Gare de Robinson.
De même qu'à force de draguer les filles se créé un radar pour les repérer, le manque de nicotine rend l'odorat plus vif, et active un radar pour les cigarettes. En l'occurence je repère sur la droite une fille qui s'allume une cigarette. Je peux juste apercevoir ses chaussures rouges et sa main tenant son clou de mort. Je ne fais rien; pas question de passer pour un mec en manque s'il doit y avoir du game. Je continue donc ma route pendant que les bruits de pas de la nana rythme mes pensées jusquà' me poser au milieu du quai, tout en notant au passage que les pas se sont arrêtés en même temps que les miens.
Adossé à une publicité, je jette un coup d'oeil circulaire sur le quai. J'apercois la fille aux chaussures rouges, sa clope à moitié consumée à la main. C'est donc d'une manière cliché au possible que je l'accoste.
Elle s'exécute gentiment. C'est une bonne nouvelle pour la nicotine, maintenant passons au game, me dis je.M : Salut, tu pourrais me filer une cigarette ?
Petit apparté. Elle m'a demandé si je voulais son briquet aussi. Depuis cette fois où deux warpigs m'ont accosté, me demandant une clope et n'ayant pas de briquet, ce qui a provoqué comme réponse chez moi " ouais, ok, en fait vous êtes là pour me draguer, quoi" - ce qui était effectivement le cas - j'ai tendance à prendre cette question comme un shit test.
Son sac et son pull sont d'un vert kaki, sa ceinture et ses chaussures rouges, voilà une manière parfaite d'enchainer.
Elle me dit qu'elle a travaillé à Burton, qu'elle est contente parce qu'elle vient de décrocher un nouveau job, vendeuse dans un tabac.M : Pull et sac kaki, ceinture et chaussures rouges. Dit moi, tu as un sac pour assortir à chaque tenue ?
E : Merci de le remarquerEt ouais, j'ai un sac pour chaque tenue.
M : On voit celle qui s'est faite plaisir pendant les soldes.
E : Nan, même pas. Les soldes je les fait pas, parce que je sais pertinnement que le seul truc que je voudrais, c'est celui qui ne sera pas soldé.
M :Ca m'a fait la même chose avec ma veste.
M : * en lui touchant l'épaule * Ah, mais tu dois avoir des anecdotes marrantes à raconter ! Genre le mec qui vient acheter son porno tout en étant un peu honteux.
E : J'ai commencé aujourd'hui, donc non, mais ca doit arriver.
M : S'il y a un étalage avec des revues porno, c'est que ca se vend.
E : D'ailleurs ils sont juste devant la caisse ...
M : C'est bien foutu![]()
E : Du coup je suis obligé de les voir toute la journée.![]()
Mais genre t'es crédible ...E : Et sinon, tu fais quoi dans la vie ?
M : * me rapprochant d'elle, sur un ton de confidence * Gogo dancer. D'ailleurs je vais bosser là.
E : C'est vrai ?
M : Non![]()
E : Bah ca aurait pu.
Ma tête d'hier soir, sauf que j'avais une veste noire en plusJe finis par lui dire que je fais une formation dans l'informatique, et lui raconte les colds readings précédents auxquels j'ai eu droit. " Comédien, artiste, etc."
Deux personnes extérieures auront surgi au cours de notre conversation. Le premier a été une racaille qui cherchait à taxer une clope. A noter que la miss ne lui en a pas filé. Le second a été un touriste un peu perdu auquel j'ai indiqué le chemin qu'il devait prendre. Un peu d'attitude alpha ne nuisant pas.
L'heure de départ du train approchant, je la convie à continuer cette conversation dans le RER. Elle ne veut pas monter dans un wagon où il y a du monde.
Dans le RER, elle veut s'asseoir à la meilleure place, c'est à dire celle qui est dans le sens de la marche du métro, près du mur. Evidemment moi aussi. Malheureusement pour elle, c'est moi qui dirigeait notre marche.E : j'aime pas les gens.
M : Pourtant tu parles avec un inconnu depuis 10 minutes et t'as plutot l'air de sourire.
E : Ouais mais c'est pas pareil, je te parle pour passer le temps.
M : *Avec un sourire amusé* : Ah, toi aussi.
Je dois dire que j'ai adoré sa moue déstabilisée qui s'est accompagnée d'un " hey ! T'es un salop", au point d'en rire devant elle.
