Il y a du positif et du négatif dans ce que tu dis, et c'est peut-être un rééquilibrage à faire, pour encore enlever du négatif et rajouter du positif.
De mon côté j'ai aussi des anxiétés par rapport au travail, avec le même côté positif que toi.
Le négatif à mon niveau c'est que je ne me sens jamais autorisé à vivre ma vie.
Là où toi tu tu compares aux autres et te sens sous la pression de réussir, moi je me compare à l'idéal de ce que peut faire quelqu'un dans ma position : je me sens toujours à devoir en faire plus, surtout sur mon temps libre. Le besoin d'investir du temps libre pour faire de la com' et de la gestion de projet est un besoin réel, mais souvent ça s'embrouille dans ma ptite tête.
A la fin je me sens toujours coupable. ça s'empire à cause de mes horaires de travail puisque je travaille le plus souvent de 17h à 22h 30, avec des heures en plus par ci - par là dans la matinée.
Résultat : si je profite un peu de ma soirée je suis explosé la matin et ça ne va pas, si je me lève tôt et fais des trucs pour moi j'ai l'impression de "voler" l'énergie que je me dois d'avoir pour le travail, si je ne fous rien de la journée pour m'économiser je me sens mal... ça ne va jamais.
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Je pense que ce dont les gens comme nous ont besoin, c'est de réamorcer la pompe à vie personnelle. On peut facilement me le conseiller en lisant mon témoignage.
A ton niveau je t'encourage à accorder une plus grande importance à ta vie privée. Les amis, les loisirs, le bien-être...
A te lire, et à m'entendre penser des conneries, on croirait que nous sommes des machines à travailler, et que la vie personnelle compte pour du beurre, sans plus d'importance que les deux heures qu'un téléphone portable peut passer éteint, en charge, pour être gonflé à bloc avant un déplacement professionnel. Quelle horreur! On n'est pas comme ça, on n'est pas des machines.
On n'a pas une vie privée pour se recharger pour le travail, c'est faux ! Au contraire, on a du temps de travail pour pouvoir profiter de notre vie privée.
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Pour ce qui est des autres, fais appel à ton recul.
Leur réussite est-elle une garantie de bonheur ?
Qu'est-ce que le bonheur ?
Si tu vois le bonheur comme une liste avec des items à cocher, il faut que tu revoies ta copie. Je ne te connais pas mais je m'amuse à t'imaginer, de façon totalement caricaturale, en train de mélanger dans ta tête les diplômes prestigieux, la réussite professionnelle, l'argent et le statut qui vont avec, avec le mari, la maison, et les 2,4 enfants réglementaires nécessaires au renouvellement de la population...
En fait le bonheur c'est autre-chose, je pense que tu le sais bien.
ça relève plus de la capacité, de "l'être", au sens identité profonde, que de "l'avoir" ou même du "faire".
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Donne-toi le temps aussi, car à 22 ans on est souvent brut de décoffrage et on avance à marche forcée dans les études et les débuts de la vie professionnelle.
Et puis on a des choses à prouver, une place à se faire, c'est la vie.
Mais au fur et à mesure qu'on avance, le plus souvent on arrive un peu mieux à faire la part des choses.
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A mon niveau, malgré les problèmes et angoisses que j'ai évoqués, j'ai une vision sereine de ma réussite professionnelle. En fait j'ai juste assez de reconnaissance et d'argent pour me sentir à l'aise.
- Côté reconnaissance, je suis considéré comme quelqu'un qui compte par les gens de mon sport très confidentiel. Pour les autres, comme je ne suis qu'un obscur petit entraîneur de province dans un sport qui ne brasse pas ce putain de pognon qui fait rêver les gens encore plus qu'il ne les dégoûte, je passe souvent pour un tâcheron qui se fait chier à des heures impossibles pour que dalle, ou pour un imposteur qui n'en branle pas une et qui se fait payer trois queues de cerise, et encore ça les vaut pas... ça m'a un peu surpris au début et puis je me suis adapté.
J'ai surtout gagné en assurance. L'important c'est d'être reconnu par les gens qui comptent, pas par telle ou telle rencontre fortuite qui ne juge les gens à la va-vite à l'aide du spectre usé jusqu'à la corde
"médecin, ingénieur, grandes écoles de commerce et mon cul sur la commode".
- Côté argent je gagne juste ce qu'il faut pour être à l'aise, à savoir ne pas flamber la thune n'importe-comment mais pouvoir dépenser sans compter de temps en temps.
Le plus drôle c'est que je peux batailler pour gagner plus mais j'ai d'autres priorités :
--> Pousser mon avantage dans mon poste et ma ville actuels plutôt que me vendre ailleurs.
C'est solide, ça fonctionne, ça avance, mieux vaut tenir que courir.
--> Me faire payer des formations professionnelles pour encore augmenter mes savoirs-faire.
