Economie : La crise. Systémique ou non ?

Note : 44

le 04.01.2015 par Chymero

55 réponses / Dernière par tibdeconne le 28.02.2015, 23h52

Parce que des fois, on fait autre chose que regarder Netflix. Partagez et discutez ici de ce que vous aimez et de ce qui vous intéresse.
Suite à une demande de @Rickhunter et @Iskandar issu du sujet sur la génération Y, je développe rapidement mon point de vue du déroulement de la crise que nous vivons aujourd’hui. J’essaye de faire rapide et simple autant que possible. Je ne suis par ailleurs qu’un simple étudiant en finance à l’heure actuelle alors veuillez-excuser les éventuelles imprécisions.

Je vais tâcher de faire du factuel uniquement et d’être le moins subjectif possible. A vous de vous faire votre idée.

LES PREMICES : LA DEREGULATION (70-80)

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(Dîtes bonjour à Reagan.)

Vers les années 70-80, la croissance s’essouffle. Le pétrole est cher, l’inflation haute et en même temps, la croissance que l’on avait l’habitude de voir en compagnie de l’inflation n’est plus là. Chaque pays va s’efforcer d’apporter sa solution propre et un pays surtout va le faire de façon surprenante : les Etats-Unis.

Reagan lance ce que l’on appelle la dérégulation. Il part du principe que si l’économie ne croît pas, c’est qu’on lui a mis trop d’obstacles. Donc il enlève les obstacles. La finance devient « libre »

Il constate par ailleurs que le dollar est trop cher par rapport aux autres monnaies, notamment parce que le dollar est la monnaie mondiale, basée sur l’or. Il décide de rendre le dollar flottant (plus indexé sur rien, la monnaie n’a plus de valeur autre que celle qu’on lui attribue.

Auparavant, toute monnaie était couverte par des réserves en or.). Et décide de mettre l’argent à disposition de tout le monde, c’est-à-dire en ouvrant grand les robinets du crédit.

La logique est la suivante : si je rends l’argent plus facile d’accès par le crédit, cet argent va se retrouver dans l’économie, les ménages vont pouvoir consommer plus, les financiers investiront plus dans l’économie. Youpi, l’économie va repartir !

Et elle repart oui. Et puis viennent les conséquences, notamment la bulle internet, qui va indirectement créer les conséquences de notre crise actuelle.

LA BULLE INTERNET (2000)

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(La bulle internet en direct. Ou l'euphorie des années 2000.)

Dans les années 2000 va exploser la bulle internet.
Certaines conditions font que l’argent coule à flot et en surplus : le crédit est plutôt facilement accessible. La machine à billet de la banque centrale américaine tourne normalement. Les fonds de pensions américains (qui font fructifier la retraite des américains et qui gèrent des montants astronomiques) se retrouvent avec un beau surplus de leur côté : ben oui les baby boomers préparent leur retraite.

Et surtout, il fait un temps radieux. Le temps est à l’optimisme. Les géants de l’internet commencent à apparaître, tout le monde il est beau tout le monde il est génial, internet ça ne peut que croître, investissons, investissons les amis.

Le problème, c’est qu’internet n’est pas miraculeux et surtout que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Les premiers signaux d’alarmes viennent et le tout se casse la gueule.

Alors on relance la planche à billet de la Fed pour mettre le coût de l’argent quasiment à 0. Ce qui veut dire que l’argent est super facile d’accès mais que du coup les rendements diminuent à l’extrême.

L’argent vaut moins cher et les titres et les obligations valent aussi moins cher puisqu'ils sont plus "accessibles" (en terme de crédit et de rendement uniquement).

Merci Clinton qui en plus de choisir cette option décide aussi de rapprocher les banques de détails et leurs branches spéculatives. C'est-à-dire que si la spéculation se cassait la gueule auparavant, la branche de détail (qui gère l’argent des épargnants) n’était pas mise en danger.

Ce ne sera plus le cas par la suite.

Alors que se passe-t-il quand l’argent ne se gagne plus aussi facilement mais qu’il coule à flot niveau crédit ? Eh bien on prend des risques, de gros risques. Dans un monde hyper connecté, où chaque banque est connectée à l’autre et où banques spéculatives et banques traditionnelles sont de plus en plus emmêlés.

