Des bouquins à conseiller ?

Note : 82

le 28.12.2011 par FK

232 réponses / Dernière par Esope le 20.02.2021, 12h00

Une question que vous avez toujours voulu poser aux autres, et qui ne concerne pas les relations amoureuses ? C'est ici. Lachez-vous, faites preuve d'imagination, et n'hésitez pas à répondre aux autres questions. Pas de demandes d'aide / conseils sur les relations & rencontres svp (les autres forums sont faits pour ça)
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Je vais pas m'interposer dans votre petite querelle de connaisseurs :)

Peut-être que ça n'est que mon avis, mais pour moi, il y a certaines pièces qui valent la peine d'être lues, d'autres qui n'ont aucun intérêt sans être jouées.
Simplement parce que certaines donnent une grande importance au texte, aux mots, aux idées, tandis que d'autres mettent plus d'importance sur la performance, la mise en scène, le jeu d'acteur, et surtout, l'effet produit sur le spectateur (alors que le texte n'a en soi rien de transcendant).
Ce qui me fait dire cela c'est aussi la longueur de certaines pièces, qui pour moi sont bien trop courtes pour pouvoir éveiller de réelles émotions (à la différence d'un bon roman). Et dans ces cas-là, c'est la performance théâtrale qui lui donne une raison d'être, qui lui donne une vie.

Il y a également certaines pièces que peut-être le théâtre péjore, de par son jeu justement, qui ne permet pas de se focaliser autant sur le texte qu'une lecture.

D'une manière générale, je dirais que les pièces de théâtre font partie du patrimoine artistique, sans non plus s'apparenter uniquement à la littérature. Elles ne suivent d'ailleurs pas forcément le schéma des courants littéraires.
Le théâtre apporte certes une dimension très différente de la lecture. Mais les mots ont un effet très différent selon qu'ils sont lus ou entendus… Pour cette raison, je pense qu'il est intéressant de toujours faire les deux, dans la mesure du possible, et en les dissociant complètement, en ayant conscience de vivre deux choses très différentes, même si les personnages portent le même nom.
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  • [+2] Post de qualité le 28.05.14, 13h39 par Onmyoji
J'ai oublié de cliquer sur "envoyer" il y a 2 heures, du coup mon post ne sert plus à grand chose mais bon, "faut pas gâcher" (Guy Roux) donc je le remets :
Un film tiré de Shakespeare ? Voyez Looking for Richard, avec Al Pacino.
Et plus jamais vous ne penserez que le texte écrit se suffit à lui-même.
merci du conseil !

On ne se mettra pas d'accord sur le reste mais c'est pas grave, c'est un avis intéressant.

Maintenant que j'y pense, les scènes de théâtre, je les étudie plus que je les lis (ça m'arrive souvent de bloquer plusieurs minutes sur une page le temps de bien saisir tout ce qui se passe).
Et les dialogues, je me les fais dans ma tête.
Et puisque les auteurs ne sont plus en vie pour pouvoir donner l'interprétation originale de l'oeuvre, l'intention est de toute façon altérée par le prisme du metteur en scène. Qui va ajouter, retirer (pas des mots bien sûr...) au texte original selon son parti-pris.
Les nuances, le rythme, le contexte, évidemment qu'on peut les avoir sans voir la pièce, sinon comment pourrait-on proposer de nouvelles mises en scène? C'est certain que ça ne se lit pas comme un roman, mais il n'empêche que je suis convaincu des qualités littéraires propres d'une pièce de théâtre, même de Courteline ou de Feydeau, alors de Shakespeare, n'en parlons pas. Heureusement d'ailleurs sinon chaque pièce mourrait avec son auteur, si on ne pouvait pas dissocier le texte et son interprétation théâtrale.

