26 ans et schizophrène
Posté : 12.03.15
À en croire certains artistes, être fou ajoute une certaine valeur ajoutée à leur travail ainsi qu’à leur image. Mais bizarrement, quand on parle de schizophrénie ou de bouffée délirante aiguë (BDA), très peu de personnes savent réellement de quoi il s’agit.
Derrière ces deux mots se cache une réalité, dont peu de monde aborde sainement le sujet : la maladie mentale.
J’ai 26 ans, j’ai fait deux BDA, et j’ai été diagnostiqué schizophrène il y a deux ans.
Je suis maintenant stabilisé, et pense avoir un recul nécessaire sur ce qui s’est passé pour avoir un oeil à la fois observateur et objectif.
Avec ces quelques lignes je vous invite à découvrir ce que sont ces deux termes souvent méconnus, à travers un patient qui a vécu et est atteint de ces symptômes... moi-même.
Bouffée délirante aiguë, schizophrénie
Bouffée délirante aiguë, ou BDA... C’est quoi?
C’est un épisode psychotique transitoire caractérisé par des délires qui varient d’une personne à l’autre, souvent accompagnés de troubles hallucinatoires multiples : auditives, visuelles et sensorielles.
La maladie peut apparaître brusquement chez des gens jusque-là indemnes de troubles psychiques, en général âgés de 18 à 30 ans.
Pour vous donner une idée, c’est un peu comme si vous vous amusiez à prendre du LSD en grande quantité et que vous restiez “bloqué” dans vos délires 24h/24 et 7J/7.
Il y a deux types de patients : ceux chez qui le phénomène ne se produira qu’une seule fois, et ceux chez qui il se reproduira à de multiples reprises de manière imprévisible. On parlera alors de schizophrénie.
1.Les symptômes
Je suis peu à peu devenu craintif de ce que pensent les autres à mon sujet, jusqu’à ce que ça bascule dans la psychose totale. J’en suis venu à penser que tout le monde complotait quelque chose contre moi, derrière mon dos. Même les gens que je ne connaissais pas, que je croisais dans la rue ou sur les lieux de mon travail m’inspiraient de la crainte.
Sans parler de mon hyperactivité, il fallait absolument que je bouge, fasse quelque chose même si je n’en avais plus l’énergie. Ça, plus le fait de ne plus dormir comme il faut, un sommeil perturbé qui débordait souvent sur des insomnies, engendrant un état où l’on perçoit moins bien les choses et où l’objectivité se perd dans la subjectivité totale.
Vers la fin de la bouffée délirante, quand j’en étais au stade ou je ne savais absolument plus ce que je faisais et complètement perdu entre mes psychoses et mes délires je me suis mis à entendre des “voix”.
Vous voyez quand vous avez une discussion avec quelqu’un ? Essayez d’imaginer que vous ayez cette discussion dans votre tête, sans personne autour. Des fois j’avais même l’impression de parler à plusieurs personnes.
2.Mes ressentis lors de cette expérience
En termes de ressentis, une bouffée délirante est assez complexe voire impossible à retranscrire sur papier. Disons que c'est des émotions extrêmes qui vous parcourent le corps, en permanence.
Dans mon cas, ça s'est réveillé petit à petit, puis ça a pris de plus en plus d'ampleur dans ma vie.
À un moment je me prenais pour un druide (genre les druides vikings), je travaillais alors dans le nucléaire. La psychose a commencé à me ronger, j'étais persuadé qu'on prenait des doses trop élevées de radiations par rapport à ce que l'on peut prendre en milieu "chaud" dit radioactif, mais que l’on cherchait à nous le cacher.. alors que le milieu nucléaire est très probablement un des endroits où la santé des agents est la plus surveillée.
J'étais aussi persuadé de connaître des vérités qui ne devaient pas être révélées sous peine de créer des grands cataclysmes humains..
Puis, un matin, alors que j'avais dormi dans ma voiture la nuit, je me suis réveillé avec un sentiment terrible : j'étais persuadé, au plus profond de moi, que toute ma famille avait disparu et me reniait.
Pourquoi ? Aucune raison.