LA CRISE DES SUBPRIMES (EN RESUME)

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(Un bon gros résumé en vidéo pour les flemmards.)

Les financiers cherchent donc de la rentabilité. Ils ont beaucoup d’argent à disposition de par des taux d’intérêts extrêmement bas. Ils ont aussi des effets de leviers importants (c'est-à-dire qu’avec 1 « vrai » dollar ils pouvaient en caricaturant en emprunter 10).

Et puis vient l’idée des subprimes, un truc bien foireux, bien dégueulasse. L’idée est simple : je souscris des prêts immobiliers à des gens qui n’ont pas les moyens pour emprunter. Et si ça foire je prends leur maison.

L’idée de base était la suivante : le marché de l’immobilier n’arrête pas de monter donc aucun risque ! Au pire, je récupère un bien qui vaut encore plus qu’au départ.

Et puis un dispositif en fin deux en fait : le premier ce qu’on appelle les CDS (Collaterized Debt Swaps), une sorte de coupon adossé sur un sous-jacent (dette, actions, produit dérivé) complique encore plus le bordel. L’idée c’est qu’on fait des « boîtes » de risque que l’on met à la vente.

Dans la première boîte, on met ce qui est le plus sûr. Les rendements sont faibles mais en cas de catastrophe, ce sont les premiers remboursés. Pour faire simple : 5% de rendement, 100% de l’argent si catastrophe. Puis la seconde 10%, 75% de l’argent. Puis la troisième 15% et 50% ainsi de suite. Ce qui donne l’impression que tout est contrôlé puisque théoriquement la première couche serait sans risque. Les agences de notation (américaines toutes) mettent la note maximale d’ailleurs aux toutes premières boîtes jusqu’aux derniers jours précédant la crise, c’est pour dire.

Et puis le second : la titrisation au travers des "CDO" (Collaterized Debt Obligation). On « titrise » des actions et des obligations : c'est-à-dire que l’on crée un nouveau « titre » qui englobe plusieurs actions et obligations. On fait des packs de pleins de choses, sans trop que qui que ce soit sache ce qu’il y a à l’intérieur, pas même les acheteurs. Un bon paquet de « subprimes » foireuses va se retrouver comme ça dans ces jolis paquets.

Et puis bien sûr, tout ça se casse la gueule un jour. Notamment parce que la Fed remonte ces fameux taux d’intérêts.

Enorme vague de défauts. Le marché immobilier se casse la gueule. Les banques n’ont pas de quoi se couvrir (le fameux effet de levier). Sachant qu’elles ne sont pas sûres que le voisin survive, elles se refusent à se prêter les unes les autres (quelques chose d’essentiel dans leur fonctionnement. Si si je vous assure.). Alors elles vendent ce qu’elles possèdent. Et comme tout le monde vend au même moment la valeur de ce qu’elles possèdent baisse donc elle doit vendre plus etc..

==> Faillite. La crise commence. L’économie américaine déconne à plein tube, la crise arrive et se propage.

Heureusement, on la voit venir. On sauve les banques. Les épargnants gardent leur argent. On relance la planche à billet aux Etats-Unis. La croissance repart à peu près. L’Europe sauve quelques banques impliquées.


LA CRISE DE LA DETTE


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(Dîtes bonjour à la BCE.)

Mais ce n’est pas la fin de l’affaire. Certes on sauve les banques. Mais ça a un prix : les Etats s’endettent.

Or certains Etats européens sont déjà très endettés dont un petit pays qui n’aurait jamais du rentrer dans l’Euro (comme beaucoup d’autres d’ailleurs) : la Grèce.

A l’époque, la Grèce sort de la dictature. C’est le berceau de notre civilisation, on y croit, on la prend !

(On fait d’ailleurs pareil avec les pays de l’est afin de les faire sortir de la misère et du giron de la Russie. Ca arrange bien les américains qui ne veulent pas trop d’une Europe trop forte. L’Europe fédérale c’est pas trop la vision américaine de la chose, disons.)

Sauf que la Grèce est criblée de dette : culture de l’évasion fiscale, nombre de fonctionnaires..

Les comptes sont littéralement et vous me pardonnerez l’expression « à chier ».

Une banque américaine Goldman Sachs participe notamment à mettre la dette sous le tapis.

