Vu le contexte, j'ai du annuler mes vacances. J'en profite pour mettre à jour ce journal avec un FR un peu exotique que je voulais écrire depuis un moment. J'espère qu'il vous changera un peu les idées. Stay safe.
Sophia, पोखरा (Nepal), 2018
Ben et Jon, les deux américains qui m'avaient accompagnés ces derniers jours alors que nous crapahutions dans les montagnes viennent de partir. Je me retrouve à nouveau seul dans cette petite ville au milieu du Népal, qui est essentiellement un parc d'attraction pour backpackers. Il y a des hostels et des restaurants à tous les coin de rue. Et une quantité non-négligeable de néo-hippies.
J'avais prévu d'enchaîner rapidement sur Kathmandou mais avant de rejoindre une des villes les plus polluées du monde, j'ai un petit coup de blues, j'ai envie de m'attarder encore un peu dans cette magnifique région. J’atterris donc dans une énième auberge de jeunesse qui m'a été recommandée par mes compagnons de route. Le soleil brille, dans la cour, un hamac, une table de billard, quelques mecs aux cheveux plus ou moins longs. Attablée, une jeune fille est plongée dans ses pensées devant son ordinateur. Alors que je marche vers mon dortoir, nos regards se croisent. Après quelques semaines de voyage, on passe facilement en mode "hyper-sociable", on ne se demande plus si on doit aborder, ni même s'il s'agit d'un abordage d'ailleurs. Dans ce contexte, tout est naturel. "Hey! What are you writing ?". On discute une dizaine de minutes, elle est dans cet hostel depuis une semaine et connaît déjà un peu tout le monde. Elle est allemande, dans un anglais un peu rudimentaire elle m'explique qu'elle fait un tour du monde, qu'elle tient un blog, la routine habituelle. On se présente au passage, elle s'appelle Sophia. Elle a 27 ans, petite, bien roulée, les cheveux très bruns et les yeux très bleus.
On se recroisera quelques fois ce jour-là, toujours en échangeant quelques phrases, une blague, un sourire.
Je discute aussi avec les autres mecs de l'auberge. Dont Mike, un australien qui s'est mis en tête de devenir maître-yogi. Le lendemain il me dit "there's a full moon party tomorrow, you should come". En fait de "full moon party" j'apprends qu'il s'agit plutôt d'un week-end complet avec des ateliers en tout genre qui vont du A de
acro-yoga au S de
sufi-dance en passant par le M de
macrame...
Je recroise Sophia un peu plus tard et je lui passe le mot, je lui propose de rejoindre la bande, elle est super-emballée évidemment. On se rend donc ensemble à la guest-house qui est à une demi-heure de marche de la ville. Le soleil tape déjà bien, on discute sur le sentier rocailleux qui longe la route. Je lui demande un peu comment se passe sa vie en Allemagne, qu'est ce qui l'a poussé à prendre la route. Elle me parle un peu de sa relation avec son copain : "it's a little bit weird and complicated... have you heard about polyamory?". Je souris : pour une fois que ce n'est pas moi qui met le sujet sur le tapis. Je réalise aussi à quelle point elle est timide et peu confiante. Ce voyage c'est aussi une occasion pour elle de travailler là-dessus.
On arrive enfin dans ce haut-lieu propice à l'illumination et surtout à la divagation. Je papillonne, discute avec des gens plus ou moins perchés, l'ambiance est au beau fixe. Pour vous faire le topo, une petite photo vaut mieux qu'une longue description :
Au cours de la journée, Sophia reste à proximité, répond positivement quand je lui propose de partager l'un ou l'autre atelier. Ça me surprend toujours un peu mais ma naïveté a ses limites. Je sais que c'est
game on. Le principal problème est logistique. Je pars dans deux jours et je dors dans un dortoir peu propice aux ébats. Comment faire avancer les choses rapidement tout en restant discret ? Quelques joints et un
veg' noodles plus tard, j'ai un début de solution.
