Constant99 a écrit :Attention quand même: parfois reprocher à quelqu'un de ne pas se remettre en question est une manière de ne pas se remettre en question soi-même. Il est souvent tentant de se dire que l'autre s'accroche à ses convictions et ses croyances limitantes, et que si seulement il voulait bien se remettre en question, alors il adopterait automatiquement notre point de vue.
Je ne sais pas si ça s'applique à ce thread, que je n'ai que survolé pour conserver ma santé mentale, mais bon, il m'est arrivé plusieurs fois récemment de me retrouver avec un interlocuteur tellement convaincu que je ne voulais pas me remettre en question qu'il oubliait d'argumenter.
Bien vu Constant!
C'est en effet un "point de rupture" dans le dialogue. C'est exactement ce que Graziella a ressenti dans ce thread (et on en pense ce qu'on veut, pas la peine d'y revenir)
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Pour celui qui le dit:
"Remets-toi en question" devient souvent une façon de dévorer l'autre, en lui disant en substance
"je détiens la vérité, soumets-toi à elle, et soumets-toi à moi qui en es le détenteur. Et tant pis si ça te fait mal, c'est pour ton bien!"

Démarche altruiste ou manipulation? La différence est énorme, elle est nichée dans les profondeurs des intentions de la personne, et arbitrée par la vérité "intangible" (pour autant qu'elle existe, en dehors du
"ça se discute" et du
"chacun son point de vue"...)
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Pour celui qui se l'entend dire:
Il peut donc y avoir le sentiment, la sensation d'être sous le coup d'une attaque manipulatrice, de voir la vérité prise en otage par l'autre pour justifier des idées et des paroles blessantes.

Réflexe de survie salvateur ou réaction paranoïaque? Tout est possible.
Et donc, la question qui fait mal: où la vérité intangible se situe-t-elle "pour de vrai"? La réponse qui n'aide en rien: d'un côté ou de l'autre, selon la situation. Super. On est bien avancés...
Autant c'est impossible de s'approprier la vérité, autant c'est très facile de la prendre en otage... On voit ça tous les jours dans les débats à la télé et dans les discussions entre les gens. Des postures, des ficelles de rhétoriques, des coups bas et des torpilles pour démonter l'interlocuteur.
Globalement, le niveau d'intelligence et d'éducation de la plupart de nos contemporains est médiocre, à la base.
Et même avec un bon niveau d'intelligence et d'éducation, l'application concrête de cette intelligence et de cette éducation est souvent médiocre. Car quand-bien même il y a du potentiel, il y a loin de la coupe aux lèvres, quand il s'agit de concrétiser un potentiel.
Ne pas concrétiser ce potentiel d'intelligence et d'éducation, c'est un risque quotidien pour chacun d'entre nous, dès qu'on va vite en besogne, dès qu'on manque de rigueur dans notre pensée et notre discours. Vraiment, dès qu'on se relâche, on tombe dans le médiocre. ça m'arrive, et je pense que ça arrive à tout le monde.
Un exemple:
Le petit débanounet de merde à la fin du soir 3 (service public, je paye pour ça...) Un débat qui dure entre 3 et 4 minutes, mais putain mais de qui se moque-t-on? C'est organisé, structuré à la base corseté de partout pour être superficiel. Deux personnes pieds et poings liées, posées face à face à qui on dit
"allez-y les gars, combattez". Ligotés comme ils le sont, Impossible pour eux de faire autre chose, que de sautiller comme des cons et régler leurs comptes à coups de boule. Quelle horreur...
Dans la vie de tous les jours, beaucoup de discussions d'une importance cruciale se jouent en trente secondes. Les petite engueulades du quotidien...
Une conclusion?:
Quoi qu'il arrive, afin d'avoir raison, il ne suffit pas de le vouloir très fort.
On notera au passage que "il ne suffit pas de le vouloir très fort" c'est à la fois une idée générale et un grand coup de barre à mine dans les jambes qu'il m'arrive souvent d'asséner à mon interlocuteur quand je le sens borné, agressif et hystérique. ça me fait du bien et ça le ridiculise, ça lui renvoie une image de lui-même proche de cette photo. Je kiffe...
Vraiment?
"Je veux avoir raison, je le veux de toutes mes forces, je le veux je le veux je le veux, et je vais être celui qui se battra le plus pour avoir raison"
La plupart des gens, la plupart des discussion ne vont pas plus loin. J'ai deux choses importantes à dire sur cet état d'esprit
proche de la débilité profonde (et sur le mépris qui est le mien sur ce travers de la nature humaine):
1)
"Je veux avoir raison et je vais être celui qui se battra le plus pour avoir raison", c'est le degré zéro de l'argumentation, et quand ça tourne comme ça, à marteler toujours les mêmes paroles et à cracher son fiel sur le contradicteur, ça devient un simple combat qui se règle à l'apparence si on n'a pas le temps (une engueulade entre deux portes, ou encore mon exemple du débat express à la télé) ou encore à l'usure, quand les deux interlocuteurs se donnent le temps mais pas la rigueur morale.
2)
"Je veux avoir raison et je vais être celui qui se battra le plus pour avoir raison" Face à ça, Terrigan il peut crier, il peux pleurer, il peux dire partout sur internet que c'est de la merde, pour autant, force est de constater que c'est efficace. La plupart du temps ça permet de terrasser son interlocuteur.
Car la discussion contradictoire est un combat, qu'on le veuille ou non. Et comme dans tous les combats, en marge de toutes les qualités humaines du monde, la combativité est un facteur déterminant pour gagner. Le plus souvent c'est un facteur qui suffit à remporter la victoire.
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Et la vérité "intangible" dans tout ça? Elle n'est plus là, elle s'est posée à la terrasse d'un bar et elle boit une bière...
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Une conclusion qui ne sert à rien:
Si les grands décideurs de l'éducation nationale allaient jusqu'au bout de la philosophie des lumières, qui pour le moment est juste noyée dans la masse du programme de français, ils organiseraient en plus de l'épreuve de philo, une seconde épreuve de philo, sur le thème de la vérité et de la rhétorique. Pas de surprises au niveau du sujet, et une notation impitoyable. ça mettrait les bacheliers, et donc les citoyens sur des bons rails. Mais là je rêve un peu, j'avoue
