J'espère qu'il plaira aux autres.
J'ai eu envie d'écrire ce texte comme on est saisi du désir de prendre une photo d'un joli paysage, pour le sauver de la tyrannie de l'oubli. Certains mettent de coté leur argent, moi ca sera de jolis souvenirs.
Ces temps ci, je suis pris du démon des voyages. Alors quand je me rends compte que je discute avec Camerboy depuis un an et demi sans l'avoir vu, je décide d'aller à Bordeaux. Il m'apprend que Harry Zona sera sur place, menant ces derniers temps une vie de bohème en visitant la France en stop.
C'est plein de l'énergie d'une blague faite à Beigbeder lors d'une dédicace et de moins en moins hanté par le spectre de mon ex, devenant un souvenir que je prends le train.
Arrivé là bas, l'énergie au beau fixe, je les retrouve tous les deux. Puis plus tard nous rejoindrons Ragazzo et Raspberry pour faire connaissance. Quelques verres après, nous décidons d'aller en bar et sortons.
Ils entrent dans un bar; descendent des escaliers.Je les suis et manque de trébucher. Une main me retient pendant que je rétablis mon équilibre.
Une fille. Mignonne.
Une des croyances positives de la communauté est de prendre pour des signes d'intérêt un peu tout et n'importe quoi. Un regard insistant quelques secondes, des filles à coté de soi qui rient trop fort, une mèche rebelle tripotée. Que ce soit vrai ou non importe peu. C'est une croyance utile tant qu'elle aide à l'action."M: Tu viens de me sauver la vie, tu sais !
E: Tout le plaisir était pour moi !" me répond elle en souriant.
" Tout le plaisir est pour moi" En bon fils de la communauté, j'ai pris ca pour un signe d'intérêt.
dis je en la prenant par les épaules. Elle me suit en précisant qu'elle allait quitter le bar, que deux ami(e)s l'attendent dehors." M : En chine, on devient responsable des gens dont on sauve la vie." Nous sommes toujours dans les escaliers, les gens grognent pour descendre participer à la moiteur des lieux. Ils grognent. " Par contre, on gêne un peu, viens on remonte."
Une heure plus tôt, chez Raspberry, buvant un impératif apéritif, Harry Zona parlait des adaptations qu'il allait devoir effectuer avec son style de drague pour s'accorder à sa vie de bohème. La prise de numéro, qui a été une gloire certaine pour ceux qui partaient de loin en matière de séduction, devait être abandonnée au profit d'un jeu plus direct. " Embrasser ou rien", tel était le crédo, résultat minimum toléré de la soirée.
C'est dans cet état d'esprit que, quelques minutes de conversation avec l'inconnue plus tard - dont je ne me rappelle plus la teneur, le temps et la mémoire étant des concepts que l'alcool dissout -, je me retrouvais les mains sur ses hanches, elle contre un mur, à lui murmurer que j'avais envie de l'embrasser avant de joindre le geste à la parole.
Râteau. Elle tourne la tête, puis, une fois que j'ai éloigné la mienne plante ses yeux dans les miens et me dit
Je suis resté à cet instant, parce qu'elle continuait à être amusante, le rateau n'avait jeté aucun froid. Je connais des dragueurs qui poussent la persistance jusqu'à faire se lever et partir une fille qu'ils avaient accosté alors qu'elle était en train de lire un livre dans un parc. Ca m'a toujours paru irrespectueux, et pousser trop loin le fanatisme de la persistance. Là, nous avions créé nous même, d'une volonté commune, le cadre où nous étions. Je n'étais pas un intrus, je n'avais donc aucune raison de partir." Non, ca serait trop facile."
Ce léger décalage a tendance à plaire.C'est le genre de phrase que je sors à chaque nouvelle rencontre tant le schéma habituel pour se renifler socialement le cul m'ennuie. Mais à force de répétition, ce décalage est devenu pour moi une nouvelle routine, flétrie par la banalité du connu." E : Ca serait trop facile.
M : Alors quoi ? On passe aux banalités d'usages et on se demande ce qu'on fait dans la vie ? Ok, mais on répond des conneries alors."
Néanmoins, les rails de l'habitude m'ont sauvés, me permettant de bifurquer sans paraitre un instant déstabilisé.
Nous rigolons quelques minutes, j'apprends qu'elle a 29 ans, et repris des études. Elle, que je suis un parisien de passage pour le weekend. Nous parlons de soirées médecines et de l'anti-mythe de l'infirmière, quand son portable sonne. Ses ami(e)s. Elle tente de leur expliquer qu'elle discute avec moi, sans succès. Les bars en sous sol sont le dernier refuge contre le harcèlement téléphonique ( C'est une connerie. La politesse est le dernier réel refuge contre les portables. Mais on trouve plus de sous sol, il est vrai.)