--> Multiplier les initiatives professionnelles qui ne rapportent pas une thune, mais qui augmentent le niveau de bonheur et / ou de performance sportive de mes ouailles.
--> Former un successeur. Désolé pour le tire-larme, mais celui-ci je l'ai quasiment sorti du caniveau, et je vais en faire un professionnel solide comme un roc et à laise sur tous les terrains.
Et ça me coûte de l'argent par effet de bande, car ça pèse sur le budget de mon club. Mais ça vaut le coup, car grâce à lui ma façon de travailler est devenue plus riche : il me décharge de certaines corvées, il m'épaule pour aller de l'avant, ce type représente une putain de bouffée d'oxygène !
--> Il y a aussi ce dossier de canonisation qui est dans les tuyaux du Vatican, mais au vu des lenteurs administratives du Saint Siège, je pense que ça n'aboutira que bien après ma mort. Saint Terrigan, ça aurait de la gueule non ???
Plus sérieusement, tout ce que je viens de décrire est sans intérêt pour une personne dont, par exemple, le budget fringues mensuel représente la moitié du SMIC (à vos calculettes les amis

)
Même chose pour le loft somptuaire en centre-ville, les indispensables voyages à l'étranger hors de prix pendant les vacances, etc...
Ce qui revient à dire, qu'on le veuille ou non, qu'un train de vie axé autour de dépenses de luxes qu'on considère comme absolument indispensable influence et réduit notre marge de choix.
Plus sérieusement encore, je pense bénéficier de la chance de travailler dans la vaste sphère de la pédagogie. Je pense que c'est une chance parce que c'est un milieu professionnel qui est de nature à montrer clairement à quel point la satisfaction, la réussite et le bonheur du travailleur peuvent (doivent ???) se situer très à la marge du salaire, des titres honorifiques et statuts flatteurs, et de tout ce bazar qui fait rêver tant de monde.
Mais c'est tout-de-même bizarre toutes ces histoires d'entraîneurs sportifs qui tombent comme des mouches. Comme des arbres plutôt. Grands, droits, solides, pleins de sève, et puis un jour, boum, ils tombent. Allez savoir pourquoi...
- Un qui insulte un gamin handicapé mental, publiquement et sans aucune raison, dans le cadre ultra-balisé des animations vacances organisées par la ville. Alors-même que le gamin fait du bien au groupe et qu'il est accompagné d'une dame qui s'occupe de lui ET qui est toujours prête à donner un coup de main à l'animateur. Quand l'inefficacité totale rejoint l'indécence crasse...
--> Et hop, grillé. La ville ne travaillera plus jamais avec lui. ça fait des heures en mois à facturer, forcément...
- Un qui s'approche gentiment des 70 ans et qui va laisser son club mourir avec son départ en retraite parce qu'il a été infoutu de trouver ou former un successeur (après avoir essoré et méchamment viré une ribambelle d'apprentis ces dix dernières années, tous coupables de ne pas être la perle rare, tsss)
- Un autre, toujours au bord de la retraite, qui est en train de torpiller son énooOO
OORME club afin de prouver à la terre entière que sans lui ce club chéri qu'il a construit de ses petites mains agiles et caleuses ne vaut absolument rien.
Merde alors. Une vie entière passée à bouffer le cerveau des gamins de 10 ans, cravacher les compétiteurs, ouvrir des antennes dans tous les villages voisins, pressuriser les jeunes assistants, batailler avec la mairie pour arracher dans la douleur et la haine toujours plus de subventions, enculer par derrière tous les autres clubs de la ville et de la région...
Tout ça pour tout flanquer par terre...
Ah c'est sûr il a bossé dur le bougre. Il n'a pas ménagé sa peine. Il s'est goinfré de succès, de reconnaissance au plus haut niveau de son sport, d'argent j'imagine... eh bien au seuil de sa vie professionnelle il n'est encore pas content !!!
Et pendant ce temps, dans le monde de l'entreprise, ça se bouffe la gueule. Tranquille. La routine.
Etc, etc, etc...
Tout ça pour dire que les jeunes peuvent toujours faire comme si la course du monde était un truc qui ne les concernait pas et que la seule chose qui compte c'est
"ma gueule, ma réussite, mes parents fiers de moi". Comme si ils avaient inventé ce positionnement, comme si ce positionnement ne leur avait pas été soufflé à l'oreille par... le monde...
...à un moment donné il faudra faire des choix, à la fois philosophiques et tout ce qu'il y a de plus concrets.
C'est là que tu m'inquiètes un peu parce que tu parles comme un gentil chien bien dressé à devenir un workaholic ulcéré jusqu'à la moelle. Et constamment au garde-à-vous.
Sans compter les jalousies malsaines et l'insatisfaction chronique...
Raison pour laquelle je suis en train de me lâcher sur le volume de la présente intervention.
