Bouba a écrit :L'idée que les parents transmettent la culture parce qu'ils aiment ça est vraie mais trop simple.
ça n'a rien de simple. Ni au niveau opérationnel, ni au niveau de la compréhension des dynamiques d'éducation, de sociologie et (en bout de course) de pouvoir.
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Au niveau opérationnel :
Donner une sensation de plaisir à un enfant quand il produit un effort intellectuel quel qu'il soit (quand il apprend, quand il lit, quand il se cultive, quand on lui apprend à jouer aux échecs...) ça demande un certain talent.
Le fait est que comme par hasard les parents les moins cultivés n'ont pas ce talent. Comment transmettre un plaisir qu'ils ne ressentent pas?
C'est là que ces parents se plantent car ils transmettent des
"injonctions contradictoires" à leur enfant :
"Fais toi-chier comme un rat mort à te cultiver, sinon tu n'arriveras à rien dans la vie"

Déplaisir, angoisse, répulsion, rejet, fuite. Le gamin n'a qu'une envie, aller se réfugier dans sa chambre et jouer avec ses jouets. Epic fail.
Au contraire, les parents cultivés ont une spontanéité qui vient de leur plaisir réel à se cultiver. Ils transmettent ainsi ce plaisir à leurs enfants.
De manière générale, chose qu'on ne dit pas assez,
il n'y a pas de performance sans aisance, et il n'y a pas d'aisance sans plaisir.
C'est la même chose avec la culture.
Qu'on le veuille ou non, les méthodes pédagogiques qui sont basées sur l'effort chiant et douloureux imposé au forceps en tant que clé de voûte de la séance, ces méthodes ne marchent pas.
Ce qui marche c'est :
1) Plaisir, découverte, prise de points de repères à la cool
--> aisance, plaisir, + satisfaction de la réussite AVANT MÊME D'ENTRER DANS LE DUR.
2) On entre dans le dur gentiment en proposant un peu de difficulté.
On conserve le plaisir.
--> aisance, plaisir, satisfaction encore plus grande car l'apprenant offre un retour encore plus valorisant.
3) L'enseignant pousse son avantage, se met à taper dans le dur de plus en plus souvent et de plus en plus en profondeur. Il prend soin de continuer à injecter du plaisir pour que la machine continue à être bien huilée.
On est sur de bons rails.
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Au niveau social
Au niveau social, ce qui donne du pouvoir s'est de s'éclater.
Le plaisir qu'on peut ressentir est un moteur pour avancer de façon autonome. Bon.
Mais le plaisir qu'on ressent et qu'on exprime est aussi un facteur d'intégration et de valorisation par rapport au groupe. Les gens n'aiment pas les gens qui se font chier. Car se faire chier c'est contagieux.
Et donc avec la culture comme en toutes choses, à
"niveau de performance" égal, le besogneux qui rame comme un chien à se cultiver pour des raisons qui lui appartiennent sera toujours moins en réussite que le jouisseur qui se cultive comme un goinfre parce qu'il aime ça.
ça n'a donc rien de simpliste de dire que le plaisir des parents à se cultiver, qui est sincère (intériorisé si tu veux) et qu'ils transmettent à leurs enfants est quelque-chose de simpliste ou périphérique.
C'est au contraire au cœur des enjeux, et la spontanéité de ce plaisir est également au cœur des enjeux.