Elle me propose de sortir les rejoindre. Nous nous frayons un chemin dans le mur de foule, main dans la main. J'aime y voir le symbole du lien ténu qui nous unissait à cet instant.
Elle me présente. Un gars, son cousin, et une fille, une amie. Ils sont potes de baise. Le mec est parti vivre à Paris il y a peu. Je discute avec lui, lui donne quelques bonnes adresses.
Élisabeth, puisque c'est son nom discute avec son amie. Elles proposent d'aller dans un autre bar. L'idée de partir découvrir la vie nocturne bordelaise avec des inconnus me plait bien, charme renforcé par une partie de jambes en l'air potentiel avec Elie. Dans tous les cas elle est marrante, le moment sera plaisant.
Les deux amis avec bénéfices se tiennent par la taille. Nous en faisons autant. Ils rentrent dans un bar pendant que je finis ma clope avec Elie.
Elle me questionne sur mon boulot. De l'informatique. Je passe quelques minutes à détruire le cliché trop souvent vrai de l'associal à lunettes.
Ne trouvant pas les deux autres, perdus dans les brumes de la foule, nous ressortons. Elle me dit qu'elle est juriste, voulant passer son diplôme d'avocate. En pleine période d'examens, elle est peu sortie ces derniers temps.
S'en suivent 20 minutes où elle parle de sa situation et des sacrifices que celle ci exige. La somme conséquente de temps et d'énergie investie. Toute séduction disparait de l'échange. Je passe dans une écoute empathique, tentant de comprendre pour donner un avis pertinent. A part moi, je me demande si ca ne va pas tuer le flirt entre nous. Mais j'écoute.
Au bout de ce temps où l'insoutenable gravité de l'être menace notre flirt, les deux autres nous trouvent et cassent cette dynamique. Ca n'est pas le seul coup de chance de la soirée, mais ca reste celui qui m'a le plus marqué.
La foule maintenant l'occupation du bar, nous nous dirigeons vers un troisième lieu. Elle se plaint de ses chaussures à talons. Je propose de la porter, ou à défaut, ses talons. Elle me traite de macho. J'ai toujours été fasciné par la déviance de ce mot. Stigmatisant à la base les hommes étouffant les femmes, il a depuis totalement changé d'usage.
Forcées de se montrer fortes en permanence puisque le féminisme les a sommé d'être indépendantes, cette nouvelle identité féminine les rend coupables d'accepter d'avoir parfois besoin d'aide. Au point épidermique qu'un homme leur proposant, elles recourent à ce mot, "macho" pâle écran de fumée censé masquer leur faiblesse momentanée en aveuglant par la culpabilité celui qui veut aider, comme elle se sent coupable d'être tentée par cet aide.
La trop forte volonté d'indépendance détruit les liens. Loin de rendre heureux, elle a-liène.
Elie accepte finalement mon geste et part discuter avec son amie. Je plaisante avec le cousin. Arrivés au bar, elle me tire vers la piste de danse. Je ne sais absolument pas danser. Je tente quelques gestes maladroits puis la prends par la taille, la ramène vers moi et lui sussure qu'heureusement, je suis meilleur amant que danseur. Nous remuons vaguement du bassin, l'un contre l'autre, continuant à discuter.
Elle me demande pourquoi je suis encore là. Je sens qu'elle veut se faire valider.
Elle rit et enchaine :"M : Deux raisons. La première tu me plais.
E :C'est vrai ca ?
M : Attends ... Continuons un peu à danser, que tu puisses mieux sentir mon début d'érection !"
Pendant que nous échangeons ces paroles, je fais en sorte que nos visages soient à quelques centimètres l'un de l'autre, comme un amant retardant l'instant d'embrasser sa maitresse pour mieux le savourer. Je l'embrasse dans le cou. Elle soupire. Je l'embrasse. Elle me rend mon baiser un instant puis arrête. Réticente."E : Et la deuxième raison ?
M : Ca va faire une ou deux heures que je suis avec toi et je me suis pas dit un seul instant " Mon dieu quand est ce qu'elle arrête de raconter de la merde ?". Ok, t'as été chiante tout à l'heure en parlant trop de boulot, mais c'était pas stupide. Donc oui, tu me plais doublement."