Je viens de terminer "Entretiens avec le professeur Y" de Céline (génial ! la haine du fake, ça a énormément résonné en moi).
Est-ce un roman? une pièce de théâtre? une interview écrite? peut-on en faire une mise en scène? une bonne mise en scène va-t-elle mettre en lumière des détails qui n'apparaissent pas forcément à la lecture? mais est-ce nécessaire de jouer ce texte au théâtre pour en tirer la quintessence?
Bon ok on s'éloigne énormément de Molière/Corneille/Racine...
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  • [+1] Intéressant le 06.06.14, 22h17 par Onmyoji
Bien évidemment, et puis toute façon on a pas l'occasion d'aller voir un Shakespeare bien joué et mis en scène tous les jours, alors si l'occasion d'en ouvrir un bouquin se présente c'est con de se taper sur les doigts parce que ce con de Venusian, dernier rempart contre offenseurs du théâtre, a dit que c'était interdit.

Mais il n'empêche que par la façon dont nous avons été éduqués, la façon dont pas mal de gens du théâtre les ont mis en scène et joués, il est une idée très ancrée que le théâtre classique se lit avant tout. Et c'est un cercle vicieux, car la littérature a valeur de monstre sacré, et les metteurs en scène se croient obligés de les monter comme des monstres sacrés, du coup ça parait fastidieux, ennuyeux, pédant. Et le serpent se mord la queue.
Alors que pour en revenir à Hamlet, c'est ni plus ni moins que l'histoire très simple à comprendre d'un pauvre gars dont on a assassiné le père, et se tord l'esprit sur la question de le venger ou non.

Combien de gens interrogés dans la rue évoquent leurs moments d'étude en classe en cours de français lorsqu'on leur demande ce qu'est Molière pour eux.

Toute façon moi, lorsque je lis une pièce comme Cyrano de Bergerac par exemple, la première chose que j'ai envie de faire, c'est de prendre un partenaire et jouer à l'épée avec lui tout en lui crachant à la gueule les vers de Rostand :D
Le théâtre et la littérature dramatique sont deux choses bien distinctes pour la simple et bonne raison que ce sont deux processus créatifs différents qui sont à leur origine.

La pièce de théâtre provient d'un travail d'écriture solitaire ou collectif, quasiment tout le temps en vue d'être par la suite mise en scène. Les auteurs y distillent consciemment et inconsciemment leurs intentions vis-à-vis de la mise en scène et il est possible d'en retrouver une partie à l'aide des didascalies et des procédés d'écriture. On y assiste à une sorte de cristallisation artistique des mouvements de la pensée de l'auteur sous forme d'une pièce de théâtre.
Peut-être que l'écriture particulière liée à la forme de la littérature dramatique apporte quelque chose de particulier, de différent au texte en lui-même ; cela reste à élucider. Certains auteurs ont mélangé de façon très efficace narration romanesque et dialogues théâtraux ; je m'y suis essayé et je pense effectivement que la forme de la littérature dramatique a un intérêt particulier, qu'elle apporte quelque chose de différent au texte que la forme poétique ou romanesque.

La représentation théâtrale naît du travail des acteurs, accompagnés la plupart du temps d'un metteur en scène, de décorateurs, costumiers, ingénieurs pour les sons et la lumière... Le théâtre ne naît pas d'une volonté de transposer directement sur scène les intentions précises de l'auteur puisque cela est impossible, à moins d'avoir de travailler directement avec l'auteur. Même dans ce dernier cas, le metteur en scène, les acteurs et tout le reste de l'équipe développent au cours de leur travail une expression nouvelle de la pièce qui appartient au domaine du théâtre. La plupart du temps, la multiplicité des sens de l’ouvre se diffractent en une multiplicité d'interprétations et d'intentions de la part du metteur en scène et des acteurs, ce qui contribue à créer à chaque fois une représentation foncièrement nouvelle.
C'est d'ailleurs une chance que de ne pouvoir reproduire exactement les intentions de l'auteur : on assisterait dans la plupart des cas au déploiement sur scène d'une forme morte de l’œuvre ; le théâtre est un art éphémère et quelque chose se meurt lentement dans chaque mise en scène dès lors qu'elle a été créée.
En plus de ça, le théâtre peut aussi naître d'un travail ne se fondant sur aucun texte ou visant à déformer, découper et reformer le ou les texte(s) servant de support(s).