J'ai alors pris ma voiture et j’ai commencé à rouler, un peu dans n’importe quelle direction.
Au fil des délires qui me venaient à l'esprit cette journée-là, je me suis dit qu'une guerre allait bientôt éclater. Il fallait alors que j'aille prévenir le plus de monde possible.
Mais les prévenir juste en passant devant eux avec ma voiture. Genre je suis quelqu'un qui a le pouvoir de communiquer rien que par sa présence certaines choses.
Je ne sais plus trop combien de temps ça a duré. Je sais que je suis parti de chez mon meilleur ami le vendredi soir, et que ma mère a reçu l'appel d'un hôpital psychiatrique à Lausanne, en Suisse un lundi après midi.
Le pire dans ce déroulement c’est que je me suis cru lucide, étant donné que je n’avais pas consommé de drogues.. Ce qui m’a d’autant plus ancré dans mon délire.
L’hôpital psychiatrique
Avec le voile qui entoure les hôpitaux psychiatriques, les personnes qui évoquent le sujet s’imaginent tout un tas de choses plus horribles les unes que les autres, souvent basées sur pas grand chose.
Déjà, il faut prendre objectivement les choses : dans un hôpital général, on soigne des blessures physiques. Dans un hôpital psychiatrique, on soigne les blessures mentales. Dans les deux cas, il n’y a pas que des choses belles à voir.
En hôpital général les patients restent la plupart du temps dans leur chambre, sans contact ou presque avec les autres. Leurs blessures sont camouflées par des blouses, et quand elles sont aux bras, aux jambes ou au visage sont recouvertes de jolis sparadraps blancs.
En psychiatrie, les patients sont le plus souvent en contact avec les autres, à part certains cas spéciaux qui demandent un isolement temporaire. Les blessures ne peuvent, elles, être masquées par des habits. Forcément, on ne voit pas que des comportements “normaux” tant qu’on est dans une enceinte comme celle-là.
Tous les patients ne sont pas mis dans le même endroit non plus : en fonction du degré de leur pathologie, ils sont soit placés dans des centres dits fermés, soit dans ceux dits ouverts.
Pour ce qui est de la psychiatrie fermée on ne peut pas avoir de droit de sortie, et les visites sont plus que limitées. Ça me fait un peu mal de dire ça, mais c’est une sorte de petite prison où la violence physique et psychologique est réprimandée par calmants et par enfermement en chambre.
Il y règne une ambiance qui varie en fonction des patients qui y sont et des différentes pathologies qu’ils ont.
Je n’y ai pas forcément gardé de très bons souvenirs, mais entre nous si vous trouvez un patient qui a gardé de bons souvenirs de son passage en soins intensifs, faites-moi signe.
En ce qui concerne la psychiatrie ouverte, elle s’apparente plus à une maison de repos. Beaucoup de gens y font passage, ça va de la simple dépression à ceux qui étaient jusque-là en psychiatrie fermée et dont l’état psychique s’est amélioré.
On a droit à une sortie à l’extérieur durant 24 heures une fois par semaine, les activités proposées sont plus nombreuses, on peut circuler librement dans l’enceinte de l’hôpital, et même sortir en ville sur autorisation des médecins. On peut aussi recevoir des visites plus facilement, sur une plus grande plage horaire. Et, effectivement, on n’y voit pas certaines choses que l’on peut voir en psychiatrie fermée.
Un rétablissement long et pénible
1.L’apparition des médicaments
Une fois recueilli en psychiatrie, c’est là que les choses se compliquent. Selon son état, toute une batterie de médicaments antianxualitiques, stabilisateurs d’humeurs et calmants sont utilisés afin de faire “redescendre” le patient, de le reconnecter à la réalité.
Des médicaments qui sont nécessaires au rétablissement mental et à sa stabilisation, mais qui ont en général de lourds effets secondaires, notamment au niveau de la forme physique et de la capacité de réflexion.
D’autres effets secondaires peuvent apparaître, par cas particuliers : je me souviens notamment avoir dû subir une piqûre intramusculaire d’urgence à cause de contractions musculaires au niveau du cou d’une douleur insoutenable, suite à la prise d’un des médicaments.
