Il était 8h 15 et j'étais à moitié endormi, quand je le train est arrivé à la gare. Mon sac sur le dos, je suis entré dans le wagon 8. Tout ensomeillé que j'étais, je n'en n'ai pas moins remarqué le regard de quelques jeunes filles dont une jolie blonde, qui pendant une fraction de secondes, a maintenu l'EC avec moi. Quand elle a compris que je l'avais vue, elle a vite détourné la tête.
Autrefois, je n'en n'aurais pas tenu compte, mais aujourd'hui, je m'y connais suffisamment en body language pour savoir que ce n'était pas insignifiant.
J'ai donc cherché ma place, qui par chance, n'était pas loin de celle de la fille : comme vous le savez, dans un TGV, les sièges sont répartis à gauche et à droite, laissant une allée libre pour la circulation. Ces sièges sont regroupés deux par deux, exactement comme dans un car. La fille, (je l'appellerai F, j'avais oublié de lui demander son prénom
Je disposais de trois heures pour faire la connaîssance de F en supposant qu'elle ne descende pas avant moi. Amusé, j'ai rangé mon sac et j'ai pris place.
Aussitôt, le train a démarré et est reparti.
Tandis que je regardais les paysages défiler par la fenêtre (en fait, j'observais le reflet de F sur la vitre
[ Mais regarde-moi connasse, comment tu veux établir le contact si tu ne croises pas mon regard ! ]
Enfin, à force de se retourner, elle a fini, je suppose, par se demander si je l'avais remarquée. Elle me jette un coup d'oeil, croise mon regard et effrayée se détourne très vite.
[ Quelle poule mouillée
Super début de matinée. C'était très amusant, je l'avoue. Je suis sûr que vous auriez apprécié aussi à ma place.
[ Ah ! Bon, elle a pris un initiative, je vais la récompenser
Au bout de quelques secondes, je me lève à mon tour, enlève ma veste que je range au-dessus des sièges avec mon sac, puis, je sors mon portable et fais semblant d'entretenir une conversation téléphonique avec quelqu'un. Ce-faisant, je me dirige vers l'espace inter-wagon.
J'entre sans lui jeter le moindre coup d'oeil, mais je sens l'odeur âcre d'une cigarette allumée.
Enfin, j'éteins mon portable, je le range, et je me retourne vers elle :
- Excuse-moi, tu n'aurais pas une cigarette ?
Elle se retourne vers moi, souriante, et me tends la sienne :
- Oui !
- Merci. Et toi, tu ne fumes plus ?
- Si ! On se la partage.
Je tire quelques boufées et je lui rends sa clope.
- Tu habites à Marseilles ?
- Pas loin : à Aix
- Ah, Aix ! J'ai des amis là-bas. Tu connais Anne-Sophie M... ?
- Euh, non.
- C'est comment cette ville, je n'y suis jamais allé ?
- T'habites à Marseille et t'es jamais allé à Aix ?
- Ah, ok [tiens, au fait, Ross Jeffries conseille d'en venir vite aux sensations.
Je lui sors alors un médiocre :
- Tu l'aimes, cette ville ?
- Ouais !
[Merde, je suis à court d'idées... c'est qu'elle n'est pas bavarde celle-là ! Faut que je trouve un truc, vite !]
- Euh, t'es dans quel lycée ?
Elle me répond presque honteusement :
- Je suis au collège
- Ah, t'es en troisième ?
- Oui.
Silence...
- Et toi, t'es où ?
- Je suis à L...
- Quoi ?
- L... tu connais pas. Je suis en première.
[Bon, je commence à me faire chier...]
- Ah...
Elle me tend à nouveau sa cigarette en souriant. Je tire deux bouffées et je la lui rends.
Elle reprend :
- Tu saurais pas où il y aurait un compartiment fumeur ? Parcequ'ici...
- Ouais, parcequ'ici, c'est non fumeur
Je lui montre un panneau "cigarette interdit". Elle rit.
[ Enfin, elle réagit. On va peut-être pouvoir aller plus loin ]
Je lui dis :
- Si tu veux, on va voir.
- Non, ça va
[ Putain, elle casse les couilles !]
Elle se retourne vers la fenêtre.
Silence...
Silence...
Silence...
Je lui dis :
- Bon, ben, je te laisse.
Et je pars à la recherche du wagon-restaurant.
[Je suis déçu ! A chaque fois c'est pareil. Aborder, initier une conversation, c'est pas un problème. Mais j'arrive jamais à aller plus loin ]
Le wagon-restaurant est fermé. Je regagne ma place. Elle me voit, et au bout d'un moment, elle dénoue ses cheveux, se recoiffe à plusieurs reprises, fait semblant de ne pas me regarder, puis me regarde à nouveau...
Pour ma part, je ne la regarde pas. Je prends un malin plaisir à la laisser dans l'inquiétude.
Finalement, elle sort ses devoirs et se met à travailler.
Le reste du voyage se passe tranquillement.
A la fin, pourtant, je veux récupérer ma veste et je fais tomber quelquechose. Je m'adresse à mon voisin :
-"J'ai pas fait tomber un truc ?"
Et on cherche. Elle cherche aussi. Finalement, elle retrouve mon couteau à cran d'arrêt sensé rester bien au chaud dans ma poche intérieure. Elle me le tend en riant bizarrement. Confus, je le lui arrache presque des mains et je lui jette un "merci" tout en regardant à côté. Par chance, personne ne semble avoir vu.
Enfin, le trajet se termine et on se quitte sans se dire au-revoir.
Bilan : comme d'habitude, je n'ai pas de problème à aborder, mais je ne sais pas aller plus loin.