Comment entretenir le désir dans son couple, surtout à long terme. Telle est la question (et pas des moindres).
Je suis tombé sur un passage dans un bouquin très intéressant sur ce sujet :
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Plus particulièrement, les variables liées au fonctionnement du couple qui peuvent affecter le désir sexuel comprennent, entre autres, selon Trudel (1991): les désaccords et les chicanes, le manque d’attirance physique ainsi que l’habituation au partenaire due à la durée de la relation. D’autres auteurs ont relevé des information au sujet de ces mêmes variables.
En effet, en ce qui concerne l’attirance, Stuart, Hammond et Pett (1987) et McCarthy (1992) ont trouvé que les femmes avec désir sexuel inhibé ressentaient significativement moins d’attraction envers leurs époux que les femmes sans DSI. Selon Larose (1990), l’attirance qualitative, à elle seule, serait insuffisante à soutenir le désir sexuel, alors que l’attirance physique serait essentielle à l’apparition de ce désir.
Quant à l’habituation, le désir sexuel hypoactif (DSH) semble être lié à la durée de la relation conjugale. D’ailleurs, Frank (dans Edwards, Frank et Deckert, 1981) a observé, chez les couples vivant une relation qu’ils qualifiaient d’heureuse et chez d’autres éprouvant des problèmes conjugaux, que le désir sexuel était associé à la durée de la relation de couple. Les couples heureux dans leur relation et mariés depuis moins de cinq ans démontraient à 9% chez les hommes et 16% chez les femmes un manque d’intérêt sexuel pour leur partenaire. Ces proportions augmentaient à 14% pour les hommes et à 43% pour les femmes chez les couples mariés depuis 10 à 19 ans. En ce qui a trait aux couples en détresse conjugale, ces pourcentages étaient encore plus élevés. L’auteure ne rapporte toutefois pas les pourcentages pour ce dernier groupe. Néanmoins, la durée de la relation de couple peut influencer l’intérêt qu’une personne éprouve pour son conjoint ou sa conjointe, probablement par habituation, variable influant sur le désir sexuel.
Dans la même veine, O’Donohue et Plaud (1991) croient possible qu’une habituation à long terme soit sous-jacente à la baisse de désir. Poudat et Jarousse (1989) croient également que la baisse de désir est souvent présente dans les relations de longue durée où la lassitude et la banalisation s’installent.
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Gilles Trudel _ Les Dysfonctions Sexuelles _ Évaluation et traitement par des méthodes psychologique, interpersonnel et biologique _ 2005
Sans surprise, et cela a déjà été évoqué de nombreuses fois sur ce forum, il apparait dans cet écrit qu’un de nos plus grands « obstacles » est ce fameux phénomène d’habituation dû à une relation de longue durée. Ce n’est pas le seul responsable de la baisse de désir: combiné à une faible attirance physique et à une relation de « mauvaise qualité » (conflits, etc.), cela augmenterait le pourcentage de manque d’intérêt sexuel. On a donc tout intérêt à faire en sorte que la relation soit épanouissante, renforcer les liens d’intimité, etc.
Mais reste alors à savoir, comment déjouer l’habituation ?
Petit rappel de ce qu’est l’habituation:
En psychologie, l'habituation constitue une forme d'apprentissage. Elle consiste en la diminution graduelle (et relativement prolongée) de l'intensité ou de la fréquence d'apparition d'une réponse à la suite de la présentation répétée ou prolongée du stimulus l'ayant déclenchée.
C’est donc ce qui se produit lors d’une relation longue durée. Ici, notre conjoint(e) représente le stimulus déclencheur ; la réponse face à ce stimulus est le désir. Celui-ci diminue en intensité ou en fréquence suite à une présentation répétée.
Réfléchissant à cela il y a quelques jours, je me demandais, moi qui constate déjà une légère baisse de libido au sein de mon couple après (déjà) deux ans, comment cela est possible ? Ne peut-on rien y faire ?
Ma copine est toujours aussi belle, si ce n’est plus, qu’au début de notre relation, et pourtant le désir qu’elle éveil en moi est moins intense. On l’a vu plus haut, l’attirance qualitative ne suffit pas à soutenir le désir sexuel. Mais finalement, ce n’est pas elle qui est moins désirable, qui provoque moins de désir en moi, c’est moi qui me suis habitué, l’habituation m’appartient. Ne puis-je donc rien faire, au niveau de ma « vision » pour garder un regard neuf ?
Je ne sais plus où j’ai lu cette phrase qui disait:
La poésie du monde est partout, ce sont nos yeux fatigués qui ne la voient plus.
Le soir même, pendant des préliminaires, embrassant ma chérie, les yeux fermés, j’ai repensé à la soirée pendant laquelle nous nous sommes rencontrés, souvenir qui m’est très cher et qui est toujours aussi clair et limpide. J’ai repensé à elle, à son physique, à ce qu’elle a provoqué en moi la première fois que je l’ai vue, j’ai essayé de la voir comme si c’était la première fois, comme si elle m’était inconnue, que je ne savais rien d’elle… J’ai alors eu une montée de désir particulièrement intense, et la partie de jambes en l’air qui a suivi ne l’était pas moins…
Toujours pas une solution miracle, et je ne sais pas si je pourrais le répéter indéfiniment (toute façon l’habituation aurait vite fait de diminuer l’intensité du désir provoqué par le souvenir), mais il est intéressant de connaître certains mécanismes qui nous régissent.