Strange Days
Posté : 13.02.12
Sarabande
Contrairement à la majorité d’entre vous, je ne sarge pas et ne sargerai probablement jamais. Enfin, disons que je n’organise pas de rendez-vous avec d’autres membres pour aller accoster des nanas dans la rue. Je l’ai fait pendant un certain temps, mais à l’heure actuelle j’ai définitivement abandonné cette idée. Pourquoi ? Surement pas par crainte ou par peur du rejet : je n’ai pas vraiment peur des nanas, je peux aborder l’inconnue la plus canon qui soit sans aucun problème. Mon souci ne relève pas d’un manque de « cojones », mais plutôt d’une incompréhension fondamentale du cerveau féminin. Je n’ai pas la moindre parcelle de l’intuition qu’ont tous les naturals, l’étincelle qui leur permet de décoder le langage corporel de la poupoune afin d’avoir une idée de ce qui se passe dans sa tête, celle qui leur dicte comment agir de telle sorte qu’elle finisse dans leur pieu. On pourrait me comparer à un bateau qui navigue sans aucun instrument de bord : ma seule option, c’est de tester un peu tout ce qui me passe par la tête, de voir quand ça fonctionne (rarement) et d’en tirer des leçons pour calibrer mon comportement futur.
Bref, tout ça pour dire que la drague, je la pratique uniquement en soirée (là où je réalise 100% de mes chopes. Pas 70, ni 80 ni 99,99999, mais bien 100%) et au quotidien avec quelques meufs de mon entourage que je passe mon temps à chauffer (avec un succès très relatif, vous l’aurez compris).
La dernière fois, c’était samedi dernier. Ces derniers temps, j’avais pris la désagréable habitude de finir tellement torché que je ne gardais plus aucun, mais alors aucun souvenir de mes soirées. J’ai toujours eu des black outs plus ou moins longs chaque fois que je picole, mais j’ai récemment atteint des performances records, avec notamment un trou de 6h durant le gala de l’école il y a deux semaines (au cours duquel j’ai parait-il choper deux nanas, fini à poil à plusieurs reprises et abordé plusieurs meufs d’une manière assez scandaleuse). Se réveiller en n’ayant aucun souvenir de ce qu’on a fait la veille est une expérience plus flippante qu’autre chose, mais je vous recommande quand même d’essayer au moins une fois (n’essayez pas de me faire croire que vous n’avez pas éprouvé un minimum de curiosité en matant very bad trip).
Bref, tout ça pour dire que samedi dernier, j’avais décidé d’aller à l’encontre de cette tendance et de passer une soirée (presque) sobre. Je tiens à dire « presque » dans la mesure où au final je me suis quand même enquillé deux AK 47 (cocktail démoniaque du bar Les trois escales, à base de gin, vodka, whisky, rhum et tequila, aaaaaaaaiiiiiiiiiiight), trois sky/coca et une pinte. Mais bon, l’essentiel est que je n’ai eu à aucun moment la sensation d’être pété et que je me souviens d’à peu près tout.
J’ai donc entamé les hostilités aux trois escales avec l’un de mes compagnons de beuverie (appelons le Pierre) que je n’avais pas revu depuis quelques semaines (d’où les 2 AK 47 d’entrée de jeu, fallait bien fêter les retrouvailles, bordel). On s’est installés au sous-sol, où il n’y avait pas grand monde à part un grand groupe de jeunes gens qui parlaient un peu trop fort et un black d’une quarantaine d’année qui buvait une pinte et fumait sa clope tout seul. Il passera la soirée à nous demander du feu. Après avoir claqué la totalité de notre monnaie en liquide, nous nous sommes lentement mais sûrement mis en route vers le concorde, une péniche-boîte située près de la place du même nom, où nous devions retrouver un pote de Pierre, photographe de profession, et toute une clique de nanas oscillant entre la vingtaine et la quarantaine.
Manque de bol, on est arrivés un peu en avance, les autres étaient hyper en retard, et il faisait froid. Genre vraiment froid. Comme en plus la lune semblait plus basse dans le ciel que d’ordinaire et qu’elle avait une couleur orange un peu inquiétante, on a jugé sage d’aller siroter une bière en attendant le reste de la troupe. Le bar était sympa, quoiqu’un peu bondé, la bière était hors de prix mais servie dans une chope qui avait de la gueule, et un groupe de hardos arborant le trio gagnant cheveux longs et gras/marcel/tatouages bien viriles reprenaient des classiques du rock, avec bon gros rifts de gratte à la clef.