Concernant Hamlet, même si l'histoire peut apparaître simple, la multiplicité des sens, des intentions et des interprétations possibles de la pièce et des autres oeuvres de Shakespeare est vertigineuse ! Ce qui contribue énormément à la puissance de son écriture et à cette sorte d'immortelle actualité et pertinence de ses pièces vis à vis de l'Homme.


Alors plutôt que de passer de l'extrême consistant à considérer la littérature dramatique comme la base et l'élément principal de tout théâtre et à confondre le dernier avec le premier à l'extrême consistant à dire qu'une pièce n'est pas fait pour être lue mais seulement pour être représentée, apprenons à apprécier chaque forme artistique pour son intérêt propre et ce qu'elle est. :)
Venusian a écrit :Un film tiré de Shakespeare ? Voyez Looking for Richard, avec Al Pacino.
Et plus jamais vous ne penserez que le texte écrit se suffit à lui-même.
J'adore Looking For Richard. Je considère toujours que le texte écrit peut se suffire à lui-même.
Venusian a écrit :Quant aux autres auteurs, comme Molière ou Corneille et Racine je suis définitivement contre l'idée que ce sont des auteurs à lire.
:shock:
Ce sont très certainement des auteurs dont la langue est tellement riche qu'on peut puiser énormément de choses dans leurs textes, sans avoir besoin de voir la pièce jouée sur scène. Je dirais même plus : lire Racine m'apporte plus d'émotions que de le voir sur scène. Et pourtant, j'ai vu Bérénice, pièce que je vénère au-delà de toutes les autres, jouée par Carole Bouquet sur scène. C'était grandiose. Eh bien ça n'empêche que je suis tout aussi émue quand je lis le texte moi-même, quand la mélodie des vers résonne dans ma tête, quand j'imagine cette reine qui va perdre son seul amour avec autant de dignité.
Venusian a écrit : En plus, se mettre en tête que c'est de la littérature ça pousse consciemment ou inconsciemment à penser que si on va voir une représentation théâtrale ça va être chiant (bah ouais, littérature sur scène = chiant).
Mais en même temps, Venusian, si on avait clairement défini les limites de ce qu'est ou ce que n'est pas la littérature, ça se saurait. Très clairement, le théâtre et encore plus le théâtre classique font partie de la littérature. Et l'idée que la littérature sur scène serait chiante... je ne vois pas trop d'où tu tires ça. J'ai vu des adaptations de romans sur scène qui étaient d'une grande qualité, et je n'ai pas hurlé à la trahison parce que, oh mon dieu, on faisait du théâtre avec de la littérature ;)
Venusian a écrit :Tennessee Williams, je suis ultra-fan. Mais encore une fois, l'intérêt est de le jouer ou le voir sur scène.
D'autant plus que là, la langue ne sert que l'action et la vie des personnages, y a pas vraiment de poétique.
Non, mais encore une fois, lire le texte écrit permet aussi d'imaginer les choses différemment. Et le théâtre ne fait pas exception à la règle. La scène entre Blanche et Stanley au début d'Un tramway nommé désir, on peut l'interpréter comme Blanche qui fond de désir pour Stanley (comme l'a imaginé Elia Kazan quand il a fait son film avec Brando — la scène est évidemment culte !), mais le texte reste suffisamment énigmatique pour qu'on puisse aussi imaginer qu'elle prend simplement peur de lui, peur de sa dureté et de son état probablement alcoolisé que le film ne montre pas, par exemple.
Chaque représentation est une interprétation. Ce qui est bien — mais limite forcément la portée d'un texte qui en général sous-entend bien davantage d'interprétations possibles.