Après, quand je parle d’affectation au niveau de la forme physique, ça concerne l’endurance et la force des muscles. Il va être pour le coup très difficile de tenir un effort physique, même simple. Je ne parle même pas de la puissance musculaire ni de l’activité sexuelle, qui sont partiellement anéanties.
Quant au mental, il n’est pas épargné. Les médicaments, ayant pour but de contenir l’activité cérébrale afin de dissiper les délires jouent aussi sur la capacité de réflexion. On est plongé dans un état second, où le calcul mental et la réflexion deviennent difficiles, assez souvent accompagné de fringales.
Le tout combiné fait plonger dans un état de fatigue physique et mentale permanent, faisant de nous de véritables légumes incapables de pouvoir vivre en autonomie. De plus, plusieurs médicaments différents mais avec des molécules ayant des effets similaires peuvent être testés, certains traitements causant trop d’effets secondaires indésirables.
Cette phase est longue et pénible, voire complètement désespérante mais est cependant nécessaire au rétablissement face à ce genre de pathologie.
2.Accepter la maladie, respecter son traitement et garder espoir
Du rétablissement, la partie la plus délicate est celle de la fin d’hospitalisation. On se retrouve en dehors de tout encadrement médical, et l’envie d’en finir avec ce traitement qui rend le quotidien difficile est plus que présente.
Il faut se dire que les médicaments donnés durant l’hospitalisation, même s’ils ne sont plus présents dans le traitement, mettent pour certains 6 mois, voir 1 an pour être entièrement évacués par le corps. Il en est de même pour la durée pendant laquelle on peut ressentir une fatigue continue et des difficultés à la réflexion, mais encore une fois ce temps est nécessaire et respecter son traitement est capital.
Après ma première hospitalisation, j’ai rapidement décidé d’arrêter le traitement, vu que j’allais bien, n’avais plus d’hallucinations et étais à nouveau lucide dans mon esprit.
Fatale erreur.
Dans un premier temps, j’ai rapidement retrouvé mon énergie. Il a cependant fallu attendre 7 à 8 mois avant que je retrouve mes érections.
Mais pour moi, tout allait bien. Du moins pour ce que j’en pensais.
Jusqu’à ce qu’on me recueille un matin d’octobre dans la rue en état d’hypothermie, ayant dormi dans la rue en short et en T-shirt par des températures négatives. Après avoir passé une journée en soins intensifs dont je n’ai aucun souvenir, j’ai été transféré en psychiatrie.
En fait, ça faisait plus de 8 mois que j'enchaînais bouffée délirante sur bouffée délirante.
Le bilan émotionnel est lourd. Très lourd.
Perte de la maîtrise de soi, perte de la réalité, perte d'amis, perte de repères, tout ça menant à une autodestruction de mes cercles sociaux, professionnels et engendrant des problèmes plus ou moins graves.
Il a en plus fallu que je repasse par la case psychiatrie, qui a cette fois duré plus de deux fois plus longtemps. Je ne parle même pas de la phase qui a suivi mon hospitalisation, où j’en avais marre tellement je ne voyais plus la sortie du tunnel et où j’ai juste eu envie de me pendre. Si je suis encore là pour écrire cet article, c’est que j’ai pris la bonne décision : me faire hospitaliser pour grave dépression.
A l'hôpital, un des médecins m’a dit :
“La première fois, c’est dur. La deuxième fois, c’est terrible.”
J’y suis resté 3 semaines de plus, et en suis sorti avec une batterie d'antidépresseurs, le temps que je me rétablisse et que mon psychiatre puisse progressivement diminuer les doses. Je n’ai pas pris le risque de les diminuer par moi-même.
Aujourd’hui je vis avec mon traitement de fond qui ne comporte qu’un seul médicament, que je prends quotidiennement. J’ai retrouvé l’intégralité de mes capacités physiques et mentales, et je vis bien.
Le seul bémol reste au niveau du sexe : j’ai des érections molles, qui sont causées par les restes des gros antidépresseurs que j’ai pu prendre sur une longue période et que mon corps n’a pas encore évacué.