A un moment, je suis allé pisser (ça arrive souvent quand on boit de la bière), occasion dont j’ai profité pour chiner une nana dans la file d’attente. Je ne sais plus trop comment je l’ai abordée, mais je me souviens que notre discussion est partie du fait qu’il fallait se méfier des moustachus pour finir sur ses préférences en matière masculines. Malheureusement, la drague dans les chiottes est un art soumis à une terrible fatalité. Tôt ou tard, une cabine se libère, et à moins d’avoir su taper suffisamment dans l’œil de la donzelle pour qu’elle vous incite à l’y suivre, cet évènement rime avec séparation et fin de la partie. Malgré tout : draguer dans les chiottes d’un bar hardos : DONE.
Sur ce, le pote de Pierre l’appelle pour lui dire qu’ils sont en route pour la boîte. On remballe (juste avant je demande au groupe de chanter Les lacs du Connemara, juste pour la forme), re-marche dans le froid, re-métro, re-re-marche dans le froid, péniche. Le photographe (qui doit avoir la quarantaine mais continue de lever des minettes de 20 piges) est accompagné de 4 meufs, dont une sexologue super bizarre et franchement pas top et trois nanas plutôt bien foutues. Je sympathise un peu avec elles, casque 20e pour l’entrée + 1 conso, pénètre dans un petit espace bondé de biatchs, de kékés en tee shirt/gilet H&M, d’hommes et femmes en pleine midlife crisis et de jeunes venus pour se faire péter le crâne sur une bande son commerciale à souhait. Je passerai le début de ma soirée à faire la queue pour aller pisser (environ un soir toutes les deux semaines, il m’arrive d’avoir une vessie de femme enceinte. L’alignement des astres, peut-être.), et à jouer au pilier de bar en compagnie de Pierre, du photographe et de son harem. Je leur parle de ma dernière grosse murge à Paris, durant laquelle j’ai posé mes couilles sur un bar.
Comme le son est trop fort pour pouvoir espérer un échange un minimum intéressant, je fais de nombreux allers retour vers le fumoir, sur le pont. Il y fait relativement froid, ça donne une envie irrépressible de se serrer contre une nana.
Je parle, en vrac, à une blonde bardée de piercings semblant toute droit sortie d’un film pour adultes qui s’avère en fait suivre un M2 de philo. Etant moi-même en M1, j’enchaine là-dessus en lui disant qu’elle doit sacrément dénoté dans l’amphi, ça la fait rire, je la kinote, son groupe de potes la prend par l’épaule, je la reverrai pas de la soirée. Un black complètement torché avec un faux air de jimi hendrix me demande une clope alors qu’il en a déjà une à moitié consumée à la main, se rend compte de son erreur, on déconne, ce sera l’un de mes deux numcloses de la soirée.
Je redescends, je prends un verre, je déconne avec le photographe (Moi : « Ya du très lourd à droite, mais ça m’a l’air pris » Lui : « …et alors ? »), je fais un tour sur la piste de danse et je retourne au bar. Pierre m’invite à le suivre au fumoir. Une pote à lui, une sorte d’émo pas super bien foutue, propose de nous accompagner. Seulement, elle est en tee-shirt, il fait facile -10, elle veut ma veste. Je refuse avec un sourire narquois. Elle me supplie en me fixant de ses grands yeux noirs. Elle a des yeux magnifiques. Même avec une bouée en forme de canard en plastique, on risquerait de s’y noyer. Avec un plaisir masochiste. Les yeux d’une meuf suffisent toujours à me faire craquer, peu importe ce qu’il y a autour.
Moi : « Bon, j’ai quoi en échange ? »
Elle : « Un bisou ».
Smack.
Sur le coup, je culpabilise un peu dans la mesure où elle était en train de choper salement le photographe quelques minutes plus tôt. Je me détends assez rapidement en le voyant emballer la sexologue après 10 minutes de danse puant le sexe.
On retourne fumer. J’aborde une black à qui je donne 25 ans à tout casser. Elle s’avèrera avoir trente ans, un gosse de huit ans, un mari qui s’est fait la malle et un nouveau mec qui vient d’emballer une autre meuf. Forcément, elle pète pas la forme. Moi non plus. Notre discussion est un peu triste, je la chine quand même légèrement, pour la forme. Elle finit par me dire que je suis gentil. J’ai horreur de ça. Je me barre.