Disons que ce sont deux expériences différentes mais qu'elles ont toutes les deux leurs intérêts et leurs inconvénients.
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  • [+2] Post de qualité le 03.06.14, 00h19 par Onmyoji
J'ai vu des adaptations de romans sur scène qui étaient d'une grande qualité, et je n'ai pas hurlé à la trahison parce que, oh mon dieu, on faisait du théâtre avec de la littérature
Ah mais je suis très amateur d'adaptations de romans pour le théâtre, et je ne hurle pas non plus à la trahison, au contraire. Mais ça nécessite évidemment une réécriture, une adaptation, et d'ailleurs justement pour mesurer ce qui sépare un texte de théâtre à un roman je t'invite à lire un texte de théâtre tiré d'un roman. Tu verras de suite la différence.

Une pièce est une suite de dialogues, le plus souvent rangés en actes / scènes, agrémenté de quelques didascalies.

Un roman est une oeuvre littéraire destinée à être lue, et donc beaucoup plus riche en terme de descriptions, de figures de style, de rythme.
Le roman met en lumière pour le lecteur le sous-texte, ce qui est réellement dit, pensé par les personnages, une pièce de théâtre non : c'est le boulot des acteurs et du metteur en scène.

Pour les classiques que j'ai cités, je maintiens fortement ce que je dis, notamment pour Molière. Toute la puissance de ses pièces ne se met en lumière que sur un plateau, une fois jouée.
Et viens pas me dire que tu arrives à déceler instantanément le sous-texte et les intentions de tous les personnages, comme ça, d'un claquement de doigts, à la lecture.

Après, je comprend qu'il y a quelque chose de plaisant à lire des pièces dont le verbiage en lui même procure un grand plaisir tellement c'est bien écrit, particulièrement celles en vers.
Mais il est indéniable que la lecture loupe une grande partie de l'intérêt propre de l'oeuvre.
Mais ce sous-texte, si ce n'est pas toi qui l'ajoute,
il est déjà dans la pièce. Pourquoi ce ne serait pas aussi clair avec des mots
qu'avec le jeu d'un acteur.

Tu vas dire qu'il y a plus de médias, mais si l'on en croit l'actor studio et les
difficultés très souvent démontrées ici même à lire la communication des autres,
ça ne rend pas forcément les choses plus claires.
Mais ce sous-texte, si ce n'est pas toi qui l'ajoute,
il est déjà dans la pièce. Pourquoi ce ne serait pas aussi clair avec des mots
qu'avec le jeu d'un acteur.
Parce que c'est un sous-texte. C'est ce qui n'est pas dit dans le texte, justement. Toute la magie du théâtre, cinéma et spectacle vivant.

Le sous-texte, en séduction par exemple, c'est dire "j'ai envie de toi" en disant "bonjour".
C'est bien dans le texte.
Ce n'est pas parce que ce n'est pas formulé que ce n'est pas perceptible,
notamment parce que tu connais le personnage et a lu ce qui était avant.
Ou certains apartés.
Ou parce que tu as un cerveau et sais prendre les choses au sens figuré et comprendre les implicites.

Et d'ailleurs c'est bien dans le texte parce que sinon y a pas de raison que l'acteur le joue comme ça.
Dans ce cas ça devient son interprétation du personnage et pas le personnage qui est écrit dans la pièce.
Ecoute, tu as visiblement décidé d'être contradicteur par le simple plaisir de contredire, sans prendre en compte le moindre argument que je t'avance.

Je t'invite à aller voir une séance de travail à la table d'une quelconque troupe, lorsque celle-ci débute le boulot sur une pièce, et tu comprendras plus aisément ce que je veux dire.
Tu as un très bel exemple dans Looking for Richard, d'ailleurs.

Tu vulgarises un peu trop rapidement quelque chose qui est beaucoup plus complexe, qui ne va pas forcément de soi.
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