Le médicament que je prends n’ayant pas d’effets sur la libido, j’attends juste patiemment que le temps fasse son oeuvre et je pourrai à nouveau pleinement profiter de ma vie sexuelle, petite cerise sur le gâteau de la vie ;).
Derrière ces deux mots se cache une réalité, dont peu de monde aborde sainement le sujet : la maladie mentale.
J’ai 26 ans, j’ai fait deux BDA, et j’ai été diagnostiqué schizophrène il y a deux ans.
Je suis maintenant stabilisé, et pense avoir un recul nécessaire sur ce qui s’est passé pour avoir un oeil à la fois observateur et objectif.
Avec ces quelques lignes je vous invite à découvrir ce que sont ces deux termes souvent méconnus, à travers un patient qui a vécu et est atteint de ces symptômes... moi-même.
Bouffée délirante aiguë, schizophrénie
Bouffée délirante aiguë, ou BDA... C’est quoi?
C’est un épisode psychotique transitoire caractérisé par des délires qui varient d’une personne à l’autre, souvent accompagnés de troubles hallucinatoires multiples : auditives, visuelles et sensorielles.
La maladie peut apparaître brusquement chez des gens jusque-là indemnes de troubles psychiques, en général âgés de 18 à 30 ans.
Pour vous donner une idée, c’est un peu comme si vous vous amusiez à prendre du LSD en grande quantité et que vous restiez “bloqué” dans vos délires 24h/24 et 7J/7.
Il y a deux types de patients : ceux chez qui le phénomène ne se produira qu’une seule fois, et ceux chez qui il se reproduira à de multiples reprises de manière imprévisible. On parlera alors de schizophrénie.
1.Les symptômes
Je suis peu à peu devenu craintif de ce que pensent les autres à mon sujet, jusqu’à ce que ça bascule dans la psychose totale. J’en suis venu à penser que tout le monde complotait quelque chose contre moi, derrière mon dos. Même les gens que je ne connaissais pas, que je croisais dans la rue ou sur les lieux de mon travail m’inspiraient de la crainte.
Sans parler de mon hyperactivité, il fallait absolument que je bouge, fasse quelque chose même si je n’en avais plus l’énergie. Ça, plus le fait de ne plus dormir comme il faut, un sommeil perturbé qui débordait souvent sur des insomnies, engendrant un état où l’on perçoit moins bien les choses et où l’objectivité se perd dans la subjectivité totale.
Vers la fin de la bouffée délirante, quand j’en étais au stade ou je ne savais absolument plus ce que je faisais et complètement perdu entre mes psychoses et mes délires je me suis mis à entendre des “voix”.
Vous voyez quand vous avez une discussion avec quelqu’un ? Essayez d’imaginer que vous ayez cette discussion dans votre tête, sans personne autour. Des fois j’avais même l’impression de parler à plusieurs personnes.
2.Mes ressentis lors de cette expérience
En termes de ressentis, une bouffée délirante est assez complexe voire impossible à retranscrire sur papier. Disons que c'est des émotions extrêmes qui vous parcourent le corps, en permanence.
Dans mon cas, ça s'est réveillé petit à petit, puis ça a pris de plus en plus d'ampleur dans ma vie.
À un moment je me prenais pour un druide (genre les druides vikings), je travaillais alors dans le nucléaire. La psychose a commencé à me ronger, j'étais persuadé qu'on prenait des doses trop élevées de radiations par rapport à ce que l'on peut prendre en milieu "chaud" dit radioactif, mais que l’on cherchait à nous le cacher.. alors que le milieu nucléaire est très probablement un des endroits où la santé des agents est la plus surveillée.
J'étais aussi persuadé de connaître des vérités qui ne devaient pas être révélées sous peine de créer des grands cataclysmes humains..
Puis, un matin, alors que j'avais dormi dans ma voiture la nuit, je me suis réveillé avec un sentiment terrible : j'étais persuadé, au plus profond de moi, que toute ma famille avait disparu et me reniait.
Pourquoi ? Aucune raison.
J'ai alors pris ma voiture et j’ai commencé à rouler, un peu dans n’importe quelle direction.
Au fil des délires qui me venaient à l'esprit cette journée-là, je me suis dit qu'une guerre allait bientôt éclater. Il fallait alors que j'aille prévenir le plus de monde possible.
