Olivier Spinnler (j'en parle dans le topic FTS les livres qui ont changé votre vie) défend l'idée que la transparence est une belle connerie (je reformule de manière partiale) utilisée pour manipuler. Pour lui, ses pensées, son « intérieur » relève de son intimité. Et on ne partage pas son intimité avec n'importe qui. Ça suppose un certain niveau de proximité relationnelle, et tout ce que ça implique (dont en termes de réciprocité et d'approfondissement de relation). Et à comprendre aussi : ce n'est pas une option si on veut nouer une relation plus ou moins personnelle.
Perlambre a écrit :Pour Christian du Mottay, nos tentatives de dissimulation génèrent frustrations et malentendus car nos échanges se sont construits sur des bases bien trop fragiles pour perdurer. Il nous encourage à ôter notre (nos) masque(s) en assumant qui nous sommes (nos émotions, nos peurs plus ou moins fondées, notre fragilité) afin de nouer des relations plus authentiques.
Vie publique : avec n'importe qui donc. Nouer des relations : avec n'importe qui ? Et entre les deux, il y a toute une échelle. Une comparaison que je trouve extrêmement pertinente : vous vous foutez à poil devant n'importe qui ? Vous penseriez quoi de quelqu'un qui poserait comme exigence morale qu'on se promène en sous-vêtements ? C'est un problème de se balader en burqa (je répète : je file une métaphore) ? Qu'est-ce qui est le plus intime selon vous : votre zob ou certaines de vos pensées ? Et qu'est-ce qui est le plus indécent à exposer ? Imaginez qu'on puisse transmettre les souvenirs visuels par télépathie : votre zob en ferait parti...
Question annexe : ne faudrait-il pas aussi préserver des endroits où on peut avoir un (des!) masques. Ça c'est la problématique Moot (4-chan) versus Zuckerberg. Perso, Moot, très clairement. Parce que des fois, le personnage que permet le masque est beaucoup plus intéressant pour tout le monde, soi-même y compris (parce que plus révélateur). Et parce que la transparence se manipule aussi bien (plus ? ) que l'ombre des masques pour devenir destructrice.
Je voulais revenir sur le tact et la franchise. Je ne suis pas convaincu par les arguments développés à ce sujet, et suis assez d'accord avec Worthy. Franchise et tact ne s'opposent pas. Mais par contre sont compliqués à combiner. Et c'est à gérer cette complexité qu'invite Worthy. D'où que voir les oppositions qu'il soulève... Ne pas y arriver, c'est un manque de compétence. Mais va-t-on s'élever contre quelqu'un qui invite à la compétence ?
Exemple : la problématique du pote qui est un connard. Du pote qui est une espèce de sombre raclure de décérébré de ... mais attends, comment j'ai pu devenir avec un connard ? Le problème est là.
La problématique, ce n'est pas la vérité ici, à savoir qu'on n'apprécie plus la personne, mais le manque de capacité à faire la part des choses. Que 1) ce qu'on aime pas, c'est ce que la personne est devenue, pas ce qu'elle était lorsqu'on est devenu ami avec 2) Le jugement de valeur. Parce que dire à quelqu'un que c'est un boulet dont l'intelligence est tellement basse que des lombrics ont déjà témoigné une activité cérébrale plus intense (

) et qu'il dégage, c'est pas la même chose que de lui dire que malheureusement, le feeling entre nous est perdu et qu'on est plus sur la même longueur d'onde. Ne plus plaire est un fait, être un connard un pur jugement de valeur. Alors qu'en revanche, la situation est la même. Savoir qu'on ne plaît plus fait mal (mais un adulte n'est-il pas censé savoir gérer cette douleur ? (« Hé madmoizelle tu... » « Non. » « Sale pute va ! » Très mature, oui...)), se faire traiter de connard rajoute autre chose qui n'a rien à voir par dessus. Dans les deux cas, c'est difficile à dire. Mais dans le deuxième, moins que le premier. Mais surtout, dans le deuxième, on évite de dire quelque chose de difficile en faisant en plus supporter une décharge majeure d'agressivité et de violence à l'autre, parce qu'on est pas capable de gérer l'inconfort que l'on ressent soi-même vis-à-vis de la situation. Et ça évite de, comme dans les cas caricaturaux que j'ai marqué, utiliser une situation pour laisser se déchaîner ses problèmes psys (parce que bon, un gars me fait des remarques mais en profite pour me sortir des trucs déplacés du genre, il peut avoir raison sur tout le reste, mon poing fini dans sa gueule ; en fait, mon poing sera encore plus susceptible que la normale de finir dans sa gueule dans cette situation parce qu'avant de se déchaîner, il m'a placé en situation de vulnérabilité). Et vous remarquerez que dans ce paragraphe, la notion d'empathie n'est même pas encore intervenue (bref, on peut faire tout ça en restant exclusivement autocentré, et pourtant ça améliore déjà pas mal le résultat)...
