Strange Days
Tu n’es plus qu’une pauvre épave
Chienne crevée au fil de l’eau
Mais je reste ton esclave
Et plonge dans le ruisseau
S. G.
Le départ était prévu à 20h05, Paris Est. C’est ce qu’ils marquent sur leurs billets, « Paris Est ». C’est plus court que « Paris, Gare de l’Est ». Ça économise la place. Et l’encre. Economies de bouts de chandelles. La crise, sans doute. L’esprit Cartésien, peut-être. J’ai donné rendez-vous à Léonard une heure avant, devant la gare. Je ne l’avais pas revu depuis notre sauterie sous ecsta, et il avait oublié l’objectif et la carte SD de son appareil sur place. Je tenais à les lui restituer avant de partir en Germanie. Enfin, non, à vrai dire, il s’agissait plus d’un prétexte que d’autre chose. Je tenais surtout à évoquer la soirée en sa compagnie, partager nos souvenirs, avoir son ressenti. La faire revivre une dernière fois avant mon départ, elle qui ne quitte plus mon esprit depuis plusieurs jours. Mettre des mots sur cette apparition fugace. Et tenace. J’ai toujours été affreusement sentimental. Je m’attache très vite, trop vite, à n’importe qui, n’importe quand, dans n’importe quelles circonstances. Je passe des journées entières à raviver douloureusement en moi la mémoire de nymphettes qui se fichent de moi comme d’une guigne. Mais cette fois, c’est particulièrement vrai. L’ecsta y est sans doute pour quelque chose. Et son regard. Je ne parviens pas à me détacher de son regard. Ses grands yeux noirs me fixent dès que je clos les paupières. Sa moue rieuse semble se foutre de moi dès que je me retrouve seul. Sa main attrape la mienne pour m’emmener danser, dans certains de mes rêves. Je la revois sans cesse en train de se trémousser comme une chagasse sur sa chanson de parisienne paumée, camée, à la sexualité débridée. Bref, je suis pitoyablement amoureux d’elle. Mon étoile du soir. Ma nymphette qui me torture le bas-ventre. Caroline.
Léonard m’a promis d’envoyer toute une tripotée de clichés bien salaces qu’il a pris tout au long de la nuit. Le petit voyeur. Comme je n’ai jamais été trop porno, j’aurais quelque chose sur quoi me branler à Berlin, les soirs de disette. Oh, je commence à avoir de l’expérience, j’oserais même prétendre que je me connais un petit peu moi-même. Je sais très bien qu’il me suffira de flasher sur une autre allumeuse d’un soir (ou plusieurs, soyons fous) pour qu’elle cesse de tourmenter mon esprit. Mais en attendant, rien à faire. Elle y est, elle y reste. Une épée de Damoclès tremblant en permanence au-dessus de mon crâne. Mon Némésis. Mes sept plaies d’Egypte. Léonard était à la bourre, comme d’habitude. La discussion fut brève, mais suffisante pour rouvrir les coupures de mes avant-bras. Je pissais un peu le sang au moment de monter dans le train. Je lui ai dit de prendre soin de lui, espérant qu’il se calme sur la dope. J’aimerais pouvoir l’aider. J’en suis incapable. Je m’en veux terriblement.
Le wagon était minuscule. Six couchettes s’y entassaient péniblement, saturant la quasi-totalité de l’espace. J’avais celle du haut. Je ne pouvais pas me tenir assis, tout juste pouvais-je redresser légèrement ma tête et mon torse en position allongée. L’habitacle était plongé dans la pénombre, qu’un néon fixé au plafond permettait d’éclaircir. Mes compagnons de voyage se composaient d’un couple d’Argentins (la meuf était bonne), d’un autre couple, franco-allemand cette fois, symbole du miracle de l’intégration européenne, et d’une française d’une cinquantaine d’années environs, qui avait un je ne sais quoi de chinois dans les traits. J’ai échangé quelques mots avec les Argentins, puis j’ai attrapé le repas que je m’étais préparé. Deux sandwichs, une pomme, une bouteille d’eau. J’ai mangé en silence, puis j’ai repris ma lecture de Gatsby le Magnifique, là où je l’avais arrêtée quelques heures plus tôt, avec l’arrivée de Léonard.
J’ai déjà lu ce bouquin, il y a plusieurs années. J’avais alors été un petit peu déçu, comme je l’ai été à la lecture du Grand Meaulnes, ou après avoir vu The Game, ou encore La Plage. Chaque fois, l’idée de départ est magnifique, enchanteresse, prometteuse de monts et merveilles. Le Grand Meaulnes, par exemple : un mec un peu paumé et rebelle sur les bords qui, lors de l’une de ses escapades nocturnes dans le fin fond de la Sologne, tombe sur un château féérique dans lequel a lieu une immense fête de mariage. Il y rencontre une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Le lendemain, il se réveille dans une cabane, au milieu de la forêt, avec pour seul souvenir le mouchoir brodé que la jeune femme lui a donné. Il tente aussitôt de retrouver le château, mais celui-ci ne figure sur aucune carte. Une très longue quête commence… dont la résolution n’est pas à la hauteur de ses promesses.
J’avais un peu eu le même sentiment lors de ma première lecture de Gatsby. Là encore, l’idée relève du génie. Un individu richissime, aux allures de Dandy, si mystérieux que l’on ignore tout de son passé, organise chaque soir des orgies gigantesques dans sa baraque princière. Lors de l’une d’entre elles, le narrateur apprend que cet hôte si étrange agi ainsi dans un seul but : que la femme dont il a été l’amant il y a quelques années, qu’il n’a cessé d’aimer depuis, et qui vit non loin de là, entende parler de ses soirées et se rende à l’une d’elles.
J’étais sans doute trop jeune, trop ignare, ou trop con alors, car ma seconde lecture ne m’a absolument pas déçu. La magie du départ est demeurée intacte.
Il y a la langue de Fitzgerald, d’abord, son sens des mots et des métaphores, son phrasé chargé en émotion, ses fins de paragraphes qui décollent comme une colombe vers l’horizon. Il y a l’atmosphère des années 20, les costumes trois pièces, les pantalons taille haute à coupe ample, la Prohibition qui n’empêche pas l’alcool de couler à flot, les américaines décapotables à l’élégance jamais égalée, le doux parfum flottant sur les Années Folles, le traumatisme de la guerre encore toute proche, le jazz, le swing, les femmes ravissantes dans leurs robes d’époque, la technologie moins prégnante, la dématérialisation inexistante, l’apogée du roman américain, les sans-filtres, la Beat Generation. Et puis le final du roman, atrocement logique, inéluctable, tragique, désespérant. Le matelas gonflable de Gatsby décrivant d’interminables cercles concentriques dans sa piscine envahie par les feuilles d’automne.
On aime ce genre d’histoires car, bien que réalistes d’apparence, elles sont profondément ancrées dans l’irréel. Aucun homme ne ferait une fixette sur une nana pendant cinq ans, personne ne dépenserait des millions dans le seul espoir d’attirer l’attention de son fantasme l’espace d’une nuit. Un tel homme, s’il existait, serait (à juste titre) considéré comme un malade, et on ferait tout pour le soigner. Gatsby est touchant, mais complètement givré. Ce qui accroit encore son charme. Au royaume de la mesure, de la raison et du bon sens, ce genre de monomaniaque prêt à s’immoler sur un autel pour le seul amour d’une chatte éveille immanquablement notre intérêt. A condition qu’il ne vive que sur papier : un Gatsby de chair et d’os nous ferait flipper. La nana victime d’un tel obsessionnel portait plainte pour harcèlement, et il n’aurait plus le droit de s’approcher d’elle.
Et pourtant, bien que nous sachions qu’elles sont profondément coupées du réel, ce genre d’histoire nous enchante toujours. On se plaît même à s’imaginer comme l’un de ces protagonistes. Pourquoi ? Quelle force mystérieuse agit en nous pour nous faire désirer ce qui n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais ? Je l’ignore. Spleen et idéal.
Les personnages du type de Gatsby ou d’Augustin Meaulnes me fascinent d’autant plus que je pourrais leur ressembler, par moment. J’ai une part d’irrationnel et d’obsessionnel. Que je maîtrise, fort heureusement. Enfin, j’essaye. Je finis toujours par y arriver. Tout est une question de temps. Je t’oublierai aussi, Caroline. Dans un jour, une semaine, un mois. Enfin non. Je n’oublie jamais. Mais tu compteras beaucoup moins.
Vers 22h30, les occupants du wagon m’ont fait comprendre qu’ils voulaient pioncer, alors j’ai éteint. Le matelas était dur et minuscule, absolument pas confortable. Le roulis incessant du train secouait régulièrement la cabine. Je dormis très mal, me réveillant à chaque secousse. Je fis un nombre de rêves incalculables. A chaque réveil, j’avais le sentiment d’être dans Matrix, ou dans Inception. De n’avoir qu’à fermer les yeux pour être transporté dans un univers parallèle, excitant, où toutes les règles sont modifiées. Le train est arrivé à 8h28 à Berlin. Il faisait gris et humide. Arrivé à ma chambre, j’ai déballé mes affaires, glandé un peu. J’ai commencé à avoir faim, alors je me suis mis en quête d’un truc quelconque à me mettre dans le bide. J’ai marché un moment. Le ciel commençait à s’éclaircir. J’ai fini par tomber sur un snack réalisant des burgers, installés dans les locaux de ce qui fut jadis des chiottes publiques, sous le métro aérien. Les serveurs étaient tous en marcel noir. Il y avait du rock allemand à pleine balle. Il faisait carrément beau, désormais. Le soleil se reflétait dans mes solaires. Le vent balayait ma tignasse.
Je ne sais plus qui disait qu’on ne connait pas vraiment une ville avant d’y avoir mangé au Macdo, marché sous la pluie et fait l’amour à une femme. Il me tarde de connaitre Berlin.
E. Dolokhov
Chienne crevée au fil de l’eau
Mais je reste ton esclave
Et plonge dans le ruisseau
S. G.
Le départ était prévu à 20h05, Paris Est. C’est ce qu’ils marquent sur leurs billets, « Paris Est ». C’est plus court que « Paris, Gare de l’Est ». Ça économise la place. Et l’encre. Economies de bouts de chandelles. La crise, sans doute. L’esprit Cartésien, peut-être. J’ai donné rendez-vous à Léonard une heure avant, devant la gare. Je ne l’avais pas revu depuis notre sauterie sous ecsta, et il avait oublié l’objectif et la carte SD de son appareil sur place. Je tenais à les lui restituer avant de partir en Germanie. Enfin, non, à vrai dire, il s’agissait plus d’un prétexte que d’autre chose. Je tenais surtout à évoquer la soirée en sa compagnie, partager nos souvenirs, avoir son ressenti. La faire revivre une dernière fois avant mon départ, elle qui ne quitte plus mon esprit depuis plusieurs jours. Mettre des mots sur cette apparition fugace. Et tenace. J’ai toujours été affreusement sentimental. Je m’attache très vite, trop vite, à n’importe qui, n’importe quand, dans n’importe quelles circonstances. Je passe des journées entières à raviver douloureusement en moi la mémoire de nymphettes qui se fichent de moi comme d’une guigne. Mais cette fois, c’est particulièrement vrai. L’ecsta y est sans doute pour quelque chose. Et son regard. Je ne parviens pas à me détacher de son regard. Ses grands yeux noirs me fixent dès que je clos les paupières. Sa moue rieuse semble se foutre de moi dès que je me retrouve seul. Sa main attrape la mienne pour m’emmener danser, dans certains de mes rêves. Je la revois sans cesse en train de se trémousser comme une chagasse sur sa chanson de parisienne paumée, camée, à la sexualité débridée. Bref, je suis pitoyablement amoureux d’elle. Mon étoile du soir. Ma nymphette qui me torture le bas-ventre. Caroline.
Léonard m’a promis d’envoyer toute une tripotée de clichés bien salaces qu’il a pris tout au long de la nuit. Le petit voyeur. Comme je n’ai jamais été trop porno, j’aurais quelque chose sur quoi me branler à Berlin, les soirs de disette. Oh, je commence à avoir de l’expérience, j’oserais même prétendre que je me connais un petit peu moi-même. Je sais très bien qu’il me suffira de flasher sur une autre allumeuse d’un soir (ou plusieurs, soyons fous) pour qu’elle cesse de tourmenter mon esprit. Mais en attendant, rien à faire. Elle y est, elle y reste. Une épée de Damoclès tremblant en permanence au-dessus de mon crâne. Mon Némésis. Mes sept plaies d’Egypte. Léonard était à la bourre, comme d’habitude. La discussion fut brève, mais suffisante pour rouvrir les coupures de mes avant-bras. Je pissais un peu le sang au moment de monter dans le train. Je lui ai dit de prendre soin de lui, espérant qu’il se calme sur la dope. J’aimerais pouvoir l’aider. J’en suis incapable. Je m’en veux terriblement.
Le wagon était minuscule. Six couchettes s’y entassaient péniblement, saturant la quasi-totalité de l’espace. J’avais celle du haut. Je ne pouvais pas me tenir assis, tout juste pouvais-je redresser légèrement ma tête et mon torse en position allongée. L’habitacle était plongé dans la pénombre, qu’un néon fixé au plafond permettait d’éclaircir. Mes compagnons de voyage se composaient d’un couple d’Argentins (la meuf était bonne), d’un autre couple, franco-allemand cette fois, symbole du miracle de l’intégration européenne, et d’une française d’une cinquantaine d’années environs, qui avait un je ne sais quoi de chinois dans les traits. J’ai échangé quelques mots avec les Argentins, puis j’ai attrapé le repas que je m’étais préparé. Deux sandwichs, une pomme, une bouteille d’eau. J’ai mangé en silence, puis j’ai repris ma lecture de Gatsby le Magnifique, là où je l’avais arrêtée quelques heures plus tôt, avec l’arrivée de Léonard.
J’ai déjà lu ce bouquin, il y a plusieurs années. J’avais alors été un petit peu déçu, comme je l’ai été à la lecture du Grand Meaulnes, ou après avoir vu The Game, ou encore La Plage. Chaque fois, l’idée de départ est magnifique, enchanteresse, prometteuse de monts et merveilles. Le Grand Meaulnes, par exemple : un mec un peu paumé et rebelle sur les bords qui, lors de l’une de ses escapades nocturnes dans le fin fond de la Sologne, tombe sur un château féérique dans lequel a lieu une immense fête de mariage. Il y rencontre une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Le lendemain, il se réveille dans une cabane, au milieu de la forêt, avec pour seul souvenir le mouchoir brodé que la jeune femme lui a donné. Il tente aussitôt de retrouver le château, mais celui-ci ne figure sur aucune carte. Une très longue quête commence… dont la résolution n’est pas à la hauteur de ses promesses.
J’avais un peu eu le même sentiment lors de ma première lecture de Gatsby. Là encore, l’idée relève du génie. Un individu richissime, aux allures de Dandy, si mystérieux que l’on ignore tout de son passé, organise chaque soir des orgies gigantesques dans sa baraque princière. Lors de l’une d’entre elles, le narrateur apprend que cet hôte si étrange agi ainsi dans un seul but : que la femme dont il a été l’amant il y a quelques années, qu’il n’a cessé d’aimer depuis, et qui vit non loin de là, entende parler de ses soirées et se rende à l’une d’elles.
J’étais sans doute trop jeune, trop ignare, ou trop con alors, car ma seconde lecture ne m’a absolument pas déçu. La magie du départ est demeurée intacte.
Il y a la langue de Fitzgerald, d’abord, son sens des mots et des métaphores, son phrasé chargé en émotion, ses fins de paragraphes qui décollent comme une colombe vers l’horizon. Il y a l’atmosphère des années 20, les costumes trois pièces, les pantalons taille haute à coupe ample, la Prohibition qui n’empêche pas l’alcool de couler à flot, les américaines décapotables à l’élégance jamais égalée, le doux parfum flottant sur les Années Folles, le traumatisme de la guerre encore toute proche, le jazz, le swing, les femmes ravissantes dans leurs robes d’époque, la technologie moins prégnante, la dématérialisation inexistante, l’apogée du roman américain, les sans-filtres, la Beat Generation. Et puis le final du roman, atrocement logique, inéluctable, tragique, désespérant. Le matelas gonflable de Gatsby décrivant d’interminables cercles concentriques dans sa piscine envahie par les feuilles d’automne.
On aime ce genre d’histoires car, bien que réalistes d’apparence, elles sont profondément ancrées dans l’irréel. Aucun homme ne ferait une fixette sur une nana pendant cinq ans, personne ne dépenserait des millions dans le seul espoir d’attirer l’attention de son fantasme l’espace d’une nuit. Un tel homme, s’il existait, serait (à juste titre) considéré comme un malade, et on ferait tout pour le soigner. Gatsby est touchant, mais complètement givré. Ce qui accroit encore son charme. Au royaume de la mesure, de la raison et du bon sens, ce genre de monomaniaque prêt à s’immoler sur un autel pour le seul amour d’une chatte éveille immanquablement notre intérêt. A condition qu’il ne vive que sur papier : un Gatsby de chair et d’os nous ferait flipper. La nana victime d’un tel obsessionnel portait plainte pour harcèlement, et il n’aurait plus le droit de s’approcher d’elle.
Et pourtant, bien que nous sachions qu’elles sont profondément coupées du réel, ce genre d’histoire nous enchante toujours. On se plaît même à s’imaginer comme l’un de ces protagonistes. Pourquoi ? Quelle force mystérieuse agit en nous pour nous faire désirer ce qui n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais ? Je l’ignore. Spleen et idéal.
Les personnages du type de Gatsby ou d’Augustin Meaulnes me fascinent d’autant plus que je pourrais leur ressembler, par moment. J’ai une part d’irrationnel et d’obsessionnel. Que je maîtrise, fort heureusement. Enfin, j’essaye. Je finis toujours par y arriver. Tout est une question de temps. Je t’oublierai aussi, Caroline. Dans un jour, une semaine, un mois. Enfin non. Je n’oublie jamais. Mais tu compteras beaucoup moins.
Vers 22h30, les occupants du wagon m’ont fait comprendre qu’ils voulaient pioncer, alors j’ai éteint. Le matelas était dur et minuscule, absolument pas confortable. Le roulis incessant du train secouait régulièrement la cabine. Je dormis très mal, me réveillant à chaque secousse. Je fis un nombre de rêves incalculables. A chaque réveil, j’avais le sentiment d’être dans Matrix, ou dans Inception. De n’avoir qu’à fermer les yeux pour être transporté dans un univers parallèle, excitant, où toutes les règles sont modifiées. Le train est arrivé à 8h28 à Berlin. Il faisait gris et humide. Arrivé à ma chambre, j’ai déballé mes affaires, glandé un peu. J’ai commencé à avoir faim, alors je me suis mis en quête d’un truc quelconque à me mettre dans le bide. J’ai marché un moment. Le ciel commençait à s’éclaircir. J’ai fini par tomber sur un snack réalisant des burgers, installés dans les locaux de ce qui fut jadis des chiottes publiques, sous le métro aérien. Les serveurs étaient tous en marcel noir. Il y avait du rock allemand à pleine balle. Il faisait carrément beau, désormais. Le soleil se reflétait dans mes solaires. Le vent balayait ma tignasse.
Je ne sais plus qui disait qu’on ne connait pas vraiment une ville avant d’y avoir mangé au Macdo, marché sous la pluie et fait l’amour à une femme. Il me tarde de connaitre Berlin.
E. Dolokhov
- Notes et commentaires reçus par ce post :
- [0] La suite, vite ! le 17.05.13, 10h22 par Jay Anderson
- [0] Yesssss! le 17.05.13, 20h21 par Snow
- [0] Like ! le 04.07.13, 17h09 par BernardLama
“So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.”
Francis Scott Fitzgerald
Dans une ville étrangère, l’espace-temps est comme distendu, instable, élastique. Les journées paraissent plus longues, les semaines semblent des mois. Et pourtant, le temps passe à une vitesse folle. Semblable au voyageur qui, accoudé à la fenêtre d’un train, voit les paysages défiler devant ses yeux à un rythme effréné, l'étranger assiste, comme pétrifié, à une avalanche de nouveautés, chacune venant chasser la précédente, sans avoir l’impression de bouger d’un pouce. Beaucoup d’hommes, après un long voyage, vous diront n’être pas fâchés de rentrer au bercail, d’en finir avec le dépaysement et la sensation d’arrachement qui tiraille le voyageur et se fait plus présente à mesure que les semaines défilent. Moi, j’ai toujours été un étranger, même dans ma ville natale. Berlin, Paris ou Grenoble, je ne vois aucune différence. Les passants m’effleurent sans me toucher. Un mur transparent me coupe de la réalité. Je la vois sans pouvoir l’effleurer. Les filles me parlent, leurs lèvres bougent, mais je ne comprends rien à ce qu’elles disent. Ni à ce qu’elles font, du reste. L’absurde envahit à peu près tout. J’ai beau tendre la main, les branches se rétractent. Il n’y a pas de Dieu au numéro que vous avez demandé.