Mais les prévenir juste en passant devant eux avec ma voiture. Genre je suis quelqu'un qui a le pouvoir de communiquer rien que par sa présence certaines choses.
Je ne sais plus trop combien de temps ça a duré. Je sais que je suis parti de chez mon meilleur ami le vendredi soir, et que ma mère a reçu l'appel d'un hôpital psychiatrique à Lausanne, en Suisse un lundi après midi.
Le pire dans ce déroulement c’est que je me suis cru lucide, étant donné que je n’avais pas consommé de drogues.. Ce qui m’a d’autant plus ancré dans mon délire.
L’hôpital psychiatrique
Avec le voile qui entoure les hôpitaux psychiatriques, les personnes qui évoquent le sujet s’imaginent tout un tas de choses plus horribles les unes que les autres, souvent basées sur pas grand chose.
Déjà, il faut prendre objectivement les choses : dans un hôpital général, on soigne des blessures physiques. Dans un hôpital psychiatrique, on soigne les blessures mentales. Dans les deux cas, il n’y a pas que des choses belles à voir.
En hôpital général les patients restent la plupart du temps dans leur chambre, sans contact ou presque avec les autres. Leurs blessures sont camouflées par des blouses, et quand elles sont aux bras, aux jambes ou au visage sont recouvertes de jolis sparadraps blancs.
En psychiatrie, les patients sont le plus souvent en contact avec les autres, à part certains cas spéciaux qui demandent un isolement temporaire. Les blessures ne peuvent, elles, être masquées par des habits. Forcément, on ne voit pas que des comportements “normaux” tant qu’on est dans une enceinte comme celle-là.
Tous les patients ne sont pas mis dans le même endroit non plus : en fonction du degré de leur pathologie, ils sont soit placés dans des centres dits fermés, soit dans ceux dits ouverts.
Pour ce qui est de la psychiatrie fermée on ne peut pas avoir de droit de sortie, et les visites sont plus que limitées. Ça me fait un peu mal de dire ça, mais c’est une sorte de petite prison où la violence physique et psychologique est réprimandée par calmants et par enfermement en chambre.
Il y règne une ambiance qui varie en fonction des patients qui y sont et des différentes pathologies qu’ils ont.
Je n’y ai pas forcément gardé de très bons souvenirs, mais entre nous si vous trouvez un patient qui a gardé de bons souvenirs de son passage en soins intensifs, faites-moi signe.
En ce qui concerne la psychiatrie ouverte, elle s’apparente plus à une maison de repos. Beaucoup de gens y font passage, ça va de la simple dépression à ceux qui étaient jusque-là en psychiatrie fermée et dont l’état psychique s’est amélioré.
On a droit à une sortie à l’extérieur durant 24 heures une fois par semaine, les activités proposées sont plus nombreuses, on peut circuler librement dans l’enceinte de l’hôpital, et même sortir en ville sur autorisation des médecins. On peut aussi recevoir des visites plus facilement, sur une plus grande plage horaire. Et, effectivement, on n’y voit pas certaines choses que l’on peut voir en psychiatrie fermée.
Un rétablissement long et pénible
1.L’apparition des médicaments
Une fois recueilli en psychiatrie, c’est là que les choses se compliquent. Selon son état, toute une batterie de médicaments antianxualitiques, stabilisateurs d’humeurs et calmants sont utilisés afin de faire “redescendre” le patient, de le reconnecter à la réalité.
Des médicaments qui sont nécessaires au rétablissement mental et à sa stabilisation, mais qui ont en général de lourds effets secondaires, notamment au niveau de la forme physique et de la capacité de réflexion.
D’autres effets secondaires peuvent apparaître, par cas particuliers : je me souviens notamment avoir dû subir une piqûre intramusculaire d’urgence à cause de contractions musculaires au niveau du cou d’une douleur insoutenable, suite à la prise d’un des médicaments.
Après, quand je parle d’affectation au niveau de la forme physique, ça concerne l’endurance et la force des muscles. Il va être pour le coup très difficile de tenir un effort physique, même simple. Je ne parle même pas de la puissance musculaire ni de l’activité sexuelle, qui sont partiellement anéanties.