En fait, mentir, mettre un masque, c'est surtout commode pour couvrir notre propre médiocrité. Mais la transparence totale demande une telle maîtrise de la psychologie et des relations interpersonnelles que je ne crois pas qu'elle soit réellement à la portée de quelqu'un. Et aussi, de réalisme : vous croyez vraiment qu'un sataniste a un avenir au milieu de croyants pratiquants ? Qu'on peut faire carrière dans une boîte où on en a rien à foutre du patron ? Qu'on peut s'entendre avec tout le monde ? (Et quand je dis « on peut » dans ces questions, c'est PAS le « on peut » comme dans « on peut rester marié et pratiquer couramment l'adultère à l'insu de son conjoint »...) C'est justement parce que non qu'on a inventé le concept de tolérance, qui est différent de l'acceptation. Donc mensonges, masque et dissimulation, ok, why not ? J'ai vraiment besoin de savoir que ma collègue de bureau aime beaucoup la sodomie (si je la trouve pas belle et bonne

) ? Que son fils est alcoolique ? Qu'elle est de confession juive ou musulmane ? Mais ce sont des béquilles, il faut en avoir conscience. Revendiquer l'usage permanent de ces béquilles, pourquoi pas (c'est ce que je faisais quand je parlais de Moot), mais pour l'ensemble de nos identités ?
Par contre, une remarque m'a marqué :
Onmyoji a écrit :Le fait de passer beaucoup de temps sur des forums apprend aussi une chose sur les relations irl:
Il est souvent inutile de partager son opinion. C'est souvent ceux et pour l'ego.
Ben non. Au contraire, pour un certain nombre de personnes, ça rapproche. Dans mon cas, c'est particulièrement net, et je me suis fait certains de mes meilleurs amis en partageant mon opinion. Quant au fait de heurter, outre ce que j'ai déjà dit. Que j'apprenne que tu as des idées incompatibles avec mes valeurs maintenant ou dans 2 ans, peu importe. Même si je l'apprends dans 2 ans, de manière douce. En fait, je crois plutôt que c'est mieux je le sache très vite, parce que dans 2 ans, je risque en plus de me sentir trahi, et ma réaction n'en sera que plus violente. Genre, désolé, mais peu importe les pincettes prises, un sympathisant de la nambla...
Enfin, il y a une situation que je vis actuellement et que je ne souhaite à personne à ce sujet. C'est la conséquence logique du refus que Worthy dénonçait ici :
@Onmyoji : Ce faisant, tu coupe toute possibilité de dialogue et tu ne donnes aucune chance à ton interlocuteur de voir et envisager ou comprendre ta vérité, ce qui est enrichissant. Ce n'est donc pas inutile selon moi, et de loin pas.
La vérité est pire. Parce que ton interlocuteur, même sans parole, il peut tout comprendre, sans les sous-titres. Avec... tes actes ! Par contre, réagir, c'est plus délicat... Rien que parce que, tu peux lui dire ce qu'il fait, s'il te dit non, tu te trompes, tout en continuant à faire ce que tu lui expliquais...