Je reprends un verre, je retourne sur la piste, une meuf rapproche son cul de mon entrejambe, je la prends par la taille. Collé-serré de 30 secondes, mouvement de foule, un autre mec la prend et l’embarque. Fail. J’erre quelques instants sur la piste sans trop savoir quoi faire. Autant, je peux aborder à peu près n’importe qui sans subir le moindre changement dans la vitesse de mes pulsations cardiaques, autant l’idée d’inviter une meuf à danser me tétanise. Je balaye la pièce du regard, j’ai le sentiment de voir partout la même scène : un groupe de meufs qui dansent, l’air de s’emmerder sévère, un cassoce de trente berges avec un air de coincé du cul/un beauf/une caillera qui danse à à peine deux mètres d’elles, tourné vers leur direction. Chacun de ses mouvements trahi son manque de confiance, sa gêne, il a perdu avant même d’avoir commencé. Je vois les meufs lui jeter des regards, les imagine se dire « pfff, regardez-moi cet abruti » dans leur tête. J’imagine la meuf que j’envisage de prendre par l’épaule penser la même chose de moi. Je me vois dans le corps de ce type, suant l’appréhension. Plutôt ne rien tenter que prendre le risque de vivre ça. C’est sans doute très con. Le dancefloor d’une boite est vraisemblablement le seul marché avec à la fois une offre et une demande gargantuesque, et un taux de satisfaction proche de zero.
Retour au fumoir. J’aborde une brune assez excitante, qui me fait penser à Andromaque dans Troie (un de mes gros fantasmes féminins, même si elle est un peu grande à mon goût). Manque de bol, elle est mariée et son mec est présent à la soirée. Décidément, le mariage a encore de beaux jours devant lui, les enfants. Je lui dis le nom de ma ville (une bourgade paumée qui sent bon la ferme), elle le répète plusieurs fois en rigolant. Pour un peu, je tomberais amoureux. Un type d’environ 30 piges se ramène et tente de lui faire un tour de magie complètement naze dont je connais le truc. Je ruine son tour en déconnant, sans être (trop) méchant. Il enchaine avec un autre que je connais également. Pas de bol. Rebelote. Il n’a pas l’air de trop m’en vouloir, ouf. Le mari de la poule se ramène. Je déconne avec le magicien en carton.
La soirée commence à toucher à sa fin. Ambiance apocalyptique : 10% de la salle se tient la tête entre les mains, une flaque de gerbe devant eux, 10% font valser leurs langues, 20% comatent sur les canap’, les autres dansent comme des zombies. Je traverse le dancefloor d’un œil hagard, rejoint Pierre et le photographe en train de fumer et de boire du sky avec un nuage de coca derrière le DJ. Je frime un peu avec eux, ça me donne le sentiment d’être vip. La fille aux yeux qui me donnent envie de me noyer dedans nous rejoint et me fait un bisou dans l’oreille. Resmack.
Moi : « ça risque de pas plaire au photographe.. »
Elle : « M’en fous de lui. »
Moi : « Ha oui ? »
Elle : « Ouais, je sais très bien qu’il est avec moi que pour le cul. Toute façon les hommes c’est tous des cons.»
Moi : « Bon ben je pars au Brésil, je change de sexe et à mon retour on baise comme des bêtes. »
On déconne un peu. Elle me prend mon portable, y note son numéro, se fait biper.
La soirée touche vraiment à sa fin. Pierre commence à être complètement pété. On quitte la péniche. Le jour ne s’est pas encore levé et il fait toujours aussi froid. Je pense à Gainsbourg, à la lune qui s’apprête à tirer sa révérence, et au connard d’aristo fin de race qui se tape « ma » nana. Amélie. Ptain, je réalise seulement maintenant que je viens de pondre quatre pages word police 11 sans évoquer une seule fois le nom d’Amélie. Amélie, elle est minuscule, mais elle a un cul à faire bander le pape, elle parle super fort et elle a des yeux immenses. Amélie, elle n’est pas vraiment belle, c’ezst beaucoup mieux que ça : elle a un truc en plus. Amélie, j’aurais préféré la niquer rien qu’une seule fois plutôt que me taper toutes les filles de l’école. Amélie, j’aurais pu l’avoir dans mon lit si j’avais été un peu moins con. Je sais pas trop quand je parviendrai à l’oublier. Je préfère pas trop y penser. Il fait vraiment, vraiment froid.
