L'art d'aimer.

Lorsque je lis les conseils sur "l'art de la séduction", cela m'amène toujours 4 réflexions :

1. Il y a à prendre et à en laisser. D'une part parce que tout le monde n'est pas un séducteur-né, et que ces conseils nous donnent l'injonction "Transforme-toi ! Tu étais AFC maintenant apprends les étapes pour devenir PUA"... Sans comprendre que pour certains il s'agit d'une véritable révolution interne de leur psychologie, et sans donner les véritables clés pour effectuer cette "révolution", si ce n'est "Apprends par l'échec, à force de répétition, ça rentrera forcément un jour !"
Chacun a été formaté durant son enfance avec ses propres peurs / croyances. Pour celui qui est toujours "trop gentil" (celui qui croit que la gentillesse rapporte... et quand ça ne rapporte pas il peut devenir méchant, ou s'enferrer dans le côté cucul) il est facile de comprendre la "théorie", mais difficile de changer sa psychologie profonde. Preuve en est tous ces AFC qui ont compris les conseils de tel forum, mais qui sur le terrain... ont du mal à se défaire de leur naturel AFC.
Inner game ? Bien sûr, mais je crois aussi que tant qu'on n'a pas vraiment fait un travail approfondi sur soi-même, et compris d'où viennent ses peurs & croyances... D'autre part le risque est de tomber dans l'extrême inverse (machisme à outrance parce qu'on n'en a plus rien à foutre... et puis parce que ça marche assez bien en fait).

2. Il y a à prendre et à laisser, parce que même les séducteurs-nés, donc ceux qui ont plein de conseils à donner ici et là, ont aussi leurs propres peurs & croyances.
Très souvent, le séducteur-né, celui que l'on croise dans la vie de tous les jours, qui nous fait toujours halluciner parce que physique complètement banal, statut social pas terrible, ne vit la semaine que pour programmer sa sortie en boîte du week-end, et chaque soirée en boîte lui permet d'ajouter un nouveau "trophée" à sa collection de nanas.
Souvent ces types sont des modèles sur les forums de séduction, mais aussi dans les médias, dans la vie de tous les jours : "Woaw ! Mais comment il fait le type !?"
Ben le type il a aussi ses peurs & ses croyances, la peur de l'engagement par exemple, la peur d'être seul... Son désir de reconnaissance (ou sa peur de non-reconnaissance) ne s'exprime pas par le "needisme" des AFC, mais par cette volonté de collectionner un max de nanas.
Souvent ces types se la jouent "winner" (sur les forums et dans la vraie vie), mais parfois l'armure craque. Tel pote que l'on croit être un "winner" (auprès des femmes), craque parce qu'il avoue, au détour d'un pot, qu'il n'est pas vraiment un "winner" dans sa vie, dans sa façon de mener sa barque. Tel "winner" nous surprend un jour lorsqu'il nous dit qu'il envie ceux qui ont trouvé la femme de leur vie, et tout à coup leur peur de l'engagement n'est plus "l'arme fatale pour collectionner des nanas", mais un réel handicap dans leur vie... Bon mais ils vous disent ça seulement après 3 bières. Vous les retrouvez le lendemain, le naturel est reparti au galop !

(NB : désolé pour les femmes d'être "masculino-centré"... on retrouve aussi des profils 1 ou 2 chez les femmes).

