Strange Days

Note : 7

le 13.02.2012 par Edvard Dolokhov

107 réponses / Dernière par Edvard Dolokhov le 21.06.2014, 13h32

La vie est faite de virages, d'obstacles à surmonter, d'audace, de surprises et de rencontres décisives. Racontez votre histoire, entrez dans la légende; partagez vos cheminements, vos interrogations, vos rencontres, vos aventures - foirées ou réussies, c'est pas le plus important - et recevez les avis et conseils des autres membres.
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Toujours aussi génial de te lire.
Un roman, un jour ?

Je te rejoins en tous points concernant Match Point. A ceci près que normalement, le héros devrait finir baisé par sa maîtresse. Le moment où il bascule vers le meurtre est peut-être à mon sens le point faible du film : c'est un personnage un peu veule, qui n'aurait pas pu faire ça lui-même.
Mais ce qui est chouette, c'est que Woody Allen nous épargne une fin moralisante où chaque chose reviendrait à sa place. Les enculés s'en sortent, c'est souvent le cas. En ce sens, même si ce film est très inspiré du Crime était presque parfait d'Hitchcock (le joueur de tennis qui grimpe dans la haute société grâce à sa femme, le meurtre pour cause d'adultère...), il s'en éloigne irrémédiablement par la vision du monde extrêmement cynique qu'il déploie. Dans un monde où le sexe et l'argent sont les deux seules choses qui nous occupent, c'est toujours le fric qui gagne.
LuxLisbon a écrit :Toujours aussi génial de te lire.
Un roman, un jour ?

Je te rejoins en tous points concernant Match Point. A ceci près que normalement, le héros devrait finir baisé par sa maîtresse. Le moment où il bascule vers le meurtre est peut-être à mon sens le point faible du film : c'est un personnage un peu veule, qui n'aurait pas pu faire ça lui-même.
Mais ce qui est chouette, c'est que Woody Allen nous épargne une fin moralisante où chaque chose reviendrait à sa place. Les enculés s'en sortent, c'est souvent le cas. En ce sens, même si ce film est très inspiré du Crime était presque parfait d'Hitchcock (le joueur de tennis qui grimpe dans la haute société grâce à sa femme, le meurtre pour cause d'adultère...), il s'en éloigne irrémédiablement par la vision du monde extrêmement cynique qu'il déploie. Dans un monde où le sexe et l'argent sont les deux seules choses qui nous occupent, c'est toujours le fric qui gagne.
Merci :).
Les individus les plus faibles sont capables de tout et n'importe quoi dans certaines circonstances (Eichmann était un petit fonctionnaire minable, lâche et sans éclat).
Yep j'aime beaucoup ce genre de fins amorales. Même si pour moi ce n'est pas vraiment le fric le grand gagnant, je ne vois pas de réel gagnant en fait. C'est un jeu àsomme négative (ce qui ne veut rien dire mais tu comprendras l'idée).
Je l'ai vu y a un bail le crime était presque parfait, je note.
Le terme de "gagnant" était probablement mal choisi parce qu'effectivement, le mec va finir sa vie avec une meuf qui ne lui plaît pas, et regrettera probablement toujours le merveilleux coup qu'il a assassiné...
Mais ce que je voulais dire, c'est que lorsque le choix s'impose, c'est rarement le sexe qui est choisi. Ça motive pas mal de nos actions mais à la finale, le statut social, l'enjeu économique, tout cela prend bien plus de place dans un monde capitaliste que la séduction et le plaisir.
J'avoue que je n'y avais jamais vraiment songé. ça mérite réflexion.
Yo' !

Toujours aussi bon ce Journal. Chaque fois je me dis "Oulà, c'est du bon gros pavé ça", et j'arrive à la fin en me disant "Quoi, déjà fini ?", comme quoi, comme le dirait mon Prof' de Philo', le temps, t'as l'impression qu'il se fout de ta gueule.
LuxLisbon a écrit : Mais ce que je voulais dire, c'est que lorsque le choix s'impose, c'est rarement le sexe qui est choisi. Ça motive pas mal de nos actions mais à la finale, le statut social, l'enjeu économique, tout cela prend bien plus de place dans un monde capitaliste que la séduction et le plaisir.
Ca dépend des gens ça, non ?

