Mission démission.
Dans mon dernier post j'avais parlé d'une certaine "décadence professionnelle". Du point de vue de mon père on pourrait appeler ça comme ça, moi je le vois simplement comme un chemin logique vers l'émancipation. Ces quatre années de travail dans mon ancienne boite ont été exceptionnelles ; j'ai pu voyager, former des Polonais de deux fois mon âge, intervenir en urgence sur des missions de réparation en ligne de production, j'ai percé, scié, limé, ajusté, réglé. J'ai créé, j'ai imaginé, j'ai réfléchi parfois des nuits entières pour répondre à la fameuse question "Mais bordel pourquoi ça ne fonctionne pas mon système ?". Bref, je suis passé de simple de l'ingénieur de bureau d'étude à celui qui intervient sur chantier quand il faut que ça fonctionne et vite et j'ai fini par être le responsable opérationnel de la partie formation des clients. Voiture de fonction, télétravail et déplacements uniquement, mon seul boss c'était le boss de l'entreprise. Une liberté au travail qui a fini par être peut-être trop grande pour moi au final. Car même si j'ai un esprit créatif et mécanique, je n'ai pas eu la volonté d'entreprendre que mon patron attendait de moi. Ou du moins que je le croyais. Donc malgré des augmentations, des félicitations, j'avais le syndrome de l'imposteur quand je voyais mon homologue bureau d'étude faire des 7h-19h tous les jours et se faire démonter quotidiennement par le patron. Le voir peu à peu partir en burn-out. Voir l'ambiance sur place se dégrader, l'entreprise en difficultés, tout le monde qui se tue à la tâche et moi avec ma liberté d'entreprendre au sein de la partie formation et qui bloque comme un con. Tout le monde attendait de moi un truc, mais personne ne savait exactement ce qu'était ce truc. Je m'endormais avec la peur du lendemain et je me levais angoisser ne sachant pas ce que j'allais faire de ma journée de travail. Bref, je préférais l’époque ou on m’envoyait en Slovaquie avec mon mètre et ma clé de 5 pour réparer la merde chez les clients. J’aurais voulu revenir en arrière et ne jamais accepter cette promotion, mais c’était trop tard. Mon patron avait été trop laxiste, trop généreux avec moi et il avait clairement pris le dessus psychologique. Je me sentais trop ingrat pour demander d’abandonner ce poste clé que personne ne voudrait reprendre. J’ai commencé par faire des semaines de 4 jours pour voir si ça irait mieux, mais ça n’a fait qu’accentuer mon sentiment de culpabilité. Et comme dans une relation amoureuse, il arrive un moment ou on n’arrive plus à regarder l’autre en face, ou aucune des solutions n’est une bonne solution. Alors j’ai posé ma démission. Je n’ai pas réussi à expliquer clairement pourquoi, c’est surement dû à la manipulation psychologique ambiante qui vous force à vous emmurer dans le silence. Le mois ou j’ai posé ma démission, c’est 25% de l’effectif de l’ingénierie qui est parti en même temps que moi, sans vraiment savoir expliquer pourquoi. Un métier génial dans un environnement toxique. Même aujourd’hui ça me rend triste et mélancolique de tourner la page sur cette discipline unique en Europe.
Trouver sa voie.
« Ce qui bouge est vivant, ce qui ne bouge pas est mort. L’important c’est de bouger, peu importe ce que l’on fait. » - Anonyme
A la suite de ma démission, j’ai passé quelques entretiens mais rien qui ne me donne vraiment envie. J’ai fini par refuser toutes les offres pour lesquelles j’aurais pu être embauché. Ce n’était pas ça le plan en démissionnant. Le plan c’était bel et bien de faire quelque chose pour moi, pour mon savoir faire et pour ma quête d’indépendance et d’épanouissement. J’ai beaucoup tâtonné. J’ai imaginé faire toutes sortes de reconversion professionnelle, j’ai postulé dans l’associatif mais mon profil, trop industriel leur faisait peur le plus souvent. J’ai contacté tous les acteurs du secteur de l’écoconstruction de ma région pour voir quels étaient leurs métiers et leurs spécificités et essayer d’identifier ce que moi je pouvais leur apporter. Il y a eu des mois de remise en question et d’angoisse. Mes économies commençaient peu à peu à s’essouffler et suite à une démission, le chômage n’est accessible qu’après 4 mois de carence sous certaines conditions bien précises. Et au-delà de ça, vivre du chômage n’est pas ce à quoi j’aspire. J’ai bien essayé d’imaginer coder des applis ou des outils dont j’aurais besoin pour ce que je fais sur le Web3 mais la plupart du temps elles existaient déjà, en mieux et étaient disponible gratuitement. J’ai bien pensé à faire de mon premier journal qui une fois édité fait 360 pages, un ebook mais ça non plus, ça ne m’a pas vraiment pris aux tripes. C’est quand-même un truc que je souhaiterai faire un jour, en le rendant un peu plus romancé. Bref. Je veux travailler avec des outils dans les mains, et le bois est un matériau qui m’a toujours attiré, en plus c’est un matériau qu’on retrouve souvent dans les techniques de constructions. Mon projet commence peu à peu à se dessiner. Je veux apprendre à construire une maison, de la façon la plus écologique possible en utilisant des techniques artisanales de construction en bois.