« A la fin tu es las de ce monde ancien »
-Apollinaire
Contrairement à la majorité d’entre vous, je ne sarge pas et ne sargerai probablement jamais. Enfin, disons que je n’organise pas de rendez-vous avec d’autres membres pour aller accoster des nanas dans la rue. Je l’ai fait pendant un certain temps, mais à l’heure actuelle j’ai définitivement abandonné cette idée. Pourquoi ? Surement pas par crainte ou par peur du rejet : je n’ai pas vraiment peur des nanas, je peux aborder l’inconnue la plus canon qui soit sans aucun problème. Mon souci ne relève pas d’un manque de « cojones », mais plutôt d’une incompréhension fondamentale du cerveau féminin. Je n’ai pas la moindre parcelle de l’intuition qu’ont tous les naturals, l’étincelle qui leur permet de décoder le langage corporel de la poupoune afin d’avoir une idée de ce qui se passe dans sa tête, celle qui leur dicte comment agir de telle sorte qu’elle finisse dans leur pieu. On pourrait me comparer à un bateau qui navigue sans aucun instrument de bord : ma seule option, c’est de tester un peu tout ce qui me passe par la tête, de voir quand ça fonctionne (rarement) et d’en tirer des leçons pour calibrer mon comportement futur.
Bref, tout ça pour dire que la drague, je la pratique uniquement en soirée (là où je réalise 100% de mes chopes. Pas 70, ni 80 ni 99,99999, mais bien 100%) et au quotidien avec quelques meufs de mon entourage que je passe mon temps à chauffer (avec un succès très relatif, vous l’aurez compris).
La dernière fois, c’était samedi dernier. Ces derniers temps, j’avais pris la désagréable habitude de finir tellement torché que je ne gardais plus aucun, mais alors aucun souvenir de mes soirées. J’ai toujours eu des black outs plus ou moins longs chaque fois que je picole, mais j’ai récemment atteint des performances records, avec notamment un trou de 6h durant le gala de l’école il y a deux semaines (au cours duquel j’ai parait-il choper deux nanas, fini à poil à plusieurs reprises et abordé plusieurs meufs d’une manière assez scandaleuse). Se réveiller en n’ayant aucun souvenir de ce qu’on a fait la veille est une expérience plus flippante qu’autre chose, mais je vous recommande quand même d’essayer au moins une fois (n’essayez pas de me faire croire que vous n’avez pas éprouvé un minimum de curiosité en matant very bad trip).
Bref, tout ça pour dire que samedi dernier, j’avais décidé d’aller à l’encontre de cette tendance et de passer une soirée (presque) sobre. Je tiens à dire « presque » dans la mesure où au final je me suis quand même enquillé deux AK 47 (cocktail démoniaque du bar Les trois escales, à base de gin, vodka, whisky, rhum et tequila, aaaaaaaaiiiiiiiiiiight), trois sky/coca et une pinte. Mais bon, l’essentiel est que je n’ai eu à aucun moment la sensation d’être pété et que je me souviens d’à peu près tout.
J’ai donc entamé les hostilités aux trois escales avec l’un de mes compagnons de beuverie (appelons le Pierre) que je n’avais pas revu depuis quelques semaines (d’où les 2 AK 47 d’entrée de jeu, fallait bien fêter les retrouvailles, bordel). On s’est installés au sous-sol, où il n’y avait pas grand monde à part un grand groupe de jeunes gens qui parlaient un peu trop fort et un black d’une quarantaine d’année qui buvait une pinte et fumait sa clope tout seul. Il passera la soirée à nous demander du feu. Après avoir claqué la totalité de notre monnaie en liquide, nous nous sommes lentement mais sûrement mis en route vers le concorde, une péniche-boîte située près de la place du même nom, où nous devions retrouver un pote de Pierre, photographe de profession, et toute une clique de nanas oscillant entre la vingtaine et la quarantaine.
Manque de bol, on est arrivés un peu en avance, les autres étaient hyper en retard, et il faisait froid. Genre vraiment froid. Comme en plus la lune semblait plus basse dans le ciel que d’ordinaire et qu’elle avait une couleur orange un peu inquiétante, on a jugé sage d’aller siroter une bière en attendant le reste de la troupe. Le bar était sympa, quoiqu’un peu bondé, la bière était hors de prix mais servie dans une chope qui avait de la gueule, et un groupe de hardos arborant le trio gagnant cheveux longs et gras/marcel/tatouages bien viriles reprenaient des classiques du rock, avec bon gros rifts de gratte à la clef.