Peut-être que les gens ont tendance à choisir la monnaie dans les hautes sphères capitalistes (J'ai toujours rêvé de dire ça), mais je crois que le sexe est plus fort que l'argent en général.

Le sexe, ça peut devenir une addiction, l'argent, ça entraine peut-être un processus de "Je veux plus, toujours plus", mais après avoir vu un "ami" bouffer des nouilles pendant deux semaines pour aller faire une sorte "Maison close" en Espagne, lui qui était proche de ces sous, ça m'a fait comprendre à quel point le sexe est puissant.
Raven a écrit :
Le sexe, ça peut devenir une addiction, l'argent, ça entraine peut-être un processus de "Je veux plus, toujours plus", mais après avoir vu un "ami" bouffer des nouilles pendant deux semaines pour aller faire une sorte "Maison close" en Espagne, lui qui était proche de ces sous, ça m'a fait comprendre à quel point le sexe est puissant.
Désolé pour lui mais ton pote est quand même grave chelou de se priver de bouffe pour aller aux putes.
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  • [0] Lol le 10.03.13, 14h19 par Edvard Dolokhov
Yo' !
tibdeconne a écrit :
Raven a écrit :
Le sexe, ça peut devenir une addiction, l'argent, ça entraine peut-être un processus de "Je veux plus, toujours plus", mais après avoir vu un "ami" bouffer des nouilles pendant deux semaines pour aller faire une sorte "Maison close" en Espagne, lui qui était proche de ces sous, ça m'a fait comprendre à quel point le sexe est puissant.
Désolé pour lui mais ton pote est quand même grave chelou de se priver de bouffe pour aller aux putes.
Man, j'en suis clairement conscient. J'ai essayé de le motiver pendant des semaines à faire une soirée des familles, et à chaque fois, j'ai la réponse de merde :

"Ouais, mais les filles, c'est toutes des connes qui veulent des mecs avec des abdos. Là, j'vais en Espagne, et j'me fais 3 ou 4 bombasses, en une nuit, j'me lâche, j'fais c'que j'veux avec, bla bla ma vie est dure."

Le mec est quand même dans le genre obèse qui se la pète avec une chemise de mauvais goût avec un gros lion dessus, et c'est un putain de Jerk. Il aborde les poupounes avec des phrases complètement dégueulasses du genre "Tu veux ma bite toi ?" quand il est bourré, et quand il est sobre, il ose pas bouger.

Et à côté de ça, il traite toutes les filles de la planète de pute, alors qu'au fond, elles sont quand même assez intelligentes pour pas trainer avec lui. Mais comme il m'a sorti de la merde une fois, je peux pas le lâcher, et lui dire qu'il fait de la daube profond.

Et désolé Edouard de polluer ton Journal avec cette discussion. Tu as le droit d'écrire n'importe quoi dans le mien pour me faire pardonner.
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  • [0] Post responsable le 10.03.13, 14h18 par Edvard Dolokhov
Raven a écrit :
LuxLisbon a écrit : Mais ce que je voulais dire, c'est que lorsque le choix s'impose, c'est rarement le sexe qui est choisi. Ça motive pas mal de nos actions mais à la finale, le statut social, l'enjeu économique, tout cela prend bien plus de place dans un monde capitaliste que la séduction et le plaisir.
Ca dépend des gens ça, non ?

Peut-être que les gens ont tendance à choisir la monnaie dans les hautes sphères capitalistes (J'ai toujours rêvé de dire ça), mais je crois que le sexe est plus fort que l'argent en général.

