Je vais tâcher de faire du factuel uniquement et d’être le moins subjectif possible. A vous de vous faire votre idée.
LES PREMICES : LA DEREGULATION (70-80)

(Dîtes bonjour à Reagan.)
Vers les années 70-80, la croissance s’essouffle. Le pétrole est cher, l’inflation haute et en même temps, la croissance que l’on avait l’habitude de voir en compagnie de l’inflation n’est plus là. Chaque pays va s’efforcer d’apporter sa solution propre et un pays surtout va le faire de façon surprenante : les Etats-Unis.
Reagan lance ce que l’on appelle la dérégulation. Il part du principe que si l’économie ne croît pas, c’est qu’on lui a mis trop d’obstacles. Donc il enlève les obstacles. La finance devient « libre »
Il constate par ailleurs que le dollar est trop cher par rapport aux autres monnaies, notamment parce que le dollar est la monnaie mondiale, basée sur l’or. Il décide de rendre le dollar flottant (plus indexé sur rien, la monnaie n’a plus de valeur autre que celle qu’on lui attribue.
Auparavant, toute monnaie était couverte par des réserves en or.). Et décide de mettre l’argent à disposition de tout le monde, c’est-à-dire en ouvrant grand les robinets du crédit.
La logique est la suivante : si je rends l’argent plus facile d’accès par le crédit, cet argent va se retrouver dans l’économie, les ménages vont pouvoir consommer plus, les financiers investiront plus dans l’économie. Youpi, l’économie va repartir !
Et elle repart oui. Et puis viennent les conséquences, notamment la bulle internet, qui va indirectement créer les conséquences de notre crise actuelle.
LA BULLE INTERNET (2000)

(La bulle internet en direct. Ou l'euphorie des années 2000.)
Dans les années 2000 va exploser la bulle internet.
Certaines conditions font que l’argent coule à flot et en surplus : le crédit est plutôt facilement accessible. La machine à billet de la banque centrale américaine tourne normalement. Les fonds de pensions américains (qui font fructifier la retraite des américains et qui gèrent des montants astronomiques) se retrouvent avec un beau surplus de leur côté : ben oui les baby boomers préparent leur retraite.
Et surtout, il fait un temps radieux. Le temps est à l’optimisme. Les géants de l’internet commencent à apparaître, tout le monde il est beau tout le monde il est génial, internet ça ne peut que croître, investissons, investissons les amis.
Le problème, c’est qu’internet n’est pas miraculeux et surtout que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Les premiers signaux d’alarmes viennent et le tout se casse la gueule.
Alors on relance la planche à billet de la Fed pour mettre le coût de l’argent quasiment à 0. Ce qui veut dire que l’argent est super facile d’accès mais que du coup les rendements diminuent à l’extrême.
L’argent vaut moins cher et les titres et les obligations valent aussi moins cher puisqu'ils sont plus "accessibles" (en terme de crédit et de rendement uniquement).
Merci Clinton qui en plus de choisir cette option décide aussi de rapprocher les banques de détails et leurs branches spéculatives. C'est-à-dire que si la spéculation se cassait la gueule auparavant, la branche de détail (qui gère l’argent des épargnants) n’était pas mise en danger.
Ce ne sera plus le cas par la suite.
Alors que se passe-t-il quand l’argent ne se gagne plus aussi facilement mais qu’il coule à flot niveau crédit ? Eh bien on prend des risques, de gros risques. Dans un monde hyper connecté, où chaque banque est connectée à l’autre et où banques spéculatives et banques traditionnelles sont de plus en plus emmêlés.
LA CRISE DES SUBPRIMES (EN RESUME)
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(Un bon gros résumé en vidéo pour les flemmards.)
Les financiers cherchent donc de la rentabilité. Ils ont beaucoup d’argent à disposition de par des taux d’intérêts extrêmement bas. Ils ont aussi des effets de leviers importants (c'est-à-dire qu’avec 1 « vrai » dollar ils pouvaient en caricaturant en emprunter 10).
Et puis vient l’idée des subprimes, un truc bien foireux, bien dégueulasse. L’idée est simple : je souscris des prêts immobiliers à des gens qui n’ont pas les moyens pour emprunter. Et si ça foire je prends leur maison.
L’idée de base était la suivante : le marché de l’immobilier n’arrête pas de monter donc aucun risque ! Au pire, je récupère un bien qui vaut encore plus qu’au départ.
Et puis un dispositif en fin deux en fait : le premier ce qu’on appelle les CDS (Collaterized Debt Swaps), une sorte de coupon adossé sur un sous-jacent (dette, actions, produit dérivé) complique encore plus le bordel. L’idée c’est qu’on fait des « boîtes » de risque que l’on met à la vente.
Dans la première boîte, on met ce qui est le plus sûr. Les rendements sont faibles mais en cas de catastrophe, ce sont les premiers remboursés. Pour faire simple : 5% de rendement, 100% de l’argent si catastrophe. Puis la seconde 10%, 75% de l’argent. Puis la troisième 15% et 50% ainsi de suite. Ce qui donne l’impression que tout est contrôlé puisque théoriquement la première couche serait sans risque. Les agences de notation (américaines toutes) mettent la note maximale d’ailleurs aux toutes premières boîtes jusqu’aux derniers jours précédant la crise, c’est pour dire.
Et puis le second : la titrisation au travers des "CDO" (Collaterized Debt Obligation). On « titrise » des actions et des obligations : c'est-à-dire que l’on crée un nouveau « titre » qui englobe plusieurs actions et obligations. On fait des packs de pleins de choses, sans trop que qui que ce soit sache ce qu’il y a à l’intérieur, pas même les acheteurs. Un bon paquet de « subprimes » foireuses va se retrouver comme ça dans ces jolis paquets.
Et puis bien sûr, tout ça se casse la gueule un jour. Notamment parce que la Fed remonte ces fameux taux d’intérêts.
Enorme vague de défauts. Le marché immobilier se casse la gueule. Les banques n’ont pas de quoi se couvrir (le fameux effet de levier). Sachant qu’elles ne sont pas sûres que le voisin survive, elles se refusent à se prêter les unes les autres (quelques chose d’essentiel dans leur fonctionnement. Si si je vous assure.). Alors elles vendent ce qu’elles possèdent. Et comme tout le monde vend au même moment la valeur de ce qu’elles possèdent baisse donc elle doit vendre plus etc..
==> Faillite. La crise commence. L’économie américaine déconne à plein tube, la crise arrive et se propage.
Heureusement, on la voit venir. On sauve les banques. Les épargnants gardent leur argent. On relance la planche à billet aux Etats-Unis. La croissance repart à peu près. L’Europe sauve quelques banques impliquées.
LA CRISE DE LA DETTE