Mais après tout, tout le monde le sait et tout le monde s’en fout.

Sauf qu’à un moment la Grèce ne peut pas rembourser.

Les banques risquent encore la catastrophe.

On les sauve. Les Etats s’endettent pour s’épargner le cataclysme.
Et c’est l’Italie, l’Espagne (implosion du marché immobilier) et la France ensuite qui se retrouvent dans la merde..

La BCE (banque centrale européenne, équivalent de la fameuse Fed dont je parle depuis le début) ne veut pas aider et se limite à des actions d’ampleurs moyennes, notamment du fait de l’influence allemande et de son cauchemar : l’inflation.(et si elle le faisait d’ailleurs, est-ce que ça ne créerait pas un énième cataclysme potentiel ?)

Et puis effectivement, la crise s’accentue du fait des problèmes internes des pays et de leurs blocages particuliers.

Pour la France, les méandres de son administration et sa fiscalité, lourde mais pleine de trous, qui favorise les mégas-entreprises. Plus un système qui ne peut pas fonctionner quand la croissance n’est pas au rendez-vous.

Pour l’Espagne, une croissance tirée par l’immobilier avec des pans de l’économie entier qui ne se sont pas développés comme il aurait fallu.

Pendant ce temps, les Etats-Unis se débrouillent. La planche à billet marche plein pot, le gaz de schiste permet une baisse des prix de l’énergie. C’est pas la fête mais ça va mieux que chez nous.

ET ALORS ? LA CRISE, C’EST LA FAUTE DE QUI ?

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Faîtes vous votre opinion.

Est-ce la faute d’un pays monolithique qui fait cavalier seul et dont la majorité des méga entreprises financières sont issues? Est-ce la faute d’un montage financier absolument aberrant ? Est-ce la faute de certains hommes politiques ?

Est-ce la faute de réglementations trop lâches (et sur lesquelles on est encore et toujours assez soft : Googlez « Shadow Banking » pour voir ou regardez la thématique des fonds propres réglementaires ..) ? Est-ce la faute de méga entreprise financières, type Goldman Sachs, qui n’ont d’ailleurs jamais payées aucune amende par ailleurs ?

Est-ce la faute de la structure même, déjà viciée et dont la crise n'aura fait que révéler les failles (un sujet à lui tout seul là aussi) ?

Je ne sais pas. Certainement un peu de tout.

Et peut-être que ça n’a pas tellement d’importance.

Au-delà des « efforts » que tout le monde appelle de ces vœux, il y a peut-être une remise en question nécessaire de la thématique de la croissance et de la rentabilité à tout prix (du genre chercher 50% de rentabilité dans un monde qui ne croît même pas à 10%). Pourquoi faire ? Dans quelles conditions ? Au prix de quoi ?
Voire même du modèle de consommation en lui-même mais là aussi c’est une vraie galère et un sujet à part entière

P-s : Prochaine crise, la crise de la dette chinoise :) ?
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] Très intéressant le 04.01.15, 17h51 par Poivron
  • [+2] Merci ! :) le 04.01.15, 18h11 par Rickhunter
  • [+1] A lire le 04.01.15, 18h27 par MagicMike
  • [+3] Merci ! :) le 04.01.15, 18h33 par wayl
  • [+2] A lire le 04.01.15, 20h17 par Hydrogene
  • [+3] Intéressant le 04.01.15, 23h24 par tibdeconne
  • [+3] Instructif le 05.01.15, 08h45 par SweetyKID
  • [+2] Bien joué le 06.01.15, 10h39 par Terrigan
  • [+1] Merci ! :) le 06.01.15, 18h12 par Cellar Door
  • [+3] Fichtre ! le 06.01.15, 22h57 par amelia
  • [+1] A lire le 07.01.15, 15h52 par Hikro
  • [+1] Merci ! :) le 09.01.15, 14h53 par Kanna
  • [+3] Instructif le 10.01.15, 10h21 par Zaik
Merci pour ce petit topo, Chymero.

Moi il y a un truc que je ne comprends vraiment pas. J'ai l'impression que les analystes d'aujourd'hui disent a posteriori que la Grèce n'aurait jamais du entrer dans l'euro. Au tout début de la crise, on trouvait encore sur le net des articles présentant la Grèce comme un modèle économique. Le vrai souci si j'ai bien compris, c'est que les comptes du pays avaient été largement falsifiés et qu'on ne s'en est rendu compte que bien après.