La nuit tombe rapidement, Sophia me dit qu'elle est enchantée par cette journée, moi aussi. On rentre à l'auberge en tout bien tout honneur et on discute du "Sunday Movie". Car oui, cette petite ville de province dispose de son propre cinéma en plein air, il est même assez célèbre dans le coin. Le risque c'est la pluie, et pour le moment la météo est imprévisible. Après cette journée sportive, je m'écroule dans mon lit superposé et je me réveille comme une fleur au petit matin. Damn, pas de trace de Sophia. Je check avec Mike, il ne l'a pas vu non plus. Pas grave, le week-end continue et je retourne à la guest-house. Et la pluie se met à tomber. Des trombes d'eau plus exactement. Je m'abrite, rejoint un groupe de chiliennes qui se tiennent au chaud sous la chaume (tu l'as vue ma grosse allitération ?). Alors qu'on discute en partageant du maté, Sophia débarque de nulle part. Son t-shirt trempé ne laisse plus grand chose à l'imagination. Je la réchauffe un peu, l'intègre dans le reste du groupe. Évidemment tout est annulé et il va bien falloir se résigner à rentrer à l'auberge de jeunesse.
Coup de bol sur le chemin du retour, la pluie cesse aussi brutalement qu'elle avait commencée. Je peux donc mettre mon plan à exécution... et relancer Sophia pour le cinéma. La séance est dans une heure mais je dois faire un crochet par le lavoir, récupérer mes fringues avant qu'il ne ferme. Évidemment ma lessive est détrempée et évidemment, la tenancière de la boutique me tient la jambe : elle a une fille qu'il faudrait absolument que je rencontre, ce serait pas mal si je pouvais l'épouser au passage. J'embarque le tout (sauf la petite népalaise qui me faisait les yeux doux) et me précipite vers l'hostel, histoire de boucler mon sac (mon bus part à 6h du mat le lendemain).
Je reçois un message de Sophia : elle est déjà en route pour le film. Je trace et je la rejoins tout suant dans le petit amphithéâtre qui sert de cinéma. On commande des bières, Sophia tient absolument à faire quelques selfies avec ma vieille gueule de hippie barbu ; le doute n'est plus permis, il va se passer quelque chose ce soir. La nuit tombe, le film commence. Les népalais sont assez pudiques, je ne sais pas trop ce qui acceptable publiquement dans ce genre de lieu public. Les quelques couples présents sont en tous cas très sages. Désinvolte, je pose ma main sur sa jambe, elle s'en saisit et se rapproche un peu plus. Assez rapidement, nos lèvres se rejoignent discrètement dans la pénombre et c'est finalement moi qui doit la retenir... Les deux grandes bières qu'elle s'est enfilée l'ont totalement désinhibé
Après un temps interminable passé à se chauffer, le film se termine et on rentre à l'auberge. Il est tard et il faut la jouer finement. Le réceptionniste de l'hostel fait du gringue à ma nouvelle conquête depuis qu'elle est arrivée... et elle devra encore se le coltiner durant quelques jours après mon départ. Je négocie donc une chambre privative en prétextant un besoin urgent de repos avant mon départ matinal. Je déménage mes affaires, faits mes adieux à mes camarades de chambrée. Ce changement de chambre, c'est aussi quitter le monde du backpacker low-budget pour rejoindre celui de touriste propret. Et effectivement je n'avais plus vu un tel luxe depuis des semaines, un lit double, des fenêtres, il y a même un ventilateur ! Comme prévu, Sophia me rejoins une dizaine de minute plus tard. A ce stade, il n'y a pas grand chose à ajouter ; la température déjà bien trop élevée depuis plusieurs heures ne retombera pas sous la moustiquaire qui fait office de baldaquins. Entre deux rounds, on causera relations, BDSM et suite du voyage. Quand on ouvre la fenêtre, on entend Mike qui joue de la guitare à quelques mètres à peine...
Je ferme les yeux, le petit matin arrive quelques secondes plus tard. Une douche, j'embrasse Sophia. Épuisée, elle me dit qu'elle rejoindra sa piaule plus tard. J'embarque mon sac à dos, un dernier regard sur ses fesses rebondies et je décolle. Je salue le réceptionniste au passage, elle s'arrangera avec lui...