L’avantage, à Berlin, c’est que la bière coûté presque aussi cher que la flotte, qu’on peut entrer en club sans y laisser un bras, et qu’il y a toujours un endroit où se retourner le crâne. Les fêtes sont plus grosses, l’ambiance plus débridée, des hordes de saoulards continuent d’arpenter les rues bien après le lever du soleil, et il y a plein d’étrangères. Pour une raison qui m’échappe totalement, la plupart d’entre elles ont une image complètement fantasmée du français moyen, qu’elles se représentent en parangon du romantisme, doté des manières les plus exquises et capable de ramoner une foufoune pendant toute une nuit sans verser la moindre goutte de sueur. C’est très con, mais loin de moi l’idée de m’en plaindre.
Nos vies sont marquées par la contingence, mais certaines choses demeurent immuables dans le temps et l’espace. Ainsi, qu’il pleuve, qu’il vente ou que les chinois décident d’envahir le monde, Popeye continuera toujours de bouffer ses épinards, Coyote de courir après Bip-Bip, et moi de me faire rembarrer par des filles de bonnes familles qui portent un type cloué sur une croix autour du cou. Je ne sais pas s’il s’agit d’une malédiction lancée par le fantôme d’un pharaon égyptien dont l’un de mes ancêtres aurait profané la tombe, ou si, plus rationnellement, on devrait miser sur du simple masochisme de ma part. Quoiqu’il en soit, même de l’autre côté du Rhin, je continue de m’enticher de nénettes d’un rang social, d’une éducation et d’une beauté largement supérieures aux miennes. La dernière était blonde aux yeux bleus, et elle s’appelait Alice. Je la connaissais déjà avant de venir à Berlin. J’avais déjà esquissé l’idée de me la faire auparavant, en province, lorsque nous fréquentions les mêmes soirées. Ç’avait failli marcher une fois, d’ailleurs, mais il pleuvait ce soir-là, et elle était tellement pétée qu’elle s’était rendu pieds nus à la soirée. Elle n’est donc pas restée très longtemps et je n’ai pas eu le temps de l’emmener jouer au docteur dans les buissons. Je l’ai revue à Berlin un peu par hasard.
Cela faisait plus d’un an que nous ne nous étions ni vus, ni parlés, et à vrai dire je ne pensais même pas qu’elle voudrait me revoir. Pourtant, ce fût le cas. Elle avait même l’air un peu enthousiaste. Je l’ai emmenée dans un bar que des allemands m’avaient fait découvrir quelques jours plus tôt. Il y avait d’immenses canapés en cuir un peu partout, des cocktails au rabais jusqu’à minuit, et l’autorisation de fumer à l’intérieur. On a commencé à picoler doucement en nous racontant nos années respectives. Quand je me suis senti un peu pété, j’ai suggéré qu’on aille se remplir le ventre. Ensuite, nous sommes retournés au bar. Deux amis nous ont rejoint, un mec et une meuf, français eux aussi. Puis deux brésiliens se sont greffés au groupe. La nuit est tombée sans que je m’en aperçoive. Après mon quatrième Sex on the beach, je commençais à être vraiment sec. Je prends toujours ce cocktail. Pas parce que j’apprécie particulièrement ce qu’il contient, mais parce qu’on peut le commander en prenant une voix lascive, un accent ricain bien appuyé, et en lançant un regard lubrique à la demoiselle qui nous accompagne. Les filles étaient bien rondes aussi. Le français restant tient l’alcool comme personne et semblait dans le même état que s’il avait carburé au jus de pomme toute la soirée. Quant aux deux brésiliens, je ne comprenais pas tout ce qu’ils disaient et j’aurais eu du mal à jauger de leur état. J’ai parlé de Pink Floyd avec l’un d’entre eux pendant un bon moment. Ils étaient tous deux plutôt beaux gosses et je me disais qu’Alice n’allait pas tarder à flasher sur l’un d’entre eux. Mais non. Elle s’est contenté d’échanger poliment quelques paroles et me regardait régulièrement en rigolant, le plus souvent quand j’étais tourné vers quelqu’un d’autre.
Le Français et les deux Brésiliens voulaient aller dans un club tout près, mais les filles avaient prévu d’aller ailleurs. Ils ont pas mal insisté pour qu’elles viennent, mais elles tenaient absolument à leur plan de départ. Ils ont fini par se barrer de leur côté. Je me suis retrouvé seul avec elles. J’ai sifflé le fond de leurs deux verres, puis nous nous sommes mis en quête d’un taxi. Nous avions tous passé les deux grammes et nous nous parlions avec l’accent belge en chialant de rire. Le passage devant le physionomiste ne fut qu’une simple formalité. Pas étonnant, avec deux nanas. J’ai repensé au nombre de fois où nous avons dû redoubler d’ingéniosité pour rentrer alors que nous étions entre couilles, et j’ai ressenti une certaine satisfaction.
La boite était immense. Il y avait un dancefloor de taille respectable, et surtout une immense partie en plein air, sur le bord d’une rivière, avec des fauteuils pour comater et un feu de camp (oui oui, un vrai feu de camp) pour se réchauffer. Il y avait aussi un immense escalier qui menait à une porte verrouillée. Nous sommes grimpés tout en haut, probablement sur mon initiative. Puis, confrontés à la porte verrouillée par un cadenas, nous avons rebroussé chemin sans protester. Nous avons recommandé à boire, puis nous sommes joints à la bande de zombies décérébrés qui se trémoussaient devant le DJ. Au bout d’un moment, Alice a voulu danser un rock avec moi. Déjà qu’en temps normal, je galère, je vous laisse imaginer le désastre avec de la dubstep à pleine balle dans les oreilles. Elle a beaucoup ri. Elle avait l’air de s’amuser. C’est l’essentiel.
Vers 2h du matin, nous nous sommes assis à côté du feu de camp. J’ai commencé à parler avec Alice tandis que sa copine débutait un entretien avec un type qui semblait au bord du coma éthylique. Une fois lancés, nous n’avons pas pu nous arrêter. J’ai toujours eu des phases câlines sous alcool, mais depuis que j’ai pris de l’ecsta, ça s’est intensifié. J’ai commencé par poser ma tête sur son épaule en m’excusant. Je me suis contenté de dire que j’étais en phase bisounours, pour me justifier. Ça n’a pas eu l’air de la gêner. Ma main s’est retrouvée dans la sienne peu après et ne l’a plus quittée. Nous sommes restés là pendant plusieurs heures, à parler, boire de la bière et fumer des roulées dégueulasses. Je n’ai jamais vu une nana fumer autant. Elle était en permanence en train de rouler ou de fumer. Elle n’arrêtait pas de me dire que j’étais bizarre et que ça me rendait intriguant, qu’elle voulait en connaitre davantage. Je ne supporte pas qu’on me dise ça, mais comme elle était blonde aux yeux bleus et qu’elle avait un petit air de Vanessa Paradis dans sa prime jeunesse, j’ai laissé filer.
Je ne sais plus trop comment, nous en sommes aussi venus à parler de notre avenir. Elle veut bosser dans la finance. Quand je lui ai dit que j’ambitionnais plus ou moins d’écrire des bouquins, elle a tout de suite voulu lire ce que j’écrivais. Naturellement, j’ai refusé. Ensuite, elle m’a demandé le pseudo que je prendrais. J’ai également refusé de répondre. Enfin, elle m’a demandé quel était mon mot préféré. Ça, j’ai bien voulu lui avouer. Nous avons aussi parlé de Gainsbourg. Je lui ai chanté la Javanaise et je lui ai avoué que j’avais chialé à la fin de sa biographie de 1 000 pages écrites par Gilles Verlant. Je n’aurais pas dû lui dire ça.
Sa copine était rentrée depuis plusieurs heures et nous étions installés à deux sur un fauteuil un peu défoncé, mais encore assez confortable. Le soleil s’était levé et dardait ses rayons sur les fines vaguelettes qui troublaient la surface de la rivière. Elle était assise sur mes genoux. Je lui parlais à l’oreille, lui caressais les hanches, le bas ventre, les bras. Mes lèvres embrassaient ses cheveux et son cou de temps à autre. J’aurais sans doute dû lui rouler une pelle mais la position n’était pas vraiment idéale pour ça. J’ai remonté ma main droite et j’ai commencé à lui peloter les seins. D’abord par-dessus son t-shirt. Puis son soutif. Puis en dessous.
Il n’y avait plus que des français autour de nous. Des mecs, surtout. J’éprouvais cette sensation grisante qui vous étreint lorsque vous êtes en compagnie d’une jolie créature. Vous sentez les regards des hommes autour se poser sur vous, puis sur elle, puis de nouveau sur vous, et vous savez que chacun d’entre eux voudrait être à votre place, là, maintenant.
Il commençait à faire froid, et elle a voulu rentrer. J’ai vidé ma bière et lui ai demandé de m’attendre pendant que j’allais pisser. En revenant, je ne l’ai pas vue tout de suite. L’espace d’un instant, je me suis dit qu’elle en avait profité pour filer à l’anglaise. En fait, elle m’attendait un tout petit peu plus loin, en souriant. A ce moment-là, je me suis dit que j’avais de la chance. Beaucoup de chance. Je l’ai réchauffée en lui frottant doucement les bras sur le chemin du retour. Elle habitait relativement loin. Nous avons marché jusqu’à la gare la plus proche. Je lui ai proposé de dormir chez moi, mais elle a refusé. J’ai tenté de l’emballer au moment de lui dire au revoir mais elle a refusé aussi. Je me suis contenté d’un baise main, suis monté dans le premier wagon, et ait attendu le terminus en fixant le décor à travers la fenêtre.
Nous avons reparlé le lendemain, mais comme nous nous étions couchés à 7h du mat’, elle était claquée et n’a pas voulu sortir de chez elle. Le lendemain soir, elle dînait chez une amie. Je lui ai proposé de m’appeler si elle voulait sortir après. Je suis passé fumer de la weed chez un pote. Ensuite, nous sommes allés mater le match chez des Allemands. Ils vivaient dans un immense appart et la plupart étaient des hippies au look plus ou moins affirmé. Un rétroprojecteur diffusait le match sur un écran géant. Il y avait un gosse d’environ six ans dans le lot et tout le monde roulait oinj sur oinj autour de lui sans y prêter la moindre attention. J’avais ramené une bouteille de rouge que j’ai descendu quasiment tout seul. J’ai fini par être bien pété et commençait à raconter un peu n’importe quoi à tout le monde. J’ai parlé de philosophie à un type complètement défoncé, grand amateur de phénoménologie et pourfendeur de la dialectique Hégélienne. Ensuite, une finlandaise est sortie de nulle part et s’est retrouvée assise à côté de moi sur le canapé. Nous avons discuté un bon moment. Je lui ai dit qu’elle avait une tête à jouer dans un film de Tim Burton. Ou de Wes Anderson, au choix. Vers 3h du mat’, tout le monde a levé le camp. J’ai suivi le mec avec qui j’étais venu et l’un des locataires de l’appart’. Nous avons dévoré un poulet frites. Puis je suis rentré. J’étais tellement pété que j’ai oublié ma clef sur la serrure. Mon portable s’était éteint et je n’ai reçu le message d’Alice me proposant de l’accompagner en boite que le lendemain matin. Damn it.
Le lendemain, elle m’a proposé une sortie en plein air, mais comme il s’est mis à flotter, elle s’est ravisée et est restée chez elle à comater sur son canap. Hier, elle avait cours toute la journée.
Je lui ai proposé de la revoir aujourd’hui, mais ça ne semblait plus tellement l’intéresser. J’ai attendu son appel une partie de la journée, comme Gatsby guettant un signe de Daisy durant ses dernières heures parmi les mortels. Elle m’a laissé un message en début de soirée pour m’annoncer qu’elle ne pouvait pas ce soir. Elle m’a proposé qu’on se voit demain mais à condition qu’on ne soit pas seuls. Visiblement, elle ne veut plus d’un tête à tête avec Eddy. Du coup, je n’irai pas. Encore une magnifique validation de la théorie du caniche et du singe savant. C’est con, Alice, je t’aurais bien volontiers bouffé le minou avec L’homme à tête de choux en fond sonore. Tu m’aurais fait un peu visiter la ville. Et j’aurais pu squatter chez toi après m’être fait jeter de mon appart. Je commençais à peine à penser à toi en me réveillant, le matin. C’est bien dommage. Alice.
Du coup, je n’ai rien branlé depuis trois jours. Il faudra impérativement que je rattrape ça demain soir. En attendant, j’ai fini les chemins de Katmandou, un bouquin triste au possible, même pour un Barjavel. J’ai attaqué un recueil de nouvelles de Klaus Mann, je m’enquille les épisodes de Mad Men et de Boardwalk Empire, et je bouffe de la soupe de légume. Mon taffe actuel consistant en partie à réaliser des chroniques nocturnes, je « bosse » la nuit, je rédige quelques trucs la journée, et il me reste encore pas mal de temps pour m’astiquer le poireau.
J’ai enfin trouvé un blog en ligne qui accepte de me publier régulièrement. Reste plus qu’à les convaincre de me payer. L’orage est passé depuis quelques heures, la pluie a cessé, et tout est redevenu calme au dehors. Les bruits qui me parviennent de l’extérieur ont cet écho feutré caractéristique de l’asphalte détrempé. Je pense un peu à Alice. Il me reste une bière au congèl’.J’ai parlé un moment à Emeline, tout à l’heure. Elle me manque aussi. Edouard et ses drôles de dames. Cette nuit me semble un peu plus absurde que les précédentes.
E. Dolokhov
Francis Scott Fitzgerald
Dans une ville étrangère, l’espace-temps est comme distendu, instable, élastique. Les journées paraissent plus longues, les semaines semblent des mois. Et pourtant, le temps passe à une vitesse folle. Semblable au voyageur qui, accoudé à la fenêtre d’un train, voit les paysages défiler devant ses yeux à un rythme effréné, l'étranger assiste, comme pétrifié, à une avalanche de nouveautés, chacune venant chasser la précédente, sans avoir l’impression de bouger d’un pouce. Beaucoup d’hommes, après un long voyage, vous diront n’être pas fâchés de rentrer au bercail, d’en finir avec le dépaysement et la sensation d’arrachement qui tiraille le voyageur et se fait plus présente à mesure que les semaines défilent. Moi, j’ai toujours été un étranger, même dans ma ville natale. Berlin, Paris ou Grenoble, je ne vois aucune différence. Les passants m’effleurent sans me toucher. Un mur transparent me coupe de la réalité. Je la vois sans pouvoir l’effleurer. Les filles me parlent, leurs lèvres bougent, mais je ne comprends rien à ce qu’elles disent. Ni à ce qu’elles font, du reste. L’absurde envahit à peu près tout. J’ai beau tendre la main, les branches se rétractent. Il n’y a pas de Dieu au numéro que vous avez demandé.
L’avantage, à Berlin, c’est que la bière coûté presque aussi cher que la flotte, qu’on peut entrer en club sans y laisser un bras, et qu’il y a toujours un endroit où se retourner le crâne. Les fêtes sont plus grosses, l’ambiance plus débridée, des hordes de saoulards continuent d’arpenter les rues bien après le lever du soleil, et il y a plein d’étrangères. Pour une raison qui m’échappe totalement, la plupart d’entre elles ont une image complètement fantasmée du français moyen, qu’elles se représentent en parangon du romantisme, doté des manières les plus exquises et capable de ramoner une foufoune pendant toute une nuit sans verser la moindre goutte de sueur. C’est très con, mais loin de moi l’idée de m’en plaindre.
Nos vies sont marquées par la contingence, mais certaines choses demeurent immuables dans le temps et l’espace. Ainsi, qu’il pleuve, qu’il vente ou que les chinois décident d’envahir le monde, Popeye continuera toujours de bouffer ses épinards, Coyote de courir après Bip-Bip, et moi de me faire rembarrer par des filles de bonnes familles qui portent un type cloué sur une croix autour du cou. Je ne sais pas s’il s’agit d’une malédiction lancée par le fantôme d’un pharaon égyptien dont l’un de mes ancêtres aurait profané la tombe, ou si, plus rationnellement, on devrait miser sur du simple masochisme de ma part. Quoiqu’il en soit, même de l’autre côté du Rhin, je continue de m’enticher de nénettes d’un rang social, d’une éducation et d’une beauté largement supérieures aux miennes. La dernière était blonde aux yeux bleus, et elle s’appelait Alice. Je la connaissais déjà avant de venir à Berlin. J’avais déjà esquissé l’idée de me la faire auparavant, en province, lorsque nous fréquentions les mêmes soirées. Ç’avait failli marcher une fois, d’ailleurs, mais il pleuvait ce soir-là, et elle était tellement pétée qu’elle s’était rendu pieds nus à la soirée. Elle n’est donc pas restée très longtemps et je n’ai pas eu le temps de l’emmener jouer au docteur dans les buissons. Je l’ai revue à Berlin un peu par hasard.
Cela faisait plus d’un an que nous ne nous étions ni vus, ni parlés, et à vrai dire je ne pensais même pas qu’elle voudrait me revoir. Pourtant, ce fût le cas. Elle avait même l’air un peu enthousiaste. Je l’ai emmenée dans un bar que des allemands m’avaient fait découvrir quelques jours plus tôt. Il y avait d’immenses canapés en cuir un peu partout, des cocktails au rabais jusqu’à minuit, et l’autorisation de fumer à l’intérieur. On a commencé à picoler doucement en nous racontant nos années respectives. Quand je me suis senti un peu pété, j’ai suggéré qu’on aille se remplir le ventre. Ensuite, nous sommes retournés au bar. Deux amis nous ont rejoint, un mec et une meuf, français eux aussi. Puis deux brésiliens se sont greffés au groupe. La nuit est tombée sans que je m’en aperçoive. Après mon quatrième Sex on the beach, je commençais à être vraiment sec. Je prends toujours ce cocktail. Pas parce que j’apprécie particulièrement ce qu’il contient, mais parce qu’on peut le commander en prenant une voix lascive, un accent ricain bien appuyé, et en lançant un regard lubrique à la demoiselle qui nous accompagne. Les filles étaient bien rondes aussi. Le français restant tient l’alcool comme personne et semblait dans le même état que s’il avait carburé au jus de pomme toute la soirée. Quant aux deux brésiliens, je ne comprenais pas tout ce qu’ils disaient et j’aurais eu du mal à jauger de leur état. J’ai parlé de Pink Floyd avec l’un d’entre eux pendant un bon moment. Ils étaient tous deux plutôt beaux gosses et je me disais qu’Alice n’allait pas tarder à flasher sur l’un d’entre eux. Mais non. Elle s’est contenté d’échanger poliment quelques paroles et me regardait régulièrement en rigolant, le plus souvent quand j’étais tourné vers quelqu’un d’autre.
Le Français et les deux Brésiliens voulaient aller dans un club tout près, mais les filles avaient prévu d’aller ailleurs. Ils ont pas mal insisté pour qu’elles viennent, mais elles tenaient absolument à leur plan de départ. Ils ont fini par se barrer de leur côté. Je me suis retrouvé seul avec elles. J’ai sifflé le fond de leurs deux verres, puis nous nous sommes mis en quête d’un taxi. Nous avions tous passé les deux grammes et nous nous parlions avec l’accent belge en chialant de rire. Le passage devant le physionomiste ne fut qu’une simple formalité. Pas étonnant, avec deux nanas. J’ai repensé au nombre de fois où nous avons dû redoubler d’ingéniosité pour rentrer alors que nous étions entre couilles, et j’ai ressenti une certaine satisfaction.
La boite était immense. Il y avait un dancefloor de taille respectable, et surtout une immense partie en plein air, sur le bord d’une rivière, avec des fauteuils pour comater et un feu de camp (oui oui, un vrai feu de camp) pour se réchauffer. Il y avait aussi un immense escalier qui menait à une porte verrouillée. Nous sommes grimpés tout en haut, probablement sur mon initiative. Puis, confrontés à la porte verrouillée par un cadenas, nous avons rebroussé chemin sans protester. Nous avons recommandé à boire, puis nous sommes joints à la bande de zombies décérébrés qui se trémoussaient devant le DJ. Au bout d’un moment, Alice a voulu danser un rock avec moi. Déjà qu’en temps normal, je galère, je vous laisse imaginer le désastre avec de la dubstep à pleine balle dans les oreilles. Elle a beaucoup ri. Elle avait l’air de s’amuser. C’est l’essentiel.