Je sais, je parle sans pouvoir retrouver les références que je cite. Mais si quelqu'un peut m'éclairer là-dessus, je suis preneuse.
Je suis loin d'être calé en économie compte tenue de la complexité de la chose, mais il me semble que c'est exactement ça, les comptes de la Grèce on été maquillé avec la complicité de la Goldman Sachs, on est dans de l'escroquerie en bande organisé. Ce qui est cocasse compte tenue du faut qu'aucun compte n'a été demandé a cette dit banque sur ces pratiques fallacieuse qui ont entraîné des milliards et des milliards de pertes. Pour un petit commerçant, le faux en écriture l'aurait envoyé au moins deux ans derrière les barreaux...
@ploum : La Grèce, un modèle économique à suivre ?

Tu es sûre ? Je voudrais bien voir si tu arrives à retrouver les liens.

Parce que ça me paraît un peu étrange en fait.

Le fait est que déjà dans les années 70, la Grèce est entre les mains d'une dictature (1967-1974) et qu'elle rentre dans l'UE en 1981.

Depuis cette époque les fonctionnaires représentent entre 25% et 40% de la population active.

Et en réalité, la part directement ou indirectement liée à l'Etat est beaucoup plus importante.

On retrouve par ailleurs parmi les maux locaux une collecte de l'impôt plus qu'approximative et une pratique quasi endémique de la corruption.

Quand à ce que tu disais sur les comptes maquillés, c'est effectivement le cas.

Et ils l'ont même été deux fois apparemment : une pour passer à travers des critères de Maastricht en maquillant les comptes.

Une seconde afin de camoufler la dette en la faisant transiter par des produits dérivés;

L'Italie aurait aussi dissimulé une partie de sa dette en la faisant passer par des produits dérivés, cette fois-ci avec l'aide de JPMorgan.

La question, c'est est-ce que nos dirigeants le savaient et font-ils semblant de crier au loup ? Ou se sont-ils fait avoir comme tout le monde ?

(Ca vaut ce que ça vaut mais premiers liens trouvés :

http://www.latribune.fr/actualites/econ ... uros-.html

http://www.20minutes.fr/economie/566065 ... es-comptes)

@Sebz : Le problème c'est que les dispositifs financiers sont extrêmement opaques.

Le monde de la finance attire des talents que les régulateurs type AMF (autorité des marchés financiers) peuvent difficilement attirer.

Si les banques ne se trahissent pas, ça peut durer des années sans que l'on remarque l'affaire.

L’ingénierie financière a très largement contribué au problème, avec notamment les avancées en terme de dérivés (c'est à dire la création de valeurs "papier" indexées sur tout et n'importe quoi.=

==> Pour une légère idée : regardez le principe des options (put-calls) et des futures

Le paradoxe c'est que l'on a même des dérivés de l'argent. Imaginez un papier dont on dit qu'il a une valeur, adossée lui-même sur de l'argent qui n'a lui même aucune valeur sauf celle qu'on lui donne.

La loi se retrouve constamment à courir après la finance, qui par ailleurs construit elle-même les lois qui la régule (Le très classique :"Ah mais non, cette loi c'est pas possible : cela risque de limiter la liquidité du marché")

Conclusion : Difficile de démonter les montages financiers établis. 99% du temps les banques ont quelques coups d'avance. Le truc c'est que certaines outils financiers pervertis existent bien pour une raison aussi, donc comment séparer le grain de l'ivraie ?
@Chymero : Pas moyen de remettre la main dessus. Ils ont du être mis hors ligne depuis. Mais j'ai un souvenir très net d'un article en particulier qui situait la Grèce dans les bons élèves, en comparaison à l'Italie, par exemple.

Mais pendant des années, on a dit la même chose de l'Irlande alors qu'ils ont bien morflé quand la bise fut venue.

Mais c'est un truc merveilleux avec les analyses politiques ou financières : il y en a toujours pour jouer les étonnés quand un conflit larvé éclate. (Cf : le "printemps" tunisien : ah bon ? Il était pas gentil ce Ben Ali ?).
L'Irlande c'est un peu plus particulier.

