Page 1 sur 1

[Film] The Godfather. Attention spoiler.

Posté : 08.05.08
par Aristide
Bonjour, n'ayant pas écrit de message depuis un bout de temps, je me suis dit que le meilleur moyen de renouer avec ce site était d'écrire une review qui me trainait dans la tête depuis longtemps.

Je sais que le parrain a déjà été abordé, mais d'après mes recherches que de manière partielle et rapide, aussi aimerai-je creuser un peu plus le sujet.

Je vous livre donc ici mes pensées, initialement écrites sous la formes de notes rapides rerédigées pour le présent post(ce qui explique le style parfois un peu décousu). Je ne prétends pas avoir tout découvert sur ce film plein de richesse, et c'est justement pour partager mon savoir et m'enrichir du votre et de vos réflexions que je poste ici.

Je précise que les citations sont faites de mémoire et que ce qui va suivre révèle l'histoire de la trilogie, pour les chanceux qui ne connaitraient pas encore ce chef d'oeuvre, je recommande donc d'aller combler cette grave lacune avant de lire ce post.

Le parrain : Francis Ford Coppola
1972 : Paramount Pictures
Musiques de Nino Rota
D’après le livre de Mario Puzo
Un Oscar du meilleur film, triple nomination pour l'oscar du meilleur acteur (Al Pacino, James Caan (Sony), Marlon Brando).


• - Une leçon de cinéma : Le Parrain est d’abord un film de gangsters, superbement filmée et mise en scène. Francis Ford Coppola prend le pas lent et posé du roman pour raconter son histoire avec sobriété et efficacité. Chaque plan, chaque scène, chaque réplique est posé avec soin, sans aucune fioriture et va droit au but, chaque détail a son importance. Le traitement des policiers par la famille dans le 1 et le 2 est à cet égard représentatif. Dans le premier volet, ils se font insulté par Sonny en relevant les numéros des plaques d’immatriculation des voitures emmenant les invités au mariage. Au contraire au début du second, lors de la communion du fils de Michael à laquelle est invité un sénateur, on peut voir un policier patrouillant sur le parking se faire proposer un verre par un serveur. Entre les deux épisodes, la famille Corleone est devenue respectable.
Cette netteté explique en partie que le spectateur puisse se laisser emporter dans un spectacle de trois heures sans sourciller. La longueur du film par rapport à son intrigue contribue par ailleurs à l'immerger dans le New York de 1945, à le rendre familier avec chacun des personnages, à les comprendre.
- Son expérience de la comédie musicale lui permet de transformer en chorégraphie les déplacements des nombreux personnages : la fête des noces au début du film en est une superbe illustration.
- A tout moment, Coppola est conscient de l'utilisation expressive de la couleur, et le contraste entre les tonalités légères et dorées des séquences siciliennes et l'inquiétante pénombre des antres des mafiosi est tout à fait remarquable. - Jeu d’acteur somptueux (Marlon Brando avec le coton dans les joues et le cirage polonais dans les cheveux, magistral Robert de Niro dans le 2, Al Pacino dans son meilleur rôle), Coppola reste sûr de son casting (Al Pacino, Marlon Brando) alors qu’il est contesté.
- Authenticité : L’italien utilisé est en fait le sicilien de Corleone. Les nombreux figurants, les costumes et l’univers si particulier rendu avec succès, les phrases cultes : « I’m gonna make him an offer he can’t refuse » …tout contribue à l’immersion dans le film.