Vers 2h du matin, nous nous sommes assis à côté du feu de camp. J’ai commencé à parler avec Alice tandis que sa copine débutait un entretien avec un type qui semblait au bord du coma éthylique. Une fois lancés, nous n’avons pas pu nous arrêter. J’ai toujours eu des phases câlines sous alcool, mais depuis que j’ai pris de l’ecsta, ça s’est intensifié. J’ai commencé par poser ma tête sur son épaule en m’excusant. Je me suis contenté de dire que j’étais en phase bisounours, pour me justifier. Ça n’a pas eu l’air de la gêner. Ma main s’est retrouvée dans la sienne peu après et ne l’a plus quittée. Nous sommes restés là pendant plusieurs heures, à parler, boire de la bière et fumer des roulées dégueulasses. Je n’ai jamais vu une nana fumer autant. Elle était en permanence en train de rouler ou de fumer. Elle n’arrêtait pas de me dire que j’étais bizarre et que ça me rendait intriguant, qu’elle voulait en connaitre davantage. Je ne supporte pas qu’on me dise ça, mais comme elle était blonde aux yeux bleus et qu’elle avait un petit air de Vanessa Paradis dans sa prime jeunesse, j’ai laissé filer.
Je ne sais plus trop comment, nous en sommes aussi venus à parler de notre avenir. Elle veut bosser dans la finance. Quand je lui ai dit que j’ambitionnais plus ou moins d’écrire des bouquins, elle a tout de suite voulu lire ce que j’écrivais. Naturellement, j’ai refusé. Ensuite, elle m’a demandé le pseudo que je prendrais. J’ai également refusé de répondre. Enfin, elle m’a demandé quel était mon mot préféré. Ça, j’ai bien voulu lui avouer. Nous avons aussi parlé de Gainsbourg. Je lui ai chanté la Javanaise et je lui ai avoué que j’avais chialé à la fin de sa biographie de 1 000 pages écrites par Gilles Verlant. Je n’aurais pas dû lui dire ça.
Sa copine était rentrée depuis plusieurs heures et nous étions installés à deux sur un fauteuil un peu défoncé, mais encore assez confortable. Le soleil s’était levé et dardait ses rayons sur les fines vaguelettes qui troublaient la surface de la rivière. Elle était assise sur mes genoux. Je lui parlais à l’oreille, lui caressais les hanches, le bas ventre, les bras. Mes lèvres embrassaient ses cheveux et son cou de temps à autre. J’aurais sans doute dû lui rouler une pelle mais la position n’était pas vraiment idéale pour ça. J’ai remonté ma main droite et j’ai commencé à lui peloter les seins. D’abord par-dessus son t-shirt. Puis son soutif. Puis en dessous.
Il n’y avait plus que des français autour de nous. Des mecs, surtout. J’éprouvais cette sensation grisante qui vous étreint lorsque vous êtes en compagnie d’une jolie créature. Vous sentez les regards des hommes autour se poser sur vous, puis sur elle, puis de nouveau sur vous, et vous savez que chacun d’entre eux voudrait être à votre place, là, maintenant.
Il commençait à faire froid, et elle a voulu rentrer. J’ai vidé ma bière et lui ai demandé de m’attendre pendant que j’allais pisser. En revenant, je ne l’ai pas vue tout de suite. L’espace d’un instant, je me suis dit qu’elle en avait profité pour filer à l’anglaise. En fait, elle m’attendait un tout petit peu plus loin, en souriant. A ce moment-là, je me suis dit que j’avais de la chance. Beaucoup de chance. Je l’ai réchauffée en lui frottant doucement les bras sur le chemin du retour. Elle habitait relativement loin. Nous avons marché jusqu’à la gare la plus proche. Je lui ai proposé de dormir chez moi, mais elle a refusé. J’ai tenté de l’emballer au moment de lui dire au revoir mais elle a refusé aussi. Je me suis contenté d’un baise main, suis monté dans le premier wagon, et ait attendu le terminus en fixant le décor à travers la fenêtre.
Nous avons reparlé le lendemain, mais comme nous nous étions couchés à 7h du mat’, elle était claquée et n’a pas voulu sortir de chez elle. Le lendemain soir, elle dînait chez une amie. Je lui ai proposé de m’appeler si elle voulait sortir après. Je suis passé fumer de la weed chez un pote. Ensuite, nous sommes allés mater le match chez des Allemands. Ils vivaient dans un immense appart et la plupart étaient des hippies au look plus ou moins affirmé. Un rétroprojecteur diffusait le match sur un écran géant. Il y avait un gosse d’environ six ans dans le lot et tout le monde roulait oinj sur oinj autour de lui sans y prêter la moindre attention. J’avais ramené une bouteille de rouge que j’ai descendu quasiment tout seul. J’ai fini par être bien pété et commençait à raconter un peu n’importe quoi à tout le monde. J’ai parlé de philosophie à un type complètement défoncé, grand amateur de phénoménologie et pourfendeur de la dialectique Hégélienne. Ensuite, une finlandaise est sortie de nulle part et s’est retrouvée assise à côté de moi sur le canapé. Nous avons discuté un bon moment. Je lui ai dit qu’elle avait une tête à jouer dans un film de Tim Burton. Ou de Wes Anderson, au choix. Vers 3h du mat’, tout le monde a levé le camp. J’ai suivi le mec avec qui j’étais venu et l’un des locataires de l’appart’. Nous avons dévoré un poulet frites. Puis je suis rentré. J’étais tellement pété que j’ai oublié ma clef sur la serrure. Mon portable s’était éteint et je n’ai reçu le message d’Alice me proposant de l’accompagner en boite que le lendemain matin. Damn it.
Le lendemain, elle m’a proposé une sortie en plein air, mais comme il s’est mis à flotter, elle s’est ravisée et est restée chez elle à comater sur son canap. Hier, elle avait cours toute la journée.
Je lui ai proposé de la revoir aujourd’hui, mais ça ne semblait plus tellement l’intéresser. J’ai attendu son appel une partie de la journée, comme Gatsby guettant un signe de Daisy durant ses dernières heures parmi les mortels. Elle m’a laissé un message en début de soirée pour m’annoncer qu’elle ne pouvait pas ce soir. Elle m’a proposé qu’on se voit demain mais à condition qu’on ne soit pas seuls. Visiblement, elle ne veut plus d’un tête à tête avec Eddy. Du coup, je n’irai pas. Encore une magnifique validation de la théorie du caniche et du singe savant. C’est con, Alice, je t’aurais bien volontiers bouffé le minou avec L’homme à tête de choux en fond sonore. Tu m’aurais fait un peu visiter la ville. Et j’aurais pu squatter chez toi après m’être fait jeter de mon appart. Je commençais à peine à penser à toi en me réveillant, le matin. C’est bien dommage. Alice.
Du coup, je n’ai rien branlé depuis trois jours. Il faudra impérativement que je rattrape ça demain soir. En attendant, j’ai fini les chemins de Katmandou, un bouquin triste au possible, même pour un Barjavel. J’ai attaqué un recueil de nouvelles de Klaus Mann, je m’enquille les épisodes de Mad Men et de Boardwalk Empire, et je bouffe de la soupe de légume. Mon taffe actuel consistant en partie à réaliser des chroniques nocturnes, je « bosse » la nuit, je rédige quelques trucs la journée, et il me reste encore pas mal de temps pour m’astiquer le poireau.
J’ai enfin trouvé un blog en ligne qui accepte de me publier régulièrement. Reste plus qu’à les convaincre de me payer. L’orage est passé depuis quelques heures, la pluie a cessé, et tout est redevenu calme au dehors. Les bruits qui me parviennent de l’extérieur ont cet écho feutré caractéristique de l’asphalte détrempé. Je pense un peu à Alice. Il me reste une bière au congèl’.J’ai parlé un moment à Emeline, tout à l’heure. Elle me manque aussi. Edouard et ses drôles de dames. Cette nuit me semble un peu plus absurde que les précédentes.
E. Dolokhov
- Notes et commentaires reçus par ce post :
- [0] Post de qualité le 29.05.13, 00h22 par Mr.Smooth
- [0] Post de qualité le 30.05.13, 15h59 par Jay Anderson
"Strange as a clockwork orange."
« Il est 4h00 du mat et des poussières, l’aube est en train de se lever derrière ma fenêtre, je suis pété sous un mix truculent d’alcool et de mariejeanne, un de mes potes me déballe ses états d’âme sur facebook, je manque cruellement d’amour, et ma queue s’excite toute seule. Je ressens un grand vide. Un vague à l’âme. Un subtile mélange d’absurde, de désespoir, de spleen et d’idéal, d’ambitions semi-cachées. Cocktail détonnant. Je ne sais plus trop quelle carte jouer. Je suis fatigué de jouer, à vrai dire. J’en ai plein le cul de leur parler vrai alors qu’elles n’en ont rien à foutre. Je voudrais me conduire comme Mr Draper, traiter les autres comme des merdes, m’en battre les couilles, et me faire aimer pour ça. Malheureusement, quand j’ignore les autres, ça ne les fait pas venir vers moi ; ils s’en branlent. Royalement. Ma plastique n’est peut-être pas à la hauteur. Ou est ce ma manière d’être ? Rien à battre. Le résultat reste identique.
La radio diffuse un mix de gospell et de cool jazz. Apaisant. Mais ça ne m’apportera pas le sommeil. En fait, je pourrais probablement me coucher et m’endormir en quelques secondes, mais je n’ai pas envie d’emporter un tel mal-être dans mes rêves. Si je fais ça, la première chose qui me viendra à l’esprit en me réveillant sera l’état dans lequel je me suis couché la veille. Pas très agréable, donc. Et j’ai une sainte horreur de ça. Je veux dire, je HAIS cette putain de sensation de mes deux. Le réveil devrait être un jour nouveau, une fenêtre ouverte sur le monde, un émerveillement digne des lettres persanes, voir le monde à travers des yeux d’enfants et toutes ces conneries. Et pas une putain de réminiscence de mes couilles de l’horreur de la veille. Je ne veux plus jamais me réveiller, demeurer dans le flou quelques secondes, et me dire « hé merde… » une fois la mémoire retrouvé. Plus jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Tu m’entends pauvre connard ???? Jamais !!!!
Il n’y a pas de dieu au numéro que vous avez demandé. Je m’emmerde. Profondément. Je m’ennuie. Je n’ai jamais rencontré personne qui s’ennuyait autant que moi. Il y a sans doute un lien avec la frustration. Je suis terriblement frustré. Contrarié. Probablement parce qu’une de ces salopes m’a encore fait attendre. Je ne supporte pas qu’on me fasse attendre. Qu’une de ses petites putains de mes deux se croit suffisamment supérieure à moi pour se croire autorisée à me faire perdre plusieurs minutes de mon temps m’est intolérable. Qu’elles aillent se faire doigter par le capitaine crochet. Connasses. Allez vous faire enculer. Putain.
J’étais censé échouer dans un club, ça m’aurait permis de torcher une chronique nocturne bien dégueulasse, mais malheureusement personne n’a voulu me suivre. Je me retrouve donc à coucher mes états d’âme à 4h du matin ; 4g, police 11, calibri, page word. Yipikai, pauvre con. La pluie tambourine contre la fenêtre. Je pourrais appeler Aurélie et lui dire de ramener son petit cul, enfin son gros cul, mais je doute qu’elle accepte. Il se fait tard et les rues sont infestées de Chinois. Saloperies. Extension du domaine de la lutte. Parano à Berlin Est. Ma journée de demain sera probablement aussi improductive que ma soirée. Tant pis. Quand le trip devient bizarre, les bizarres deviennent pros. Ce n’est pas de moi. Tant pis. »
J’ai rédigé ce charabia samedi dernier à Potron-Minet. Je suis rentré plus tôt que prévu, passablement beurré, et je ne voulais pas faire une entorse à mes principes en me couchant tôt un samedi soir. J’ai donc fait ce que j’ai pu pour m’occuper. J’avais passé une soirée relativement merdique. Après avoir descendu quelques bières avec mon coloc australien, végétarien et grand amateur de tatouages, je suis parti rejoindre une nana que j’avais interviewé quelques semaines plus tôt. Elle n’a franchement pas un physique démentiel mais elle s’était montrée plutôt marrante lors de l’interview, et de toute manière je trouve la discrimination à l’égard des moches proprement révoltantes. Un peu comme le meurtre de bébés phoques. Ou comme tous ces bougres de salopards nihilistes qui laissent quelques gouttes dans le fond de la bouteille de lait pour ne pas se faire chier à en ouvrir une nouvelle. Enflures.
Bref, je m’égare. La demoiselle (Marie de son prénom) en question étant relativement perchée et lunatique, je n’avais pas parié un kopeck sur sa ponctualité. Je me suis donc ramené avec trois bons quarts d’heure de retard. Las, elle n’était pas là quand je suis arrivé. Le bar était rempli aux trois quarts. J’ai pris une bière et me suis assis à une table. Une bande de types étaient posé sur des strapontins dans le couloir qui menait aux chiottes. Je me souviens d’avoir vaguement parlé à l’un d’entre eux en allant pisser. Ses propos étaient complexes et incohérents. Je ne me souviens plus très bien, mais il me semble qu’il parlait des interstices entre les briques du mur et des carreaux de sa chemise. Au bout de 20 minutes, j’ai reçu un message de Marie via les ondes téléphoniques m’informant qu’elle s’était fait traquenardée par un groupe de poètes dans un jardin et qu’elle serait là dans une demi-heure sans faute. Je n’avais absolument aucune envie de l’attendre mais maintenant que j’avais commandé ma pinte, il était hors de question de me tirer avant de l’avoir descendue. J’ai bu à un rythme extrêmement lent par rapport à mon référentiel, probablement parce que le breuvage n’était pas donné eu égard aux tarifs berlinois. J’ai donc pris le temps d’en apprécier toutes les qualités gustatives.
C’était sans doute la première que je me retrouvais à écluser tout seul dans un bar en pleine nuit. L’expérience valait sans doute le détour, je pouvais me vouer corps et âme à mes pulsions voyeuristes sans avoir à soutenir péniblement une conversation ras des pâquerettes avec une gourde éméchée. Malgré tout, une fois la demi-heure écoulée, je commençais à me faire un peu chier. Mon verre étant désespérément vide, je décidais de rentrer. Sans la prévenir, évidemment. Elle m’a contacté 5 minutes plus tard pour me demander où j’étais. Je n’ai pas répondu. Sachant qu’elle venait de l’autre bout de la ville, ça a surement dû l’emmerder un petit peu. J’espère qu’elle était seule.
Je suis censé aller interviewer un club de pêches composé exclusivement d’expatriés français grabataires, mais cette bande de fumiers ont malencontreusement choisi d’installer leur QG à l’autre bout de Berlin, et à 4 bornes de la station la plus proche. Je dois donc me coltiner une heure de transports et une heure de marche rien que pour l’aller. J’étais déjà censé y aller hier, mais ça me faisait pieusement chier, alors je suis allé glander au Tiergarten. J’ai trouvé une sorte de bar en plein air entouré de végétation, avec canaps, parquet, parasols et tout le bordel. J’ai passé plusieurs heures à rien foutre en sirotant de la bière teutone en plein cagnard. Je portais des bottines, mon futal le plus rock’n roll et ma paire de solaires. Je fixais effrontément la serveuse chaque fois qu’elle passait à proximité. Pour un peu, je me serais crû sur les tropiques. Il ne manquait que la capirinha. Le bar comprenait aussi une partie restau assez chicos. Il faudrait que j’y retourne avec Aurélie, ma confrère journalistique. Je n’arrête pas de lui proposer qu’on s’envoie en l’air mais elle s’obstine à refuser. Si je l’emmène ici, elle changera peut-être d’avis.
J’aurai 23 ans ce week-end. J’ignore totalement pourquoi, mais quand j’étais plus jeune, j’avais l’intime conviction que 22 et 23 ans étaient les deux meilleures années, dans une vie. Peut-être parce que j’étais un fan inconditionnel de star wars à l’époque, et qu’Anakin Skywalker a 23 ans dans la Revanche des siths. Ou parce que j’étais fou amoureux d’une nana que j’avais rencontré sur un forum star wars et qui avait 22 ans quand je l’ai connue, puis 23. Ou encore parce j’avais une folle admiration pour un pote à moi qui avait lui aussi 22 ans. Bref, toujours est-il que l’idée d’avoir achevé une des deux meilleures années de mon existence m’angoisse un peu. Même si tout cela n’est vraisemblablement qu’une vaste connerie, je ne peux m’empêcher d’y penser. On a tous nos superstitions auxquelles on tient malgré nous. Ça relève du pathos et non de la raison. D’un autre côté, on nous dit souvent de nous fier d’avantage à nos émotions et moins à notre esprit cartésien. Du coup, je m’y paume. Comme souvent. Je me rends compte que je ne sais vraiment pas grand-chose. A part quelques trucs sans importance. Tiens par, exemple, je suis grisophobe. Et arc-en-cielophile.
Dans tous les cas, je me sentirai obligé de fêter ça. Je faucherais peut-être une bouteille d’un excellent whisky irlandais au supermarché du coin pour l’occasion. Enfin ceci dit ce n’est peut-être pas une super idée. Certes, j’ai le souvenir de quelques cuites mémorables au whisky, mais ce truc a tendance à me rendre complètement givré (enfin, plus que d’habitude) et à me faire perdre absolument tout contrôle sur mes actions. J’ai ainsi une vague réminiscence d’une chaude soirée hivernale où, après m’être fait virer des Planches (une boite parisienne pour bobos prépubères) pour comportement violent et insultes à l’égard du videur, j’ai défoncé l’aile gauche d’une bagnole de sport et me suis fait arrêter par les flics. Pas pour la bagnole, pour autre chose. Un truc complètement con. Mes souvenirs sont extrêmement vagues, mais je me souviens m’être retrouvé en train d’empoigner des sacs poubelles à pleines mains pour les balancer de toutes mes forces en plein milieu de la route, dans le but de dresser une barrière inexpugnable à l'encontre des quelques bagnoles qui roulaient encore à cette heure tardive. Le tout ponctué de hurlements incompréhensibles et de cris belliqueux du genre « Sus à l’usurpateur ! » ou « Feu à volonté ! », faisant fi des protestations alarmées de mes compères. Naturellement, avec tout ce barouf, la flicaille n’a pas tardé à rappliquer et m’a coller une avoinée monumentale. Au départ, ils voulaient me foutre en cellule de dégrisement, mais je suis parvenu à les en dissuader à l’aide d’un monologue de plusieurs minutes. Vu mon état, je devais probablement rouler des yeux comme des boules de billard, toiser mes interlocuteurs d’un regard torve et démoniaque imbibé de single malt, et agiter les bras dans tous les sens comme un possédé atteint du syndrome de Gilles de la Tourette. Sans parler de mon faciès cramoisi. Pourtant ils ont fini par se tirer sans rien ajouter. Ma bonne étoile, sans doute.
Ensuite, ça devient encore plus flou. Je me suis retrouvé dans un rade miteux en compagnie des deux pauvres gaillards qui avaient eu la funeste idée de m’accompagner ce soir-là. Dans l’immense nébuleuse opaque qui me sert de souvenirs, je me souviens m’être avancé vers le bar d’une démarche titubante tout en baissant lentement mon froc pendant que ma bouche articulait péniblement un truc du genre « Rien à foutre, j’pose mes couilles sur le bar ». Ensuite, j’ai entendu un type vociférer : « Regardez moi ce fils de pute !! Ce dingue !!! Il est en train de poser sa paire de couilles sur le comptoir !! ». Après quoi, l’un de mes potes m’a tiré violemment vers l’extérieur et nous avons décampé en vitesse. Nous avons marché jusqu’à la gare RER la plus proche, attendu une vingtaine de minute, et sommes finalement montés dedans. Bon, je me suis encore sacrément paumé dans mon discours, où en étais-je déjà ? Ha oui, mon anniv’.
Le point positif, c’est que chaque fois qu’on prend une année, on a droit à quelques cadeaux. Pour cette 23e étape de ce marathon géant qu’est mon existence, donc, je souhaiterais entrer au Berghain, être suffisamment pété pour faire des choses mémorables mais suffisamment lucide pour les garder en mémoire, et passer l’aurore avec le soleil dans les yeux et ma queue dans la bouche d’une pucelle. Amen.