Une bulle immobilière qui explose (merci la croissance et les faibles taux de la BCE) et qui contamine les banques. Juste après la crise des subprimes.

Rien d'aussi systémique que la Grèce ou même l'Espagne dans une moindre mesure. Pas de marché noir, pas d'économie souterraine notamment, et une économie assez développée avec beaucoup de "géants" dont Google et Dell notamment.

Là où par contre, l'Irlande (et même le Luxembourg) est une catastrophe, c'est que c'est un paradis fiscal avec des taux d'imposition absolument ridicule, tout en demeurant dans la zone euro.

Quand à ce que tu dis, je suis tout à fait d'accord avec toi. On oublie assez vite un trait de caractère de base de l'être humain, l'auto-validation de sa propre vision du monde et les experts en tout genre ne font malheureusement pas exception à la règle.

Sans compter que les experts ont aussi un intérêt à aiguiller l'information. Particulièrement quand l'information peut se convertir en monnaie sonnante et trébuchante.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] Merci ! :) le 04.01.15, 21h14 par Poivron
Salut Chymero,

Merci pour ce résumé!
Je m'étais intéressé au sujet il y a environ 3 ans notamment par l'intermédiaire du blog de Etienne Chouard: http://etienne.chouard.free.fr/Europe/

En tout cas, je me demande, combien de temps va durer ce système qui ne repose que sur du vent? ...quelques mois? quelques années?
Et que se passera-t-il le jour où tout s'effondrera?

La dette des USA en live: http://www.usdebtclock.org/
On en est aujourd'hui à un peu plus de 18'000 Milliards de Dollars... autant dire qu'elle ne sera jamais remboursée.
Pareil pour la France qui a une dette publique de 2'000 Milliards d'Euro fin 2014, ce qui représente 98% du PIB.
A part l'Allemagne, il me semble (et encore?), tous les pays de la zone Euro ont une dette impossible à rembourser (au-delà d'une dette de 80% du PIB, impossible de rembourser).
Je me permets de remettre ce que j'avais écrit et qui a initié le fork dans le topic sur la génération Y. Je n'ai conservé que les parties qui me semblent avoir un intérêt pour ce topic.
Iskandar a écrit :
Mr.Smooth a écrit :Des choses à changer oui. Mais à quelles échelles? Comment? Pourquoi?
A quelles échelles et comment, ça reste très ouvert. En revanche. Pourquoi ? L’apaisement social. La paix sociale.

Un truc sur le monde financier : « tous contre le monde financier » est assez hypocrite, imbécile et en même temps… nécessaire. Je veux dire, le problème du monde financier, c’est que comme depuis plusieurs siècles, c’est un domaine d’une puissance extrême. Les plus puissants (par exemple, les riches) de la société font donc le nécessaire pour le maîtriser, tandis que les moins puissants (et donc les plus pauvres) … subissent. Et le monde financier est, comme c’est toujours le cas dans ce type de cas, l’un des domaines les plus au-dessus des lois. Je veux dire, un autre domaine très connu où c’est le cas, c’est le domaine politique. Avec par exemple le schéma très connu du politique qui vote une loi que lui-même contourne. Exemple illustré jusqu’au délit par notre ami Cahuzac, et à un niveau inférieur, Thomas Thévenoud. On a aussi le coup sur les plans d’austérité : des fois, quand tu regardes dans les détails, ce qu’une personne seule n’a malheureusement pas les ressources de faire le plus souvent, tu te rends compte que certains puissants en profitent pour augmenter leurs avantages. Alors que le reste se le prend en plein dans l’os. Par exemple, il y a quelques années (3 – 4 ans, je ne sais plus), au Royaume-Uni, dans le même « plan d’austérité », tu avais une multiplication par 3 ou 4 des droits d’inscription à la fac, ce qui avait provoqué une vague de manifestations dans le pays. Et, beaucoup plus discret, une décision de rétrocéder à titre gratuit certain domaines de l’Etat britannique à la famille royale, ce qui permettait à cette dernière d’encore augmenter ses revenus… D’où que je pense que ce n’était pas anodin qu’ils se soient fait « agresser » :

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Là, le monde financier a merdé. Et on en ressent toujours les effets. Par exemple, depuis quelques jours, une nouvelle situation politique assez délicate s’est enclenchée en Grèce.