Ni une, ni deux, j’ai rendu visite à un organisme de formation qui propose de former les personnes en charpente bois traditionnelles et en construction bois en un peu moins d’un an. J’ai fait la guerre avec ma conseillère France Travail dont l’incompétence ne saurait être résumée en un seul paragraphe, pour qu’elle accepte de faire une demande de financement région pour cette formation et pour finir j’ai participé à un chantier participatif de construction de murs en enduis chaux-paille pendant cinq jours dans une ferme autonome au cœur de la montagne.
Je devrais commencer cette formation après l’été, en attendant j’ai la chance de pouvoir subvenir à mes besoins grâce autrement et j’espère pouvoir débloquer mes droits au chômage le temps de ma formation. Cet été, je vais faire quelques chantiers participatifs en ferme autonomes et des saisons de cueillettes et de vendanges.
Seul, à deux.
Ça fait maintenant un an que Ju et moi vivions ensemble dans notre appartement du sud. L’obsession dont que j’avais exprimé lors de mes messages précédents se dissipe peu à peu, et nous passons vraiment de bons moments ces dernières semaines. La bonne humeur est de retour et on dirait qu’elle a ramené le soleil avec elle. J’essaye de nous pousser à faire des choses avec de nouvelles personnes, comme les chantiers participatifs et les jobs saisonniers. En fait j’ai l’impression que cette bonne humeur et ce regain de confiance en moi vient avec une contrepartie ; celle de vouloir profiter de moi. Je me sens dans une période ou j’aimerais être seul parfois, ou j’aimerais prendre mon indépendance et aller rencontrer des gens, où je sens que j’ai envie de jouer le jeu de la séduction estivale. Je me sens rayonner et je sens quand les yeux bleus de cette blonde à la table derrière nous se posent sur moi. Et j’ai une envie comme instinctive d’entrer seul dans l’arène. Le conflit est intérieur.
Je vous ai dit plus haut que j’étais parti cinq jours pour faire un chantier bénévole en montagne. J’y ai rencontré un groupe de gens formidables et c’était tellement plaisant de sortir de mon quotidien. Je me suis senti plus authentique, plus loin des écrans et des acquis matériels mais surtout relationnels. Là-bas j’ai rencontré une autre bénévole du nom de Eury. On avait surement le même âge et on était là pour les mêmes raisons ; apprendre des techniques de construction. Naturellement, on s’est bien entendu du début à la fin et on à souvent fait équipe. Le dernier jour on a pas mal travaillé ensemble et nous avons tout les deux partagé les hauts et les bas de nos relations respectives. Vu qu’elle ne me laissait pas indifférent que ce soit physiquement ou dans sa personnalité, j’ai instinctivement été assez joueur et provocateur, mais sans réelle intention d’aller plus loin, ce n’était qu’une partie du jeu pour rentre nos interactions plus agréables. Je ne la trouvais ni réceptive, ni fermée. Elle semblait parfois aimer ça sans le montrer, elle me laissait jouer sur son terrain, elle semblait apprécier que je guide ses gestes pour manipuler certains outils ou pour adopter une position de travail spécifique. Bref. Ce soir-là je remontais un filtre à UV pour les habitants du lieu, tout près de la salle de douche. Pour avoir de l’eau chaude il fallait entretenir le feu de bois qui réchauffait le ballon d’eau et elle semblait avoir quelques galères avec ce dernier. Nous avons regardé ça un peu ensemble et sans qu’elle s’en rendre compte une autre personne est arrivé pour me poser quelques questions, c’est à ce moment là que pensant que j’étais toujours dans la salle de bain avec elle, elle a dit « Tu vas devoir rester ici indéfiniment pour le feu. » Je n’ai pas pu rebondir car déjà engagé dans une autre conversation un peu plus loin, et je n’ai su quoi faire après que le moment soit passé et qu’elle avait déjà fermé la porte et commencé sa douche.