Le sexe, ça peut devenir une addiction, l'argent, ça entraine peut-être un processus de "Je veux plus, toujours plus", mais après avoir vu un "ami" bouffer des nouilles pendant deux semaines pour aller faire une sorte "Maison close" en Espagne, lui qui était proche de ces sous, ça m'a fait comprendre à quel point le sexe est puissant.
L'argent peut également devenir une addiction, par le biais du jeu, ou par un rapport obsessionnel au pouvoir, à la compétition, etc.
Je crois très sincèrement que n'importe quel mec (ou nana, ça vaut pour les deux), même s'il est un gros queutard, choisira toujours le pouvoir que lui apporte l'argent au sexe. Après, de toute manière, là où c'est un peu vicié, c'est qu'avoir du pouvoir et du fric aide à avoir du sexe. Alors forcément... dans l'exemple de Match Point, on se doute quand même bien que l'ancien tennisman devenu riche grâce à son mariage risque d'aller se trouver d'autres maîtresses pour tromper sa femme. Supprimer sa première amante ne l'empêche pas de faire du sexe : ça lui permet de garder son statut social et donc, de pouvoir baiser de nouvelles filles par la suite.
Maintenant, je pense qu'à un petit niveau, comme ton ami, c'est sans doute un peu différent. Quand on n'a ni pognon, ni sexe (ce qui me semble être son cas), il ne sert à rien de capitaliser le peu d'argent qu'on a : cela ne nous fera pas baiser davantage ou nous élever dans la société. D'où sa capacité à se défaire de cet argent pour assouvir ses pulsions. C'est un peu triste pour lui, à vrai dire, mais je pense que s'il était milliardaire, il ne se priverait pas de manger pour une pute de luxe...
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  • [0] C'est pas faux le 09.03.13, 18h10 par tibdeconne
  • [0] 100% d'accord le 10.03.13, 14h20 par Edvard Dolokhov
Je découvre ce journal et je le trouve très bien écrit, vraiment sympa à lire!

Je vais te suivre avec plaisir :)
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  • [0] Merci ! :) le 10.03.13, 14h17 par Edvard Dolokhov
« Eh bien ! filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »
Racine - Andromaque

Visage avenant mais souriant peu, regard où la nonchalance le dispute à l’ennui, costards impeccables, mode de vie mondain teinté de poussées misanthropes et d’injections de drogues dures, idées socialistes, puis fascistes, puis suicidaires. Sa mort par ingestion massive de Gardenal le 15 mars 1945 achève le tableau. Pierre Drieu la Rochelle n’est pas un personnage très attrayant. Faut dire que son passé collaborationniste ne plaide pas en sa faveur, pas plus que ses écrits teintés de désespoir qui tanguent sur la diagonale du vide. Mais il m’arrive de me sentir proche de lui. Le côté noceur revenu de tout noyant son état semi-dépressif dans la quinine, entre deux histoires de cul plus foireuses l’une que l’autre, me correspond assez. J’ai tendance à me complaire dans ce genre d’images fantasmées de ma personne, je n’y peux rien. La littérature et le cinéma y sont pour beaucoup. Je ne sais pas quel rapport vous entretenez à la culture, personnellement je la vois comme un prisme offrant de nouvelles perspectives sur le réel. Une image venant se calquer sur une autre. Une scène totalement banale peut soudain se charger de sens parce qu’elle fait écho à ce que vous venez de lire dans un bouquin, ou de visionner sur un écran. Sans doute que si je me retrouve un jour à agoniser sur un trottoir après m’être fait planter par un inconnu au cours d’une stupide bagarre nocturne, mon cœur s’emballera en songeant au prince André Bolkonski blessé sur la plaine d’Austerlitz. Le regard perdu dans le ciel.