E. Dolokhov
« Il est 4h00 du mat et des poussières, l’aube est en train de se lever derrière ma fenêtre, je suis pété sous un mix truculent d’alcool et de mariejeanne, un de mes potes me déballe ses états d’âme sur facebook, je manque cruellement d’amour, et ma queue s’excite toute seule. Je ressens un grand vide. Un vague à l’âme. Un subtile mélange d’absurde, de désespoir, de spleen et d’idéal, d’ambitions semi-cachées. Cocktail détonnant. Je ne sais plus trop quelle carte jouer. Je suis fatigué de jouer, à vrai dire. J’en ai plein le cul de leur parler vrai alors qu’elles n’en ont rien à foutre. Je voudrais me conduire comme Mr Draper, traiter les autres comme des merdes, m’en battre les couilles, et me faire aimer pour ça. Malheureusement, quand j’ignore les autres, ça ne les fait pas venir vers moi ; ils s’en branlent. Royalement. Ma plastique n’est peut-être pas à la hauteur. Ou est ce ma manière d’être ? Rien à battre. Le résultat reste identique.
La radio diffuse un mix de gospell et de cool jazz. Apaisant. Mais ça ne m’apportera pas le sommeil. En fait, je pourrais probablement me coucher et m’endormir en quelques secondes, mais je n’ai pas envie d’emporter un tel mal-être dans mes rêves. Si je fais ça, la première chose qui me viendra à l’esprit en me réveillant sera l’état dans lequel je me suis couché la veille. Pas très agréable, donc. Et j’ai une sainte horreur de ça. Je veux dire, je HAIS cette putain de sensation de mes deux. Le réveil devrait être un jour nouveau, une fenêtre ouverte sur le monde, un émerveillement digne des lettres persanes, voir le monde à travers des yeux d’enfants et toutes ces conneries. Et pas une putain de réminiscence de mes couilles de l’horreur de la veille. Je ne veux plus jamais me réveiller, demeurer dans le flou quelques secondes, et me dire « hé merde… » une fois la mémoire retrouvé. Plus jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Tu m’entends pauvre connard ???? Jamais !!!!
Il n’y a pas de dieu au numéro que vous avez demandé. Je m’emmerde. Profondément. Je m’ennuie. Je n’ai jamais rencontré personne qui s’ennuyait autant que moi. Il y a sans doute un lien avec la frustration. Je suis terriblement frustré. Contrarié. Probablement parce qu’une de ces salopes m’a encore fait attendre. Je ne supporte pas qu’on me fasse attendre. Qu’une de ses petites putains de mes deux se croit suffisamment supérieure à moi pour se croire autorisée à me faire perdre plusieurs minutes de mon temps m’est intolérable. Qu’elles aillent se faire doigter par le capitaine crochet. Connasses. Allez vous faire enculer. Putain.
J’étais censé échouer dans un club, ça m’aurait permis de torcher une chronique nocturne bien dégueulasse, mais malheureusement personne n’a voulu me suivre. Je me retrouve donc à coucher mes états d’âme à 4h du matin ; 4g, police 11, calibri, page word. Yipikai, pauvre con. La pluie tambourine contre la fenêtre. Je pourrais appeler Aurélie et lui dire de ramener son petit cul, enfin son gros cul, mais je doute qu’elle accepte. Il se fait tard et les rues sont infestées de Chinois. Saloperies. Extension du domaine de la lutte. Parano à Berlin Est. Ma journée de demain sera probablement aussi improductive que ma soirée. Tant pis. Quand le trip devient bizarre, les bizarres deviennent pros. Ce n’est pas de moi. Tant pis. »
J’ai rédigé ce charabia samedi dernier à Potron-Minet. Je suis rentré plus tôt que prévu, passablement beurré, et je ne voulais pas faire une entorse à mes principes en me couchant tôt un samedi soir. J’ai donc fait ce que j’ai pu pour m’occuper. J’avais passé une soirée relativement merdique. Après avoir descendu quelques bières avec mon coloc australien, végétarien et grand amateur de tatouages, je suis parti rejoindre une nana que j’avais interviewé quelques semaines plus tôt. Elle n’a franchement pas un physique démentiel mais elle s’était montrée plutôt marrante lors de l’interview, et de toute manière je trouve la discrimination à l’égard des moches proprement révoltantes. Un peu comme le meurtre de bébés phoques. Ou comme tous ces bougres de salopards nihilistes qui laissent quelques gouttes dans le fond de la bouteille de lait pour ne pas se faire chier à en ouvrir une nouvelle. Enflures.
Bref, je m’égare. La demoiselle (Marie de son prénom) en question étant relativement perchée et lunatique, je n’avais pas parié un kopeck sur sa ponctualité. Je me suis donc ramené avec trois bons quarts d’heure de retard. Las, elle n’était pas là quand je suis arrivé. Le bar était rempli aux trois quarts. J’ai pris une bière et me suis assis à une table. Une bande de types étaient posé sur des strapontins dans le couloir qui menait aux chiottes. Je me souviens d’avoir vaguement parlé à l’un d’entre eux en allant pisser. Ses propos étaient complexes et incohérents. Je ne me souviens plus très bien, mais il me semble qu’il parlait des interstices entre les briques du mur et des carreaux de sa chemise. Au bout de 20 minutes, j’ai reçu un message de Marie via les ondes téléphoniques m’informant qu’elle s’était fait traquenardée par un groupe de poètes dans un jardin et qu’elle serait là dans une demi-heure sans faute. Je n’avais absolument aucune envie de l’attendre mais maintenant que j’avais commandé ma pinte, il était hors de question de me tirer avant de l’avoir descendue. J’ai bu à un rythme extrêmement lent par rapport à mon référentiel, probablement parce que le breuvage n’était pas donné eu égard aux tarifs berlinois. J’ai donc pris le temps d’en apprécier toutes les qualités gustatives.
C’était sans doute la première que je me retrouvais à écluser tout seul dans un bar en pleine nuit. L’expérience valait sans doute le détour, je pouvais me vouer corps et âme à mes pulsions voyeuristes sans avoir à soutenir péniblement une conversation ras des pâquerettes avec une gourde éméchée. Malgré tout, une fois la demi-heure écoulée, je commençais à me faire un peu chier. Mon verre étant désespérément vide, je décidais de rentrer. Sans la prévenir, évidemment. Elle m’a contacté 5 minutes plus tard pour me demander où j’étais. Je n’ai pas répondu. Sachant qu’elle venait de l’autre bout de la ville, ça a surement dû l’emmerder un petit peu. J’espère qu’elle était seule.
Je suis censé aller interviewer un club de pêches composé exclusivement d’expatriés français grabataires, mais cette bande de fumiers ont malencontreusement choisi d’installer leur QG à l’autre bout de Berlin, et à 4 bornes de la station la plus proche. Je dois donc me coltiner une heure de transports et une heure de marche rien que pour l’aller. J’étais déjà censé y aller hier, mais ça me faisait pieusement chier, alors je suis allé glander au Tiergarten. J’ai trouvé une sorte de bar en plein air entouré de végétation, avec canaps, parquet, parasols et tout le bordel. J’ai passé plusieurs heures à rien foutre en sirotant de la bière teutone en plein cagnard. Je portais des bottines, mon futal le plus rock’n roll et ma paire de solaires. Je fixais effrontément la serveuse chaque fois qu’elle passait à proximité. Pour un peu, je me serais crû sur les tropiques. Il ne manquait que la capirinha. Le bar comprenait aussi une partie restau assez chicos. Il faudrait que j’y retourne avec Aurélie, ma confrère journalistique. Je n’arrête pas de lui proposer qu’on s’envoie en l’air mais elle s’obstine à refuser. Si je l’emmène ici, elle changera peut-être d’avis.
J’aurai 23 ans ce week-end. J’ignore totalement pourquoi, mais quand j’étais plus jeune, j’avais l’intime conviction que 22 et 23 ans étaient les deux meilleures années, dans une vie. Peut-être parce que j’étais un fan inconditionnel de star wars à l’époque, et qu’Anakin Skywalker a 23 ans dans la Revanche des siths. Ou parce que j’étais fou amoureux d’une nana que j’avais rencontré sur un forum star wars et qui avait 22 ans quand je l’ai connue, puis 23. Ou encore parce j’avais une folle admiration pour un pote à moi qui avait lui aussi 22 ans. Bref, toujours est-il que l’idée d’avoir achevé une des deux meilleures années de mon existence m’angoisse un peu. Même si tout cela n’est vraisemblablement qu’une vaste connerie, je ne peux m’empêcher d’y penser. On a tous nos superstitions auxquelles on tient malgré nous. Ça relève du pathos et non de la raison. D’un autre côté, on nous dit souvent de nous fier d’avantage à nos émotions et moins à notre esprit cartésien. Du coup, je m’y paume. Comme souvent. Je me rends compte que je ne sais vraiment pas grand-chose. A part quelques trucs sans importance. Tiens par, exemple, je suis grisophobe. Et arc-en-cielophile.
Dans tous les cas, je me sentirai obligé de fêter ça. Je faucherais peut-être une bouteille d’un excellent whisky irlandais au supermarché du coin pour l’occasion. Enfin ceci dit ce n’est peut-être pas une super idée. Certes, j’ai le souvenir de quelques cuites mémorables au whisky, mais ce truc a tendance à me rendre complètement givré (enfin, plus que d’habitude) et à me faire perdre absolument tout contrôle sur mes actions. J’ai ainsi une vague réminiscence d’une chaude soirée hivernale où, après m’être fait virer des Planches (une boite parisienne pour bobos prépubères) pour comportement violent et insultes à l’égard du videur, j’ai défoncé l’aile gauche d’une bagnole de sport et me suis fait arrêter par les flics. Pas pour la bagnole, pour autre chose. Un truc complètement con. Mes souvenirs sont extrêmement vagues, mais je me souviens m’être retrouvé en train d’empoigner des sacs poubelles à pleines mains pour les balancer de toutes mes forces en plein milieu de la route, dans le but de dresser une barrière inexpugnable à l'encontre des quelques bagnoles qui roulaient encore à cette heure tardive. Le tout ponctué de hurlements incompréhensibles et de cris belliqueux du genre « Sus à l’usurpateur ! » ou « Feu à volonté ! », faisant fi des protestations alarmées de mes compères. Naturellement, avec tout ce barouf, la flicaille n’a pas tardé à rappliquer et m’a coller une avoinée monumentale. Au départ, ils voulaient me foutre en cellule de dégrisement, mais je suis parvenu à les en dissuader à l’aide d’un monologue de plusieurs minutes. Vu mon état, je devais probablement rouler des yeux comme des boules de billard, toiser mes interlocuteurs d’un regard torve et démoniaque imbibé de single malt, et agiter les bras dans tous les sens comme un possédé atteint du syndrome de Gilles de la Tourette. Sans parler de mon faciès cramoisi. Pourtant ils ont fini par se tirer sans rien ajouter. Ma bonne étoile, sans doute.
Ensuite, ça devient encore plus flou. Je me suis retrouvé dans un rade miteux en compagnie des deux pauvres gaillards qui avaient eu la funeste idée de m’accompagner ce soir-là. Dans l’immense nébuleuse opaque qui me sert de souvenirs, je me souviens m’être avancé vers le bar d’une démarche titubante tout en baissant lentement mon froc pendant que ma bouche articulait péniblement un truc du genre « Rien à foutre, j’pose mes couilles sur le bar ». Ensuite, j’ai entendu un type vociférer : « Regardez moi ce fils de pute !! Ce dingue !!! Il est en train de poser sa paire de couilles sur le comptoir !! ». Après quoi, l’un de mes potes m’a tiré violemment vers l’extérieur et nous avons décampé en vitesse. Nous avons marché jusqu’à la gare RER la plus proche, attendu une vingtaine de minute, et sommes finalement montés dedans. Bon, je me suis encore sacrément paumé dans mon discours, où en étais-je déjà ? Ha oui, mon anniv’.
Le point positif, c’est que chaque fois qu’on prend une année, on a droit à quelques cadeaux. Pour cette 23e étape de ce marathon géant qu’est mon existence, donc, je souhaiterais entrer au Berghain, être suffisamment pété pour faire des choses mémorables mais suffisamment lucide pour les garder en mémoire, et passer l’aurore avec le soleil dans les yeux et ma queue dans la bouche d’une pucelle. Amen.
E. Dolokhov
- Notes et commentaires reçus par ce post :
- [0] Encore le 05.07.13, 00h05 par Jay Anderson
- [0] Bonne idée le 07.07.13, 02h56 par Onmyoji
Je viens de terminer ton journal et je voulais d'abord te dire bravo pour ta plume, c'est pas original mais tu sais mettre des mots sur les choses et c'est bien trop rare
Ensuite, peut-être est-ce ton style d'écriture ou les faits que tu relates, mais je me reconnais pas mal dans ce décalage, cet amour inconditionnel des femmes même et surtout quand on voit leurs côtés sombres et qu'on le subit, et qu'elle révèlent en nous les pires merdes, et ces tiraillements entre différents désirs, même si tu sais très bien que tu ne troquerais pas ton génie pour être un de ces mecs normalement constitués que tu as pu envier parfois
Alors comme j'ai fini par franchir un obstacle qui je crois est le seul à te barrer vraiment la route,
Je vais me permettre un conseil qui m'a changé la vie quand j'ai réalisé, même si ces jours-ci je suis pas le mec qui doit paraître le plus sain et accompli, à ce que j'écris.
Ce conseil, c'est que quelque soit le plaisir que tu prends à la séduction, à la douceur de ces échanges, à la douceur un peu amère qu'il y a à avoir laissé partir une femme sans avoir été lourd, trop entreprenant, en ayant été un gentleman, même lubrique, c'est juste de la branlette mentale.
C'est ton voile de maya fait pour transformer le sordide créé par ton attitude en un truc beau. Mais aussi bien, la femme que tu as convoitée, et que tu ne cherches jamais à atteindre, elle se dit que tu es bizarre. Au départ, tu es cool et original. Mais il n'y a rien de romantique à ne pas concrétiser. Tu vas me dire que je ne comprends rien à la notion de romantisme, mais j'ai fait des choses pires que celles que tu as contées ici, et je te souhaite de te rendre compte que tu te voiles la face. Je n'aime pas juste le sexe non plus, il faut partager des choses. Mais ça n'a de valeur véritable que si la femme et toi allez jusqu'au bout. Jusque là on est dans la simple hypothèse. Tu te dis que tu aurais jamais pu la tringler? Elle attendait peut-être que ça, Violette, cette nuit. Et si ça se trouve ça la torture aussi encore certaines nuits. Pose leur la question, à ces femmes. Tu es doué pour écrire, fais leur un petit "et si..." dans une conversation, tu maîtrises tellement que tu es sur ton terrain, elles ne te feront pas hésiter et elles se prendront au jeu. Ça ne veut pas dire qu'elles répondront ce que tu attends mais ça t'éclairera
Et cas contraire, tu te dis que si tu avais été normal, tu l'aurais eue, rien n'est sûr. Tu étais là parce que c'était toi. Tu as aussi échoué parce que c'était toi, mais c'est sans doute parce que tu t'attaches trop à cette image que tu t'es faite de
toi-même et qui te dit que c'est pas grave parce que c'est quand même beau. La vérité c'est que cette souffrance est sale, puante, comme une charogne qui pourrit dans ton esprit et qui te rend malade.
Et c'est dommage car songe à tout ce que ces femmes ratent car tu es seul à pouvoir leur donner? Évidemment, je dépasse le sexe et l'amour, mais ils sont la condition pour l'intimité que tes heures de discussion et tes moments de flottement ne pourront jamais égaler. Ni même approcher
Alors retrouve ce vieux post de TuIpa qui en parle si bien (à Smooth ou un autre qui a disparu de la circulation depuis). Si tu connais pas, le mec est sans doute l'un de ceux qui touchent le plus ici, il aime aussi les bouquins et les trips barrés, vous êtes faits pour vous entendre.
Et pose ta plume, parce que même si j'adore ton style, je suis certain que tu as une satisfaction à écrire sur des issues sombres et désespérées, et que tu es convaincu que ce ne serait pas aussi bien si tu gagnais à la fin.
Mais tu n'écris pas un bouquin, tu vis une vie. Alors vu que tu assumes tes envies, portes-en l'étendard haut!
Porte tes couilles et fonce parce qu'elles n'attendent que toi (et ne pardonnent rien aux mecs qui les laissent tomber. Voilà pourquoi elles risquent de t'oublier. Parce que tu ne les auras pas emmenées jusqu'au bout, alors qu'elles ne voulaient que toi pour ça). Et une dernière chose, si j'ai raison, tu as aussi très peur de te mentir. Alors agis en conséquences el cesse de le faire.
Bonne chance camarade;)
Ensuite, peut-être est-ce ton style d'écriture ou les faits que tu relates, mais je me reconnais pas mal dans ce décalage, cet amour inconditionnel des femmes même et surtout quand on voit leurs côtés sombres et qu'on le subit, et qu'elle révèlent en nous les pires merdes, et ces tiraillements entre différents désirs, même si tu sais très bien que tu ne troquerais pas ton génie pour être un de ces mecs normalement constitués que tu as pu envier parfois
Alors comme j'ai fini par franchir un obstacle qui je crois est le seul à te barrer vraiment la route,
Je vais me permettre un conseil qui m'a changé la vie quand j'ai réalisé, même si ces jours-ci je suis pas le mec qui doit paraître le plus sain et accompli, à ce que j'écris.
Ce conseil, c'est que quelque soit le plaisir que tu prends à la séduction, à la douceur de ces échanges, à la douceur un peu amère qu'il y a à avoir laissé partir une femme sans avoir été lourd, trop entreprenant, en ayant été un gentleman, même lubrique, c'est juste de la branlette mentale.
C'est ton voile de maya fait pour transformer le sordide créé par ton attitude en un truc beau. Mais aussi bien, la femme que tu as convoitée, et que tu ne cherches jamais à atteindre, elle se dit que tu es bizarre. Au départ, tu es cool et original. Mais il n'y a rien de romantique à ne pas concrétiser. Tu vas me dire que je ne comprends rien à la notion de romantisme, mais j'ai fait des choses pires que celles que tu as contées ici, et je te souhaite de te rendre compte que tu te voiles la face. Je n'aime pas juste le sexe non plus, il faut partager des choses. Mais ça n'a de valeur véritable que si la femme et toi allez jusqu'au bout. Jusque là on est dans la simple hypothèse. Tu te dis que tu aurais jamais pu la tringler? Elle attendait peut-être que ça, Violette, cette nuit. Et si ça se trouve ça la torture aussi encore certaines nuits. Pose leur la question, à ces femmes. Tu es doué pour écrire, fais leur un petit "et si..." dans une conversation, tu maîtrises tellement que tu es sur ton terrain, elles ne te feront pas hésiter et elles se prendront au jeu. Ça ne veut pas dire qu'elles répondront ce que tu attends mais ça t'éclairera
Et cas contraire, tu te dis que si tu avais été normal, tu l'aurais eue, rien n'est sûr. Tu étais là parce que c'était toi. Tu as aussi échoué parce que c'était toi, mais c'est sans doute parce que tu t'attaches trop à cette image que tu t'es faite de
toi-même et qui te dit que c'est pas grave parce que c'est quand même beau. La vérité c'est que cette souffrance est sale, puante, comme une charogne qui pourrit dans ton esprit et qui te rend malade.
Et c'est dommage car songe à tout ce que ces femmes ratent car tu es seul à pouvoir leur donner? Évidemment, je dépasse le sexe et l'amour, mais ils sont la condition pour l'intimité que tes heures de discussion et tes moments de flottement ne pourront jamais égaler. Ni même approcher
Alors retrouve ce vieux post de TuIpa qui en parle si bien (à Smooth ou un autre qui a disparu de la circulation depuis). Si tu connais pas, le mec est sans doute l'un de ceux qui touchent le plus ici, il aime aussi les bouquins et les trips barrés, vous êtes faits pour vous entendre.
Et pose ta plume, parce que même si j'adore ton style, je suis certain que tu as une satisfaction à écrire sur des issues sombres et désespérées, et que tu es convaincu que ce ne serait pas aussi bien si tu gagnais à la fin.
Mais tu n'écris pas un bouquin, tu vis une vie. Alors vu que tu assumes tes envies, portes-en l'étendard haut!
Porte tes couilles et fonce parce qu'elles n'attendent que toi (et ne pardonnent rien aux mecs qui les laissent tomber. Voilà pourquoi elles risquent de t'oublier. Parce que tu ne les auras pas emmenées jusqu'au bout, alors qu'elles ne voulaient que toi pour ça). Et une dernière chose, si j'ai raison, tu as aussi très peur de te mentir. Alors agis en conséquences el cesse de le faire.
