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[film] 2 days in Paris (2007)

Posté : 15.03.08
par cedd
2 days in Paris

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Marion, photographe d'origine française, vit à New York avec Jack, architecte d'intérieur. Pour donner un nouveau souffle à leur relation, ils partent en voyage à Venise - mais leur séjour est gâché lorsque Jack attrape une gastro-entérite... Ils décident alors de se rendre à Paris où Marion a toujours des attaches.
Là encore, l'escapade amoureuse tourne court : entre les parents envahissants de la jeune femme, ses ex-petits copains dragueurs et la manie de Jack à prendre en photo la moindre
pierre tombale, le couple ne trouve aucun répit !
Parviendront-ils à surmonter la tempête ? Ou passeront-ils maîtres dans l'art de la dispute ?


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Un film qui ressemble énormément à son actrice réalisatrice, ce qui est un compliment (j’aime beaucoup la Delpy).
Julie Delpy a toujours été une actrice indépendante partagée entre la France et les Etats-Unis, et il n’est guère étonnant que son nouveau film, après "Looking for Jimmy" en 2002 et deux courts-métrages, soit une comédie indépendante partagée entre la France et les Etats-Unis. De retour d’un voyage en Italie avortée, un couple, une française photographe et un américain décorateur d’intérieur, doit passer deux jours à Paris, chez elle, avant de rentrer chez eux à New York. Alors qu’elle va retrouver sa famille, ses amis ou ses ex, lui va subir un calvaire…

Par le biais de ce couple qui représente finalement ses deux facettes et que Delpy incarnait déjà en partie dans Before sunrise et surtout Before sunset (qu’elle a co-écrit et qui relate aussi les quelques heures ensemble d’un couple franco-américain dans Paris), Julie Delpy s’amuse à confronter deux cultures, deux modes de vie, deux mentalités (même le sujet du sexe est abordé) et deux langues (la barrière de la langue est ici un ressort à la fois comique et dramatique). D’un coté l’américain démocrate (on le devine dés le début quand il envoi se perdre un groupe de touristes bushistes qui cherchent le Louvre pour décrypter le Da Vinci Code) complètement paumé (aussi bien géographiquement que dans les conversations), sarcastique (ses remarques sont souvent très drôles) et paranoïaque (il croit que les français se foutent de sa gueule, il flippe dans le métro et a peur des terroristes, et il est de plus en plus certain que sa nana, qui ne fait que retrouver ses ex durant ces deux jours, est en fait une traînée). Pour lui, la France, c’est l’enfer. De l’autre coté, la française gauchiste humaniste (ça on le devine quand elle renvoie chier le chauffeur de taxi bien beauf et raciste), grande gueule qui s’emporte facilement, bonne vivante qui aime le contact (voir un peu trop pour son mec, cf la scène avec les 2 pompiers :D ), mais aussi un brin menteuse, binoclarde, indécise voir bizarre (les photos de ses ex avec un ballon ficelé au pénis :roll: ).

une idée de routine sympa pour ammener au fclose :
E: Tu sais ce qui attire deux êtres l'un vers l'autre?
L: Je t'embrasse et j'ai un cours de science.
E: Je suis sérieuse.
L: Vas-y, explique.
E: Deux systèmes immunitaires opposés s'attirent pour que leur progéniture ait un système immunitaire optimal.

* il la renifle alors comme si il était un chien *

L: Je sens que nos systèmes immunitaires sont très différents. Faut en profiter !
E: Mon système immunitaire est l'opposé du tien? Notre progéniture sera très résistante?
L: Immunisée contre tout.
E: Avant qu'on procrée, ça t'ennuie de mettre une capote?
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Un couple casse-gueule qui permet à la Delpy de donner (enfin) son point de vue sur ces deux nations. L’actrice sait de quoi elle parle (elle a une vue d’ensemble sur les deux pays et les connaît aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur) et peut se permettre de s’en moquer. Elle pose un regard distancié et souvent acide sur les Etats-Unis (seulement via le personnage d’Adam Goldberg) mais surtout sur la France, ici dévoilée à travers deux points de vue : celui qui la connaît déjà par coeur et celui qui la découvre. Du point de vue de l’américain, on passe pour des fous. Du point de vue de la française, on passe pour des cons (cf. son engueulade avec le chauffeur de taxi raciste). "2 Days in Paris" charme aussi pour sa liberté de ton, jusqu’à parfois frôler la caricature (consciemment) ou le hors-sujet (l’alter mondialiste ange-gardien joué par Daniel Brühl).