Sauf que, comme je l’expliquais plus haut, dans une certaine mesure, le monde financier, pris dans son ensemble, est en partie au-dessus des lois grâce à sa puissance. Et donc le spectacle de voir qu’une part des pauvres et des moyens se faisaient massacrer tandis que les plus puissants du monde financier s’en sortaient sans réels difficultés était pour le coup indécent. Ils n’étaient pas vraiment coupables (pour la plupart), certes. Mais justement, on en retourne à ce que je disais avec la vidéo de South Park.

Parce que l’autre problème aussi, qui reste vrai, c’est que la faute originelle qui a démarré la crise, c’est celle de… personne. Crise systémique, ça veut dire aussi ça. On s’est trompé, c’est pas spécifiquement quelqu’un qui a merdé. Donc il n’y a pas spécifiquement de « para-tonnerre ». Et le corollaire de ce problème, c’est que donc la solution, c’est de s’adapter. Comme doit le faire la protection sociale en France tiens. Et que là où en France, on a la dette, pour le monde financier, on a la pression populaire… D’où que je parlais de « nécessaire ».

« Hypocrite », dans le sens où, comme je l’ai dit, on tape sur eux principalement parce que c’est eux qui ont merdé, là. Mais au lieu de s’en prendre aux causes réelles, on s’en prend à ses travers. Et pour cause ! Comme je l’ai déjà expliqué, pas de coupable. Et les mécanismes et donc les conneries et bourdes qui ont mené à la crise sont diffus et très complexes. Bon, mais le problème, c’est que même si, en tant que secteur parmi les plus puissants, on retrouve à leur max un certain nombre de problèmes, c’est loin d’être le seul secteur concerné. Jean-François Copé et la notion de conflit d’intérêt n’ont jamais été très copains, et ne se sont donc jamais trop compris...

Et je disais « imbécile », parce que les critiques faîtes concernent facilement des domaines dont on peut argumenter sur la non-importance, contrairement à d’autres. Comme la rémunération des traders. En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est que les traders, c’est comme les footballeurs. Rémunération : faramineuse, si le talent est derrière. Longévité: courte. Pouvoir : très moyen. Ce n’est que dans « l’après carrière » qu’ils en acquièrent, s’ils mènent bien leur barque, même si leur rémunération baisse (moins sûr sur la baisse de salaire des footballeurs dans l’après carrière, mais bref…). Mais bon, comme je disais, je continue à trouver cette pression utile... non, nécessaire.
Mr.Smooth a écrit :Et une révolte contre quoi? Une situation en France? Dans le monde? (…)
Plus je m'intéresse à l'économie plus je me rends compte que c'est ultra complexe.
Encore plus complexe que tu ne le penses. Mais on s’en fiche ! Le problème de base c’est vraiment :

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L’idée en fait selon moi est de ne pas se préoccuper du système, mais de ses résultats. Ce n’est pas de comprendre le « langage du banquier » (l’économie), mais la conséquence. Qui est quand même qu’on lui donne notre argent, nous et nos semblables, il nous fout dans la merde, et nous explique que certes, nous et nos semblables on va se retrouver à la rue, mais que notre argent a servi à conserver son emploi et son statut, faisant une famille heureuse (la sienne), et ça, c’est pas si mal finalement, puisque si lui et sa famille étaient à la rue, beaucoup d’autres encore le seraient… Et sur ce, n’hésitez pas à revenir placer vos économies chez nous ! Si je fais bien mon boulot cette année, je pourrai me payez ma Rolls dans 5 ans. Alors certes, ce banquier a raison (malheureusement), mais il oublie une variable importante…


Bon, mais pour en revenir au sujet. Où est-ce que ça coince ? Perception des millenials (que rend cette enquête) qui serait erronée, ou perception juste ? Et là, le problème serait qu’il est temps de les faire entrer dans la société.

Ma vision personnelle maintenant.

(...)

Ensuite. Sur les autres points développés par Ellis.

(...)