Bonne chance camarade;)
Merci pour ce commentaire.
Ton avis est intéressant et m'amène à reconsidérer certains trucs, même si je ne suis pas forcément d'accord sur le fond. Je pense pas me complaindre dans toutes ses relations foirées avant d'avoir vraiment commencé. Cela donne peut-être cette impression, mais c'est plutôt parce qu'à défaut d'avoir des histoires incroyables à raconter, je dois me contenter de ce que j'ai. Crois-moi je préfèrerais que mon journal ressemble à la transposition de Californication par écrit, mais j'en ai pas vraiment les moyens. Alors certes je me complais surement dans ce côté "dark" mais c'est à défaut d'avoir mieux pour l'instant.
Pour la suite je suis entièrement d'accord avec toi, on a beau se sentir proche d'une nana, tant qu'on ne l'a pas baisée, c'est du vent. N'importe quel type qui l'aura tringlée en soir en boite sans lui avoir balancé plus de deux phrases sera mille fois plus proche d'elle que moi. Les hommes et les femmes sont faits pour s'envoyer en l'air, point. Mais bon, j'ai une émotivité vraiment hors norme (ça a ses avantages et surtout ses défauts) et il y a pas mal de meufs qui ont compté pour moi même si au final à part quelques bisous et caresses il s'est jamais rien passé. C'est con mais c'est comme ça, et écrire dessus est sans doute une manière de l'exorciser. Je ne me dis pas "c'est pas grave parce que c'est quand même beau", je me dis plutôt que ça me casse prodigieusement les couilles mais que ça marchera la prochaine fois, et qu'en attendant ça me donne l'occasion d'écrire sur quelque chose.
Ton avis est intéressant et m'amène à reconsidérer certains trucs, même si je ne suis pas forcément d'accord sur le fond. Je pense pas me complaindre dans toutes ses relations foirées avant d'avoir vraiment commencé. Cela donne peut-être cette impression, mais c'est plutôt parce qu'à défaut d'avoir des histoires incroyables à raconter, je dois me contenter de ce que j'ai. Crois-moi je préfèrerais que mon journal ressemble à la transposition de Californication par écrit, mais j'en ai pas vraiment les moyens. Alors certes je me complais surement dans ce côté "dark" mais c'est à défaut d'avoir mieux pour l'instant.
Pour la suite je suis entièrement d'accord avec toi, on a beau se sentir proche d'une nana, tant qu'on ne l'a pas baisée, c'est du vent. N'importe quel type qui l'aura tringlée en soir en boite sans lui avoir balancé plus de deux phrases sera mille fois plus proche d'elle que moi. Les hommes et les femmes sont faits pour s'envoyer en l'air, point. Mais bon, j'ai une émotivité vraiment hors norme (ça a ses avantages et surtout ses défauts) et il y a pas mal de meufs qui ont compté pour moi même si au final à part quelques bisous et caresses il s'est jamais rien passé. C'est con mais c'est comme ça, et écrire dessus est sans doute une manière de l'exorciser. Je ne me dis pas "c'est pas grave parce que c'est quand même beau", je me dis plutôt que ça me casse prodigieusement les couilles mais que ça marchera la prochaine fois, et qu'en attendant ça me donne l'occasion d'écrire sur quelque chose.
Franchement non je ne pense pas, les meilleurs moments que j'ai vécu c'est toujours quand c'est allé au bout. Mais si c'est l'impression que ça te donne c'est peut-être l'impression qu'elles ont aussi. Etrange. Je vais méditer là dessus.Et pose ta plume, parce que même si j'adore ton style, je suis certain que tu as une satisfaction à écrire sur des issues sombres et désespérées, et que tu es convaincu que ce ne serait pas aussi bien si tu gagnais à la fin.
OK, je vois. C'est donc plus un défaut pour nous raconter quand même tes aventures. Et ça te donne l'occasion d'écrire sur quelque chose; c'était un peu ce que j'avais en tête en te disant ça. J'espère lire ta version de Californication:)
Tu en as les moyens, arrête de penser le contraire.
Pour l'impression de la fin, essaie aussi de les remettre en situation. "Si..."
Je pense que ça sera très intéressant. Et que ça pourrait te donner des ouvertures.
Tu en as les moyens, arrête de penser le contraire.
Pour l'impression de la fin, essaie aussi de les remettre en situation. "Si..."
Je pense que ça sera très intéressant. Et que ça pourrait te donner des ouvertures.
ça marche, je ferai ça à l'occaz'.
« Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse. » F. Nietzsche
Mes tentatives de prédire l’avenir ont rarement (pour ne pas dire jamais) été couronnées de succès. Je m’escrime pourtant à tenter de déchiffrer les auspices. Hors de question de toucher aux entrailles d’un animal, par contre. Je me contente de les bouffer.
Une bouteille à la mer. Je suis actuellement dans la position d’un naufragé échoué sur une île déserte, désespérant d’apercevoir une voile blanche à l’horizon. Si l’on suit cette métaphore, alors ces lignes sont les quelques mots que je griffonne à la hâte à l’aide de mon bic qui a pris la flotte, sur une feuille de papier miraculeusement rescapée du naufrage. Une fois le message terminé, je le fourrerai dans une bouteille que je balancerai dans l’océan. Puis je la regarderai s’éloigner du rivage en sirotant un peu de rhum ambré. Il y a toujours du rhum ambré dans les histoires de naufragé. Je la regarderai voguer vers l’ailleurs, tel un bateau ivre. En espérant que quelqu’un tombe dessus, un jour. Et qu’il ne soit pas trop tard.
Bon, mon côté théâtral prend de nouveau l’ascendant. J’amplifier outrageusement l’ampleur de mes déboires en me comparant ainsi à un type seul au monde et sans espoir. Mais ma situation actuelle a tout de même quelque chose de foutrement merdique. Je suis dans un état de fatigue physique et mentale passablement avancé, que l’on peut principalement imputer à un flagrant manque de sommeil, à la consommation de liqueur et de substances psychotropes dans des proportions déraisonnables, et à une série de péripéties éreintantes au contact de la gent féminine. De sorte que mon cerveau ne tourne plus très rond et que je ne suis même pas certain de rédiger quelque chose d’à peu près compréhensible pour le commun des mortels. Ajoutez à cela le fait que je suis tout seul dans ma piaule sans rien pour me distraire, étant foutrement incapable d’effectuer la moindre activité un tant soit peu productive. Cerise sur le gâteau, le système sonore de mon pc a subitement décidé de se faire la malle pour me laisser me démerder tout seul. L’enculé. Même la perspective de végéter devant un film à la con ou de voyager sur les accords d’un Pink Floyd m’est donc interdite. A part ça, tout baigne. La seule option valable pour occuper les quelques heures qu’il me reste avant que je ne puisse raisonnablement me foutre au pieu consiste donc à me vider le crâne en balançant tout ce qui me passe par la tête sur cette putain de page word. Tant pis pour la syntaxe, je n’en ai à l’heure actuelle franchement rien à branler, et je ne suis de toute manière pas en état de rédiger quelque chose de correct. Les lecteurs les plus alertes se démerderont pour traduire mon flux de parole incohérent en quelque chose de vaguement compréhensible, les autres pourront peut-être au moins rire un peu à mes dépens.
Tiens, je songe subitement à la mésaventure du docteur Thompson qui, lors d’une partie de plongée en haute mer, est remonté rapidement à la surface sans respecter les paliers. Le malheureux a failli clamser et s’est retrouvé bloqué dans une chambre de décompression durant plusieurs semaines afin de récupérer. Rassurez-vous, l’écrivain et journaliste de génie un rien siphonné du bocal a fini par se remettre. Une fois libre de ses mouvements et dûment dépressurisé, il écrivit tout un tas de saloperies sur Richard Nixon. Je vous recommande de les lire, à l’occaz. Lisez toute son œuvre, d’ailleurs. Au moins la partie qui a été traduite en français.
Pourquoi je parlais de ça déjà ? Ha oui. J’ai un sentiment similaire, celui d’être coincé sans pouvoir rien foutre tout en me sentant aussi bien que si un crabe géant m’avait avalé d’un seul coup avant de me recracher dans un bol de soupe à l’oignon à moitié froide. Je déteste la soupe à l’oignon. Plus encore si elle est froide. Saloperie. Bref. Les deux dernières semaines ont été relativement chaotiques, et je peinerais à en faire un résumé linéaire qui tienne à peu près débout. J’ai commencé à faire le point ce matin, aux alentours de 2h du mat, dans la cuisine de Bachir, un pote, un verre de Cuba Libre à la main. Mon quatrième de la soirée, il me semble. J’étais dans un état un peu bizarre. Je me sentais vaguement confus, cotonneux et un poil défoncé, mais pas moyen d’atteindre l’ivresse. A côté de moi, toute une bande de joyeux lurons picolaient comme des Kosovars autour d’une grande table dans la joie et la bonne humeur. A ma gauche, mon coloc Charles de passage à Berlin pour le week-end, câlinait gentiment sa nana. A ma droite, une brune magnifique au sourire craquant et un poil vicelard avait passé ses bras autour du coup de l’hôte de la soirée (Bachir, donc, au cas où vous auriez du mal à suivre) et lui caressait le buste. J’ai gardé un moment les yeux braqués sur cette scène, le regard vitreux, le cerveau tournant à cent à l’heure. Ça dansait la zumba dans mon crâne. Un vrai foutoir. En fait, je devrais commencer par le point de départ.
La semaine dernière, j’ai dûment fêté mon anniv en me retournant copieusement le crâne en compagnie de quelques comparses. Nous nous sommes rendus dans un club à l’atmosphère débridée, avec un espace en plein air rempli de canaps défoncés, un petit coin d’eau, de la minimale à plein volume et tout une tripotée de drogués. J’ai emballé une hollandaise à qui je n’ai pas dû dire plus de trois mots. Je lui ai roulé plusieurs patins, savourant goulûment sa langue avec la mienne. Mais elle a fini par se barrer en lâchant un « easy boy », je ne sais plus trop pour quoi. Il me semble que c’est parce que je commençais à mettre ma main dans son cul. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas tenté de la retenir. J’étais dans un état second. L’ecstasy était en train de me monter au cerveau et ma conscience du monde extérieur devenait toute relative.
J’ai aussi tenté de serrer une grande brune aux yeux sublimes mais elle m’a annoncé à regret que son mec était dans la salle et qu’il n’hésiterait pas à me casser copieusement la gueule s’il me chopait en train de lui faire du charme. Je n’avais que très moyennement envie de me battre, je souhaitais plutôt faire des câlins à tout le monde, crier mon amour à toutes les nanas un minimum potable qui croisaient ma route, et m’entretenir en privé avec Jim Morrison. Je suis rentré chez moi sur le coup de 10h du mat’, j’ai pioncé trois heures et j’ai fait une visite de Berlin en bateau en compagnie d’une de mes collègues de taffe, celle que j’ai tenté d’emballer à maintes reprises sans le moindre succès. Tant pis, je m’en fous un peu maintenant, à vrai dire.
Le soir même, j’ai renquillé. Bachir m’a appelé pour me proposer de passer prendre l’apéritif chez lui. Je n’ai pas pu refuser, naturellement. C’est ce soir-là que j’ai rencontré la brune évoquée plus haut pour la première fois. J’étais encore un peu à l’ouest au moment où j’ai débarqué sur place et je ne faisais pas trop gaffe à ce qu’on me disait, mais il me semble qu’une nana me l’a rapidement présentée comme étant la meuf de Bachir. Elle a utilisé un terme un peu ambigu en anglais, un truc du genre « Bachir’s friend ».Dont acte. Elle portait de grosses lunettes rectangles et arborait des semi-dreadlocks, mais son visage était franchement agréable. Nous avons commencé par échanger les formalités d’usage pendant que je mettais à picoler. Peu de temps après, elle est partie se changer pendant que je taillais le bout de gras avec le reste des individus présents autour de la table. Elle est revenue métamorphosée. Elle ne portait plus de lunettes, s’était maquillée, portait un chignon qui cachait ses dreads, et avait passé une robe noir bien aguicheuse. Tout cela la rendait foutrement bandante. Elle ressemblait un peu à une ancienne collègue de taffe sur laquelle j’ai pas mal fantasmé fût une époque, qui elle-même ressemble à une actrice française foutrement bonne dont j’ai oublié le nom. Je me souviens de l’avoir matée pendant plusieurs secondes en oubliant tout le reste en la voyant débarqué.
Ensuite, le fil de la soirée s’est un peu distendu et les choses deviennent un peu floues.
Seth, un pote ricain débarqué tout droit de LA, m’a chargé de rouler un pétard pendant que je continuais de siroter tranquillement mon verre. Sans transition apparente, je me suis soudain retrouvé passablement défoncé et un peu bourré sur les bords. La nana, Joséphine de son prénom, s’est assise à côté de moi et nous avons commencé à bavasser. Je portais un marcel bleu marine et faisais exprès de parler avec un accent franchouillard dégueulasse. Elle picolait pas mal également et commençait à être un peu fait. Elle n’arrêtait pas de me demander ou était mon béret. Tiens, au passage, Josephine, c’est aussi le nom de la première meuf que j’ai baisé. Bref. Malgré mon manque de confiance affirmé et ma proverbiale aptitude à ne jamais déceler les signaux d’intérêt envoyés par les représentantes du beau sexe, une petite ampoule rouge a fini par se mettre à clignoter dans mon esprit, m’informant que la barrière entre le copinage et le flirt était en passe d’être franchie. Sans doute était-ce sa manière de me toucher au moindre prétexte, la façon dont elle éclatait de rire à la moindre de mes conneries, ou encore son obstination à demeurer auprès de moi et à me tenir la jambe quand moult autres distractions s’offraient à elles. Peu importe. La vérité a fini par sonner comme une évidence, aussi incroyable qu’elle puisse me paraitre. Cet avion de chasse première catégorie, propriété de mon pote et hôte qui plus est, était en train de me chiner.
Sans que j’y sois pour quoi que ce soit. Je me souviens lui avoir parlé d’Alceste à bicyclette et du misanthrope. Elle m’écoutait, le visage entre les mains, un sourire aux lèvres. Et si l’expression passe pour nunuche et infantile, je me dois tout de même de l’employer : j’ai vu des étoiles dans ses yeux. Elle m’a même collé une tarte, à un moment. Bordel, pour une fois qu’une nana franchement canon et loin d’être conne veut ma queue sans que je n’ai rien eu à foutre pour la convaincre, il faut qu’elle soit en concubinage avec un de mes camarades. Karma de merde.
Quoiqu’il en soit, j’ai beau penser avec Maupassant que « La conquête des femmes est la seule aventure exaltante dans la vie d’un homme », j’ai certains principes moraux indéfectibles, dont le suivant : on ne serre jamais la meuf d’un copain. Jamais. Tant pis pour cette fois. Je m’appliquais copieusement à garder à peu près mes distances et à éviter soigneusement de la toucher. Un peu plus tard, tout ce petit monde s’est mis en route vers un club berlinois. Elle est partie en vélo, moi en transports. Seth commençait à être complètement sec, lui aussi, et nous nous faisions dragué par une paire d’allemandes dégueulasses. Sur place, Josephine était littéralement déchainée et dansait toute seule sur un podium. Elle me faisait des grands signes de loin et a fini par se planter devant moi en me réclamant une danse. J’ai rétorqué que je dansais comme un aveugle unijambiste travesti sous kétamine. En guise de réponse, elle m’a chopé la main et m’a balancé, en me toisant bien dans les yeux : « C’est ton anniversaire, je vais t’offrir une danse exceptionnelle. » (Ha parce que oui, au fait, c’était mon anniversaire). Nous avons dansé un petit moment, elle devenait de plus en plus allumeuse, tandis que je m’efforçais de ne pas trop l’encourager dans ses pulsions libertines. Hélas, je commençais à être passablement pété, et s’il était toujours hors de question de la serrer, j’avais un peu de mal à me libérer de son étreinte. Le pire, c’est que pour une fois, niveau danse, je me démerdais pas trop mal. Putain, mais qu’est-ce qu’elle me trouvait bordel ? Pourquoi elle ? Les voies du seigneur sont impénétrables.
Finalement, après une pirouette un poil audacieuse, elle a avancé ses lèvres vers les miennes, et j’ai tout juste eu le temps de tourner la tête pour accueillir sa bouche avec ma joue. Putain. J’ai subitement arrêté de me mouvoir comme un gigolo et lui ai suggéré d’aller esquisser quelques pas de danse avec son mec.
Réponse : « Il n’est pas sur le dancefloor, et je m’en fous. »
« Ouais, ben pas moi. »
Sur ce, elle m’a toisé d’un regard qu’on pourrait plus ou moins traduire par un : « Ha, vraiment ? » «doublé d’un « Tant pis pour toi, abruti » et s’est remise à danser toute seule en me tournant le dos. Je suis passé faire un tour aux chiottes pour me foutre un peu d’eau sur le visage et y ai retrouvé mon pote Seth en train de recracher son repas du soir dans l’évier. Les mélanges. C’est con, il avait passé la soirée à chiner une danoise franchement mignonne de plusieurs années sa cadette, je le voyais bien repartir avec. J’ai arpenté le club dans l’autre sens pour sortir prendre l’air après m’être assuré qu’il n’allait pas nous claquer entre les doigts. Je me suis fait arrêter net par une main tendue qui m’offrait gracieusement une bière. La main de Josephine, qui se tenait debout près du bar en compagnie de deux autres nanas. J’imagine que c’était une manière de me persuader de rester avec elles. J’ai sifflé une longue gorgée et ai poursuivi ma route sans rien dire. Je me sentais un peu perdu. Bachir est venu me dire en rigolant que je méritais amplement la palme du meilleur danseur. Il n’avait pas vraiment l’air contrarié. Je suis retourné sur la piste sans trop de convictions. Les deux teutonnes hideuses de tout à l’heure ont de nouveau jeté leur dévolu sur moi. L’une d’entre elle est venu frotter frénétiquement son cul contre le mien sans que je n’ai rien demandé, tandis que sa copine s’obstinait à me suivre sur toute la piste. J’ai fini par mettre les voiles. Je ne comptais pas revoir Josephine, et je l’ai cherchée un moment dans la boite pour lui lancer une phrase d’adieu sincère et déchirante du style : « C’était à la fois merveilleux et atroce de te rencontrer », mais pas moyen de lui mettre le grappin dessus. Je me suis donc barré sans dire au revoir à personne. Rapidement, la nuit aphone m’a enveloppé dans son grand manteau de ténèbres, et ma silhouette s’est effacée sous leurs yeux. « Et puis voilà. Et puis tant pis ».
Le lendemain, j’étais en proie à une avalanche de sentiments contradictoires et tous plus violents les uns que les autres. Mon moi intérieur était le théâtre d’un véritable champs de bataille ou ferraillaient, en vrac : de la tendresse et sans doute un peu (beaucoup d’amour) pour elle, la frustration face à un désir impossible à satisfaire, un cri de colère contre l’existence et son implacable ironie, un cruel sentiment de manque et d’abandon, et une envie irrépressible de bouffer de l’avocat. J’adore l’avocat. Je sais faire un guacamole franchement fameux. Ça ne m’a jamais aidé à en serrer une seule, ceci dit. La cuisine comme vecteur de baise, c’est franchement de la connerie. Vous pensez sincèrement que Jean-Pierre Coffe défouraille comme un lièvre ? J’avais besoin qu’on m’aime. Ou au moins qu’on me caresse et me réconforte. J’ai relu un passage du petit prince, vous trouverez peut-être ça très con mais je m’en branle. Mon passage favori, celui qui retrace la rencontre avec le renard. Et qui comprend cet échange magnifique, qui me fout les larmes aux yeux chaque fois que je le relis :
« - Ah! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé »
Mais moi, je ne voulais pas que tu m’apprivoises, espèce d’emmerdeuse. Enfin, j’en sais rien. En tout cas, j’ai mal. Fuck it.
