Plus d'un post en six mois, vous êtes gâtés. Et si vous pensez que c'est un cadeau de Noël, vous vous trompez. Ce journal est laïc, et si je vous fais un cadeau de "Noël", je serais sans doute obligés d'arrêter de me servir des ascenseurs pour le Yom Kipour, ou encore de jeuner pour le Ramadan, dans le but évident de ne pas causer de discriminations. Et, étant reconnu comme un amoureux de la malbouffe, je ne souhaite pas m'y résoudre.
Tout d'abord, j'ai eu la chance de discuter avec ma mère. Et je lui ai posé une question qui me tourmentait depuis quelques semaines. Suis-je si cynique, et "noir" que ça ? Je m'attendais à qu'elle me réponde que non, abondant dans "mon sens", mais à ma grande surprise, il semblerait que si. Je suis définitivement cynique.
Selon elle, je suis un métronome, oscillant entre le fatalisme à l'état pur, avec ce que ça comporte de questionnements et d'humeur sombres, et cette euphorie, cette moquerie du déraillement de notre espèce.
Que j'en rie, ou que j'en pleure, c'est donc vrai. Je suis cynique.
Et même mes passions me poussent à m'en rendre compte. Lorsque j'y regarde de plus près, à propos de mes divertissements, par exemple, c'est flagrants. En terme de fictions, Skins, par exemple, est une fresque nihiliste dans sa plus grande tradition. Adolescents paumés, parents excessifs, dans leur laxisme ou leur stoïcisme, relations dysfonctionnelles, drogues à outrances, pathologies fréquentes se mêlent et s'entre-choquent dans cette Angleterre fantasmée comme un bouillon d'anarchie, de contre-culture, et de subversion.
Psycho-Pass, chef d’œuvre de l'animation, évoquant une société dystopique, où un programme informatique évalue nos capacités, et mesure notre coeficient criminel. Chaque individu est conditionné dans sa globalité. Le système est capable de prédire ce que vous allez faire. Encore une fois, des questions intéressantes mais très sombres sont soulevées. Un système peut-il réussir à décrypter tout mon être ? Peut-on "soigner", ou punir les criminels qui ne sont pas encore "passés à l'acte" ? L'homme est-il déjà dépendant de la technologie ? S'affronteront-ils un jour ?
Kiseiju, ou Parasyte, autre bombe de l'animation. On suit ici un lycéen, qui se réveille un jour, le bras droit occupé par un parasite, du nom de Migi, sans aucune émotion, dont tous les choix sont guidés par son désir de survie, et conférant une grande force à notre héros, Shinichi. L'humanité de Shinichi se heurte souvent au cynisme de Migi, dont le regard neutre et implacable met en perspective de nombreuses questions quant à l'humanité. L'homme n'est-il pas le prédateur ultime ? L'homme ne s'arroge-t'il pas le droit de tuer toutes les créatures, en réprimant celles qui lui font du mal ? Ne sommes-nous pas ce qui nous fait le plus peur ? A savoir des tueurs froids, et méthodiques, capable de tuer en grand nombre sans une once d'empathie, lorsque nous sommes offusqués par la mort de l'un des nôtres ?
Bref. Je crois que je suis bel et bien quelqu'un de cynique, nihiliste, "noir". Je me pose de très nombreuses questions, qui ne sont toutefois pas nocives pour moi. Je n'ai jamais pensé au suicide (enfin, j'y ai très souvent pensé, mais je n'ai jamais eu l'envie de le commettre), bien que la vie soit pour moi quelque chose d'absurde. J'ai tourné la roue mystique. J'aurais pu être un animal, qui finira dans une assiette, un parc, ou sur le mur d'un riche Texan, mais je suis un homme. Je fais partie de cette espèce, qui me protège, bec et ongles, quitte à sacrifier toutes les autres. J'ai le droit de me nourrir de nombreux êtres vivants, j'ai le droit de vie et de mort sur certains. Mais si ceux-ci avaient le malheur de m'effleurer, ils seraient abattus sur le champ pour avoir osé suivre leur instinct. Tout ceci me fait m'interroger. Et me dégoûte quand je réalise que cette hiérarchie insensée est, dans certaines régions du monde, parfois réalisée, entre hommes différents. Esclavage, guerres, colonisations, et j'en passe.