3. Il y a à prendre et à en laisser, parce que les "conseils de séduction" ne sont qu'une connaissance livresque. Dans la vraie vie les choses sont parfois plus compliquées.
Les conseils de séducteurs-nés fonctionnent très bien avec certaines femmes, moins avec d'autres.
Comme chez les hommes, il y a des femmes chez qui séduire par tous les moyens est primordial. Avec ces femmes, il est assez facile de passer aux kinos, aux KC, au FC... Difficile de se stabiliser par contre (combien de comms sur le thème "Comprend pas ! Tout marchait bien on avait fucké dès le 1er soir, et puis plus rien après !"... Parfois aussi des comms venant de femmes et décrivant le même type de comportement chez les mecs).
Pas de secret : si vous cherchez à vous amuser facilement, vous trouverez rapidement des personnes de l'autre sexe qui cherchent à s'amuser facilement.
Pour d'autres femmes, il faut se débrouiller dans la forêt des messages - contre-messages, il faut se débrouiller avec leur timidité qui vous dit "respecte-moi, pas si vite", et leurs yeux qui vous disent "putain mais sois un mec, quoi !"... Ok il y a toutes les techniques de décryptage des gestes, des mimiques, etc. OK le meilleur moyen de savoir ce que veux la nana c'est de se lancer (à condition de comprendre le bon timing). Mais avec certaines femmes c'est beaucoup plus compliqué qu'avec d'autres.
Et pourtant autant il y a des hommes qui aiment les filles faciles, autant il y a des hommes qui aiment les filles compliquées (parce que plus de profondeur d'âme... ou en tout cas c'est ce qu'on se dit sur l'instant).

4. Il y a à prendre et à en laisser, oui, soit.
MAIS...
LA question que je me pose toujours, et qui vraiment me taraude, c'est :
Nous sommes au XXIe S, depuis que l'homme existe nous avons fait tout un tas de progrès sur la connaissance du monde. Nous avons marché sur la Lune et inventé la communication instantanée.
Mais pour ce qui est de la connaissance de l'autre sexe, nous nous posons toujours les mêmes questions qu'il y a 2000 ans, ou 3000 ans.

Alors bien sûr, les choses ont un petit peu changé. La société a évolué (il y a eu des périodes de grande liberté sexuelle, alternées avec des périodes de puritanisme et/ou de patriarcat).Mais il y a quand même certaines récurrences...

Je vous fais lire des extraits de "L'art d'aimer" d'Ovide, qui date d'il y a 2000 ans. A vous de voir quelles sont les différences avec les "conseils de séduction" actuels, et quels sont les points communs...

(La drague au Cirque...)
Assieds-toi près d'elle, côte à côte, le plus près que tu pourras : rien ne s'y oppose; le peu d'espace te force à la presser, et lui fait, heureusement pour toi, une loi de le souffrir. Cherche alors un motif pour lier conversation avec elle, et ne lui tiens d'abord que les propos usités en pareil cas. Des chevaux entrent dans le cirque : demande-lui le nom de leur maître; et, quel que soit celui qu'elle favorise, range-toi aussitôt de son parti. (...)
Si, par un hasard assez commun, un grain de poussière volait sur le sein de ta belle, enlève-le d'un doigt léger; s'il n'y a rien, ôte-le toujours : tout doit servir de prétexte à tes soins officieux. Le pan de sa robe traîne-t-il à terre ? relève-le, et fais en sorte que rien ne le puisse salir. Déjà, pour prix de ta complaisance, peut-être t'accordera-t-elle la faveur d'apercevoir sa jambe.

(La drague au Forum... toujours les kinos, mais moins explicite)
Toutes ces occasions de captiver une belle, tu les trouveras aux jeux du cirque, aussi bien qu'au forum, cette arène qu'attristent les soucis de la chicane. Souvent l'amour se plaît à y combattre : là tel qui regardait les blessures d'autrui s'est senti blessé lui-même; et tandis qu'il parle, qu'il parie pour tel ou tel athlète, qu'il touche la main de son adversaire, et que, déposant le gage du pari, il s'informe du parti vainqueur, un trait rapide le transperce; il pousse un gémissement; et, d'abord simple spectateur du combat, il en devient une des victimes.