A un moment, je suis allé pisser (ça arrive souvent quand on boit de la bière), occasion dont j’ai profité pour chiner une nana dans la file d’attente. Je ne sais plus trop comment je l’ai abordée, mais je me souviens que notre discussion est partie du fait qu’il fallait se méfier des moustachus pour finir sur ses préférences en matière masculines. Malheureusement, la drague dans les chiottes est un art soumis à une terrible fatalité. Tôt ou tard, une cabine se libère, et à moins d’avoir su taper suffisamment dans l’œil de la donzelle pour qu’elle vous incite à l’y suivre, cet évènement rime avec séparation et fin de la partie. Malgré tout : draguer dans les chiottes d’un bar hardos : DONE.
Sur ce, le pote de Pierre l’appelle pour lui dire qu’ils sont en route pour la boîte. On remballe (juste avant je demande au groupe de chanter Les lacs du Connemara, juste pour la forme), re-marche dans le froid, re-métro, re-re-marche dans le froid, péniche. Le photographe (qui doit avoir la quarantaine mais continue de lever des minettes de 20 piges) est accompagné de 4 meufs, dont une sexologue super bizarre et franchement pas top et trois nanas plutôt bien foutues. Je sympathise un peu avec elles, casque 20e pour l’entrée + 1 conso, pénètre dans un petit espace bondé de biatchs, de kékés en tee shirt/gilet H&M, d’hommes et femmes en pleine midlife crisis et de jeunes venus pour se faire péter le crâne sur une bande son commerciale à souhait. Je passerai le début de ma soirée à faire la queue pour aller pisser (environ un soir toutes les deux semaines, il m’arrive d’avoir une vessie de femme enceinte. L’alignement des astres, peut-être.), et à jouer au pilier de bar en compagnie de Pierre, du photographe et de son harem. Je leur parle de ma dernière grosse murge à Paris, durant laquelle j’ai posé mes couilles sur un bar.
Comme le son est trop fort pour pouvoir espérer un échange un minimum intéressant, je fais de nombreux allers retour vers le fumoir, sur le pont. Il y fait relativement froid, ça donne une envie irrépressible de se serrer contre une nana.
Je parle, en vrac, à une blonde bardée de piercings semblant toute droit sortie d’un film pour adultes qui s’avère en fait suivre un M2 de philo. Etant moi-même en M1, j’enchaine là-dessus en lui disant qu’elle doit sacrément dénoté dans l’amphi, ça la fait rire, je la kinote, son groupe de potes la prend par l’épaule, je la reverrai pas de la soirée. Un black complètement torché avec un faux air de jimi hendrix me demande une clope alors qu’il en a déjà une à moitié consumée à la main, se rend compte de son erreur, on déconne, ce sera l’un de mes deux numcloses de la soirée.
Je redescends, je prends un verre, je déconne avec le photographe (Moi : « Ya du très lourd à droite, mais ça m’a l’air pris » Lui : « …et alors ? »), je fais un tour sur la piste de danse et je retourne au bar. Pierre m’invite à le suivre au fumoir. Une pote à lui, une sorte d’émo pas super bien foutue, propose de nous accompagner. Seulement, elle est en tee-shirt, il fait facile -10, elle veut ma veste. Je refuse avec un sourire narquois. Elle me supplie en me fixant de ses grands yeux noirs. Elle a des yeux magnifiques. Même avec une bouée en forme de canard en plastique, on risquerait de s’y noyer. Avec un plaisir masochiste. Les yeux d’une meuf suffisent toujours à me faire craquer, peu importe ce qu’il y a autour.
Moi : « Bon, j’ai quoi en échange ? »
Elle : « Un bisou ».
Smack.
Sur le coup, je culpabilise un peu dans la mesure où elle était en train de choper salement le photographe quelques minutes plus tôt. Je me détends assez rapidement en le voyant emballer la sexologue après 10 minutes de danse puant le sexe.
On retourne fumer. J’aborde une black à qui je donne 25 ans à tout casser. Elle s’avèrera avoir trente ans, un gosse de huit ans, un mari qui s’est fait la malle et un nouveau mec qui vient d’emballer une autre meuf. Forcément, elle pète pas la forme. Moi non plus. Notre discussion est un peu triste, je la chine quand même légèrement, pour la forme. Elle finit par me dire que je suis gentil. J’ai horreur de ça. Je me barre.
