chialais encore de rire en arrivant chez moi. François s’est pieuté quasiment tout de suite, la vinasse ayant vraisemblablement eu raison de lui. Moi, je tenais à vivre pleinement les dernières heures de l’humanité. Je me suis assis dans mon fauteuil à bascule, un joint dans une main et un verre de vin espagnol dans l’autre. Mes enceintes ont commencé à jouer My way, de Frank Sinatra. Idéal pour le crépuscule d’une vie. And now, the end is near, and so I face the final curtain… Je me repassais les temps “forts” de mon existence. Il n’y en avait pas beaucoup. My friend, I’ll say it clear, I’ll state my case, of which I’m certain. Il y avait d’abord, bien sûr, toutes celles que j’avais baisé, embrassé, ou même désiré. Ce sont elles qui jalonnent une vie. Sans elles, nous ne valons pas grand-chose. I’ve lived a life that’s full, I’ve traveled each and every highway... Il y a tous les bouquins que j’ai lu, aussi. Enfin, pas tous. Les meilleurs. Ça, je garde. Et puis tant d’autres trucs qu’il ne sert à rien de raconter. Mon verre était presque vide. And more much more than this, I di dit my way…
Je reposais mon verre au moment où retentirent les dernières notes. J’étais prêt. J’aurais bien vu un final grandiose, du genre une première baise spectaculaire avec Emmanuelle. Ensuite, je l’aurais serrée contre moi en attendant la fin. Tant pis, c’est raté pour cette fois. Les premières explosions retentirent au dehors en même temps que les premières notes d’Hallelujah, de Leonard Cohen. La meilleure version. A ciao bonsoir ! Qu’est-ce que je ferais s’il me restait encore des dizaines d’années devant moi ? Les chœurs commençaient tout juste à entamer « Hallelujah » lorsque la terre s’arrêta de tourner.
E. Dolokhov
La dernière fois que j’ai vu Sarah, la rouquine qui me sert actuellement de compagne, ce ne fut pas franchement une réussite. Enfin quoique. Comme d’hab, nous avons commencé par picoler du blanc en écoutant du jazz, puis Charles, mon colocataire, s’est joint à nous pour fumer un pétard. Du shit dégueulasse, car trouver de l’herbe dans ma ville est aussi simple qu’arracher un orgasme à Christine Boutin. Après ça, j’avais encore envie de picoler et déconner un peu, mais elle s’est allongée sur mon lit en fermant ostensiblement les yeux. Difficile de faire plus explicite. Charles s’est barré, j’ai éteint la musique et me suis pieuté. Je l’ai doigtée une première fois, lui arrachant quelques râles encourageants, avant de descendre m’occuper de sa chatte avec ma langue. Ce coup-là, ça lui a plu, je peux le garantir. Elle mouillait, et pas qu’un peu. On s’est caressé un moment, je me souviens que je bandais, mais, je ne sais plus trop pourquoi, je ne l’ai pas prise. Un peu plus tard ; j’ai recommencé à la doigter. En plongeant mon majeur bien au fond, j’ai atteint une sorte de cavité ultra-sensible (le deep spot ?). En la stimulant un moment, j’ai obtenu des effets spectaculaires. Ensuite, elle a voulu que je la prenne, mais sur le moment, plus moyen de bander. J’y arrivais pourtant quelques minutes plus tôt à peine. Je me suis efforcé de penser à Katie Holmes en minijupe et ballerines noires, mais rien à faire. Ensuite, j’ai dû m’endormir pendant qu’on se caressait.
J’ai définitivement des trips sexuels totalement perchés, et il faut certaines conditions bien précises pour qu’une nana m’excite. Ce n’est visiblement pas le cas de celle-là. Pas pour l’instant, du moins. Quel bordel. J’envie ceux qui sont capables de fourrer n’importe qui, n’importe quand, sans conditions. Si j’étais comme ça, je n’aurais jamais la moindre trouille d’aller au pieu, et je défouraillerais comme un lapin. Et je me servirai plus souvent de ma queue, au détriment de mes doigts et de ma langue. Foutue nature qui m’a fagoté comme un charlot. Mais je ne désespère pas encore de trouver un moyen de me débarrasser de mon appréhension et de faire se dresser mon outil sur simple commande. Et là….