Les autres nous ont commandé à boire. Ils veulent m'offrir mon verre. Je refuse. Ils insistent. J'insiste. Ils cèdent. Je les remercie de leur gentillesse, eux de ma droiture. La générosité et la droiture sont de bons amants, engendrant le respect.
Le bar ferme. Nous nous dirigeons vers une boite. Je refuse de payer l'entrée. Les deux amis entrent. Elie reste avec moi. Je retente de l'embrasser. " Ca serait trop facile." De nouveau.
Plus tot dans la soirée, juste après mon arrivée sur Bordeaux, je disais à Camerboy et Harry Zona qu'en un sens je les enviais. Ils étaient capable de supporter des discussions stupides par envie de baiser. Moi non. Je les enviais parce que ca restreint énormément mon champs des possibles.Ils se sont gentiment moqués de moi, m'attribuant avec ces phrases la carte du club des romantiques." M : Mais pourquoi tu te lâches pas, putain ?
E : Je ne suis pas un coup d'un soir !"
J'étais sincère. Je reste persuadé que c'était l'attitude à adopter, celle qui contrebalançait la férocité avec laquelle j'essayais de l'embrasser depuis le début. Le club des romantiques m'a sauvé. Je garderais la carte précieusement avec moi."M : Mais pourquoi tu te lâches pas, putain ?
E : Je ne suis pas un coup d'un soir !
Exaspéré, je lui réponds : Ecoute, si tu considères que ce qui se passe là est dénué de toute complicité, alors c'est que je me suis trompé de personne, et dans ce cas je me casse."
Elle m'embrasse d'elle même, pour la première fois, se lâchant.
En en discutant avec ma meilleure amie, celle ci me disait " Pour reprendre la phrase " Ce n'est pas être aimées que les femmes veulent, mais être préférées", ca n'est pas être baisées que les femmes veulent, mais être préférées." Le milliardaire craint de n'être aimé que pour son argent. Le doute le ronge. Ainsi des femmes dans leur rapport à leur corps.
Nous alternons baisers et discussions, mon cocktail préféré. Un temps indéterminé plus tard, mais trop peu quand on apprécie, les deux fuckfriends ressortent et proposent qu'on aille se vider une bouteille de vin chez Elie." M : Tu sais que tu confirmes un truc déplaisant. Ma meilleure amie me disait qu'elle ne me voyait pas avec une fille de mon age. Vu comment je m'entend avec toi, je vais finir par dire qu'elle avait raison."
C'est une heure de marche qui se sera écoulée en discussions, les groupes de deux se faisant et défaisant au gré de l'instant. Vian, le nihilisme, la beauté de Bordeaux, ce Paris miniature, Proust et des baisers. Sans la révolutionner, cette heure est passée en quelques minutes.
Arrivés chez elle, il est convenu que les deux dormiront sur le canapé et nous dans sa chambre. Il n'y a plus grand doute sur l'issue de cette nuit.
J'apprends qu'elle est peintre. Elle expose. Décidément, toutes les femmes qui traversent ma vie ont un coté artiste. Elle passe une heure à montrer ses peintures. Ses regards dans ma direction disent qu'elles les montrent plus à moi qu'aux autres, qui les connaissent déja.
Nous quittons finalement les deux autres. Je vais prendre une douche, puis elle aussi. En en sortant, elle vient lover son corps nu et mouillé contre moi.
Au lit elle me caresse et me dit " Je pourrais jouer avec toi, mais je le ferais pas." Phrase tendrement flatteuse dans la mesure où la gentillesse n'est pas un du, elle dit en creux m'estimer. Phrase rassurante puisqu'elle indique qu'elle l'a déja fait, qu'elle est familière de ses démons. Les gens qui ignorent leur méchanceté sont les plus dangereux.
Nous nous caressons tout en continuant à discuter. C'est agréable, bien que je sois légèrement déconcerté. D'habitude, j'alterne les deux plus que je ne les mélange.
Elle me demande pourquoi je n'ai jamais été longtemps en relation. 6 mois maximum. C'est toujours difficile d'expliquer la violence du changement, cette hargne qui pousse à aller draguer dans la rue sans mentionner la communauté; le virage parait trop abrupt.
Nous finissons par coucher ensemble.
Le matin nous recommençons.
Plus tard elle m'avouera avoir aimé pouvoir dormir dans mes bras. C'était réciproque.
Puis les autres se réveillent. C'est une gueule de bois implacable qui semble les étreindre tous les trois. Ma fraicheur semble presque incongrue.