J'ai eu de la chance, la pièce est tombée sur face. Je m'asseois donc royalement sur ma place aprement gagnée.E : Laisse moi m'asseoir là.
M : Mais bien sur.
E : Allez quoi, je te file une clope, tu pourrais te montrer gentil un peu !
M : Bon, on va la jouer à pile ou face, choisis ton camp.
E : J'ai pas de pièce.
M : Moi si.
E : Bon, pile.
M * en lancant la pièce* Je suis aussi magicien, et c'est une pièce avec deux faces.
Gare de Sceaux.
Après avoir changé de place :E : * se penchant vers moi * : En fait je suis claustrophobe.
M : Sérieux ? ( je pouvais me permettre de douter, elle se montre plutot joueuse depuis le début, elle serait pas à un mensonge près)
E : Puisque je te le dis !
M : Bon, on va te croire, ok, on peut changer de place.
Gare de Bourg-la-reine.E : Mais pourquoi je t'aurais menti ?
M : En gamine habituée à tout avoir, ca aurait pu être une manière de plus d'essayer de tirer la corde vers toi.
E : Ouais, c'est pas faux.
Gare de Laplace.E : Au fait, comment tu t'appelles ?
M : * pour moi même* Nan, c'est trop difficile de faire deviner le prénom * la regardant* Raphaël, et toi ?
E : Devine.
M : Tu t'appelles Marie- Berthe !
E : Presque, en fait, c'est Déborah. C'est moins charmant que Marie- Berthe, mais bon.
M : * sourire en coin * : Bof, nan, ca se vaut.
E : T'es un saloop.
M : Bon, allez, je vais t'appeler Marie Berthe pour le reste de notre discussion
E : Tu m'énerves.
Je tente de lancer une discussion sur le cinéma. Mais elle n'adhère pas, pas assez de connaissances dans le domaine. Je la tease quand elle essaye de me décrire un scénario de film qu'elle a aimé. Ce qui m'aura valu des " tu m'énerves !" "Je comprend même pas pourquoi je reste là à te parler", le tout accompagné d'un sourire.
S'en suit une discussion sur Rimbaud, sa propension à suivre sa propre route, sa fin totalement décalée avec son oeuvre.M : * en désespoir de cause * : Bon alors, qu'est ce que tu aimes ?
E : L'art, le théatre, la poésie, la photographie.
M : Ah ? Et c'est quoi ton poète préféré ?
Gare de Denfert Rochereau.
Gare de Luxembourg.M : En disant ca tu viens de marquer des points. J'ai un plan pour avoir des places de théatres gratuites, ca t'intéressera surement, donc.
E : Ouais, pourquoi pas. T'as ca comment ?
M : C'est une offre faite par la mairie de Paris, en fait. Bon, évidemment, il n'y aura jamais des places pour Luchini par exemple, mais y a des trucs sympas.
E :Mon père connait Luchini. Enfin, ils ont été au collège ensemble.
Je peux pas m'empêcher d'exploser de rire en entendant cette phrase.
M : Heureusement que tu m'as pas dit au lycée, sinon je t'aurais pris pour uen mythomane.
E : Oui, mon père n'a jamais travaillé dans un salon de coiffure non plus.
Puis je sort mon portable, entre juste la première lettre de son prénom et lui tend.
Elle note son numéro et me demande le mien " pour que je décroche quand tu appeleras" , alors que le RER entre en gare de Saint michel.M :Donne moi ton numéro, ca sera plus pratique pour le théatre.
E : Je te donne le vrai ou le faux ?
M : Ca dépend si tu as envie de passer un moment avec un mec intéressant ou pas. Mais si tu donnes un faux numéro, tu peux écrire celui du père noël; je le connais depuis que je suis tout petit 08 36 65 65 65.
Puis je lui dit au revoir et descend du wagon.M : Alors c'est 06 36 65 65 65
* je descend sur le quai, et vais m'accouder à la fenêtre*. C'est sous les regards hallucinés des gens autour que je lui dicterais mon numéro et regarderais le train partir, content de moi.E : Salooop ! Revient ! Tu pourrais m'accompagner jusqu'à chatelet.
M : Mais bien sur. Allez, je vais te dire mon numéro à la fenêtre du RER.