Pour la force morale. Le souci est surtout d’apprendre à résister à la pression sociale. A faire disparaître son emprise quand, à la réflexion, elle n’a pas lieu d’être. D’apprendre à encaisser les coups quand nécessaire…

Mais j’ai un problème avec cette dernière idée, et donc je ne sais pas trop.
Ellis a écrit :S’il n’y a plus de modèle économique pour gravir les échelons, alors la popularité est désormais la seule monnaie en vigueur
On semble se diriger précisément vers une économie « collaborative ». Donc une économie où en fait, effectivement la popularité sera une des (la ?) principales sources de finances. Donc je finis par me demander si une sensibilité (au sens de manque de capacité à affronter le regard des autres, de force morale) moyenne plus grande ne serait malheureusement pas un « avantage » social à acquérir. Cette idée me rend malade ! Pourtant… Adapt or perish ? .
Ellis a écrit :Du coup si je te dit que j'ai pas l'impression que l'avenir sera fait de "smic et intérim à 40 ans" c'est peut être moins réaliste.
Mais cette vision est vachement lié à l'économie de service.
J'ai des tas de potes manuels qui gagnent 5 fois plus qu'un eco gestion et qui ont jamais eu de problème d'emplois.
Genre ils se cassent de leur boulot si c'est trop pourri, ils en retrouvent un bien dans le mois.
C’est surtout que l’avenir sera clairement plus inégalitaire qu’aujourd’hui. SMIC et interim à 40 ans, ce sera pour UNE PART ENCORE PLUS GRANDE (parce que c’est déjà la réalité de certains). Avec en plus le problème de la retraite, des soins et des études supérieures des enfants. Encore une fois, et on en retourne un peu au même problème qu’avec la banque (quand je disais qu’ils n’étaient pas tout seuls), le problème est surtout que le capitalisme peut-être vu comme un darwinisme social. Les « organismes » les plus adaptés, ce sont ceux qui ont les capacités qui leur permettent d’acquérir les compétences, les contacts, etc..., qui vont leur permettre de rester dans la compétition et de gagner. Bac+5, Grandes Ecoles, capacités reconnues, etc… De l’autre côté, tu as les « organismes » les moins adaptés, on pense donc en priorité aux ouvriers qui n’ont pas réussi et/ou n’ont pas les capacités pour décrocher des diplômes. Aux jeunes inexpérimentés, tant qu’ils n’ont pas réussi à s’insérer. Et eux, ben, progressivement, out.

Sauf que les « organismes mis hors compétition », ce sont des gens. Et hors compétition, c’est « hors société », sachant que quand tu es « hors société », ça veut dire que tu te retrouves à devoir affronter la société pour les ressources. On a déjà vu plus équilibré comme combat... . Rapidement, tu comprends le problème… L’idée en fait, c’est d’éviter une exclusion trop importante (où que tu sois dans la « compétition »), et d’avoir des règles jugées comme justes par la grande majorité qui permettent à chacun de faire ses preuves dans la « compétition ». Par règles « justes », je veux dire des règles qui évitent de créer des situations où t’en as qui dans les faits bénéficient plus ou moins d’une forme d’impunité, tandis que d’autres sortiront difficilement de l’exclusion. Mais assurer ça à tout le monde, ça va contre les forces darwinistes du capitalisme. D’où un équilibre à trouver. Et ça, c'est le rôle du politique, sachant que les avis sont loin d'être homogène. Une fois, j'en discutais avec une meuf que je connais. Et elle désapprouvait fortement mon point de vue selon lequel il est beaucoup plus important que l'Etat prenne en charge le coût des études que les dépenses de santé. En espérant qu'il n'est jamais à faire un tel choix... :shock: :? :cry:
Mr.Smooth a écrit :Être désabusé c'est l'occasion de réfléchir à froid et d'être plus efficient.
Et de changer les choses. Sauf que, avant de changer les choses, il faut être au pouvoir. Donc désillusion, refus qu’on t’accorde du pouvoir (par la démonstration limpide de mon précédent post selonleséquationde...), souffrance à cause du statut quo… Ça donne la révolte en question.