E: T'es pas ami avec tes ex?
Je savais pas.
L: Quand c'est fini, c'est fini.
E: Si on se séparait, tu voudrais plus me voir?
L: Je t'éviterais pas, mais je ferais rien pour te voir.
E: Tu me trouves pas fréquentable en dehors de notre relation.
L: T'as tout compris.
E: Je voudrais rester ton amie quand on se séparera.
L: Quand?
E: Si jamais on se sépare.
E: Je t'apprécierais même si on était séparés.
L: Très généreux de ta part.
E: En France, on reste proche de ses ex.
La réalisatrice se joue des clichés et des préjugés, aussi bien sur les américains que sur les français, et dépeint un Paris sous son vrai jour (donc bordélique, franchouillard, pas très accueillant et limite vulgaire), l’esquissant avec beaucoup d’humour, de férocité et de vérité, une vérité qui peut d’ailleurs déranger puisqu’elle concerne un ensemble : de la droite libérale à la gauche socialiste, Julie Delpy se fout autant du gros beauf que du bobo ridicule. Elle en dit beaucoup en peu de choses, par exemple les chauffeurs de taxi que voit passer le couple composent un tableau assez juste de la France actuelle. Beaucoup de réalisateurs américains ont exploré leur pays et l’ont révélé sous un mauvais jour, beaucoup de films américains se sont imposés comme des critiques ou des charges virulentes contre les Etats-Unis. Mais en France, très peu de réalisateurs sont capables d’analyser frontalement leur pays et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Il est rare que des films français parlent vraiment de la France actuelle, en somme. Parce qu’elle est une actrice qui ose, parce qu’elle est toujours restée elle-même et parce que sa situation et son expérience lui confèrent une vraie crédibilité et une certaine légitimité, Julie Delpy a réussi une comédie qui parle d’amour (sans être une comédie romantique), mais surtout de la France, et même les deux en même temps : une histoire d’amour avec la France, avec un peu de rancœur derrière. Son personnage accepte Paris de la même façon qu’elle accepte son compagnon : avec ses qualités et ses défauts, avec ses hauts, ses bas et surtout ses milieux (il est couvert de tatouages). Elle fait avec. Quand à lui, il décide finalement d’apprendre à connaître sa compagne en apprenant à connaître la France, avec ce que ça comporte de sacrifices, de barrières et de gênes. Comme l’indique sa conclusion, "2 Days in Paris" s’avère être une jolie parabole sur la communication et l’échange, et indirectement sur les relations homme/femme. Le coté psy cocasse ajoute un point commun de plus avec le cinéma de Woody Allen.

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Ce concept ludique permet des joutes verbales jubilatoires et des situations à la fois atypiques et naturelles (ça fait vrai et ça sonne juste malgré le ton décalé). C’est plein d’idées narratives et visuelles, en partie parce que la photographie tient une place importante dans l’histoire (Delpy joue avec les clichés, dans tous les sens du terme), et on sent l’influence de cinéastes indépendants comme Richard Linklater.
E: Comment tu me trouves?
L: La question est "Comment tu me trouves, moi?"
L: Tu es superbe. T'es très belle même.
E: Pas trop grosse?
L: T'es grosse, mais t'es superbe.
J'avais oublié que tu étais si belle sans tes lunettes.
Si 2 Days in Paris semble archaïque et désordonné, c’est parce qu’il capture l’essence de Paris et le conflit d’un couple, pas parce que le film n’est pas maîtrisé.
Les dialogues sont savoureusement piquants (surtout ceux de Goldberg, très C&F), ça passe vite et Delpy, par ailleurs comme toujours radieuse, a eu la bonne idée de confier l’autre rôle principal à l’excellent Adam Goldberg, une bonne tête vue dans "Génération Rebelle", "Il Faut sauver le soldat Ryan", "En Direct sur Ed TV", "Salton Sea", "Un Homme d’exception" ou "Déjà Vu" (et un petit rôle dans "Zodiac").
2 Days in Paris est donc une petite comédie personnelle (les parents de Julie, aussi acteurs, joue d’ailleurs leur propre rôle dans le film), spontanée (tout est instantané), franche, libre, fraîche, attachante, pleine de caractère, de vérités bonnes à dire et de valeurs.

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en prime la conclusion du film en voix-off. Si vraie...
Ça m'a toujours fascinée.
Quelqu'un vous aime passionnément, et d'une minute à l'autre, plus rien.
Ça fait tellement mal.
Dès que je pressens que quelqu'un va me quitter, je pars, avant d'entendre l'explication en entier.
Voilà. Un de plus. Un de moins.
Encore une histoire d'amour gâchée.
Pourtant, je l'aimais celui-là.
Quand je pense que c'est fini, je le reverrai plus jamais comme ça.
On se présentera nos nouveaux copains et copines mutuels en prétendant qu'on n'a jamais été ensemble.
On pensera de moins en moins l'un à l'autre.
Et on s'oubliera complètement.
Presque.
Toujours la même chose : séparation, dépression, boisson, rencontre d'un garçon, puis d'un autre, parties de jambes en l'air pour l'oublier,
et puis après trop de vide, on cherche à nouveau l'amour vrai.
On cherche un peu partout et après 2 ans de solitude, on trouve un autre amour.
Jusqu'à la prochaine fois.
Y a un moment où on peut plus se remettre d'une autre séparation.
Même si cette personne nous emmerde 60 % du temps, on peut pas vivre sans elle.
Même que s'il nous réveille tous les matins en éternuant dans notre visage, on préfère quand même ses éternuements à tous les autres baisers.
cheers