Salut,
A part un ou deux posts, c'est agréable de lire un sujet avec autant de nuances.
Mon parcours personnel.
J'aime les animaux vivants ou morts dans mon assiette. J'ai toujours, comme tous le monde baigné dans le spécisme. J'ai d'abord soutenu les associations de défense des "droits des animaux" ou pour "le bien-être animal" selon la chapelle, un peu par automatisme écolo.
J'ai un souvenir d'enfance où je vais à la Réunion et je vois mes oncles, tantes et cousins tous oeuvrent pour le baptême de mon frère. On égorge, on égoutte, on étripe ces volailles que j'ai mangées tout de même avec un grand plaisir. "Tu manges bien la viande du supermarché. Tu crois qu'elle vient d'où ? d'animaux qu'on a tués, me dit ma mère agacée -oui, mais là c'est pas pareil... -si c'est pareil, c'est même meilleur.
J'ai été élevé par un homme qui ne mangeait pas de viande mais du poisson et autres. Ma mère n'aime que le poulet. Et cerise sur le gâteau : j'aime les légumes etc. Tout ça pour dire qu'il y a des parcours qui orientent vers une prise de conscience et une alimentation plus carnée ou non. Certains ne se posent jamais de question sur ce qu'ils mangent. D'autres évoluent. Les goûts sont largement acquis au fil des expériences et des réflexions.
Les autres événements qui ont fait mon alimentation et mon évolution vis-à-vis de la viande sont mon long séjour en Inde, paradis de la bouffe végétalienne, une émission d'arrêt sur image avec l'association L214 et un extrait d'un truc de téléréalité.
C'est manger de la viande et des poissons qui est un luxe que tous les pays ne peuvent s'offrir. Le fait de privilégier des protéines végétales empêche d'acquérir le physique de massai. Mais cela fait-il du groupe concerné, un groupe qui n'est pas dans des situations où la viande manque le plus adapté pour la sélection naturelle ? Je ne pense pas. La meilleure preuve est que ces deux groupes existent encore, chacune étant plus adaptée pour une circonstance que sa voisine. Juger de la "réussite" d'un groupe en fonction de leur allure athlétique, c'est un vieux réflexe eugéniste qui est moins pertinent que l'adaptation. L'émission de téléréalité en question filmait une famille d'un groupe africain en France, invitée chez l'habitant. Vis ma vie version confrontation du la tribu en pagne et avec la lance et du Jacky occidental. Au moment où j'allais zapper, je tombe sur une perle : la famille invitée va au supermarché "c'est là qu'on trouve à manger" lui explique-t-on (il y avait un interprète qui utilisait une langue pivot donc il y a eu de la perte en ligne). D'où ils venaient, il y avait aussi des supérettes mais rien à voir. L'hôtesse remplit le chariot et l'invitée (on voit son visage qui change, priceless) est de plus en plus inquiète, freine, résiste. Elle pose des questions sur tous les produits, bien consciente que ce petit jeu pourrait empoisonner sa famille. Bref, elle devient un boulet. Et bien sûr, on arrive au rayon viande. Et elle pose la question qui tue en ressortant du caddie, comme répondant à une menace, ce que son hôtesse venait d'y mettre "Quand ce poulet a-t-il été tué ? Depuis quand est-il mort" ?
Je me contente généralement de jeter un oeil sur la date limite de consommation mais jamais je ne me demande depuis quand ce cadavre d'animaux attend. J'ai abandonné ce pan entier de ma vie à l'industrie agroalimentaire et la grande distribution. Pourtant c'est du bon sens, c'est élémentaire, se préoccuper de la date d'abattage. La famille invitée n'était pas la plus athlétique mais m'a parue la plus adaptée pour la sélection naturelle par sa circonspection, par sa conscience de l'enjeu !
L'émission d'arrêt sur image m'a fait découvrir une association qui milite pour le bien être animal qui poursuit (et gagne en général) les entreprises qui font de l'abattage rituel clandestin. Plein de bonnes intentions donc. Il y a des lois en Europe pourquoi Charral ne les respecterait pas ? Ces lois sont là pour garantir que l'animal est assommé par une décharge électrique avant d'être égorgé et non égorgé conscient. Ces lois sont là pour s'assurer que les exploitants gardent une densité de bêtes qui permet à ces animaux de vivre selon leur nature (ex. pour les poules, elles doivent pouvoir ébattre leurs ailes).
Aujourd'hui.
Je trouve la viande de moins en moins appétissante. Manipuler du cadavre d'animaux me dégoutte. Mais en manger, quand c'est une viande de qualité, je suis partante. Ma principale source de protéines est devenue les lentilles, les noix et les yaourts de toutes sortes de lait. J'aimerais être moins spéciste, je travaille dessus.
J'ai pris du recul sur les revendications des associations comme L214. Bien sûr la loi est faite pour être respectée. Mais je crains que ce ne soit ce genre de texte plein de bonnes intentions qui a rendu possible la surconsommation de viande en occident. J'ai l'intuition que sans cet outil marketing "de l'absence de souffrance" soutenu juridiquement (l'effectivité passe au second plan) l'industrialisation de l'élevage d'après guerre n'aurait pas pu avoir le même visage (ni la même croissance). Ce genre de texte au final déresponsabilise complètement le consommateur vis-à-vis de la mort de l'animal en aseptisant la chaîne de consommation, en convainquant que l'animal ne souffre pas donc qu'il n'y a pas de restriction à poser. Le lien entre l'animal et l'assiette est effacé de l'imaginaire collectif (sauf dans les DOM et autres coins oubliés du temps). Je reste convaincue que si tous les consommateurs de viande étaient responsables des bêtes qu'ils devaient abattre etc, ils en mangeraient, certes, mais de manière bien plus raisonnable, plus dans la continuité de ce qu'on a connu avant-guerre depuis des millénaires d'évolution. Aucune civilisation n'aurait dû être possible durablement en mangeant du boeuf tous les jours ou presque ! Il s'agit de 1000 litres d'eau par kilo et non 100 (pour le soja je ne sais pas). Sans parler du coût énergétique et sanitaire. C'est une erreur à corriger au plus vite.
Mon idéal serait donc de ne manger que la viande issus d'animaux que j'élèverais et que j'abattrais moi-même selon mes besoins, lesquels seront, concernant les protéines animales, marginaux. Pour l'instant je n'y suis pas encore.
Notes et commentaires reçus par ce post :- [0] Intéressant le 25.06.14, 16h09 par John_Rimbault
- [+1] Constructif le 25.06.14, 21h54 par Prune
- [+1] Instructif le 26.06.14, 02h42 par Miel