Quelques comparses sont venus me rejoindre dans ma province pour le week-end. Ce genre de plan a tendance à partir systématiquement en sucette. Cette fois-ci ne fit pas exception. J’ai passé la journée de vendredi avec une gueule de bois monumentale, ayant commis l’erreur d’enquiller les verres de pastis la veille, le tout avec le ventre vide. Je me sentais moyennement d’attaque pour rempiler sur un deuxième soir, mais je m’étais fort heureusement muni de mon cher cubi de vina Borgia (3L, 14 euros chez le Caviste, satisfait ou remboursé). J’étais complètement pété en arrivant sur les lieux de la sauterie. Le flot d’insanités que nous avions hurlé sur le trajet m’avait gonflé à bloc, et la suite ne fut pas en reste. Environ dix minutes après mon arrivée, Emmanuelle était en train de me toucher le ventre d’une main et de remonter mon tee shirt de l’autre dans une tentative de le nouer au niveau de mon cou, afin que tout le monde pût contempler mon torse dénudé et sa pilosité tout juste assez développée. Le tout en plein milieu du salon. Les organisateurs de la soirée avaient suggéré un thème vestimentaire, idée parfaitement stupide que je n’ai jamais pensé une seconde à prendre en considération. Au contraire d’Emmanuelle qui s’était sapée en beauf, ou autre terme proche, étant donné que le déguisement était censé commencer par la lettre P. Elle avait relevé une partie de ses cheveux qui formaient un magnifique toupet que j’évoquais et tripotais à l’envie toute la soirée. Un peu plus tard, alors qu’elle dansait toute seule au milieu de la piste, je me mis derrière elle et commençais à frotter mon entrejambe contre son cul à grands renforts de gestes obscènes. Elle se dégagea rapidement, à mi-chemin entre la surprise et l’hilarité. Je n’étais déjà plus en état de me soucier de grand-chose.


Il y avait aussi Emeline, une brune aux yeux noirs et aux cheveux mi- longs. Elle ressemble à Juliette Gréco dans Gainsbourg, vie héroïque. Elle m’a toujours un peu intrigué. Je lui avais déjà adressé la parole une fois, sur une terrasse et dans des conditions météorologiques épouvantables. Je ne me souviens plus de trop de ce qu’on s’était dit. Je me souviens qu’elle avait un pull rouge. Et qu’elle riait. Apparemment, je lui avais passé une clope à cette occasion (vous ne serez pas franchement étonné si je vous avoue que ce moment est assez flou dans ma tête), et elle tenait absolument à me rendre la pareille. C’est comme ça qu’elle m’a abordé. On a parlé pendant un bout de temps, j’étais de plus en plus saoul, elle aussi, elle me chopait le bras pour m’emmener reprendre à boire ou fumer sur le balcon, je lui caressais les cheveux et le front et je me collais contre elle pour avoir moins froid. A la fin, elle déblatérait des propos totalement incohérents sur son mec qui se barrait en Chine pour plusieurs mois, sur le fait que d’ordinaire elle était aussi réglo qu’une nonne, que j’avais l’air d’être un queutard fini (la blague), que je savais très bien qu’elle avait un mec, qu’elle avait peur d’être prise pour une connasse prétentieuse, et qu’elle ne tirait aucune fierté d’avoir été publiée dans le Monde. De temps à autre, Emmanuelle débarquait complètement bourrée pour gueuler que ça faisait un peu trop longtemps qu’on était ensemble, et que ça commençait à devenir louche cette histoire. Une naine jalouse, moi, ça me rend fou.


Elle a fini par se sentir un peu mal (oui, je sais, ça commence à avoir un parfum de déjà-vu, ne riez pas), je lui ai proposé de la raccompagner. Elle acquiesça après m’avoir demandé de l’emmener jusqu’à la salle de bain avant qu’on ne parte. Manque de bol, pendant que je la laissais reprendre ses esprits devant le lavabo pour aller me réapprovisionner en rouquin, sa bande de copines à rappliqué et a dressé une barrière infranchissable autour d’elle. Ses pétasses attendaient que le lion lâche sa proie pour intervenir. Elles me jetaient de sales regards réprobateurs. Ma réputation n’aidant pas, elles me soupçonnaient très certainement de vouloir profiter de son état pour la culbuter sans vergogne. Ce qui est profondément injuste eût égard à mes antécédents, vous en conviendrez, chers lecteurs. Bref, je n’ai donc pas pu raccompagner Emeline chez moi pour ne pas la niquer, et j’ai dû laisser ses amies l’installer dans une piaule. Les salopes ont même poussé le vice jusqu’à poster un pote à elles devant la porte, très certainement pour m’en interdire l’accès. Un violeur kosovar siphylique et multi-récidiviste aurait suscité moins de méfiance que votre humble serviteur. Même après le départ du garde chiourme, l’un des occupants de l’appart, un type pas très chanceux, amoureux malheureux d’Emmanuelle, geekait sur le pc à côté du lit. Ce type ne peut pas m’encadrer non plus et aurait vraisemblablement piqué une crise si j’étais rentré. J’ai quand même réussi à me retrouver seul avec elle dans la chambre un moment plus tard, mais elle dormait à poings fermés. Je comptais lui dire bonne nuit, rien de plus. Lui chanter une berceuse, peut-être. Elle dormait à poings fermés. Elle était belle. Vraiment.