(Dîtes bonjour à la BCE.)
Mais ce n’est pas la fin de l’affaire. Certes on sauve les banques. Mais ça a un prix : les Etats s’endettent.
Or certains Etats européens sont déjà très endettés dont un petit pays qui n’aurait jamais du rentrer dans l’Euro (comme beaucoup d’autres d’ailleurs) : la Grèce.
A l’époque, la Grèce sort de la dictature. C’est le berceau de notre civilisation, on y croit, on la prend !
(On fait d’ailleurs pareil avec les pays de l’est afin de les faire sortir de la misère et du giron de la Russie. Ca arrange bien les américains qui ne veulent pas trop d’une Europe trop forte. L’Europe fédérale c’est pas trop la vision américaine de la chose, disons.)
Sauf que la Grèce est criblée de dette : culture de l’évasion fiscale, nombre de fonctionnaires..
Les comptes sont littéralement et vous me pardonnerez l’expression « à chier ».
Une banque américaine Goldman Sachs participe notamment à mettre la dette sous le tapis.
Mais après tout, tout le monde le sait et tout le monde s’en fout.
Sauf qu’à un moment la Grèce ne peut pas rembourser.
Les banques risquent encore la catastrophe.
On les sauve. Les Etats s’endettent pour s’épargner le cataclysme.
Et c’est l’Italie, l’Espagne (implosion du marché immobilier) et la France ensuite qui se retrouvent dans la merde..
La BCE (banque centrale européenne, équivalent de la fameuse Fed dont je parle depuis le début) ne veut pas aider et se limite à des actions d’ampleurs moyennes, notamment du fait de l’influence allemande et de son cauchemar : l’inflation.(et si elle le faisait d’ailleurs, est-ce que ça ne créerait pas un énième cataclysme potentiel ?)
Et puis effectivement, la crise s’accentue du fait des problèmes internes des pays et de leurs blocages particuliers.
Pour la France, les méandres de son administration et sa fiscalité, lourde mais pleine de trous, qui favorise les mégas-entreprises. Plus un système qui ne peut pas fonctionner quand la croissance n’est pas au rendez-vous.
Pour l’Espagne, une croissance tirée par l’immobilier avec des pans de l’économie entier qui ne se sont pas développés comme il aurait fallu.
Pendant ce temps, les Etats-Unis se débrouillent. La planche à billet marche plein pot, le gaz de schiste permet une baisse des prix de l’énergie. C’est pas la fête mais ça va mieux que chez nous.
ET ALORS ? LA CRISE, C’EST LA FAUTE DE QUI ?

Faîtes vous votre opinion.
Est-ce la faute d’un pays monolithique qui fait cavalier seul et dont la majorité des méga entreprises financières sont issues? Est-ce la faute d’un montage financier absolument aberrant ? Est-ce la faute de certains hommes politiques ?
Est-ce la faute de réglementations trop lâches (et sur lesquelles on est encore et toujours assez soft : Googlez « Shadow Banking » pour voir ou regardez la thématique des fonds propres réglementaires ..) ? Est-ce la faute de méga entreprise financières, type Goldman Sachs, qui n’ont d’ailleurs jamais payées aucune amende par ailleurs ?
Est-ce la faute de la structure même, déjà viciée et dont la crise n'aura fait que révéler les failles (un sujet à lui tout seul là aussi) ?
Je ne sais pas. Certainement un peu de tout.
Et peut-être que ça n’a pas tellement d’importance.
Au-delà des « efforts » que tout le monde appelle de ces vœux, il y a peut-être une remise en question nécessaire de la thématique de la croissance et de la rentabilité à tout prix (du genre chercher 50% de rentabilité dans un monde qui ne croît même pas à 10%). Pourquoi faire ? Dans quelles conditions ? Au prix de quoi ?
Voire même du modèle de consommation en lui-même mais là aussi c’est une vraie galère et un sujet à part entière
P-s : Prochaine crise, la crise de la dette chinoise