Avec quelqu'un de très proche de moi. Sur certains sujets, la personne a dû penser que je n'étais pas capable d'entendre la vérité (et le plus triste, c'est que c'était même plutôt le contraire). Le truc, c'est que ne rien dire, ok, mais il fallait aussi qu'elle agisse par rapport à ces sujets. Résultat ? Ses paroles n'ont pas dit ce qu'elle voulait, ses actes ont parlé pour elle. Honnêtement, j'analyse ça comme de la manipulation. Et le problème, c'est que par rapport à cette personne, outre que je le prends beaucoup plus mal que si elle m'avait mal dit des choses difficiles, ben... moi aussi, je me suis adapté sur ce non dit. Bref, ne pas me dire un truc parce que je ne suis pas assez mâture, pas assez lucide, etc... Mais en attendant, cette attitude a induit le plus gros toxique relationnel dans notre relation. Et ironiquement, le toxique, il est surtout de mon côté, parce que je suis pas certain que la personne ait capté ce qui s'est passé, ni le changement dans mon attitude. Mais bon, je la juge comme immature, donc je trouve la situation adaptée. Et pour les petits malins qui me feraient remarquer que j'apporte par mes actes un démenti à mon discours :
tu coupe toute possibilité de dialogue et tu ne donnes aucune chance à ton interlocuteur de voir et envisager ou comprendre ta vérité,
Je pense avoir touché les limites de sa maturité. Touché, testé donc. Je n'ai pas besoin de lui donner de seconde chance, et ne le souhaite pas, par confort personnel. Tant que la situation perdurera...
Et une chose. @Perlambre: tu as déjà essayé de neutralisé cette agressivité en le leur signalant au moment où elle la manifeste et en leur précisant que tu refuses d'en faire les frais ? Ca a donné quoi ? Pour un supérieur hiérarchique, c'est moyen. Mais or de ce cas là...
Enfin, juste une confusion qui s'est introduite dans le débat : la sincérité serait « dire tout ce qu'on pense ». Honnêtement, je ne crois pas qu'on puisse retenir cette définition pour des individus âgés de plus de 8 ans...
Et @ Frenchkiss :
'ai été scié d'apprendre d'une pote qui sort avec un mec de confession mormonne que l'un de ses principes (je pense que c'est lié à sa religion) est de ne jamais mentir / omettre. Genre "Vous venez à mon anniversaire samedi ? / Heu non j'ai pas envie".
Et qu'est-ce qui est choquant dans cette réponse ? C'est une vraie question. Moi, je trouve que c'est la grossièreté (« Non, je te remercie, mais... ») et... l'omission ! Quand je parlais des gamins de 8 ans... Parce que dans cette réponse, il manque l'info la plus importante : le pourquoi. Non, j'ai pas dormi depuis 72 heures, c'est pas du tout la même chose que non, je ne souhaite pas faire ta connaissance. Ici, vu le contexte, je suppose que c'est non, je ne souhaite pas faire ta connaissance. Mais en quoi est-ce différent du : « si vous le trouvez boulet, vous vous éloignez, »... Honnêtement, je ne trouve cet exemple choquant que parce que de coutume, dans ce type de situations, on a l'habitude de mentir. Faire un écart à l'habitude traduit normalement une subtilité (genre, l'habitude est d'applaudir à la fin d'un discours ; ne pas le faire, c'est neutre ou c'est faire passer un message ? Mais dans l'absolu, ne pas applaudir à la fin d'un discours, c'est agressif ?). Et c'est pour ça que le copain de ta pote est un mongol vu son comportement (même si c'est motivé par de la religion) : parce que refus de s'adapter à des points essentiels de sa culture. Mais cet aspect mis à part. Réellement, c'est violent comme réponse ? Compare à tes actes et discours quand tu ne veux pas venir à une fête d'anniversaire.