Je reprends un verre, je retourne sur la piste, une meuf rapproche son cul de mon entrejambe, je la prends par la taille. Collé-serré de 30 secondes, mouvement de foule, un autre mec la prend et l’embarque. Fail. J’erre quelques instants sur la piste sans trop savoir quoi faire. Autant, je peux aborder à peu près n’importe qui sans subir le moindre changement dans la vitesse de mes pulsations cardiaques, autant l’idée d’inviter une meuf à danser me tétanise. Je balaye la pièce du regard, j’ai le sentiment de voir partout la même scène : un groupe de meufs qui dansent, l’air de s’emmerder sévère, un cassoce de trente berges avec un air de coincé du cul/un beauf/une caillera qui danse à à peine deux mètres d’elles, tourné vers leur direction. Chacun de ses mouvements trahi son manque de confiance, sa gêne, il a perdu avant même d’avoir commencé. Je vois les meufs lui jeter des regards, les imagine se dire « pfff, regardez-moi cet abruti » dans leur tête. J’imagine la meuf que j’envisage de prendre par l’épaule penser la même chose de moi. Je me vois dans le corps de ce type, suant l’appréhension. Plutôt ne rien tenter que prendre le risque de vivre ça. C’est sans doute très con. Le dancefloor d’une boite est vraisemblablement le seul marché avec à la fois une offre et une demande gargantuesque, et un taux de satisfaction proche de zero.
Retour au fumoir. J’aborde une brune assez excitante, qui me fait penser à Andromaque dans Troie (un de mes gros fantasmes féminins, même si elle est un peu grande à mon goût). Manque de bol, elle est mariée et son mec est présent à la soirée. Décidément, le mariage a encore de beaux jours devant lui, les enfants. Je lui dis le nom de ma ville (une bourgade paumée qui sent bon la ferme), elle le répète plusieurs fois en rigolant. Pour un peu, je tomberais amoureux. Un type d’environ 30 piges se ramène et tente de lui faire un tour de magie complètement naze dont je connais le truc. Je ruine son tour en déconnant, sans être (trop) méchant. Il enchaine avec un autre que je connais également. Pas de bol. Rebelote. Il n’a pas l’air de trop m’en vouloir, ouf. Le mari de la poule se ramène. Je déconne avec le magicien en carton.
La soirée commence à toucher à sa fin. Ambiance apocalyptique : 10% de la salle se tient la tête entre les mains, une flaque de gerbe devant eux, 10% font valser leurs langues, 20% comatent sur les canap’, les autres dansent comme des zombies. Je traverse le dancefloor d’un œil hagard, rejoint Pierre et le photographe en train de fumer et de boire du sky avec un nuage de coca derrière le DJ. Je frime un peu avec eux, ça me donne le sentiment d’être vip. La fille aux yeux qui me donnent envie de me noyer dedans nous rejoint et me fait un bisou dans l’oreille. Resmack.
Moi : « ça risque de pas plaire au photographe.. »
Elle : « M’en fous de lui. »
Moi : « Ha oui ? »
Elle : « Ouais, je sais très bien qu’il est avec moi que pour le cul. Toute façon les hommes c’est tous des cons.»
Moi : « Bon ben je pars au Brésil, je change de sexe et à mon retour on baise comme des bêtes. »
On déconne un peu. Elle me prend mon portable, y note son numéro, se fait biper.
La soirée touche vraiment à sa fin. Pierre commence à être complètement pété. On quitte la péniche. Le jour ne s’est pas encore levé et il fait toujours aussi froid. Je pense à Gainsbourg, à la lune qui s’apprête à tirer sa révérence, et au connard d’aristo fin de race qui se tape « ma » nana. Amélie. Ptain, je réalise seulement maintenant que je viens de pondre quatre pages word police 11 sans évoquer une seule fois le nom d’Amélie. Amélie, elle est minuscule, mais elle a un cul à faire bander le pape, elle parle super fort et elle a des yeux immenses. Amélie, elle n’est pas vraiment belle, c’ezst beaucoup mieux que ça : elle a un truc en plus. Amélie, j’aurais préféré la niquer rien qu’une seule fois plutôt que me taper toutes les filles de l’école. Amélie, j’aurais pu l’avoir dans mon lit si j’avais été un peu moins con. Je sais pas trop quand je parviendrai à l’oublier. Je préfère pas trop y penser. Il fait vraiment, vraiment froid.
« A la fin tu es las de ce monde ancien »
-Apollinaire