Il y avait Violette, aussi, affublée d’une perruque rose, mais je ne l’ai pas vue de la soirée.


Je me souviens que nous nous étions donné rendez-vous à 23h30 en tête dans la salle de bain avec Emmanuelle, mais j’ai allègrement raté le coche. Je l’ai suppliée de reporter à minuit, puis à minuit trente, puis je ne sais plus trop quand. Nous avons fini par nous y retrouver à une heure assez avancée de la nuit. Je tripotais son corps et son toupet. Malheureusement, la bougresse a eu l’outrecuidance de déserter en lâchant un atroce « ho j’adore cette chanson !!!! » tandis que retentissaient les premières notes de Call me maybe, et ce en dépit de mes tentatives pour la retenir en l’enroulant dans une serviette, comme un sushi. L’espèce de salope au QI digne d’un mollusque à l’origine de cette chanson de merde m’a donc niqué un coup, en plus de démolir régulièrement mes oreilles avec sa bouse auditive. Je la hais.


Le type qui geekait sur le pc un peu plus tôt a d’ailleurs eu la mauvaise idée de pénétrer dans sa salle de bain pour nous surprendre en pleine séance de batifolage. Il va surement me détester encore un peu plus, après ça. S’il savait que je suis son compagnon de misère bien plus que son ennemi…


Je n’ai plus trop revu Emmanuelle par la suite, elle est partie sans dire au revoir. Ensuite, la soirée a achevé de basculer dans le n’importe quoi pur et simple. Je me suis retrouvé à nouveau dans la salle de bain en compagnie de quatre autres personnes, plus une cinquième qui a jailli de derrière le rideau de douche pour arroser tout le monde à l’eau froide. Une bande de type complètement défoncés ont rappliqué et ont commencé à inonder l’appart de weed. Une succession de scènes toutes plus hallucinantes les unes que les autres se sont enchainées à vitesse grand V. L’un d’entre eux a pré-roulé un oinj sous mes yeux avant de me l’offrir et de disparaitre sans rien dire. Ses comparses ont laissé plusieurs pilons à moitié roulés sur la table du salon, que je volais les uns après les autres. Un de mes potes passait « Allez les bleus » de Makassy en boucle. La coloc de Violette est venu me dire que j’avais plein de défaut mais qu’on ne pourrait pas m’enlever mon esprit chevaleresque. Je balance à toutes les meufs de la soirée qu’un de mes potes est doté d’un engin proprement titanesque, et qu’on le surnomme la poutre du Zambèze. Alors que j’étais plus ou moins en train de perdre tout contact avec la réalité matérielle pour fusionner avec le Grand Tout, mon coloc est venu m’annoncer avec un air effaré que Jérôme, un de nos compères, était en train de rouler un joint proprement titanesque dans la cuisine. Ce truc a achevé de m’envoyer sur orbite et je me suis réveillé dans mon pieu le lendemain matin avec une gaulle monumentale. Je venais de rêver que j’avais un gamin avec Emmanuelle. Mon dieu.


J’adore parler aux meufs en soirée. Je crois que c’est une des choses que j’aime le plus, avec la vodka russe et Arthur Rimbaud. Les langues se délient, les pensées se connectent, on se livre comme jamais. On n’est jamais aussi proche. A part quand on s’emboite.