• - Une Epopée historique (80 ans) et familiale menée avec brio :
- Le film a un aspect quasi-documentaire (même s’il reste plus « romancé » et moins réaliste que Goodfellas par exemple) et montre l’évolution du milieu du crime sur cette période (du jeu vers la drogue, les valeurs traditionnels se perdant peu à peu), sa respectabilité et ses liens croissants avec la politique (avec des sénateurs et même le Vatican dans le 3 ou Michael est décoré par le pape).
- Chaque film s’ouvre sur une grande cérémonie religieuse montrant la respectabilité croissante de la famille, cependant la fin (massacres à chaque fois) nous rappelle qu’en fait derrière un vernis d’honnêteté, rien n’a changé, et que la même violence est toujours présente, mais sans les valeurs qui la « légitimaient » avant..
- Ainsi, le film est un peu la destruction d’un mythe et d’un idéal, celui du rêve américain (dés la première phrase « I always believed in America »), mais aussi d’une organisation fondée sur l’honneur et la famille qui disparaît avec tristesse. La scène la plus évocatrice à cet égard se trouve dans le 2, quand Michael, que sa femme a quitté, va rendre visite à sa mère et lui demande comment faisait son père pour ne pas perdre sa famille. Etonnée, elle lui répond qu’on ne peut pas perdre sa famille, ce à quoi il répond tristement « Times are changing ». Les magnifiques musiques de Nino Rota contribuent aussi grandement à créer cette ambiance nostalgique.
La mafia montre la face noir de l’American Dream car elle apparaît au début pour protéger les pauvres non protégés par lois. Les gangsters disent alors avoir de l’honneur et respecter leur famille, mais ils n’y arrivent pas, et quoi qu’ils en disent (« it’s businnes, nothing personnal » dit un ami de Michael qui avait essayé de le faire assassiner) les deux se retrouvent mêlés pour le pire. De même le milieu de la politique et des affaires est aussi corrompu, ce que montrent très bien deux répliques très cyniques de Michael. Quand sa femme lui dit que les politiciens ne font pas tuer les gens il lui réponde « Oh Kay who is being naive? », et quand au début du 2 le sénateur traite sa famille de gangsters : « We are both part of the same hypocrisy senator, but never think it apply to my familly » .Dans le même registre, un parrain du 3 dit : « Finance is a gun, Politics is when to pull the trigger »).

• - La chute d’un homme :
- Ce film est une tragédie grecque au sens classique du terme, tout ce qu'il y a d'inéluctable dans la destinée de Michael est mis en relief par des références religieuses constantes, et ce durant les trois films (cérémonies , baiser à son frère Fredo qui l’a trahis, comme Judas embrassant Jésus). Il ne veut d’abord pas prendre part au business familial mais est vite coincé dans l’engrenage de la violence pour protéger sa famille. Il tombe alors peu à peu dans la violence et la mégalomanie, sa soif de pouvoir n’égale bientôt plus que sa soif de vengeance (dialogue dans fin du 2 avec Tom Hagen qui lui dit qu’il est inutile de se venger en tuant tout le monde, ce qui le fait sortir de ses gonds…). La scène de fin du premier volet montre l'avènement de Michael en tant que Don et sa perversion en tant qu'être humain, acceptant Dieu durant le baptême de son neveu alors qu'au même moment ses hommes de main assassinent tous les chefs de la mafia New Yorkaise dans une scène mémorable (au moment ou à la question du prêtre « Do you refuse Evil ? » il répond « I do »tous ses rivaux sont tués par ses hommes).
- La trilogie montre l’échec d’un parrain… :
Malgré son pouvoir, il n’arrive pas à protéger sa famille (cf la fin du 3, ou avant de mourir, il se revoit dansant avec les 3 femmes qu’il a aimées et qu’il a perdues, dont sa fille tuée à sa place sur les marches du théâtre) et ira même jusqu’à tuer son frère Fredo, ce qui le hantera jusqu’à la fin de ses jours (il baisse la tête après le tir dans le 2, et au début du 3 se fait confesser par le futur pape Jean-Paul 1 dans une scène poignante). Alors que son père a au moins réussi à garder sa famille près de lui (il meurt près de son petit-fils dans son verger), lui finit ses jours seul et isolé en Sicile, comme le vieux parrain que Don Vito va tuer dans le 2. Dés la fin du 1, sa nomination en tant que parrain montre l’écart qui se creuse avec ses proches (le film finit sur ses hommes de main fermant la porte de son bureau devant sa femme, ses affaires ne la concernent pas). Les flash-backs alternés dans le 2 montrent de plus qu’il n’arrive pas à s’occuper aussi bien de sa famille que son père, et ne voit pas assez ses enfants. A la fin du 2, il est complètement seul et se rappelle un moment l’époque ou la famille était unie sous l’ère de son père. La caméra fait alors un gros plan sur Al Pacino et le film se termine sur un regard plein de souffrance.
-…et son impossible retour à la légalité : Il a mal compris les leçons de son père, et aurait du arrêter ses activités pour protéger sa famille, au lieu d’essayer de gagner sans cesse plus de pouvoir. Dans le 3 il essaye finalement de couper ses relations avec le milieu du crime, mais il est trop tard, et il cède (avec regret,la scène faisant échos à la fin du 1) avec regret le titre de parrain à son neveu Vincente. Mais malgré cela il continue d’être attaqué et sa fille meurt à sa place.

Ce chef d’œuvre est donc, comme tous les bons films de gansters (Casino, Once upon a time in America…), un film plein de nostalgie où derrière le génie cinématographique de Coppola se cache une violente critique du pouvoir corrupteur. Un film définitivement culte donc, qui a gagné la première place du classement IMDB, et qui 30 ans après, n’a rien perdu de sa puissance originale.