[film] Gone Baby Gone (2007)
Posté : 29.12.07

Gone Baby Gone
Dans une banlieue ouvrière de Boston, la petite Amanda a disparu. Après l'échec des recherches menées par la police, la tante et l'oncle de l'enfant décident de faire appel à des détectives privés du coin, Patrick Kenzie et Angie Gennaro.
Patrick et Angie connaissent bien le quartier, au point de savoir que Hélène, la mère d'Amanda, est une droguée. Plus ils enquêtent, plus ils découvrent l'envers de la ville dans ce qu'il a de plus sombre. Ils s'enfoncent au-delà des mensonges et des faux-semblants, vers les secrets les plus noirs de la ville, là où règnent les dealers, les criminels et les pédophiles. Cela ne les aide pourtant pas dans leur enquête et Amanda reste introuvable.
Face à la pression médiatique, Remy Bressant, un enquêteur qui ne lâche jamais, et le capitaine de police Jack Doyle vont aussi s'attaquer à l'enquête. La vérité finira par surgir, mais elle aura un prix. Chaque ville a ses secrets, chaque humain sa conscience...
Ben Affleck passe à la réalisation avec Gone Baby Gone, un film ambitieux plongeant le spectateur au cœur d’une enquête policière dramatique ayant pour trame l’enlèvement d'une enfant dans le quartier pauvre de Boston. Il semble qu'il ait trouvé sa voie après de récentes déconvenues en tant qu'acteur...

En décidant d'adapter une des œuvres du romancier à succès Dennis Lehane (on lui doit le Mystic River magistralement mis en scène par Clint Eastwood), Ben Affleck savait pertinemment qu'il lui faudrait entrer avec pertinence dans l’univers de l’écrivain sans le trahir, un univers dépouillé de manichéisme, chacun des personnages de Lehane comportant une part d'ombre venant régulièrement remettre en question les a priori du spectateur sur ceux-ci, un univers ancré dans le décor tres particulier de la ville de Boston, qui prend une place prépondérante dans Gone Baby Gone.
Tout le talent d'Afflek est de réussir à nous plonger directement dans cette atmosphère mal famée des quartiers pauvres de la ville. L'endroit est mis en scène de manière saisissante, le réalisateur arrive à dresser un portrait dur et troublant d'une misère qui semble recouvrir comme une chape de plomb le destin des habitants du quartier. Le physique des différents protagonistes est loin d’être esthétique, ils sont gros, maigres, laids, sales… un bel échantillon de misère sociale, dont la représentation n'est jamais exagérée. Cette justesse, dénuée de misérabilisme, est probablement due au fait que Ben Affleck lui-même est né à Boston et y a passé son enfance, ce qui lui permet de dresser un portrait véritablement familier de la ville.

C'est ainsi en dépeignant avec habileté ce quartier qu'il nous entraîne dans une sombre histoire d'enlèvement d'enfant. Constatant que les autorités sont impuissantes à agir, la mère d’une petite fille disparue décide de faire appel à deux détectives privés qui vont se retrouver plongés dans les dessous troubles d’une sinistre affaire mêlant corruption, trafic de drogue, escroqueries. Autant d'ingrédients qui viennent nourrir le scénario, au travers de nombreuses sous-intrigues mélangeant enquête policière et drame social.

Le film tire parallèlement sa force d'un casting de choix admirablement dirigé par Ben Affleck, en commençant par son propre frère, Casey Affleck, qui porte le film à bras le corps. Il montre avec Gone Baby Gone ce dont il est réellement capable et révèle sa puissance de jeu, avec finesse et émotion. Face à lui sa coéquipière et associée, campée par Michelle Monaghan (kiss kiss bang bang, the bourne supremacy...), perd en épaisseur avec un personnage plus faible.

On ressort de Gone Baby Gone troublé, surpris, on se souvient de Mystic River (2003), forcément, les références au film de Clint Eastwood ne sont pas très nombreuses certes, mais assez marquantes. Dennis Lehane situant ses deux romans dans un même lieu, la comparaison est inévitable. Les atmosphères dégagées par la mise en scène dans les deux adaptations sont sensiblement similaires, les deux cinéastes arrivant à dépeindre ce monde avec une grande force, imposant des comédiens qui réussisent parfaitement à remettre en cause les acquis moreaux de leurs personnages. Deux films se clôturant sur des fins déchirantes, celle de Gone Baby Gone souffrant malheureusement d'une accumulation de conclusions à l'emporte-pièce, contrairement à l'œuvre d'Eastwood. Pour autant, avec son film, Affleck interroge directement le spectateur sur un choix impossible : le bonheur ou la justice ?
En effet, ce propos qui peut faire figure de morale nous interesse ici. Il nous dit qu'un homme doit suivre ses convictions, qu'elles soient bonnes ou pas. Il pourra certes les regretter plus tard mais il doit suivre ce que son coeur et ses valeurs lui dictent.
Tout cela prend un sens dans la scène finale où Casey Affleck doit faire face à un dilemne cornélien. Choisir entre justice ou le bonheur, sachant qu'il devra vivre avec le possible remords toute sa vie...Choisir entre ses valeurs et finalement sa petite amie (je n'entre pas dans les détails sous peine de spoiler..)
Sans jamais égaler le brio de Clint Eastwood, il réussi à s'approprier le matériau d'origine pour en proposer une approche personnelle, forte, belle et profondément humaine.
Un film à aller voir en VO bien sur pour apprecier pleinement le jeu d'acteur

cheers