On a refumé en début d’aprem en écoutant du Chuck Berry, après un petit déj viennoiseries et jus d’orange issu de l’agriculture local. Il faisait beau et chaud, un temps à écouter du Claude François au volant de sa Buick décapotable en sifflant les minettes en minijupe. Nous avions prévus d’assister à un concert de Hardteck le soir même, avec au programme « L’enculeur d’arbre » de Darktek et autres joyeusetés. Nous nous sommes péniblement mis en route pour acheter les places. Je portais un tee shirt gris col V, ma veste en cuir et une paire de solaires. J’étais plutôt satisfait de ma dégaine. Je marchais en roulant des mécaniques. Nous avons traversé des ruelles quasi désertes baignées par un rayon de soleil. La ville était plutôt calme. Je me sentais à mi-chemin entre Keith, le héros de Less than zero, rentrant coké au petit matin, et Depardieu et Dewaere paumés dans une ville côtière au milieu des Valseuses. Une voiture remplie de nanas s’est arrêtée à côté de nous pour nous demander la station essence la plus proche. Impossible de les orienter. Je n’ai pas le permis, et plus le code. Je ne mate donc jamais l’emplacement des stations-services. Sauf quand j’ai envie de tout faire péter. Les places pour le concert étaient vendues dans une boutique d’engrais et d’horticultures. Des centaines de type devaient y défiler pour acheter de quoi faire pousser leur herbe.


Une fois les places achetées, nous nous sommes envoyé quelques pastis en terrasse. J’ai proposé à Emeline de me rejoindre. Ç’aurait été avec plaisir, mais elle devait retrouver son mec, une autre fois peut-être. Je hais cette putain de monogamie. Allez tous vous faire enculer.


Après avoir refait le plein de Vina Borgia chez mon caviste habituel, nous avons continué à picoler chez moi. Puis au restau. Nous avions réservé une table de dix. Ça gueulait à tire-larigot. Y a eu des chants, aussi. La Marseillaise, l’internationale, Michel Sardou… Les autres clients n’ont pas bronché. De braves types. Ou peut-être qu’on les faisait un peu flipper.


La salle de concert renfermait tout ce que Grenoble contient de camés et de dégénérés. Ça fumait des joints dans tous les sens. On m’a proposé des prods une dizaine de fois. Il y avait un immense fumoir extérieur et une scène où des dizaines de jeunes gens détraqués dansaient comme des décérébrés. Le beat était violent et extrêmement rapide. Ça martelait sévère dans les tympans, la cage thoracique, le bas-ventre. Bam bam bam bam. Les jeux de lumière créaient une ambiance évanescente et irréelle. Se laisser envahir par le beat, l’espace de quelques instants, se vider le crâne, ne plus penser à rien, sinon au mouvement saccadé et ultra régulier de son corps se déchainant comme celui d’un hystérique sous électrochocs. Renouer avec la sauvagerie primaire et les pulsions dionysiaques. Pisser sur la civilisation et porter la barbarie aux nues. Rejoindre les rangs de ceux qui ne désirent rien, sinon de voir le monde s’embraser sous leurs yeux. Copuler avec le roi lézard. Pomper sa queue recouverte d’écailles. Catharsis & renaissance.
Un type complètement déglingué me propose de la métemphétamine dehors. Ce truc pue la naphtaline et la chimie malsaine. Le gonze a l’air complètement allumé. Ses yeux n’arrêtent pas de rouler dans tous les sens, il mâchonne sa clope et fume avec de petits gestes saccadés, sautille en permanence sur ses jambes. Sa bouche se tord régulièrement en un rictus ignoble. Il doit lui manquer plusieurs dents. Une bande de types nous font tourner un joint. Ils viennent de Nyons, ne semblent pas beaucoup aimer les maghrébins et ont pour la plupart déjà raté leur vie. Nous passerons un bon bout de temps de la soirée à aborder à peu près toute la boite en nous présentant comme originaires de Nyons et à la recherche de confrères. Ne me demandez pas pourquoi. Nous nous retrouvons à six mecs dans les chiottes pour prendre des champis. Cette connerie ne fera pas le moindre effet. Je suis très peu réceptif aux drogues dures. La coke, la md et toutes ces conneries ne m’ont jamais vraiment branché. Je suis déjà suffisamment dérangé pour ne pas avoir besoin de ce genre de trucs. Un type complètement démonté me bouscule violemment et me montre son majeur en guise d’excuses. Je lui aurais collé mon poing dans la gueule sans l’intervention salutaire d’un de mes confrères. Le beat continue de faire trembler les murs. Je m’agite. Je tremble. Je décolle. Je parle à trois curés qui ont visiblement perdu de vue la lumière du seigneur. La soirée se termine sans heurt. On refume quelques joints chez moi. J’écoute Aïcha, une sombre merde en pensant à Violette, Emeline, Emmanuelle. Puis je plonge dans un sommeil sans rêves.