Je ne suis ni content ni mécontent de tout ça. Je suis content d’avoir rencontré quelqu’un, d’avoir eu des bribes de frissons lors de nos échanges, d’avoir été joueur et provocateur. J’aurais bien aimé ne pas avoir été pris dans une conversation à ce moment là pour attraper cette perche qu’elle me tendait, juste pour rebondir dessus, pour enfin être là et vif au bon moment. Peu importe qu’elle ait eu une réelle intention ou juste un peu d’humour. Je me laisse croire que cette fille avait envie de moi à ce moment-là, et quelque part ça me rassure, ça me fait plaisir de pratiquer ce jeu et de m’amuser dans nos échanges. C’était comme retrouver un début de quelque chose. Quelque chose qui semble si lointain après quelques années de relation. D’un autre coté je ne suis pas vraiment à l’aise à l’idée de tromper Ju et encore moins de le lui cacher. C’est un dilemme car je sais que pour que notre relation perdure j’ai besoin de vivre ces choses-là et cette rencontre avec Eury me l’a confirmé. Je vais raconter cette histoire à Ju car je veux qu’on en parle, lui dire comment je me sens. C’est bizarre de dire ça mais la flamme s’est un peu affaiblie. Je sais que Ju et moi, y’a pas mieux. Elle est celle qui me ressemble le plus et avec qui je voudrais partager ma vie, mais je n’imagine pas lui consacrer ma vie et j’ai besoin de la vivre seul par moments, j’ai besoin d’être stimulé par d’autres esprits et d’autres visages. Ju est assez ouverte mais je la sens de plus en plus accrochée à moi, là où moi j’aspire à plus d’indépendance de chacun d’entre nous. C’est comme un vilain jeu ou celui qui a besoin d’espace rends l’autre encore plus attaché et dépendant… Alors lui en parler, est-ce que ce sera une bonne chose, franchement je n’en sais rien. Une phrase qui pourrait résumer ce qu’il y a dans mon cœur serait la suivante : « Je t’aime, mais je ne suis pas amoureux de toi en ce moment. » Et je n’imagine pas comme ça doit être difficile à encaisser pour quelqu’un qui me dirait : « Je t’aime et il n’y a que de toi que je suis amoureuse. »
Eury à pris mon numéro et si elle le souhaite elle me tiendra au courant si elle repasse à la ferme. Moi j’ai prévu d’y retourner avec Ju au courant de l’été. On verra ce que l’avenir nous réserve, mais arrêtons nous là pour l’instant.
La bise à tous, et on se revoit bientôt car écrire me fait du bien.
Val découvre le monde : Chapitre IV
Tu devrais relire les passages de ton journal ou tu te sentais un peu trop seul.
Gaffe à la tentation de la solitude, on la romance vite vue du confort de sa relation. Pareil pour la passion.
Gaffe à la tentation de la solitude, on la romance vite vue du confort de sa relation. Pareil pour la passion.
Garde ça pour toi. C'est de la merde de "vouloir communiquer" pour être honnête. Tout ce que tu cherches c'est à soulager ta conscience et à lui montrer que votre relation bat de l'aile parce qu'elle t'excite moins qu'avant car elle a plus le goût de la nouveauté et de l'insaisissable.
C'est de la gaminerie, tu pourras pas avoir éternellement ça, et tu es seul coupable de ce qui se passe dans ta tête.
Rends service à ta relation et médite sur ça. Tu lui causerais des dégâts irrémédiables
C'est de la gaminerie, tu pourras pas avoir éternellement ça, et tu es seul coupable de ce qui se passe dans ta tête.
Rends service à ta relation et médite sur ça. Tu lui causerais des dégâts irrémédiables