Azro a écrit :Ces deux dernières années à étudier dans la com', la gestion de ressources humaines, à sarger et surtout observer le monde qui m'entoure m'ont ouverts les yeux sur une réalité que je ne comprend pas.
T'as pas besoin d'un assistant/attaché DRH par hasard?
Azro a écrit :
Je demanderais donc aux lecteurs de ce topic d'avoir l'amabilité de ne pas répondre s'ils n'ont pas une expérience solide dans le domaine et ne pas se lancer dans des avis personnels sans arguments solides à l'appui, quitte à ce que ce topic reste sans réponse si personne ici n'est assez qualifié pour répondre... Merci.
Ok.. Attends je ressors ma mémoire flash sur mes années en chercheur en sociologie. Ça te va comme référentiel de connaissance?
Azro a écrit :
Tous les êtres vivants, Hommes comme animaux, cherchent à se différencier de leurs semblables. Les animaux forment des troupeaux, nous formons des groupes. A plus ou moins grande échelle, nos groupes nous permettent de nous identifier par rapport à des coutumes, des préférences, un état d'esprit, etc., et nous différencier des autres pour les mêmes raisons. Voila un premier phénomène que je n'arrive pas à expliquer : nous cherchons à nous différencier des autres, mais pour cela il nous faut ressembler à quelqu'un.
Il est commun en sociologie et en psychologie groupale d’admettre qu’il y a deux types de groupe social qui existe aux yeux d’un individu :
• le groupe d’appartenance : c’est le groupe social d’origine de l’individu, celui dans lequel il est né, où il a été éduqué et dans lequel on lui a enseigné des valeurs, des normes, des repères.
• Le groupe de référence : c’est le groupe que tout individu cherche à intégrer car il y trouve un intérêt tout particulier d’ordre personnel. Ce peut-être un milieu d’ordre professionnel (exemple : le milieu de la mode), d’adhésion identitaire (exemple : milieu gothique) etc.…
Là où tout se complique, c’est que l’image du groupe de référence est très souvent surfaite. Dit autrement, l’image du groupe de référence que se fait un individu est généralement partiellement exacte. Il n’en saisi que les aspects de surface. A partir de là, deux types de réactions sont observables et sont non exclusive.
Le premier est le mimétisme. L’individu ou l’acteur social souhaitant intégrer le milieu de référence imite les mœurs et les coutumes des autres individus de ce groupe, tels qu’il les perçoit. Ce qui peut donner des choses ridicules, comme par exemple le petit doigt en l’air.
Le second est le rejet de son groupe d’appartenance, la négation de sa propre identité culturelle d’origine afin d’adopter celle de son milieu de référence, avec on s’en doute, tous les soucis et les contradictions personnelles qui en résultent.
Ainsi, dans ton interrogation et tes observations, il serait intéressant que tu arrives à distinguer le milieu d’appartenance (différenciation) et milieu de référence (ressembler à quelqu’un).
Avec ce phénomène d’ordre général et sociologiquement admis, il faut aussi y poser dessus le calque d’un autre phénomène de plus en plus important dans nos sociétés occidentales : l’individualisme.
L’individualisme trouve sa première forme dans le « je pense donc je suis » de Descartes. Il y trouve là sa première expression et sa première origine. En effet, l’individu est, de facto, considéré comme un tout unique, indépendant et autonome. Par la suite est arrivé d’outre-atlantique le mythe du « self made man », l’homme qui s’est fait tout seul, version plus moderne et plus poussé que le modèle original.
Les conséquences sont actuellement encore sujets de polémique : rupture du lien social, fragilisation des groupes, fragilisation de la famille, individualisation frénétique, perte de repère identitaire (car rejet du groupe d’appartenance, mais aussi du groupe de référence), etc.… C’est, dans une certaine mesure, l’idéologie dominante dans nos sociétés, y compris dans les forums comme FTS. Comme exemple intéressant, j’invite ceux intéressé par cette question à relire l’excellent article de FK sur la métaphore « du lion et du troupeau de mouton » qui sous-tend en filigrane (de façon consciente ou inconsciente) cette idéologie.