Mercredi soir, j’avais envie de me la coller. On est d’abord sorti s’envoyer quelques bières dans un bar avec Charles et quelques autres compères. Comme le bar était moche, on est retournés chez moi pour continuer à boire et fumer des joints. Ensuite, ça devient très flou. Je me suis retrouvé dans un grand appart’ vraisemblablement habité par des nostalgiques de l’union soviétique, qui avaient fait toute la déco en conséquences. Affiches de Mao et objets d’époque compris. J’étais complètement pété. Je me suis mis je ne sais plus comment à discuter avec une Clémence, qui avait fait des études littéraires. J’adore les nanas qui font des études littéraires. Je suis foutrement incapable de me rappeler de quoi on a bien pu parler. De littérature, probablement. Mais le courant passait bien. Je voyais que je lui plaisais. Je le précise parce que c’est tout nouveau, je ne voyais jamais ce genre de trucs avant. Là, je la voyais se passer la main dans les cheveux, se mordiller les lèvres, je notais un imperceptible changement dans son regard. Ça me dopait aux hormones. Manque de bol, elle partait pour six mois au Pérou le surlendemain. J’ai pris son numéro au cas où, miroitant une unique baise d’adieu jeudi, pour la fin du monde. Classe. Hélas, ça s’est pas goupillé correctement. Tant pis.
Dans la chambre où j’avais mis mes fringues, j’ai repéré une barrette de shit, sur une cheminée hors d’usage. Ni une ni deux, j’ai certifié à Charles que je repartirai avec cette foutue barrette. Problème : au moment où je comptais me barrer, trois types (dont le propriétaire des lieux, de la chambre, et vraisemblablement de la barrette) discutaient en cercle juste devant la cheminée. Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie… pardon. J’étais baisé. Mais tandis que le désespoir s’emparait de moi, j’ouvris machinalement une porte dans le couloir, et me retrouvais nez à nez avec… le disjoncteur. Ce qui m’inspira immédiatement un plan machiavélique. Je retournais dans la chambre qui renfermait la cheminée, et donc la barrette, et me mêlais au groupe des trois mecs en train de discuter. Au bout de trente secondes, il fit subitement nuit noire. Mon comparse venait de faire sauter les plombs avant de filer à l’anglaise. Sa part du boulot était accomplie, il me restait à faire de même. Ce ne fut pas très compliqué. Sitôt les lumières éteintes, les trois types bourrés et défoncés qui m’entouraient émirent simultanément un « ho ! » où se mêlaient surprise et dépit, et se ruèrent dans le couloir pour voir d’où venait le problème. Ni une ni deux, je chopais la barrette, marchait en sifflotant vers la porte d’entrée, dit au revoir à quelques personnes et fichait le camp en toute impunité. Victoire. Pitoyable forfait mais grosse satisfaction.