Je t'invite donc à ne pas croire que les seuls choix qui s'offrent à toi sont des procédures d'optimisation de ton temps de travail et des ficelles stratégiques pour t'échiner comme une merde à conquérir tel ou tel truc qui fait du bien au CV et à l'ego, être toujours plus compétitive, suclasser tel ou tel concurrent.
ça ce ne sont pas des choix, c'est de l'organisation opérationnelle et de la petite cuisine tactico-tacticienne.
C'est indispensable quelque-part. Je ne prétends pas le contraire.
Je ne remets pas en cause le fait que nous nous devons, tous autant que nous sommes, d'être capables de travailler dur, d'envoyer du lourd à la loyale, à l'ancienne. Ok, pas de souci sur ce point.
Mais l'important est ailleurs...
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Et sinon les échecs, ça se passe bien ?
Car la vie est remplie de plantages.
"C'est le métier qui rentre", comme on dit.
Mais c'est pas évident de faire de son mieux pour réussir tout en digérant les plantages inévitables. Personnellement je trouve que, toutes activités confondues, c'est la marque des plus grands.
Entre toutes, je kiffe cette citation de Michael Jordan :
Michael Jordan a écrit :J’ai raté 9000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 300 matchs. 26 fois, on m’a fait confiance pour prendre le tir de la victoire et j’ai raté. J’ai échoué encore et encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi je réussis.
ça c'est de la citation. Chapeau l'artiste
Ce que je trouve terrible, c'est que certains parents ne pourront jamais accepter cette citation et l'idée qu'elle exprime.
Ils veulent de notre part du succès, du triomphe, tout le temps. Il y a quelque-chose d'incestueux là-dedans. Et quelque-chose qui relève de la consommation. C'est pour ça que ça nous brûle. ça nous cons
oume...
Ils ont peur de nos échecs. Ils ne veulent pas nous voir tomber et nous relever car pour eux nous voir tomber c'est tomber eux-même pour toujours.
L'idée leur fait trop mal. Ils ont vu et / ou vécu des échecs dont on ne se relève pas, et c'est trop pour eux d'imaginer qu'on risque ça.
Je l'ai ressenti très fort dans la famille de deux de mes anciens élèves.
Deux frères complètement vrillés de la tête, pourtant très sérieux et très travailleurs tous les deux, et plutôt sympa à la base.
L'un qui roule des épaules comme si il était le premier homme de toute l'aventure humaine à travailler dur, l'autre surprotégé et flippé de la life.
Tu veux mon avis? Leur père a trop bossé pour rien. Du début à la fin de sa vie professionnelle, sans amélioration, sans espoir. Il est ouvrier, il gagne le salaire minimum, la mère a des gros problèmes de santé et n'a jamais pu travailler... c'est trop glauque. En tout cas cette famille le vit comme quelque-chose de glauque, (on ne va pas leur jeter la pierre) et ça s'est transmis comme un poison aux deux garçons. Alors qu'ils ont tout pour eux en plus. Tsss...
Je ne les imagine pas du tout vivre cette vie sordide faite de chômage et de travail sous-qualifié et sous-payé que leurs parents craignent tant. En revanche, je les imagine bien passer une vie entière à se prendre les pieds dans les névroses que leurs parents leur ont injectés...
Pour un retour sur
le poison que nos parents nous transmettent, on peut sans risquer de se tromper se dégager un ou deux après-midi lecture afin de lire ou relire
Les quatre accords toltèques, de Miguel Ruiz
D'autant que sur ce point précis les résumés du livre sont inopérants, il faut prendre le temps de le lire pour comprendre et assimiler le cheminement de l'auteur. (et Dieu sait qu'il ne pèse pas lourd ce livre : 128 pages...)
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Dernier truc, pas sympa du tout : dire merde à ses propres parents. (oh putain la corvée

)
C'est indispensable. Nous ne sommes pas venus au monde pour être les esclaves de ce qu'ils croient être le mieux pour nous.
Ce que les parents
"croient être le mieux pour nous", ils le pensent et l'expriment avec plus ou moins de réalisme et de douceur, ça dépend de leur personnalité propre.
Ils l'expriment aussi avec leur part de névroses personnelles. Or, nous ne pouvons pas être les psychothérapeutes de nos parents. D'où cette seule option que nous avons : leur dire merde.
A mon niveau, pour avoir eu des parents qui ont été très doux sur le sujet, qui m'ont aiguillé plutôt bien tout en me laissant une grande liberté, il y a tout-de-même eu un moment où j'ai dû dire merde.
Gentiment, car l'ambiance entre nous exigeait du tact, mais je l'ai fait quand-même.
Alors pour des parents plus abrupts, ou pour des enfants plus cash que moi aussi, eh bien on peut s'attendre aux voix qui montent et des portes qui claquent...
C'est un cap difficile à franchir mais après ça va mieux.
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Bon. ça nous fait un gros pavé, avec à boire et à manger (c'est pas le premier, ce sera pas le dernier).
En espérant que tu y trouves ton compte