Lors d'un devoir de philosophie, j'ai du reprendre la formule "L'homme est un loup pour l'homme" de Hobbes, dans sa plus pure tradition académique. Au dernier moment, j'ai décidé d'ajouter une astérisque, et de me mouiller, au sens philosophique du terme. J'ai ajouté un paragraphe léger, dans lequel j'exprimais que "Si le l'homme est un loup pour l'homme, il serait assez amusant de définir le prédateur qu'il pourrait incarner à l'encontre du reste du monde. Un démon serait sans doute le meilleur choix".
Ceci étant dit, j'ai vu qu'il y avait un débat sur la fessée et la gifle, qui poussaient nos experts en herbe et leurs attachés-caisse d'études sur la matière à se foutre joyeusement sur la gueule. J'ai lu une partie des débats, et j'ai été très amusé de voir le décalage entre les divers intervenants. Mettons de côté les diverses attaques personnelles, et le ton parfois très rude de certains intervenants, cela n'est pas digne de notre forum.
Ce qui m'a le plus frappé est le décalage entre ce que j'appellerais les "principes", et les "faits". Les premiers sont objectifs, les seconds contextuels. C'est là que réside la différence.
D'un côté, par exemple, Blusher nous gratifie de nombreuses études, montrant que les châtiments corporels sont mauvais pour nos chères petites têtes blondes. La validité de ces études est une question que je laisse à l'approbation de chacun. Pour être honnête, je ne me suis pas posé la question, puisque ce n'est pas ça qui m'intéresse.
De l'autre, j'ai lu des témoignages, comme celui de Splifstarz, qui eux, s'appuyaient sur un contexte qui changeait fondamentalement la donne.
Et ce qui me choque, c'est que ces témoignages, et ces études, par exemple, se retrouvent dans un même sujet, alors qu'ils n'ont pas la même portée.
Soyons clairs. Ici, je ne donne aucune valeur, à proprement parler aux études citées par Blusher, ou au témoignage de Splifstarz. Ce dont je parle, c'est le décalage entre le degré de ces deux messages. D'un côté, l'un va attester de la validité (ici de la non-validité) d'une thèse, à savoir que le châtiment corporel n'est pas anodin, de l'autre, il s'agira de montrer que dans un contexte donné, les choses peuvent être amenées à changer, justement parce qu'il y a une question circonstancielle et contextuelle qui se pose.
D'un coup, le décalage paraît évident.
Imaginez une discussion entre deux amis.
Le premier dit "Je donne toujours aux pauvres". Le second lui répond "Et si un SDF se sert de ton argent pour acheter de l'alcool, qui risque de lui faire perdre conscience de sa température corporelle, l'amenant ainsi à mourir ?".
Imaginons une autre discussion.
Le premier dit "J'aime beaucoup les pulls roses". Le second lui répond "C'est moche si je mets une salopette bleue".
C'est absurde ? C'est ce que j'ai lu.
Et ceci se retrouve souvent dans de nombreuses autres discussions, hors du cadre du forum. Pour tout vous dire, j'en fais souvent les frais. Parce que je suis quelqu'un de très terre-à-terre. Souvent, je balaie de la main les idéaux, et je m'intéresse à ce qui semble concret. Et j'essuie souvent des critiques de la part de quelques idéalistes mal intentionnés, qui me fustigent parce que j'ai la décence de ne pas "exiger l'utopie". Et des idéalistes, dans une Fac de Philosophie, je peux vous assurer qu'il y en a. Dans les cercles que je fréquente, il y en a également.
Parfois, je choque, lorsque je dis "Je m'en fous de la discrimination. Je veux juste qu'elle n'ait pas de conséquences, comme des menaces, de la discrimination à l'embauche, ou encore des coups, des meurtres".