Le lendemain, j’ai accueilli François, un ami de la capitale descendu pour le week end. Il est blond, plait beaucoup aux femmes et possède un engin à faire rougir un noir. Après un pétage de crâne effectué dans les règles de l’art, je l’ai emmené à une soirée en centre ville. Pas de communistes cette fois-ci, mais de bonnes réserves de liqueur et une bande de marioles bien décidés à tout donner pour la dernière soirée de leur vie. Parce que oui, jeudi 21 décembre, c’était la fin du monde. Il y avait deux meufs qui me plaisent beaucoup. La première, c’est Violette, je vous en ai déjà parlé. Elle s’est ramenée déguisée en extra-terrestre, un costume un poil ridicule composé d’une robe flashy, d’une cape vert pomme et de fausses antennes en papier alu. J’ai surpris deux meufs qui ne peuvent pas la saquer se foutre copieusement de sa gueule. Ça m’a beaucoup touché. D’abord parce que quand une nana me plait, le fait d’entendre ses « rivales » se foutre de sa gueule me fait de la peine pour elle, me donne envie de la choyer et de la protéger. Ensuite parce que je trouvais ça craquant qu’elle se soit déguisée comme une gamine, quitte à prêter le flanc aux moqueries en tous genres. E plus, cette fille a un beau visage et une poitrine tout à fait correcte, mais ses atouts s’arrêtent au niveau de la ceinture. Elle a un cul vraiment énorme, et des jambes un peu mal foutues. Ses genoux se touchent. Ça rebute pas mal de mecs. Moi, ça me rend dingue. Ma pauvre petite princesse que certains ne regardent même pas à cause de ses jambes… Rien que pour ça, je lui donnerais tout l’amour qu’elle voudrait. Bref, je m’égare, encore une fois.
Il y avait aussi Emmanuelle. Elle est bourrée de qualités, Emmanuelle. Par exemple, elle est petite. Un adage dit que « qui se ressemble s’assemble », un autre que « les contraires s’attirent » : difficile de s’y retrouver dans un merdier pareil. Mais une chose est certaine : j’adore serrer une naine dans mes bras du haut de mon mètre 90. Et puis, elle a des grands yeux. Immenses. Malheureusement, ses goûts musicaux sont à chier. On peut pas tout avoir. Globalement, j’ai passé la soirée entre ces deux nanas, François, un hippie qui retape des maisons en montagne, un type qui avait adoré une blague que j’avais faite sur les portugais à une soirée précédente (aucun souvenir) et qui tenait absolument à ce que je lui en raconte d’autres, et le cubi de vin espagnol que j’avais rapporté. Quelqu’un avait distribué des « missions » aux invités, à savoir des petits papiers indiquant le nom d’une personne présente et une chose à lui faire subir. Je ne sais pas ce qu’Emmanuelle avait d’inscrit sur le sien, mais nous nous sommes retrouvés tous les deux dans la salle bain, elle en train de me tartiner du gel coiffant sur la barbe, et moi en train de peigner en arrière ses cheveux imbibés du même gel coiffant. J’étais relativement bourré, et elle m’excitait. Je me souviens que la scène a duré un moment, qu’elle a tenté de sortir mais que je l’ai ramenée contre moi en l’enveloppant avec une serviette. Mais je ne me souviens pas l’avoir embrassée.
Violette me harcelait en permanence pour que je vienne fumer avec elle. Elle fait partie de ce cercle restreint de personnes qui ne fument qu’avec quelques verres au compteur, et qui du coup n’ont jamais de clopes sur eux et passent leur temps à taxer. Je l’envoyais chier une fois sur deux. Le reste du temps, j’acceptais.
Un peu plus tard, je me suis retrouvé dans la cuisine en compagnie de la colocatrice de Violette, Jenny, une fille avec l’accent du sud et un caractère bien trempé. Elle a pour habitude de me traiter de pédale et autres trucs du genre à chaque soirée. Comme ce soir-là, elle ne l’avait pas encore fait, je suis venu quémander.
« Allez quoi, rien qu’un petit « homo refoulé ! »… »
J’ai dû finir par trouver les mots justes puisqu’elle m’a carrément collé une tarte. Amicale, bien sûr. La prochaine fois que je serai au pieu avec une nana, je lui demanderai de m’en mettre une. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me plait. Ensuite, Violette m’a longuement parlé de ses complexes sur le balcon.
« Mon physique, je m’en fous, on m’a souvent dit que j’étais jolie. Mais personne m’a jamais dit que j’en avais dans le crâne. Ça me manque. »
Je ne sais plus ce que j’ai répondu. Je venais de fumer de la marijuana et j’étais un peu à l’ouest.