La semaine suivante, j’ai passé une nuit en compagnie d’une collègue du taffe arrivée tout récemment. Sur le coup, c’était fun, mais je ne compte pas recommencer, vraiment pas fan de son visage. Ça va surement foutre un peu la merde au bureau, mais tant pis. Encore une fois, je m’en branle. Et puis il y a eu hier soir, une nouvelle teuf chez Bachir. Celle où je me suis retrouvé à cofiter tout seul avec mon verre de Cuba Libre à la main. J’espérais qu’elle serait absente. Je priais pour qu’elle soit là. Je suis un gros con. Elle y était. J’ai passé une bonne partie de la soirée à la remballer. A la taquiner un peu, aussi. Elle était toujours aussi chaude. Je lui parlais depuis à peine 5 minutes quand la meuf de mon coloc est venue me voir pour me sortir un truc du genre « putain mais elle veut ta bite ! ». Bon, ben après ça on ne pourra plus dire que je me fais des films. Rah, mais quelle situation de merde. Aucune échappatoire. Abstinence, regrets, refus, tristesse. Pas d’autres choix. Rien d’autre n’est envisageable. Fuck that. Tu ne seras jamais ma chacune. Je me suis barré au moment où elle tapait un rail de MD sur la table du salon. J’aurais dû lui dire que ce n’était pas très bon pour la santé avant de partir.
Bon, même si cette histoire est franchement naze, tout n’est pas perdu pour autant. L’autre soir, j’avais un peu de mal à m’endormir (pourtant, d’habitude, après une branlette, ça va tout seul, enfin bref), alors j’ai commencé à cogiter. J’ai repensé à Joséphine, aux nanas que j’ai emballé récemment sans aucune difficulté. J’ai fait un effort de réflexion particulièrement intense, et j’ai fini par dénommer un point commun qui les relient toutes les unes aux autres. Chaque fois, je les ai emballées très peu de temps après les avoir rencontrées. Ensuite, j’ai repensé à toutes les nanas que j’ai harcelé pendant des mois sans le moindre succès, et je me suis dit que je pouvais en tirer deux conclusions possible. La première, celle que j’ai toujours privilégié jusqu’à maintenant, était que ma personnalité fantasque et à des années lumières de la norme les rendait toutes complètement folles au départ, mais qu’elles se lassaient très rapidement de leur bête de foire favorie et préféraient s’envoyer en l’air avec un type un peu plus normal. Conséquence de cette hypothèse : je serais condamné à me faire systématiquement balancer par n’importe quelle meuf avec les bouteilles de bière vides après une durée plus ou moins brève. Pas franchement réjouissant.
Mais au prix d’un effort surhumain, j’ai tenté de renverser un peu mes perspectives et d’aller au-delà du voile de Maya. J’en ai tiré une autre hypothèse, plus généraliste : l’intérêt des femmes décroit fortement avec le temps. L’inconnu excite, le connu est chiant. Rien de bien novateur, me direz-vous. A vrai dire, je l’ai toujours su. Mais il y a une différence entre savoir une chose et en avoir pleinement conscience. Entre avoir un truc dans la tête, et en persuader son corps. Alors certes, cette théorie est loin d’être parfaite, et on peut sans doute lui trouver des tonnes de contre-exemples, mais chez moi, elle s’applique à merveille. Et je la préfère légèrement à l’autre. Alors j’ai décidé de l’adopter. Il me reste deux semaines pour la mettre activement en pratique à Berlin. A Paris, tout est beaucoup plus compliqué. Bon, mes neurones vont vraiment finir apr surchauffer, je ferais bien de me foutre au pieu. Je pense au Petit Prince, au renard, et à Fitzgerald. Et à tous ces animaux aux cheveux longs et à la voix sensuelle qui traversent ma vie en me laissant chaque fois quelques marques sur la peau.
E. Dolokhov
Mes tentatives de prédire l’avenir ont rarement (pour ne pas dire jamais) été couronnées de succès. Je m’escrime pourtant à tenter de déchiffrer les auspices. Hors de question de toucher aux entrailles d’un animal, par contre. Je me contente de les bouffer.
Une bouteille à la mer. Je suis actuellement dans la position d’un naufragé échoué sur une île déserte, désespérant d’apercevoir une voile blanche à l’horizon. Si l’on suit cette métaphore, alors ces lignes sont les quelques mots que je griffonne à la hâte à l’aide de mon bic qui a pris la flotte, sur une feuille de papier miraculeusement rescapée du naufrage. Une fois le message terminé, je le fourrerai dans une bouteille que je balancerai dans l’océan. Puis je la regarderai s’éloigner du rivage en sirotant un peu de rhum ambré. Il y a toujours du rhum ambré dans les histoires de naufragé. Je la regarderai voguer vers l’ailleurs, tel un bateau ivre. En espérant que quelqu’un tombe dessus, un jour. Et qu’il ne soit pas trop tard.
Bon, mon côté théâtral prend de nouveau l’ascendant. J’amplifier outrageusement l’ampleur de mes déboires en me comparant ainsi à un type seul au monde et sans espoir. Mais ma situation actuelle a tout de même quelque chose de foutrement merdique. Je suis dans un état de fatigue physique et mentale passablement avancé, que l’on peut principalement imputer à un flagrant manque de sommeil, à la consommation de liqueur et de substances psychotropes dans des proportions déraisonnables, et à une série de péripéties éreintantes au contact de la gent féminine. De sorte que mon cerveau ne tourne plus très rond et que je ne suis même pas certain de rédiger quelque chose d’à peu près compréhensible pour le commun des mortels. Ajoutez à cela le fait que je suis tout seul dans ma piaule sans rien pour me distraire, étant foutrement incapable d’effectuer la moindre activité un tant soit peu productive. Cerise sur le gâteau, le système sonore de mon pc a subitement décidé de se faire la malle pour me laisser me démerder tout seul. L’enculé. Même la perspective de végéter devant un film à la con ou de voyager sur les accords d’un Pink Floyd m’est donc interdite. A part ça, tout baigne. La seule option valable pour occuper les quelques heures qu’il me reste avant que je ne puisse raisonnablement me foutre au pieu consiste donc à me vider le crâne en balançant tout ce qui me passe par la tête sur cette putain de page word. Tant pis pour la syntaxe, je n’en ai à l’heure actuelle franchement rien à branler, et je ne suis de toute manière pas en état de rédiger quelque chose de correct. Les lecteurs les plus alertes se démerderont pour traduire mon flux de parole incohérent en quelque chose de vaguement compréhensible, les autres pourront peut-être au moins rire un peu à mes dépens.
Tiens, je songe subitement à la mésaventure du docteur Thompson qui, lors d’une partie de plongée en haute mer, est remonté rapidement à la surface sans respecter les paliers. Le malheureux a failli clamser et s’est retrouvé bloqué dans une chambre de décompression durant plusieurs semaines afin de récupérer. Rassurez-vous, l’écrivain et journaliste de génie un rien siphonné du bocal a fini par se remettre. Une fois libre de ses mouvements et dûment dépressurisé, il écrivit tout un tas de saloperies sur Richard Nixon. Je vous recommande de les lire, à l’occaz. Lisez toute son œuvre, d’ailleurs. Au moins la partie qui a été traduite en français.
Pourquoi je parlais de ça déjà ? Ha oui. J’ai un sentiment similaire, celui d’être coincé sans pouvoir rien foutre tout en me sentant aussi bien que si un crabe géant m’avait avalé d’un seul coup avant de me recracher dans un bol de soupe à l’oignon à moitié froide. Je déteste la soupe à l’oignon. Plus encore si elle est froide. Saloperie. Bref. Les deux dernières semaines ont été relativement chaotiques, et je peinerais à en faire un résumé linéaire qui tienne à peu près débout. J’ai commencé à faire le point ce matin, aux alentours de 2h du mat, dans la cuisine de Bachir, un pote, un verre de Cuba Libre à la main. Mon quatrième de la soirée, il me semble. J’étais dans un état un peu bizarre. Je me sentais vaguement confus, cotonneux et un poil défoncé, mais pas moyen d’atteindre l’ivresse. A côté de moi, toute une bande de joyeux lurons picolaient comme des Kosovars autour d’une grande table dans la joie et la bonne humeur. A ma gauche, mon coloc Charles de passage à Berlin pour le week-end, câlinait gentiment sa nana. A ma droite, une brune magnifique au sourire craquant et un poil vicelard avait passé ses bras autour du coup de l’hôte de la soirée (Bachir, donc, au cas où vous auriez du mal à suivre) et lui caressait le buste. J’ai gardé un moment les yeux braqués sur cette scène, le regard vitreux, le cerveau tournant à cent à l’heure. Ça dansait la zumba dans mon crâne. Un vrai foutoir. En fait, je devrais commencer par le point de départ.
La semaine dernière, j’ai dûment fêté mon anniv en me retournant copieusement le crâne en compagnie de quelques comparses. Nous nous sommes rendus dans un club à l’atmosphère débridée, avec un espace en plein air rempli de canaps défoncés, un petit coin d’eau, de la minimale à plein volume et tout une tripotée de drogués. J’ai emballé une hollandaise à qui je n’ai pas dû dire plus de trois mots. Je lui ai roulé plusieurs patins, savourant goulûment sa langue avec la mienne. Mais elle a fini par se barrer en lâchant un « easy boy », je ne sais plus trop pour quoi. Il me semble que c’est parce que je commençais à mettre ma main dans son cul. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas tenté de la retenir. J’étais dans un état second. L’ecstasy était en train de me monter au cerveau et ma conscience du monde extérieur devenait toute relative.
J’ai aussi tenté de serrer une grande brune aux yeux sublimes mais elle m’a annoncé à regret que son mec était dans la salle et qu’il n’hésiterait pas à me casser copieusement la gueule s’il me chopait en train de lui faire du charme. Je n’avais que très moyennement envie de me battre, je souhaitais plutôt faire des câlins à tout le monde, crier mon amour à toutes les nanas un minimum potable qui croisaient ma route, et m’entretenir en privé avec Jim Morrison. Je suis rentré chez moi sur le coup de 10h du mat’, j’ai pioncé trois heures et j’ai fait une visite de Berlin en bateau en compagnie d’une de mes collègues de taffe, celle que j’ai tenté d’emballer à maintes reprises sans le moindre succès. Tant pis, je m’en fous un peu maintenant, à vrai dire.
Le soir même, j’ai renquillé. Bachir m’a appelé pour me proposer de passer prendre l’apéritif chez lui. Je n’ai pas pu refuser, naturellement. C’est ce soir-là que j’ai rencontré la brune évoquée plus haut pour la première fois. J’étais encore un peu à l’ouest au moment où j’ai débarqué sur place et je ne faisais pas trop gaffe à ce qu’on me disait, mais il me semble qu’une nana me l’a rapidement présentée comme étant la meuf de Bachir. Elle a utilisé un terme un peu ambigu en anglais, un truc du genre « Bachir’s friend ».Dont acte. Elle portait de grosses lunettes rectangles et arborait des semi-dreadlocks, mais son visage était franchement agréable. Nous avons commencé par échanger les formalités d’usage pendant que je mettais à picoler. Peu de temps après, elle est partie se changer pendant que je taillais le bout de gras avec le reste des individus présents autour de la table. Elle est revenue métamorphosée. Elle ne portait plus de lunettes, s’était maquillée, portait un chignon qui cachait ses dreads, et avait passé une robe noir bien aguicheuse. Tout cela la rendait foutrement bandante. Elle ressemblait un peu à une ancienne collègue de taffe sur laquelle j’ai pas mal fantasmé fût une époque, qui elle-même ressemble à une actrice française foutrement bonne dont j’ai oublié le nom. Je me souviens de l’avoir matée pendant plusieurs secondes en oubliant tout le reste en la voyant débarqué.
Ensuite, le fil de la soirée s’est un peu distendu et les choses deviennent un peu floues.
Seth, un pote ricain débarqué tout droit de LA, m’a chargé de rouler un pétard pendant que je continuais de siroter tranquillement mon verre. Sans transition apparente, je me suis soudain retrouvé passablement défoncé et un peu bourré sur les bords. La nana, Joséphine de son prénom, s’est assise à côté de moi et nous avons commencé à bavasser. Je portais un marcel bleu marine et faisais exprès de parler avec un accent franchouillard dégueulasse. Elle picolait pas mal également et commençait à être un peu fait. Elle n’arrêtait pas de me demander ou était mon béret. Tiens, au passage, Josephine, c’est aussi le nom de la première meuf que j’ai baisé. Bref. Malgré mon manque de confiance affirmé et ma proverbiale aptitude à ne jamais déceler les signaux d’intérêt envoyés par les représentantes du beau sexe, une petite ampoule rouge a fini par se mettre à clignoter dans mon esprit, m’informant que la barrière entre le copinage et le flirt était en passe d’être franchie. Sans doute était-ce sa manière de me toucher au moindre prétexte, la façon dont elle éclatait de rire à la moindre de mes conneries, ou encore son obstination à demeurer auprès de moi et à me tenir la jambe quand moult autres distractions s’offraient à elles. Peu importe. La vérité a fini par sonner comme une évidence, aussi incroyable qu’elle puisse me paraitre. Cet avion de chasse première catégorie, propriété de mon pote et hôte qui plus est, était en train de me chiner.
Sans que j’y sois pour quoi que ce soit. Je me souviens lui avoir parlé d’Alceste à bicyclette et du misanthrope. Elle m’écoutait, le visage entre les mains, un sourire aux lèvres. Et si l’expression passe pour nunuche et infantile, je me dois tout de même de l’employer : j’ai vu des étoiles dans ses yeux. Elle m’a même collé une tarte, à un moment. Bordel, pour une fois qu’une nana franchement canon et loin d’être conne veut ma queue sans que je n’ai rien eu à foutre pour la convaincre, il faut qu’elle soit en concubinage avec un de mes camarades. Karma de merde.
Quoiqu’il en soit, j’ai beau penser avec Maupassant que « La conquête des femmes est la seule aventure exaltante dans la vie d’un homme », j’ai certains principes moraux indéfectibles, dont le suivant : on ne serre jamais la meuf d’un copain. Jamais. Tant pis pour cette fois. Je m’appliquais copieusement à garder à peu près mes distances et à éviter soigneusement de la toucher. Un peu plus tard, tout ce petit monde s’est mis en route vers un club berlinois. Elle est partie en vélo, moi en transports. Seth commençait à être complètement sec, lui aussi, et nous nous faisions dragué par une paire d’allemandes dégueulasses. Sur place, Josephine était littéralement déchainée et dansait toute seule sur un podium. Elle me faisait des grands signes de loin et a fini par se planter devant moi en me réclamant une danse. J’ai rétorqué que je dansais comme un aveugle unijambiste travesti sous kétamine. En guise de réponse, elle m’a chopé la main et m’a balancé, en me toisant bien dans les yeux : « C’est ton anniversaire, je vais t’offrir une danse exceptionnelle. » (Ha parce que oui, au fait, c’était mon anniversaire). Nous avons dansé un petit moment, elle devenait de plus en plus allumeuse, tandis que je m’efforçais de ne pas trop l’encourager dans ses pulsions libertines. Hélas, je commençais à être passablement pété, et s’il était toujours hors de question de la serrer, j’avais un peu de mal à me libérer de son étreinte. Le pire, c’est que pour une fois, niveau danse, je me démerdais pas trop mal. Putain, mais qu’est-ce qu’elle me trouvait bordel ? Pourquoi elle ? Les voies du seigneur sont impénétrables.
Finalement, après une pirouette un poil audacieuse, elle a avancé ses lèvres vers les miennes, et j’ai tout juste eu le temps de tourner la tête pour accueillir sa bouche avec ma joue. Putain. J’ai subitement arrêté de me mouvoir comme un gigolo et lui ai suggéré d’aller esquisser quelques pas de danse avec son mec.
Réponse : « Il n’est pas sur le dancefloor, et je m’en fous. »
« Ouais, ben pas moi. »
Sur ce, elle m’a toisé d’un regard qu’on pourrait plus ou moins traduire par un : « Ha, vraiment ? » «doublé d’un « Tant pis pour toi, abruti » et s’est remise à danser toute seule en me tournant le dos. Je suis passé faire un tour aux chiottes pour me foutre un peu d’eau sur le visage et y ai retrouvé mon pote Seth en train de recracher son repas du soir dans l’évier. Les mélanges. C’est con, il avait passé la soirée à chiner une danoise franchement mignonne de plusieurs années sa cadette, je le voyais bien repartir avec. J’ai arpenté le club dans l’autre sens pour sortir prendre l’air après m’être assuré qu’il n’allait pas nous claquer entre les doigts. Je me suis fait arrêter net par une main tendue qui m’offrait gracieusement une bière. La main de Josephine, qui se tenait debout près du bar en compagnie de deux autres nanas. J’imagine que c’était une manière de me persuader de rester avec elles. J’ai sifflé une longue gorgée et ai poursuivi ma route sans rien dire. Je me sentais un peu perdu. Bachir est venu me dire en rigolant que je méritais amplement la palme du meilleur danseur. Il n’avait pas vraiment l’air contrarié. Je suis retourné sur la piste sans trop de convictions. Les deux teutonnes hideuses de tout à l’heure ont de nouveau jeté leur dévolu sur moi. L’une d’entre elle est venu frotter frénétiquement son cul contre le mien sans que je n’ai rien demandé, tandis que sa copine s’obstinait à me suivre sur toute la piste. J’ai fini par mettre les voiles. Je ne comptais pas revoir Josephine, et je l’ai cherchée un moment dans la boite pour lui lancer une phrase d’adieu sincère et déchirante du style : « C’était à la fois merveilleux et atroce de te rencontrer », mais pas moyen de lui mettre le grappin dessus. Je me suis donc barré sans dire au revoir à personne. Rapidement, la nuit aphone m’a enveloppé dans son grand manteau de ténèbres, et ma silhouette s’est effacée sous leurs yeux. « Et puis voilà. Et puis tant pis ».
Le lendemain, j’étais en proie à une avalanche de sentiments contradictoires et tous plus violents les uns que les autres. Mon moi intérieur était le théâtre d’un véritable champs de bataille ou ferraillaient, en vrac : de la tendresse et sans doute un peu (beaucoup d’amour) pour elle, la frustration face à un désir impossible à satisfaire, un cri de colère contre l’existence et son implacable ironie, un cruel sentiment de manque et d’abandon, et une envie irrépressible de bouffer de l’avocat. J’adore l’avocat. Je sais faire un guacamole franchement fameux. Ça ne m’a jamais aidé à en serrer une seule, ceci dit. La cuisine comme vecteur de baise, c’est franchement de la connerie. Vous pensez sincèrement que Jean-Pierre Coffe défouraille comme un lièvre ? J’avais besoin qu’on m’aime. Ou au moins qu’on me caresse et me réconforte. J’ai relu un passage du petit prince, vous trouverez peut-être ça très con mais je m’en branle. Mon passage favori, celui qui retrace la rencontre avec le renard. Et qui comprend cet échange magnifique, qui me fout les larmes aux yeux chaque fois que je le relis :
« - Ah! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé »
Mais moi, je ne voulais pas que tu m’apprivoises, espèce d’emmerdeuse. Enfin, j’en sais rien. En tout cas, j’ai mal. Fuck it.
La semaine suivante, j’ai passé une nuit en compagnie d’une collègue du taffe arrivée tout récemment. Sur le coup, c’était fun, mais je ne compte pas recommencer, vraiment pas fan de son visage. Ça va surement foutre un peu la merde au bureau, mais tant pis. Encore une fois, je m’en branle. Et puis il y a eu hier soir, une nouvelle teuf chez Bachir. Celle où je me suis retrouvé à cofiter tout seul avec mon verre de Cuba Libre à la main. J’espérais qu’elle serait absente. Je priais pour qu’elle soit là. Je suis un gros con. Elle y était. J’ai passé une bonne partie de la soirée à la remballer. A la taquiner un peu, aussi. Elle était toujours aussi chaude. Je lui parlais depuis à peine 5 minutes quand la meuf de mon coloc est venue me voir pour me sortir un truc du genre « putain mais elle veut ta bite ! ». Bon, ben après ça on ne pourra plus dire que je me fais des films. Rah, mais quelle situation de merde. Aucune échappatoire. Abstinence, regrets, refus, tristesse. Pas d’autres choix. Rien d’autre n’est envisageable. Fuck that. Tu ne seras jamais ma chacune. Je me suis barré au moment où elle tapait un rail de MD sur la table du salon. J’aurais dû lui dire que ce n’était pas très bon pour la santé avant de partir.
Bon, même si cette histoire est franchement naze, tout n’est pas perdu pour autant. L’autre soir, j’avais un peu de mal à m’endormir (pourtant, d’habitude, après une branlette, ça va tout seul, enfin bref), alors j’ai commencé à cogiter. J’ai repensé à Joséphine, aux nanas que j’ai emballé récemment sans aucune difficulté. J’ai fait un effort de réflexion particulièrement intense, et j’ai fini par dénommer un point commun qui les relient toutes les unes aux autres. Chaque fois, je les ai emballées très peu de temps après les avoir rencontrées. Ensuite, j’ai repensé à toutes les nanas que j’ai harcelé pendant des mois sans le moindre succès, et je me suis dit que je pouvais en tirer deux conclusions possible. La première, celle que j’ai toujours privilégié jusqu’à maintenant, était que ma personnalité fantasque et à des années lumières de la norme les rendait toutes complètement folles au départ, mais qu’elles se lassaient très rapidement de leur bête de foire favorie et préféraient s’envoyer en l’air avec un type un peu plus normal. Conséquence de cette hypothèse : je serais condamné à me faire systématiquement balancer par n’importe quelle meuf avec les bouteilles de bière vides après une durée plus ou moins brève. Pas franchement réjouissant.