Il y a peu, il m’est arrivé une expérience assez singulière. Presque onirique. Je me hâtais de rentrer chez moi, un soir, luttant contre le vent et les gouttes tombant ça et là sur l’asphalte.
« Excusez-moi Monsieur… »
La dame qui vient de m’aborder à la cinquantaine, un look étrange, entre soixante-huitarde et prof de philo en fac.
« Oui ? »
« Je peux vous demander où vous avez acheté votre manteau ? »
« Heu, dans une friperie à Paris. Je sais pas si ça va beaucoup vous aider. »

« Je peux vous laisser mes cordonnées ? »
« Heu oui, pourquoi ? »
« Comme ça, amicalement. »
Elle note son portable sur une feuille, et son prénom. Françoise. Elle s’assure que j’arrive bien à lire le numéro.
« Bon ben… au revoir… »
« Attendez, vous vous appelez comment ? »
« Edouard. »
« Edouard…Au revoir, Edouard. »
Et elle est partie. Je n’en saurais probablement jamais plus.


Ce matin, je suis arrivé un peu à la bourre en conférence de rédaction. Il reste une place entre les trois Parques citées plus haut. Je m’installe. Elles me jettent chacune un regard furtif avant de détourner la tête. Mon regard se pose un instant sur Violette. Elle est particulièrement bien gaulée, aujourd’hui. Elle a son slim noir brillant qui lui moule le cul et se lèvres ne demandent qu’à être mordillées. Il y a de cela des siècles, j’ai dormi ma peau collée contre la sienne, son souffle caressant mon cou, sa poitrine se soulevant à intervalle régulier. Emeline. Je l’ai longuement enlacée en lui murmurant tout un tas de conneries à l’oreille. Emmanuelle. Je l’ai caressée comme une peluche. Que ça ait duré un instant, quelques heures ou toute une nuit, toutes ont été incroyablement proches à un moment ou un autre. A voir leurs visages si bien dessinés, leurs paires de seins, leur vernis à ongle, là, maintenant, à 13h, dans une salle de rédac, je peine à y croire. Je ne sais même pas ce qu’elles pensent de moi. Elles me prennent peut-être pour un connard. Ou un loser. Ou les deux. Elles ne sont qu’à quelques centimètres de moi, et je ne peux pas tendre la main pour les toucher. Il y a cette putain de ligne qui nous sépare, qui me coupe l’accès à leurs pensées, aux femmes en général, à la société, au monde. Cette saloperie de démarcation qui me poursuit depuis des années. C’est sa faute, à cette salope. A cause d’elle, je me sens en permanence décalé, les autres me trouvent marrants, mais un peu bizarres. Nous n’appartenons pas au même monde. C’est cette même ligne qui m’empêche de regarder au loin et qui dessine un fossé infranchissable entre moi et les trois déesses qui me côtoient, maintenant. Qui m’empêche de regarder Violette dans les yeux. Je ne l’aime pas, cette ligne à la con, vraiment pas, mais elle fait partie de moi, et on éprouve toujours un peu de tendresse pour ce qui nous appartient. Du coup, je lui ai donné un nom. La diagonale du vide.

E. Dolokhov
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [0] Fuyez, pauvres fous ! le 18.03.13, 18h36 par Markus babbel
  • [0] Like ! le 18.03.13, 18h44 par Paragom
  • [0] Post de qualité le 18.03.13, 20h00 par Mr.Smooth
  • [0] Intéressant le 18.03.13, 20h54 par tibdeconne
  • [0] Encore le 18.03.13, 21h01 par TheMista
  • [0] Like ! le 20.03.13, 13h32 par LuxLisbon
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