(...)
Chymero a écrit :Le monde de la finance attire des talents que les régulateurs type AMF (autorité des marchés financiers) peuvent difficilement attirer.Si les banques ne se trahissent pas, ça peut durer des années sans que l'on remarque l'affaire. L’ingénierie financière a très largement contribué au problème, avec notamment les avancées en terme de dérivés (c'est à dire la création de valeurs "papier" indexées sur tout et n'importe quoi.=
Cela me ramène a une réflexion plus global que je m'étais faite. La complexité même de l'économie est problématique, on est fasse a une sorte de bête devenue incontrôlable, tellement dense et complexe qu'il est est impossible de la réguler, et encore moins de la contrôler, ce qui place certaine pratique au dessus des lois.

J'ai même l'impression qu'il faudrait complètement réadapter la législation a l'économie moderne mais que le droit même ne pourrais pas l'encadrer. J'avais cité il y a pas longtemps Henry Ford qui disait que si les gens comprenait comment fonctionne le système bancaire on aurait une révolution dés demain. Je pense que la complexité de l'économie est également sa protection première, c'est ce qui donne autant d'impunité aux banques.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+2] Tout à fait le 04.01.15, 23h33 par Iskandar
@Chymero: bon, faudra que je reprenne mes cours pour te répondre de manière pertinente et assurée (j'ai dû les mettre de côté il y a plusieurs mois) :) . Ce qui risque de prendre un moment, mais je promets de le faire !

Juste un complément pour l'instant. L'économiste de Reagan, c'est Milton Friedman:

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C'est à lui qu'il faut s'intéresser pour comprendre les politiques économiques de Tchatcher et Reagan. Mais attention, il est extrêmement controversé, et encore aujourd'hui, les contestations (un peu économiques, mais surtout politiques ! ) de sa pensée sont extrêmement vives. Je sais pas si vous avez suivi le coup de pied de l'âne aux obsèques de Tchatcher... Mérité ? Et ça, c'est sans même compter l'incroyable renouveau (surtout au niveau économique cette fois-ci) de cette contestation depuis la crise.

Par contre, juste une chose. Tu restes d'accord avec moi sur le problème systémique, non ? Surtout quand tu conclus comme ça:
Chymero a écrit :
ET ALORS ? LA CRISE, C’EST LA FAUTE DE QUI ?

(...)

Je ne sais pas. Certainement un peu de tout.

Et peut-être que ça n’a pas tellement d’importance.

Au-delà des « efforts » que tout le monde appelle de ces vœux, il y a peut-être une remise en question nécessaire de la thématique de la croissance et de la rentabilité à tout prix (du genre chercher 50% de rentabilité dans un monde qui ne croît même pas à 10%). Pourquoi faire ? Dans quelles conditions ? Au prix de quoi ?
Voire même du modèle de consommation en lui-même mais là aussi c’est une vraie galère et un sujet à part entière


Comme je disais, certes, un certain nombre de vermines se sont repus de la pourriture du système, dans un monde ultra-puissant comme la finance. Comme ça se voit dans la Justice, la Politique, etc... à divers degrés.

Mais même quand on les retire de l'équation, le problème reste absolument le même.

Ensuite, la problématique de la rentabilité à tous prix, c'est trop caricatural. Je veux dire, ça, c'est surtout vrai pour les financiers, et en plus, quand on parle de rentabilité pour les actionnaires. Mais cette situation, c'est surtout grâce à Friedman, et à sa promotion du concept de valeur actionnariale, qui a donné une surprime morale au pouvoir des actionnaires dans les entreprises.

Le truc, c'est que si la même question se pose pour le reste du monde économique, c'est pas pour une "rentabilité à tous prix", mais bien pour de la croissance, tout simplement. Genre 2 ou 3%.

Selon un économiste comme Piketty par exemple, c'est une illusion: le taux de croissance "normal" de la France hors accroissement démographique est en fait de 8... dixièmes de pour-cents hors accroissement démographique. Et pour lui, vu les changements sociétaux que ça implique, c'est une pression forte sur une société, au niveau changements à accepter. Mais les implications sont extrêmes. Changement de modèle, de système. Et le débat assez malhonnête. Au moins en France.

Sincèrement, j'espère que Piketty a tort. Parce que pour moi, un monde sans croissance ne peut être que pire que le monde actuel. Il faudra s'adapter à ce qui arrivera, car ça arrivera, oui. Mais c'est pas pour ça qu'il ne faut pas garder l'espoir d'un monde meilleur et d'un coup de pouce du destin pour cela...
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] Constructif le 05.01.15, 00h18 par tibdeconne
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