Mais au prix d’un effort surhumain, j’ai tenté de renverser un peu mes perspectives et d’aller au-delà du voile de Maya. J’en ai tiré une autre hypothèse, plus généraliste : l’intérêt des femmes décroit fortement avec le temps. L’inconnu excite, le connu est chiant. Rien de bien novateur, me direz-vous. A vrai dire, je l’ai toujours su. Mais il y a une différence entre savoir une chose et en avoir pleinement conscience. Entre avoir un truc dans la tête, et en persuader son corps. Alors certes, cette théorie est loin d’être parfaite, et on peut sans doute lui trouver des tonnes de contre-exemples, mais chez moi, elle s’applique à merveille. Et je la préfère légèrement à l’autre. Alors j’ai décidé de l’adopter. Il me reste deux semaines pour la mettre activement en pratique à Berlin. A Paris, tout est beaucoup plus compliqué. Bon, mes neurones vont vraiment finir apr surchauffer, je ferais bien de me foutre au pieu. Je pense au Petit Prince, au renard, et à Fitzgerald. Et à tous ces animaux aux cheveux longs et à la voix sensuelle qui traversent ma vie en me laissant chaque fois quelques marques sur la peau.
E. Dolokhov
- Notes et commentaires reçus par ce post :
- [0] Sympa :) le 15.07.13, 23h11 par Onmyoji
J’ai toujours été fasciné par les spiritualités anciennes, christianisme, hindouisme, paganisme… autant de conceptions du monde qui font la part belle à l’intangible, à l’étrange, au Miracle, à tout ce qui échappe à la logique froide et vulgaire de la rationalité. La tradition romantique qui insuffle une âme au cœur de la nature me laisse sans voix. La Grâce, quel concept sublime. La voix d’un autre âge qui émane des textes de Bossuet, Pascal, Chateaubriand et Bloy me donnerait presque envie de me convertir. Presque, car bien évidemment, si je trouve tant d’attraits à tous ces mythes, c’est parce que je n’y crois pas une seconde. Parce qu’ils forment une illusion plaisante et enchanteresse, à laquelle il est bon de s’abandonner rien qu’un instant. Comme la fine éclaircie qui succède à l’averse et précède l’orage est source d’espoirs rapidement dissipés. Je n’ai jamais cru en rien, sinon en l’absurdité du monde, des choses, de l’existence, en la terreur aphone de l’univers. Dans le désert, personne ne vous entend crier. Et tant mieux, au fond, tant mieux. On est ainsi contraint de trouver en soi-même les forces qu’on ne peut trouver dans aucune illusion étrangère.
La mythologie scandinave fait d’ailleurs figure de curieuse exception. Toutes ses semblables font du lieu où vivent les dieux (qu’on l’appelle Olympe, Paradis ou autre) des havres de félicité placés bien au-dessus des têtes des hommes, quelque part dans le ciel. Ici, le domaine des dieux se nomme Asgard. Il est situé au centre du monde et n’a rien de sympathique, tout en palais austères, en tours immenses et sans âmes, bercés dans le silence éternel des espaces infinis. Les dieux qui y résident n’y font pas non plus figure de joyeux lurons ou de sauveurs : la mine grave et contrite, conscient des désastres qui s’annoncent. Car en plus de ne pas respirer le bonheur, les dieux nordiques sont impuissants : ils sont sous la menace permanente des géants, leurs rivaux qui finiront immanquablement par les submerger et réduire leur demeure à néant. J’aime beaucoup cette légende, en grande partie pour son pessimisme, sans doute. Je me vois assez bien dans la peau d’un de ses dieux, attendant patiemment l’inéluctable…
Je crois que si j’étais moins raisonnable, je serais bourré en permanence. J’adore ça. J’aime la sensation grisante que procure l’ivresse, le dérèglement insensé de tous les sens, ses incroyables pouvoirs psychoactifs qui vous font oublier la norme et vous incitent subtilement à faire n’importe quoi. Jouissance de la bacchanale. Par exemple, si je n’avais pas être légèrement pété samedi dernier, je n’aurais peut-être pas eu l’idée de demander à Olivia si elle m’autorisait à lui faire un câlin. Nous venions de vider une bouteille de bière russe que j’avais acheté le jour-même dans un comptoir vendant exclusivement des produits de l’Est. J’avais tenté de chiner la vendeuse mais elle peinait à aligner trois mots de Français. Je rêve de me faire une russe. Une panthère venue du froid. Je vais lui proposer de lui donner des cours, puis je lui ferai boire de la vodka et je lui demanderai de me chanter les chœurs de l’Armée Rouge. Je n’ai jamais baisé sur les chœurs de l’Armée Rouge. Et vous ?
Bref, Olivia était à ma gauche, sur mon canapé, et elle s’éloignait progressivement et imperceptiblement de son côté, comme si elle avait la trouille que je la touche. Je le lui ai fait remarquer et j’ai commencé à m’éloigner de mon côté également en lui disant qu’ainsi elle aurait moins peur. Elle m’a chopé fermement le poignet et m’a ramené vers elle d’un geste autoritaire. Olivia fait 1m47. Comme toutes les lilliputiennes, elle a une grande gueule et un caractère de merde. Elle a aussi un gros cul, une poitrine volumineuse, des grands yeux bleus, les yeux revolver, comme dirait Marc, et des poignets d’amour. Un visage très expressif, des mimiques à faire fondre un oligarque post-soviétique. Et c’est une vraie salope. Il était prévu que nous nous rendions chez un pote à elle qui organisait une sauterie avant son départ de Grenoble. Ce type avait tenté de se la faire pendant des mois, mais malheureusement pour lui elle se tapait déjà son coloc. Le petit veinard.
Au moment de partir, je lui ai donc demandé si je pouvais d’abord lui faire un câlin, elle est venue contre moi et nous n’avons jamais décollé. Non pas que je l’ai baisée, étant donné que je n’ai toujours pas réussi à briser cette étrange loi qui veut qu’une nana cesse immédiatement de s’intéresser à moi dès qu’elle commence à me connaitre un peu. Mais je l’ai caressée un moment. J’ai pu lui toucher le cul sans aucun problème mais elle éloignait toujours mes mains de sa poitrine. Nous avons beaucoup parlé, de choses plutôt intimes, pas le genre de conversation que j’ai souvent, elle m’a dit qu’elle adorait mon parfum, et elle s’est endormie sur moi, se réveillant et se rendormant à plusieurs reprises. Elle ronflait, aussi, j’ai rarement vu une meuf ronfler autant. Elle a fini par rentrer chez elle malgré mes subtiles incitations visant à lui faire franchir les quelques mètres séparant mon canap’ de mon lit.
Bon certes, la perspective de dormir avec elle me terrifiait. Je me suis tapé quasi-exclusivement des nanas encore jeunes et innocentes, qui n’avaient pas beaucoup d’éléments de comparaison et face à qui j’éprouvais un confortable sentiment de supériorité. Olivia a vu défiler des kilomètres de bites en tous genres, son ex est un lieutenant de la Légion taillé comme un Action Man et elle a sillonné la quasi-totalité de l’Amérique Latine, y compris la jungle colombienne, en zone FARC. Elle a eu une éducation assez libérale, parents soixante-huitards et divorcés qui l’ont toujours incité à tenter le plus d’expériences possibles (c’est-à-dire voyager, tester toutes les drogues et baiser un maximum de mecs. Et de meufs). Son père a toujours été un peu distant, elle lui voue une admiration sans borne et essaie de combler le manque en trouvant le mec idéal. Difficile de rivaliser. J’ai beau faire 50cm de plus, je me sens minuscule à ses côtés. Mais tant pis, je me suis déjà lancé à maintes reprises dans des défis sacrément audacieux, alors un de plus, un de moins… Mais au diable toutes ces considérations puisque rien de tout cela n’a fonctionné et qu’Olivia est finalement rentrée chez elle à vélo.
Je pensais vraiment que j’allais y arriver, ce coup-là. La première fois que je l’ai rencontrée, il y a quelques mois, je venais de larguer (tacitement) la nana avec qui j’étais depuis quelques semaines, Angéla, qui se barrait à Paris et n’avait pas suffisamment d’attrait pour que je me lance dans une amourette par télégramme. Et de toute manière, je ne l’aimais pas vraiment. J’ai du mal avec l’attirance réciproque. Un don pour m’enticher de nanas que j’indiffère totalement tout en négligeant celles qui tiennent à moi. Léa ne voulait plus de moi et était retournée vers son trentenaire plein aux as qui lui offrait des Macbook pro. Léa me ressemble énormément, même si en apparence rien ne permet de s’en rendre compte. Elle est plutôt discrète, assez réservée et introvertie, évitant en permanence de se faire remarquer, alors que j’ai tendance à gueuler et casser les couilles à tout le monde dès que j’investis un lieu. Elle se contrefout de son apparence alors que je passe des heures à me coiffer et à choisir mes fringues.
Mais dans le fond, on s’accorde sur l’essentiel. Elle est un peu larguée, à l’ouest, socialement inadaptée, un peu dépressive, dotée d’une existence intérieure dynamique et conflictuelle. Surtout, j’arrivais à lui parler en toute sincérité, ce qui ne m’arrive absolument jamais. Si je ne mens jamais directement, je suis bien forcé de mentir en permanence par omission. Avec elle, non, je ne prenais aucun soin de mon image, n’essayais pas de jouer un rôle, balançait simplement ce qui me passait par la tête, sans faire gaffe. Je considère que dévoiler ses faiblesses sans prendre garde (ou tout du moins avant d’avoir baisé) constitue la pire des conneries. Il faut être confiant, droit, saillant, sûr de soi, une forteresse imprenable contre laquelle toute une panzer division viendrait s’écraser. Un officier soviétique en villégiature dans une station balnéaire sur la mer noire, menton levé, marchant au pas, le contact froid et rassurant du canon d’un flingue contre la cuisse. Léa avait ce regard, cette intonation qui signifiait que quoi qu’il advienne, quoi que je dise ou fasse, son opinion sur moi resterait identique. C’était reposant. Mais je n’ai pas voulu l’arracher à son trentenaire, je n’avais rien à lui promettre. Lui, si.
Peu après ça, je suis parti en Hollande, chez un pote, où j’ai fait la connaissance de Sarah, une petite italienne aux grands yeux bleus. J’étais sur le point de l’emballer quand mon pote m’a demandé de la lui laisser. Il était dessus depuis des semaines. Fuck it. En arrière, soldats. Peu après mon retour en France, je faisais la connaissance d’Olivia, qui me rappelait furieusement la petite Sarah. Et aussi une autre nana, fictive, celle-là. Il y a quelques années, j’ai lu un bouquin qui, pour diverses raisons, m’a énormément marqué. Le personnage principal y fait au milieu de l’histoire la connaissance d’11h30 (oui, c’est son nom, c’est bizarre au début mais on s’y fait vite, vous verrez), une petite parisienne grande gueule, lubrique, avec un gros carafon et de l’énergie à revendre. J’ignore totalement pourquoi mais à l’époque, je me suis dit que je donnerais beaucoup pour rencontre une meuf comme celle-là. Ça m’est depuis arrivé à trois reprises. Les deux premières ont été des échecs fulgurants dont je vous parlerai peut-être une autre fois. La troisième se nomme Olivia. Son physique, son caractère mêlant un peu tout ce que j’aime, sa ressemblance avec Sarah et avec 11h30 : une coupe empoisonnée à boire d’un seul trait. On court toujours après une image, un fantasme qui se construit tout seul dans notre esprit pervers. Tel Swann qui s’éprend d’Odette, troublé par sa ressemblance avec un tableau de Botticelli.
C’est un ami commun qui nous a présenté, un dénommé Jean-Mouloud que j’ai déjà évoqué en ces pages, il y a quelque temps. Au début, ça semblait gagné d’avance. Si je suis foutrement incapable de fourrer ma langue dans la bouche d’une meuf que je côtoie depuis quelques temps, je n’ai en général pas trop de problèmes avec celles que je viens de rencontrer. En outre, elle avait l’air d’être une sacrée chagasse et faisait tout pour me témoigner de son intérêt. Lors de son anniversaire, nous étions chez moi, avec elle et Jean-Mouloud, et je l’ai longuement massée. Lorsque je lui touchais le bas du dos elle s’avançait en avant, le corps parcouru de petites décharges électriques, comme si elle était sur le point d’avoir un orgasme. Bandant.
L’occasion n’a pas tardé à se présenter, sous la forme d’une sauterie épique au cours de laquelle nous avons (Jean-Mouloud, mon coloc, Olivia et moi) ingéré de l’ecstasy avant d’aller danser. La came venait de faire effet et je commençais à lui bisouiller le front lorsque JM m’a dit qu’elle ne voulait finalement pas que je la baise. En temps normal, je n’en aurais rien eu à foutre et aurais probablement continué à la chauffer malgré tout. Mais c’est là que l’ecstasy a commencé à poser problème. Comprenez-moi bien : en temps normal, la prise de cette drogue confère une sensation de bonheur intense, grisante, excessive et continue (au passage, ne vous droguez pas, c’est mal). Malheureusement, s’il vous arrive un truc un tant soit peu fâcheux, le risque est grand pour que cette vague fourmillante d’énergie positive se mue subitement en son pôle contraire, d’où un bad assez vénère. Je n’en avais jamais fait l’expérience, et je ne la recommande à personne. Du coup, j’ai passé une sacrée soirée de merde, avec l’impression d’avoir un trou noir dans le bas ventre qui pompait toute mon énergie. Olivia me faisait l’effet d’un dahlia noir ensorcelé, pétri d’énergie maléfique. Je n’ai jamais repris d’ecsta depuis.
Puisqu’elle ne voulait pas jouer au docteur et que sa conversation en elle-même n’avait pas le moindre intérêt, j’avais donc décidé de ne plus revoir Olivia. Mais je n’ai pas la moindre volonté en la matière et elle s’est sacrément accrochée, la garce. De sorte que nous avons joué au chat et à la souris un moment, jusqu’à ce fameux samedi soir sur mon canap’ en fait, moi m’efforçant inlassablement de la coincer, elle s’échappant toujours par une faille invisible jusqu’alors. Et chaque fois que je finissais par me dire que cette course effrénée ne mènerait nulle part, elle revenait à la charge. Compliqué.
J’avais déjà vécu ce genre de situations un paquet de fois, je la savais sans issue et vouée à l’échec, mais comme d’hab j’étais tout bonnement incapable de l’envoyer valser définitivement. Il aurait été mille fois plus simple de niquer une meuf rencontrée au hasard d’une soirée fortement alcoolisée, mais malheureusement Olivia avait su m’apprivoiser, elle. J’ai la chance d’être attiré par un type de meuf auquel je ne plais pas du tout. J’attire immanquablement des nanas plutôt ingénues, calmes et réservées, alors que ce sont les salopes à grande gueule qui me font tourner la tête. Mais peut être que ce coup-là, c’était bon, après tout. Elle s’était laissée caresser, suffisait de franchir l’étape suivante. J’allais peut-être enfin avoir l’occaz de me taper une meuf qui me connait un minimum, ce qui m’aurait quand même un peu rassuré sur ma personnalité. Je me méfiais, bien sûr, m’étant planté un nombre incalculable de fois dans des situations similaires, et il n’est jamais très agréable de voir ses espoirs réduits d’un coup à néant. J’évitais de me branler sur elle, par exemple. En faisant en sorte de ne pas partir vaincu d’avance non plus. Tout est question de juste milieu. Ne pas trop espérer pour ne pas chuter de trop haut, ne pas y aller à reculons pour être sûr d’avoir fait le maximum en cas d’échec.
La dernière fois que j’ai vu Olivia, c’était hier. Je ne l’avais pas revue depuis samedi dernier. Je ne savais pas du tout à quoi m’en tenir. Il y a longtemps que j’évite de faire des plans sur la comète et que je me contente de me laisser bercer par le flot des évènements, agissant par pur instinct plutôt que par réflexion. Bon, certes, je me disais qu’une partie de jambes en l’air ne serait clairement pas de refus, mais bref. Elle m’a prévenu qu’elle devrait se barrer tôt pour cause de rendez-vous médical aux aurores le lendemain. J’avais fait à bouffer et on avait prévu de mater un film. Walk the line, qu’on adore tous les deux. Je l’ai revue peu après l’avoir rencontré et je lui trouvais un air de Reese Whiterspoon. Je me rêvais un peu en Johnny Cash, je l’avoue. Elle portait un pantalon d’été flottant et un haut noir assez seyant qui moulait parfaitement ses seins. Elle était assez fuyante, volontairement distante et je n’ai pas vraiment eu l’occaz de la caresser. Elle s’est barrée avant la fin. Trop crevée. J’ai commencé à la câliner au moment où elle a voulu me dire au-revoir mais elle s’est extirpée assez vite. J’ai fini la bouteille de rouge qu’elle avait ramené, le film, lu quelques conneries sur internet et me suis pieuté.
A la réflexion, je me comporte comme une chiffe molle ces derniers temps. Il fût un temps où j’étais viril, acéré et peu enclin à prêter le flanc. Ce temps est visiblement révolu, puisque je passe mon temps à donner le fouet pour me faire battre et à laisser mon âme se faire lentement ronger par un acide fait d’un mix entre poésie décadente, petite aux grands yeux bleus et conneries romantiques. Il est clairement tant que je me reprenne. Tiens, je n’ai pas boxé depuis un mois, par exemple, ça me manque. J’en ai besoin. Je suis quelqu’un de violent. Pas physiquement, je n’aime pas faire mal gratuitement. C’est plus profond que ça. Je suis toujours en proie à mille et une passions hostiles et contradictoires. Et j’aime trancher dans le vif. Tout ou rien. Jamais de compromis. Et puis j’aime profondément les sensations que procure la boxe. Le fait d’être sur un ring, avec un type en face qui s’apprête à vous casser la gueule, est incroyablement grisant. C’est surement dû à mon cerveau reptilien particulièrement développé. J’aime aussi manger de la viande rouge crûe, pisser dans la nature et ne pas me laver après le sexe.
J’imagine qu’on a tous des phobies plus ou moins rationnelles. Dans un de ces bouquins, Limonov parle d’un officier de l’armée soviétique qui obtient une promotion à la place de son père (également dans l’armée) tout en étant moins talentueux que lui. Toute sa vie, Limonov a eu les jetons de se faire doubler par un type de ce genre : un mec moins talentueux, moins bon que vous, mais à qui la chance sourit davantage. J’ai aussi le mien. Il y a quelques années, je rêvais de me farcir une de mes amies (la 11h30 numéro 2, en fait, quand je vous dis que l’histoire est un éternel recommencement). A une période où je pensais être sur le point de me la faire, elle s’est mise à coucher avec un type de son taffe, un certain Paul Bécaud. Elle n’arrêtait pas de répéter que c’était un crétin fini, mais qu’il avait également une grosse bite et baisait comme un Dieu. Depuis, j’ai en permanence la trouille de voir surgir un Paul Bécaud. Un type sorti de nulle part qui vous pique une gonzesse avec qui vous pensiez être sur le point d’y arriver. Des Paul Bécaud, Olivia a dû s’en taper un paquet. Il m’est d’ailleurs arrivé d’être moi-même un Paul Bécaud, à maintes reprises, débarquant à une sauterie où je ne connaissais personne et piquant la nana qu’un autre type convoitait. Mais en ce moment, je ne le suis plus, je suis devenu une vraie fiotte, il est temps de se reprendre en main.
Le problème, avec Olivia, c’est qu’elle me pompe mon énergie vitale. Chaque fois que je la vois, j’ai la sensation d’être la dernière des merdes, un type tout juste bon à lui servir de joujou avant qu’elle n’aille se faire emplafonner par une armée de Paul Bécaud. Belle et dangereuse comme une rose. Il faut fuir ce genre de personnes. A tout prix. Ça serait pas mal que je parvienne à tenir mes résolutions, pour une fois.
« Il n'y aura plus de lettre non plus, ni de téléphone, ni de signe. Je n'ai pas été très prudent et je ne pensais pas que peu à peu je risquais là un peu de peine. Mais voilà que je me suis blessé au rosier en cueillant une rose.