J’ai demandé à Emmanuelle de me rincer un verre dans la cuisine. Elle l’a fait. L’espace d’un instant, je me suis senti l’âme d’un bon père de famille à l’ancienne. Ensuite, elle est partie. Je lui ai dit au revoir sur le seuil. J’ai dû être un peu trop expressif, puisque François, qui avait vu la scène, en a profité pour me rappeler que j’étais censé être en ménage. La soirée commençait à se vider. Violette m’a demandé de l’accompagner chez elle pour une sombre histoire de pull col roulé bleu marine. En, bref, un pote à moi l’avait emballée il y a quelques mois et elle était rentrée avec son pull, qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de lui rendre. Son appart était juste à côté, mais il faut monter six étages pour y accéder. 103 marches pour garder la forme. Je l’ai suivie dans sa chambre, elle m’a donné le pull. Je me suis un peu attardé, je sentais qu’on hésitait autant l’un que l’autre. Mais je me suis contenté d’offrir sa joue à mes lèvres. J’étais visiblement trop sec pour avoir du cran.
Nous avons pris le chemin du retour avec François. Par hasard, nous sommes passés devant son ancien immeuble.
« Ed… tu te rappelles de mon voisin du dessous… Ramez ? »
Un peu que je m’en rappelais. Un connard de portuguais quadragénaire, obèse et fasciste du sommeil. Le genre de loser qui n’a rien dans la vie et dont le seul plaisir se résume à emmerder les autres. Un faible habité par le ressentiment. Friedrich l’aurait adoré. Il nous avait emmerdé à maintes reprises pour des broutilles. Il était 3h00 du matin. La fin du monde approchait. Le moment idéal pour une petite vengeance personnelle. Par chance, le code de l’immeuble n’avait pas changé. Nous sommes montés silencieusement jusqu’au deuxième étage, et, nous plantant tous deux face à la porte de Ramez, l’avons copieusement arrosée de pisse. Avant de décamper, j’ai tambouriné comme un sourd sur sa porte en hurlant :
« POLICE !! OUVREZ !!! POLICE !!!! »
Puis nous avons mis les bouts en vitesse. Un grand moment. Je chialais encore de rire en arrivant chez moi. François s’est pieuté quasiment tout de suite, la vinasse ayant vraisemblablement eu raison de lui. Moi, je tenais à vivre pleinement les dernières heures de l’humanité. Je me suis assis dans mon fauteuil à bascule, un joint dans une main et un verre de vin espagnol dans l’autre. Mes enceintes ont commencé à jouer My way, de Frank Sinatra. Idéal pour le crépuscule d’une vie. And now, the end is near, and so I face the final curtain… Je me repassais les temps “forts” de mon existence. Il n’y en avait pas beaucoup. My friend, I’ll say it clear, I’ll state my case, of which I’m certain. Il y avait d’abord, bien sûr, toutes celles que j’avais baisé, embrassé, ou même désiré. Ce sont elles qui jalonnent une vie. Sans elles, nous ne valons pas grand-chose. I’ve lived a life that’s full, I’ve traveled each and every highway... Il y a tous les bouquins que j’ai lu, aussi. Enfin, pas tous. Les meilleurs. Ça, je garde. Et puis tant d’autres trucs qu’il ne sert à rien de raconter. Mon verre était presque vide. And more much more than this, I di dit my way…
Je reposais mon verre au moment où retentirent les dernières notes. J’étais prêt. J’aurais bien vu un final grandiose, du genre une première baise spectaculaire avec Emmanuelle. Ensuite, je l’aurais serrée contre moi en attendant la fin. Tant pis, c’est raté pour cette fois. Les premières explosions retentirent au dehors en même temps que les premières notes d’Hallelujah, de Leonard Cohen. La meilleure version. A ciao bonsoir ! Qu’est-ce que je ferais s’il me restait encore des dizaines d’années devant moi ? Les chœurs commençaient tout juste à entamer « Hallelujah » lorsque la terre s’arrêta de tourner.
E. Dolokhov