D’autres facteurs peuvent rentrer en compte. Ainsi, je pourrai citer le changement des structures relationnelles, qui sont passé d’une forme groupale à une forme plus en « réseau », et cela à cause des mutations technologiques et sociales, et sous l’égide d’impératifs économiques. Il faudrait aussi aborder ce problème par l’angle du mythe social.
Bref, ta question soulève une forte complexité par la multitude des facteurs que l’on peut mettre en cause et que j’ai tenté, humblement, de résumer et de clarifier. Je suis prêt, ainsi que d’autres j’en suis sur, à éclaircir tel ou tel points qui pourraient paraître un peu obscur.
Azro a écrit :
Le second phénomène, plus profond, est celui du besoin, de la nécessité absolue de l'Homme à avoir une identité en mettant en évidence sa différence et son appartenance. L'être humain est un être sociable, mais d'où nous viens ce besoin ? Pourquoi, au plus profond de nous, avons nous besoin de cette différence et de cette appartenance ? Ca ne peut pas être quelque chose de réfléchis car même les enfants en bas âge respectent ce phénomène (preuve en est que si, dans une cours d'école, un enfant est différent des autres, il se fera marginaliser, ou pire).
Ces questions sont la base même des interactions sociales, car c'est cette recherche de la différence et de la ressemblance en même temps qui nous pousse à avoir des interactions sociales.
Une partie de tes questions trouveront sûrement des réponses dans ce que j’ai exposé précédemment. Je me concentrerai donc sur cette question : « l'être humain est un être sociable, mais d'où nous viens ce besoin ? »
Une grande partie de la réponse se trouve dans le milieu naturel. Il faut savoir qu’au départ, l’homme n’est pas, et de loin, l’animal le plus chouchouté par mère nature. En fait, en milieu sauvage et hostile, un individu seul n’a que très peu de chance de survivre. Il n’a pas de griffes et de mâchoires pour se défendre contre d’éventuels prédateurs ; il n’a pas non plus de carapace solide sur le dos ; il ne court pas vite ; il n’a pas de poils pour se protéger du froid… Bref, l’homme isolé est comme une fourmi, minuscule et vulnérable.
Mais là où l’homme à un avantage indéniable c’est… son pouce ! En effet, le fait d’avoir une main préhensible, dû notamment à l’apparition du pouce, lui permet de manipuler avec précision des objets. Cela, conjugué avec l’apparition de l’intelligence, lui a permis de transformer son environnement hostile et de renverser l’ordre naturel des choses. Les animaux s’adaptent à l’environnement. L’homme adapte son environnement à lui-même.
Mais pour cela, l’homme a du s’allier avec d’autres hommes. Car, de tous temps, il a toujours été plus fort ensemble que seul (un seul type pour chasser le mammouth, vous lui donnez combien de chance de survie ?). Des cavernes, l’homme est passé à la construction de maisons, des maisons aux HLM, des HLM à l’espace…
C’est un besoin de survie donc qui rassemble l’homme avec l’homme. Un besoin hérité de nos aïeuls, instinctif et inconscient, mais pas seulement. Car face à la nature, l’homme n’est toujours rien. Et la transformation de la nature pour l’adapter à l’homme nécessite des forces et des énergies colossales, mêmes de nos jours, et cela implique que l’homme socialisé et intégré est la seule forme admise socialement, car la communauté, l’espèce, y trouve là sa propre survie.
Bref, l’homme est sociable, car sans cela, l’homme ne peut survivre face à son environnement naturel. Cela permet à l’espèce de se perpétuer, de se multiplier et de perdurer.
Bien sur, au fil des siècles, des couches supplémentaires et inconscientes (de façon individuelle et collective) se sont accumulées au dessus de ce besoin primaire, posant la question de la différence, de l’étranger, de l’apatride et du bâtard. Mais ceci est une autre histoire.
Cordialement.
J.W.