Le rosier dira : quelle importance avais-je pour vous ? Moi je suce mon doigt qui saigne comme ça, un peu, et je réponds : aucune, rosier, aucune. Rien n'a d'importance dans la vie. (Même pas la vie.) Adieu, rosier. »
Une dénommée Marie-Charlotte a l’air de vouloir ma queue. Pourquoi pas, elle fait de l’équitation, même si son visage est un peu étrange. Elle revient à Grenoble dans une semaine. Je finirai par oublier Olivia, comme toutes les autres. C’est comme une maladie, le genre de saloperie qu’on chope sans raison et pour laquelle on n’a pas encore inventé d’antibiotiques. Extrêmement douloureux au début, sans qu’on puisse rien faire pour soulager la peine. Il suffit de morfler en serrant les dents, et d’attendre. Attendre qu’elle s’évanouisse brusquement pour se muer en un souvenir, le pâle souvenir d’une occasion manquée, de ce qui aurait pu être et ne sera jamais. Elle va me manquer, malgré tout. Note pour l’avenir : les baiser très rapidement, avant qu’on ne puisse vraiment faire connaissance. Ensuite, roue libre. Il fait particulièrement chaud, j’ai bien fait de me garder de la bière au frais. Ciao, Olivia.
E. Dolokhov
La mythologie scandinave fait d’ailleurs figure de curieuse exception. Toutes ses semblables font du lieu où vivent les dieux (qu’on l’appelle Olympe, Paradis ou autre) des havres de félicité placés bien au-dessus des têtes des hommes, quelque part dans le ciel. Ici, le domaine des dieux se nomme Asgard. Il est situé au centre du monde et n’a rien de sympathique, tout en palais austères, en tours immenses et sans âmes, bercés dans le silence éternel des espaces infinis. Les dieux qui y résident n’y font pas non plus figure de joyeux lurons ou de sauveurs : la mine grave et contrite, conscient des désastres qui s’annoncent. Car en plus de ne pas respirer le bonheur, les dieux nordiques sont impuissants : ils sont sous la menace permanente des géants, leurs rivaux qui finiront immanquablement par les submerger et réduire leur demeure à néant. J’aime beaucoup cette légende, en grande partie pour son pessimisme, sans doute. Je me vois assez bien dans la peau d’un de ses dieux, attendant patiemment l’inéluctable…
Je crois que si j’étais moins raisonnable, je serais bourré en permanence. J’adore ça. J’aime la sensation grisante que procure l’ivresse, le dérèglement insensé de tous les sens, ses incroyables pouvoirs psychoactifs qui vous font oublier la norme et vous incitent subtilement à faire n’importe quoi. Jouissance de la bacchanale. Par exemple, si je n’avais pas être légèrement pété samedi dernier, je n’aurais peut-être pas eu l’idée de demander à Olivia si elle m’autorisait à lui faire un câlin. Nous venions de vider une bouteille de bière russe que j’avais acheté le jour-même dans un comptoir vendant exclusivement des produits de l’Est. J’avais tenté de chiner la vendeuse mais elle peinait à aligner trois mots de Français. Je rêve de me faire une russe. Une panthère venue du froid. Je vais lui proposer de lui donner des cours, puis je lui ferai boire de la vodka et je lui demanderai de me chanter les chœurs de l’Armée Rouge. Je n’ai jamais baisé sur les chœurs de l’Armée Rouge. Et vous ?
Bref, Olivia était à ma gauche, sur mon canapé, et elle s’éloignait progressivement et imperceptiblement de son côté, comme si elle avait la trouille que je la touche. Je le lui ai fait remarquer et j’ai commencé à m’éloigner de mon côté également en lui disant qu’ainsi elle aurait moins peur. Elle m’a chopé fermement le poignet et m’a ramené vers elle d’un geste autoritaire. Olivia fait 1m47. Comme toutes les lilliputiennes, elle a une grande gueule et un caractère de merde. Elle a aussi un gros cul, une poitrine volumineuse, des grands yeux bleus, les yeux revolver, comme dirait Marc, et des poignets d’amour. Un visage très expressif, des mimiques à faire fondre un oligarque post-soviétique. Et c’est une vraie salope. Il était prévu que nous nous rendions chez un pote à elle qui organisait une sauterie avant son départ de Grenoble. Ce type avait tenté de se la faire pendant des mois, mais malheureusement pour lui elle se tapait déjà son coloc. Le petit veinard.
Au moment de partir, je lui ai donc demandé si je pouvais d’abord lui faire un câlin, elle est venue contre moi et nous n’avons jamais décollé. Non pas que je l’ai baisée, étant donné que je n’ai toujours pas réussi à briser cette étrange loi qui veut qu’une nana cesse immédiatement de s’intéresser à moi dès qu’elle commence à me connaitre un peu. Mais je l’ai caressée un moment. J’ai pu lui toucher le cul sans aucun problème mais elle éloignait toujours mes mains de sa poitrine. Nous avons beaucoup parlé, de choses plutôt intimes, pas le genre de conversation que j’ai souvent, elle m’a dit qu’elle adorait mon parfum, et elle s’est endormie sur moi, se réveillant et se rendormant à plusieurs reprises. Elle ronflait, aussi, j’ai rarement vu une meuf ronfler autant. Elle a fini par rentrer chez elle malgré mes subtiles incitations visant à lui faire franchir les quelques mètres séparant mon canap’ de mon lit.
Bon certes, la perspective de dormir avec elle me terrifiait. Je me suis tapé quasi-exclusivement des nanas encore jeunes et innocentes, qui n’avaient pas beaucoup d’éléments de comparaison et face à qui j’éprouvais un confortable sentiment de supériorité. Olivia a vu défiler des kilomètres de bites en tous genres, son ex est un lieutenant de la Légion taillé comme un Action Man et elle a sillonné la quasi-totalité de l’Amérique Latine, y compris la jungle colombienne, en zone FARC. Elle a eu une éducation assez libérale, parents soixante-huitards et divorcés qui l’ont toujours incité à tenter le plus d’expériences possibles (c’est-à-dire voyager, tester toutes les drogues et baiser un maximum de mecs. Et de meufs). Son père a toujours été un peu distant, elle lui voue une admiration sans borne et essaie de combler le manque en trouvant le mec idéal. Difficile de rivaliser. J’ai beau faire 50cm de plus, je me sens minuscule à ses côtés. Mais tant pis, je me suis déjà lancé à maintes reprises dans des défis sacrément audacieux, alors un de plus, un de moins… Mais au diable toutes ces considérations puisque rien de tout cela n’a fonctionné et qu’Olivia est finalement rentrée chez elle à vélo.
Je pensais vraiment que j’allais y arriver, ce coup-là. La première fois que je l’ai rencontrée, il y a quelques mois, je venais de larguer (tacitement) la nana avec qui j’étais depuis quelques semaines, Angéla, qui se barrait à Paris et n’avait pas suffisamment d’attrait pour que je me lance dans une amourette par télégramme. Et de toute manière, je ne l’aimais pas vraiment. J’ai du mal avec l’attirance réciproque. Un don pour m’enticher de nanas que j’indiffère totalement tout en négligeant celles qui tiennent à moi. Léa ne voulait plus de moi et était retournée vers son trentenaire plein aux as qui lui offrait des Macbook pro. Léa me ressemble énormément, même si en apparence rien ne permet de s’en rendre compte. Elle est plutôt discrète, assez réservée et introvertie, évitant en permanence de se faire remarquer, alors que j’ai tendance à gueuler et casser les couilles à tout le monde dès que j’investis un lieu. Elle se contrefout de son apparence alors que je passe des heures à me coiffer et à choisir mes fringues.
Mais dans le fond, on s’accorde sur l’essentiel. Elle est un peu larguée, à l’ouest, socialement inadaptée, un peu dépressive, dotée d’une existence intérieure dynamique et conflictuelle. Surtout, j’arrivais à lui parler en toute sincérité, ce qui ne m’arrive absolument jamais. Si je ne mens jamais directement, je suis bien forcé de mentir en permanence par omission. Avec elle, non, je ne prenais aucun soin de mon image, n’essayais pas de jouer un rôle, balançait simplement ce qui me passait par la tête, sans faire gaffe. Je considère que dévoiler ses faiblesses sans prendre garde (ou tout du moins avant d’avoir baisé) constitue la pire des conneries. Il faut être confiant, droit, saillant, sûr de soi, une forteresse imprenable contre laquelle toute une panzer division viendrait s’écraser. Un officier soviétique en villégiature dans une station balnéaire sur la mer noire, menton levé, marchant au pas, le contact froid et rassurant du canon d’un flingue contre la cuisse. Léa avait ce regard, cette intonation qui signifiait que quoi qu’il advienne, quoi que je dise ou fasse, son opinion sur moi resterait identique. C’était reposant. Mais je n’ai pas voulu l’arracher à son trentenaire, je n’avais rien à lui promettre. Lui, si.
Peu après ça, je suis parti en Hollande, chez un pote, où j’ai fait la connaissance de Sarah, une petite italienne aux grands yeux bleus. J’étais sur le point de l’emballer quand mon pote m’a demandé de la lui laisser. Il était dessus depuis des semaines. Fuck it. En arrière, soldats. Peu après mon retour en France, je faisais la connaissance d’Olivia, qui me rappelait furieusement la petite Sarah. Et aussi une autre nana, fictive, celle-là. Il y a quelques années, j’ai lu un bouquin qui, pour diverses raisons, m’a énormément marqué. Le personnage principal y fait au milieu de l’histoire la connaissance d’11h30 (oui, c’est son nom, c’est bizarre au début mais on s’y fait vite, vous verrez), une petite parisienne grande gueule, lubrique, avec un gros carafon et de l’énergie à revendre. J’ignore totalement pourquoi mais à l’époque, je me suis dit que je donnerais beaucoup pour rencontre une meuf comme celle-là. Ça m’est depuis arrivé à trois reprises. Les deux premières ont été des échecs fulgurants dont je vous parlerai peut-être une autre fois. La troisième se nomme Olivia. Son physique, son caractère mêlant un peu tout ce que j’aime, sa ressemblance avec Sarah et avec 11h30 : une coupe empoisonnée à boire d’un seul trait. On court toujours après une image, un fantasme qui se construit tout seul dans notre esprit pervers. Tel Swann qui s’éprend d’Odette, troublé par sa ressemblance avec un tableau de Botticelli.
C’est un ami commun qui nous a présenté, un dénommé Jean-Mouloud que j’ai déjà évoqué en ces pages, il y a quelque temps. Au début, ça semblait gagné d’avance. Si je suis foutrement incapable de fourrer ma langue dans la bouche d’une meuf que je côtoie depuis quelques temps, je n’ai en général pas trop de problèmes avec celles que je viens de rencontrer. En outre, elle avait l’air d’être une sacrée chagasse et faisait tout pour me témoigner de son intérêt. Lors de son anniversaire, nous étions chez moi, avec elle et Jean-Mouloud, et je l’ai longuement massée. Lorsque je lui touchais le bas du dos elle s’avançait en avant, le corps parcouru de petites décharges électriques, comme si elle était sur le point d’avoir un orgasme. Bandant.
L’occasion n’a pas tardé à se présenter, sous la forme d’une sauterie épique au cours de laquelle nous avons (Jean-Mouloud, mon coloc, Olivia et moi) ingéré de l’ecstasy avant d’aller danser. La came venait de faire effet et je commençais à lui bisouiller le front lorsque JM m’a dit qu’elle ne voulait finalement pas que je la baise. En temps normal, je n’en aurais rien eu à foutre et aurais probablement continué à la chauffer malgré tout. Mais c’est là que l’ecstasy a commencé à poser problème. Comprenez-moi bien : en temps normal, la prise de cette drogue confère une sensation de bonheur intense, grisante, excessive et continue (au passage, ne vous droguez pas, c’est mal). Malheureusement, s’il vous arrive un truc un tant soit peu fâcheux, le risque est grand pour que cette vague fourmillante d’énergie positive se mue subitement en son pôle contraire, d’où un bad assez vénère. Je n’en avais jamais fait l’expérience, et je ne la recommande à personne. Du coup, j’ai passé une sacrée soirée de merde, avec l’impression d’avoir un trou noir dans le bas ventre qui pompait toute mon énergie. Olivia me faisait l’effet d’un dahlia noir ensorcelé, pétri d’énergie maléfique. Je n’ai jamais repris d’ecsta depuis.
Puisqu’elle ne voulait pas jouer au docteur et que sa conversation en elle-même n’avait pas le moindre intérêt, j’avais donc décidé de ne plus revoir Olivia. Mais je n’ai pas la moindre volonté en la matière et elle s’est sacrément accrochée, la garce. De sorte que nous avons joué au chat et à la souris un moment, jusqu’à ce fameux samedi soir sur mon canap’ en fait, moi m’efforçant inlassablement de la coincer, elle s’échappant toujours par une faille invisible jusqu’alors. Et chaque fois que je finissais par me dire que cette course effrénée ne mènerait nulle part, elle revenait à la charge. Compliqué.
J’avais déjà vécu ce genre de situations un paquet de fois, je la savais sans issue et vouée à l’échec, mais comme d’hab j’étais tout bonnement incapable de l’envoyer valser définitivement. Il aurait été mille fois plus simple de niquer une meuf rencontrée au hasard d’une soirée fortement alcoolisée, mais malheureusement Olivia avait su m’apprivoiser, elle. J’ai la chance d’être attiré par un type de meuf auquel je ne plais pas du tout. J’attire immanquablement des nanas plutôt ingénues, calmes et réservées, alors que ce sont les salopes à grande gueule qui me font tourner la tête. Mais peut être que ce coup-là, c’était bon, après tout. Elle s’était laissée caresser, suffisait de franchir l’étape suivante. J’allais peut-être enfin avoir l’occaz de me taper une meuf qui me connait un minimum, ce qui m’aurait quand même un peu rassuré sur ma personnalité. Je me méfiais, bien sûr, m’étant planté un nombre incalculable de fois dans des situations similaires, et il n’est jamais très agréable de voir ses espoirs réduits d’un coup à néant. J’évitais de me branler sur elle, par exemple. En faisant en sorte de ne pas partir vaincu d’avance non plus. Tout est question de juste milieu. Ne pas trop espérer pour ne pas chuter de trop haut, ne pas y aller à reculons pour être sûr d’avoir fait le maximum en cas d’échec.
La dernière fois que j’ai vu Olivia, c’était hier. Je ne l’avais pas revue depuis samedi dernier. Je ne savais pas du tout à quoi m’en tenir. Il y a longtemps que j’évite de faire des plans sur la comète et que je me contente de me laisser bercer par le flot des évènements, agissant par pur instinct plutôt que par réflexion. Bon, certes, je me disais qu’une partie de jambes en l’air ne serait clairement pas de refus, mais bref. Elle m’a prévenu qu’elle devrait se barrer tôt pour cause de rendez-vous médical aux aurores le lendemain. J’avais fait à bouffer et on avait prévu de mater un film. Walk the line, qu’on adore tous les deux. Je l’ai revue peu après l’avoir rencontré et je lui trouvais un air de Reese Whiterspoon. Je me rêvais un peu en Johnny Cash, je l’avoue. Elle portait un pantalon d’été flottant et un haut noir assez seyant qui moulait parfaitement ses seins. Elle était assez fuyante, volontairement distante et je n’ai pas vraiment eu l’occaz de la caresser. Elle s’est barrée avant la fin. Trop crevée. J’ai commencé à la câliner au moment où elle a voulu me dire au-revoir mais elle s’est extirpée assez vite. J’ai fini la bouteille de rouge qu’elle avait ramené, le film, lu quelques conneries sur internet et me suis pieuté.
A la réflexion, je me comporte comme une chiffe molle ces derniers temps. Il fût un temps où j’étais viril, acéré et peu enclin à prêter le flanc. Ce temps est visiblement révolu, puisque je passe mon temps à donner le fouet pour me faire battre et à laisser mon âme se faire lentement ronger par un acide fait d’un mix entre poésie décadente, petite aux grands yeux bleus et conneries romantiques. Il est clairement tant que je me reprenne. Tiens, je n’ai pas boxé depuis un mois, par exemple, ça me manque. J’en ai besoin. Je suis quelqu’un de violent. Pas physiquement, je n’aime pas faire mal gratuitement. C’est plus profond que ça. Je suis toujours en proie à mille et une passions hostiles et contradictoires. Et j’aime trancher dans le vif. Tout ou rien. Jamais de compromis. Et puis j’aime profondément les sensations que procure la boxe. Le fait d’être sur un ring, avec un type en face qui s’apprête à vous casser la gueule, est incroyablement grisant. C’est surement dû à mon cerveau reptilien particulièrement développé. J’aime aussi manger de la viande rouge crûe, pisser dans la nature et ne pas me laver après le sexe.
J’imagine qu’on a tous des phobies plus ou moins rationnelles. Dans un de ces bouquins, Limonov parle d’un officier de l’armée soviétique qui obtient une promotion à la place de son père (également dans l’armée) tout en étant moins talentueux que lui. Toute sa vie, Limonov a eu les jetons de se faire doubler par un type de ce genre : un mec moins talentueux, moins bon que vous, mais à qui la chance sourit davantage. J’ai aussi le mien. Il y a quelques années, je rêvais de me farcir une de mes amies (la 11h30 numéro 2, en fait, quand je vous dis que l’histoire est un éternel recommencement). A une période où je pensais être sur le point de me la faire, elle s’est mise à coucher avec un type de son taffe, un certain Paul Bécaud. Elle n’arrêtait pas de répéter que c’était un crétin fini, mais qu’il avait également une grosse bite et baisait comme un Dieu. Depuis, j’ai en permanence la trouille de voir surgir un Paul Bécaud. Un type sorti de nulle part qui vous pique une gonzesse avec qui vous pensiez être sur le point d’y arriver. Des Paul Bécaud, Olivia a dû s’en taper un paquet. Il m’est d’ailleurs arrivé d’être moi-même un Paul Bécaud, à maintes reprises, débarquant à une sauterie où je ne connaissais personne et piquant la nana qu’un autre type convoitait. Mais en ce moment, je ne le suis plus, je suis devenu une vraie fiotte, il est temps de se reprendre en main.
Le problème, avec Olivia, c’est qu’elle me pompe mon énergie vitale. Chaque fois que je la vois, j’ai la sensation d’être la dernière des merdes, un type tout juste bon à lui servir de joujou avant qu’elle n’aille se faire emplafonner par une armée de Paul Bécaud. Belle et dangereuse comme une rose. Il faut fuir ce genre de personnes. A tout prix. Ça serait pas mal que je parvienne à tenir mes résolutions, pour une fois.
« Il n'y aura plus de lettre non plus, ni de téléphone, ni de signe. Je n'ai pas été très prudent et je ne pensais pas que peu à peu je risquais là un peu de peine. Mais voilà que je me suis blessé au rosier en cueillant une rose.
Le rosier dira : quelle importance avais-je pour vous ? Moi je suce mon doigt qui saigne comme ça, un peu, et je réponds : aucune, rosier, aucune. Rien n'a d'importance dans la vie. (Même pas la vie.) Adieu, rosier. »
Une dénommée Marie-Charlotte a l’air de vouloir ma queue. Pourquoi pas, elle fait de l’équitation, même si son visage est un peu étrange. Elle revient à Grenoble dans une semaine. Je finirai par oublier Olivia, comme toutes les autres. C’est comme une maladie, le genre de saloperie qu’on chope sans raison et pour laquelle on n’a pas encore inventé d’antibiotiques. Extrêmement douloureux au début, sans qu’on puisse rien faire pour soulager la peine. Il suffit de morfler en serrant les dents, et d’attendre. Attendre qu’elle s’évanouisse brusquement pour se muer en un souvenir, le pâle souvenir d’une occasion manquée, de ce qui aurait pu être et ne sera jamais. Elle va me manquer, malgré tout. Note pour l’avenir : les baiser très rapidement, avant qu’on ne puisse vraiment faire connaissance. Ensuite, roue libre. Il fait particulièrement chaud, j’ai bien fait de me garder de la bière au frais. Ciao, Olivia.
E. Dolokhov
- Notes et commentaires reçus par ce post :
- [0] Like ! le 19.06.14, 23h52 par amelia
- [0] J'allais le dire le 20.06.14, 01h23 par Aristophane
- [0] Like ! le 20.06.14, 17h14 par Snow
- [0] +1 le 20.06.14, 19h39 par LuxLisbon
J'adore.
- Notes et commentaires reçus par ce post :
- [0] Merci ! :) le 20.06.14, 13h24 par Edvard Dolokhov