Il y a de cela quelques temps, je disais sur un sujet insipide sur le racisme que je ne faisais le reproche à personne d'être raciste, homophobe, ou je ne sais quoi. Tu penses ce que tu veux. Ce que je fustige, c'est les actes qui en découlent. Tu peux me haïr, moi, ou un autre, pour ce que tu veux, je m'en moque. Mais je ne te laisserais pas transformer cette haine en un discours faisant l'apologie de la haine, des coups, ou quoi que ce soit.
Ce n'est pas pour autant que je me satisfais de la situation telle qu'elle est, et que je l'apprécie. Ce n'est pas pour autant que je considère comme néfaste des progrès dans le comportement de l'homme qui sont incontestablement encourageants. C'est juste que j'ai le souci du possible.
A l'époque, j'avais été mal compris, ou je m'étais mal exprimé. Sans doute n'avais-je par encore la clarté que j'ai aujourd'hui sur ma propre opinion. Je me souviens m'être empêtré dans de longs débats, ou l'opinion que j'ai détaillé plus haut était comprise comme étant un laxisme simple à l'égard des discriminations. Ça ne l'est pas. Et dans un monde parfait, j'aimerais établir un système de la nature des vôtres, à savoir l'utopie. Mais par définition, l'utopie n'a rien de réelle. C'est un modèle vers lequel tendre, qui n'a pas vocation à être reproduit stricto sensu, parce qu'il ne peut être reprodui. Dans l'El Dorado, la richesse était partagée équitablement, parce que cette richesse était justement issue d'une origine mystique. Qui la rendait improbable, et "idéale".
Aujourd'hui, je suis capable de mettre des mots là-dessus, et de clamer que je ne suis pas idéaliste, au contraire. Je crois que je fais partie d'un courant de pensée, qui rejette l'idéalisme, au profit d'une philosophie du possible. Je ne souhaite pas un monde parfait. Je souhaite un monde possible. Et je suis las des opinions que je considère comme faciles, qui se limitent à "Ça serait mieux si ...". Je veux du concret. Du réel, du véritable, et par dessus-tout, je ne veux plus essuyer de critiques parce que j'ai l'humilité de limiter mes pensées à quelque chose qui est possible.
Peut-être que ce point de vue est fataliste, noir, ou cynique. Si tel est le cas ... Et bien ... Tant pis, car c'est la seule façon dont je puisse concevoir les choses.
Il y a quelques heures, je parlais avec mon père, et il m'a dit "C'est drôle. L'adolescence, c'est la période de la vie, où on se sent généralement le plus concerné, touché par les inégalités, où on souhaiterait un monde meilleur, où on est idéaliste en somme ... Et il y a toi, qui rejette tout ça en bloc".
Je ne suis pas en train de "pousser un coup de gueule", je me moque de tout ça. Je pense uniquement que de nombreuses mauvaises compréhensions sont les conséquences de discours qui ne portent pas sur le même degré, ou qui sont des objectifs différents. Apprendre à déceler que votre discours ne porte pas sur le degré de celui du voisin et ainsi ne pas forcer un débat, visant à en éliminer un me paraît judicieux lorsque l'on parle de développement personnel.
Ah, une dernière chose. J'ai été un peu surpris de lire que vous aviez cru déceler de l'émotion dans mon dernier message (enfin, avant-dernier), parce que j'ai écris celui-ci avec une certaine neutralité. Une introspection en somme. Mais je suis malgré tout heureux de savoir que ça vous a plu, et si cela vous permet de réfléchir, et peut-être de vous sentir "mieux", j'en suis ravi.
Et joyeux Hanoukah à tous !
Notes et commentaires reçus par ce post :- [0] Like a boss ! le 20.12.14, 05h30 par Onmyoji
- [0] Bravo le 20.12.14, 14h34 par splifstarz
- [0] Intéressant le 25.12.14, 15h10 par Snow