Quant au mental, il n’est pas épargné. Les médicaments, ayant pour but de contenir l’activité cérébrale afin de dissiper les délires jouent aussi sur la capacité de réflexion. On est plongé dans un état second, où le calcul mental et la réflexion deviennent difficiles, assez souvent accompagné de fringales.
Le tout combiné fait plonger dans un état de fatigue physique et mentale permanent, faisant de nous de véritables légumes incapables de pouvoir vivre en autonomie. De plus, plusieurs médicaments différents mais avec des molécules ayant des effets similaires peuvent être testés, certains traitements causant trop d’effets secondaires indésirables.
Cette phase est longue et pénible, voire complètement désespérante mais est cependant nécessaire au rétablissement face à ce genre de pathologie.
2.Accepter la maladie, respecter son traitement et garder espoir
Du rétablissement, la partie la plus délicate est celle de la fin d’hospitalisation. On se retrouve en dehors de tout encadrement médical, et l’envie d’en finir avec ce traitement qui rend le quotidien difficile est plus que présente.
Il faut se dire que les médicaments donnés durant l’hospitalisation, même s’ils ne sont plus présents dans le traitement, mettent pour certains 6 mois, voir 1 an pour être entièrement évacués par le corps. Il en est de même pour la durée pendant laquelle on peut ressentir une fatigue continue et des difficultés à la réflexion, mais encore une fois ce temps est nécessaire et respecter son traitement est capital.
Après ma première hospitalisation, j’ai rapidement décidé d’arrêter le traitement, vu que j’allais bien, n’avais plus d’hallucinations et étais à nouveau lucide dans mon esprit.
Fatale erreur.
Dans un premier temps, j’ai rapidement retrouvé mon énergie. Il a cependant fallu attendre 7 à 8 mois avant que je retrouve mes érections.
Mais pour moi, tout allait bien. Du moins pour ce que j’en pensais.
Jusqu’à ce qu’on me recueille un matin d’octobre dans la rue en état d’hypothermie, ayant dormi dans la rue en short et en T-shirt par des températures négatives. Après avoir passé une journée en soins intensifs dont je n’ai aucun souvenir, j’ai été transféré en psychiatrie.
En fait, ça faisait plus de 8 mois que j'enchaînais bouffée délirante sur bouffée délirante.
Le bilan émotionnel est lourd. Très lourd.
Perte de la maîtrise de soi, perte de la réalité, perte d'amis, perte de repères, tout ça menant à une autodestruction de mes cercles sociaux, professionnels et engendrant des problèmes plus ou moins graves.
Il a en plus fallu que je repasse par la case psychiatrie, qui a cette fois duré plus de deux fois plus longtemps. Je ne parle même pas de la phase qui a suivi mon hospitalisation, où j’en avais marre tellement je ne voyais plus la sortie du tunnel et où j’ai juste eu envie de me pendre. Si je suis encore là pour écrire cet article, c’est que j’ai pris la bonne décision : me faire hospitaliser pour grave dépression.
A l'hôpital, un des médecins m’a dit :
“La première fois, c’est dur. La deuxième fois, c’est terrible.”
J’y suis resté 3 semaines de plus, et en suis sorti avec une batterie d'antidépresseurs, le temps que je me rétablisse et que mon psychiatre puisse progressivement diminuer les doses. Je n’ai pas pris le risque de les diminuer par moi-même.
Aujourd’hui je vis avec mon traitement de fond qui ne comporte qu’un seul médicament, que je prends quotidiennement. J’ai retrouvé l’intégralité de mes capacités physiques et mentales, et je vis bien.
Le seul bémol reste au niveau du sexe : j’ai des érections molles, qui sont causées par les restes des gros antidépresseurs que j’ai pu prendre sur une longue période et que mon corps n’a pas encore évacué.
Le médicament que je prends n’ayant pas d’effets sur la libido, j’attends juste patiemment que le temps fasse son oeuvre et je pourrai à nouveau pleinement profiter de ma vie sexuelle, petite cerise sur le gâteau de la vie ;).