Rapidement, elle vire les deux autres. Nous échangeons nos numéros, un câlin et quelques baisers et me voilà moi aussi à la porte.Je rejoins Camerboy, atteint au foie par la soirée qu'il a passé. La rapidité de ma sortie me laisse douter de la validité de son numéro, m'en donnant un faux pour accélérer mon départ. L'avenir me détrompera.
Je me plonge dans mes pensées. Première soirée à Bordeaux, première fille accostée, premier nuit de baise. Si je voulais poser une réputation, je n'aurais pu mieux faire. Mais pour la conserver, il faudrait que je ne repasse plus jamais dans cette ville, un coup d'éclat de ce style ne se provoquant pas deux fois d'affilée. Je me marre à cette pensée.
Intérieurement, je suis comme un enfant voulant partager sa bonne humeur.
Je la recontacte dans l'après midi, lui proposant qu'on fasse une soirée calme, en regardant un DVD. Elle est crevée et ne sait pas ce que peut donner son état pour le soir.
Elle m'envoie finalement un SMS pour me dire qu'elle préfère dormir. Nous avions dormi 3h la veille. Elle me rappelle 30 minutes après pour me repréciser qu'elle est réellement fatiguée, qu'il s'agit pas de me faire tourner en bourrique. Son comportement, sa prévenance face aux malentendus potentiels est agréable. Finalement, je lui apporterais le petit déjeuner le dimanche matin.
Le lendemain, macarons et baguette sous le bras, elle m'accueille plutôt froidement.La table nous sépare. La discussion avancant, elle se montre plus aimante. Elle vient près de moi. La température monte un peu.
Nous sommes dans les bras l'un de l'autre et je l'embrasse dans le cou.En parlant de sexe, Sur le ton de l'humour, elle dit "
C'est le genre de discussion légère que nous avions. Mais pris dans le fil de discussions plus sérieuses sur la religion, la tyrannie de l'horloge biologique, je ne vois pas le temps passer.E :Mais je suis sage moi !
M : Oui, une vraie sainte. Quel pêché de te laisser aller au plaisir des sens ! Je te comprends, je suis pareil !" Mes baisers dans le cou se font plus insistants.
" E : Attention, tu sembles céder là.
M :Bah, tant pis, j'irais me confesser après. C'est fait pour ca, après tout.
E : Non, il faut réfléchir avant d'agir !
M : Bah, on apprend que de ses erreurs.
E : Ok, un point pour toi."
Un peu plus tot, je lui avais parlé de Camerboy et des relations libres qu'il entretenait avec ses copines."E : Tu papillonnes toi aussi ?
Mener sa vie selon ses valeurs permet d'apporter des anecdotes, incarnations de ses valeurs. C'est reposant de savoir qu'on peut compter sur elles pour s'illustrer."M : Quand je suis célibataire, ca ne me pose aucun problème, mais quand je suis en couple, je suis fidèle. Ca a ses avantages ceci dit : Quand j'ai rompu avec mon ex, je suis allée à une soirée où il y avait une fille à qui j'avais mis un rateau quand j'étais en couple. On en a profité ce soir là ..."
Elle doit aller manger chez ses parents.
Le température avait assez monté pour que je tente de négocier.
Elle me dit qu'elle est contente d'être tombée sur moi. "" M : Tu peux pas décaler ?
E : Nan, ca fait longtemps que je les ai pas vu."
Quelques secondes de blanc.
" E :Tu penses à quoi ? Que tu es agacé de pas avoir eu de cul ?
M : Heu, nan, là j'ai une chanson de Nirvana dans la tête " I'm on a plane, I can't complain", mais j'avoue que j'aurais bien aimé. Enfin, tant pis, je survivrais, hein."
Nous descendons de chez elle. En bas, nous nous serrons dans les bras, nous embrassons. Je lui dis que si elle a besoin d'aide quand elle emménagera sur Paris, je pourrais être là. Elle me dit d'assurer pour mon nouveau boulot, que je commence le lendemain. Il y a de la tendresse dans nos propos. C'est ce qui fait qu'elle n'a pas été un coup d'un soir.E : Quand je passerais sur Paris, je peux t'appeler. C'est pas une demande en mariage, hein, juste un coup de téléphone. "
Voilà à quoi on en est tous réduits, rassurer l'autre sur le fait qu'on ne lui porte pas un trop grand intérêt trop tôt.
" M : Mais on irait où en lune de miel ?
E : Je veux pas me marier !
M : Tu m'as pas fait rêver, ca y est, je veux plus me marier avec toi ..."
Au moment de commencer à rédiger ce texte, en rentrant dans le train, je recevais : " Une jolie pensée pour toi grimpant dans ce train. Merci de ta visite, bonne première journée demain. Bisous."