(La drague par billet doux envoyé à celle qu'on a croisé au Cirque ou au Forum... Notez quand même la similitude entre les "billets doux" de l'époque que l'on transmet par des messagers, à la drague virtuelle d'aujourd'hui via SMS ou FB)
"Tâte d'abord le terrain par un billet doux écrit sur des tablettes artistement polies. Que ce premier message lui apprenne l'état de ton coeur; qu'il lui porte les compliments les plus gracieux et les douces paroles à l'usage des amants; et, quel que soit ton rang, ne rougis pas de descendre aux plus humbles prières. (...).
Promettez, promettez, cela ne coûte rien; tout le monde est riche en promesses. L'espérance, lorsqu'on y ajoute foi, fait gagner bien du temps; c'est une déesse trompeuse, mais on aime à être trompé par elle. Si tu donnes quelque chose à ta belle, tu pourras être éconduit par intérêt : elle aura profité de tes largesses passées et n'aura rien perdu. Aie toujours l'air d'être sur le point de donner; mais ne donne jamais. C'est ainsi qu'un champ stérile trompe souvent l'espoir de son maître; qu'un joueur ne cesse de perdre, dans l'espoir de ne plus perdre, et que le sort chanceux tente sa main cupide. Le grand art, le point difficile, c'est d'obtenir les premières faveurs d'une belle sans lui avoir fait encore aucun présent : alors, pour ne pas perdre le prix de ce qu'elle a donné, elle ne pourra plus rien refuser.
Qu'il parte donc ce billet conçu dans les termes les plus tendres; qu'il sonde ses dispositions et te fraye le chemin de son coeur. (...)
Mais cache bien tes moyens de séduction, et ne va pas tout d'abord étaler ta faconde. Que toute expression pédantesque soit bannie de tes tablettes. Quel autre qu'un sot peut écrire à sa maîtresse sur le ton d'un déclamateur ? Souvent une lettre prétentieuse fut une cause suffisante d'antipathie. Que ton style soit naturel, ton langage simple, mais insinuant; et qu'en te lisant on croie t'entendre. Si elle refuse ton billet et te le renvoie sans le lire, espère toujours qu'elle le lira, et persiste dans ton entreprise. L'indomptable taureau s'accoutume au joug avec le temps; avec le temps on force le coursier rétif à obéir au frein. (...) Elle te lit sans vouloir te répondre ? libre à elle. Fais seulement en sorte qu'elle continue à lire tes billets doux : puisqu'elle a bien voulu les lire; elle voudra bientôt y répondre, tout viendra par degrés et en son temps. Peut-être recevras-tu d'abord une fâcheuse réponse, par laquelle on t'ordonnera de cesser tes poursuites. Elle craint ce qu'elle demande, et désire que tu persistes, tout en te priant de n'en rien faire. Poursuis donc; et bientôt tu seras au comble de tes voeux."

(NB : Il demande d'être "persistant" mais parfois aussi d'être "insistant" : cf la différence entre les deux... Le mode "insistant" est banni des conseils de séduction actuels parce que jugé "relou", pourtant il est encore au XVIIIe S l'arme principale de Valmont, qui n'hésite pas à relancer sans cesse sa cible jusqu'à lui faire rendre les armes... Technique de harcèlement issue de la chasse à cours, où le gibier doit se rendre à l'usure... Donc là ça a évolué)

(Mais il y a surtout ce passage célèbre sur le Push-Pull... traduit du latin en français et en vers au XVIIIe S)

On court vers ce qui fuit, on fuit ce qu'on possède.
La froideur aux dégoûts servira de remède.
N'espère pas toujours un rapide succès.
Et qu'une amitié feinte à l'Amour donne accès
Ainsi j'ai vu dompter l'humeur la plus bizarre.
L'Amour suit les sentiers que l'Amitié prépare.

(NB : bizarrement, ici, le Push-Pull passe par l'acceptation de la Friend Zone... Alors que Valmont au XVIIIe S n'accepte pas la Friend Zone : il dit à sa cible qu'il refuse le statut d'"ami" qu'elle lui propose... tout en la relançant sans arrêt en tant que "futur amant").