Venusian a écrit :En fait à lire les arguments pour défendre la facilité que la télé peur procurer, c'est plus grave que ce que je pensais.
Déjà il faut arrêter avec Nietzsche. Les livres, c'est pas que la philosophie. C'est des romans, des essais, de la bande dessinée, des mangas, des livres d'aventure, des traités de philosophie, des recueils d'absurdités, des recettes de cuisine, etc.
De plus, il est bien sûr cent fois moins nocif de lire trop de livres que trop regarder la télé c'est une évidence que je ne pensais pas avoir à rappeler.
Au delà de tout ça, si lire un livre demande des efforts, j'ose même pas imaginer ce que pensent ceux qui prônent cet argument des gens qui vont au théâtre, au cinéma, voir de l'opéra, aux concerts...
Des super-héros.
Le monde nous conditionne.
C'est très bien expliqué dans les quatre accords toltèques, un livre que pas mal de monde ici a lu et que tout le monde devrait lire. L'auteur appelle ça
"le rêve de la planète"
Et le plus drôle c'est qu'on fait comme si ce conditionnement n'existait pas, ce qui est un contresens total.
Tout le monde vit plus ou moins dans la croyance que le seul conditionnement que nous avons subi était celui de l'éducation de notre enfance, via nos parents et nos professeurs. C'est faux.
Comprenez bien, tant qu'on y est, qu'il est beaucoup plus confortable pour nos contemporains de partir du principe qu'ils ont un esprit critique et un libre arbitre à toute épreuve, plutôt que de se regarder dans le miroir en se demandant si c'est vrai...
Le conditionnement qui nous nique tous :
"tu dois te détendre"
T'as pas le choix, t'es obligé, sinon tu ne vas pas tenir, tu ne vas pas tenir le rythme de ta vie héroïque...
A partir de là on est tous morts. Y compris dans des échanges d'arguments qui arrivent à des malentendus sur ce fil de discussion.
C'est pour ça que je viens de citer Venusian. Tiens, je re-cite la petite phrase qui me paraît toucher du doigt le fond du problème :
Venusian a écrit :si lire un livre demande des efforts, j'ose même pas imaginer ce que pensent ceux qui prônent cet argument des gens qui vont au théâtre, au cinéma, voir de l'opéra, aux concerts...
Vrai. En réalité la notion d'effort a été pervertie, dévoyée et instrumentalisée pour que le peuple réclame son opium.
A partir du moment où on a associé la réflexion, la lecture, l'apprentissage à la cool vautré devant un documentaire à un
"effort", comprenez bien qu'à l'échelle de la société il y a des individus et des groupes qui ont gagné, et des individus et des groupes qui ont perdu.
Je ne vais pas vous faire l'injure de vous balancer "on n'est pas dans le monde des bisounours", mais vraiment, on n'est pas dans une cummunauté anarcho-hyppie. Il y a de très gros enjeux financiers, et pour ce qui est des médias de masse classiques (télé, radio, presse à gros tirage...) il n'y a pas de place pour tout le monde.
Et aucune place ni pour la hasard, ni pour les bonnes intentions. A part dans la
propagande com'
Bah oui les amis, l'opium du peuple, ça ne suffit pas de le créer et de le mettre en vente. Encore faut-il que le peuple ait envie de l'acheter hein...
***
Si je veux essayer de décrire le phénomène, je le démonterai en deux idées forces qui s'enchaînent de façon logique :
-
Prémice :
Le fait de vivre une vie bien remplie (travail + tenue de la maison, et éducation des enfants) fait de toute personne une sorte de héros mythologique, enfermé dans des efforts titanesques qui l'amènent au bord de l'épuisement total et aux frontières de la folie.
Un mélange entre les 12 travaux d'Hercule et le mythe de Sisyphe.
On notera que la pénibilité de la vie quotidienne est un véritable problème. Je ne suis pas en train de minorer cette question.
C'est la conséquence qu'on essaye (avec succès) de nous faire entrer dans le crâne qui me paraît perverse :
-
Conséquence :
Nous devons nous "détendre".
C'est par le biais de cette injonction qu'on nous vend l'opium du peuple.
Je trouve qu'à tous les niveaux du groupe
"population française des années 2000" il y a une sorte de propagande sous-jacente qui provient à la fois de partout et de nulle part, pour nous faire avaler la couleuvre
"si ça peut être épanouissant c'est dangereux pour toi car ça ne va pas suffisamment te détendre, et donc te priver de l'énergie dont tu as besoin pour assumer tes obligations d'adulte responsable"
Variante :
"ça ne va pas suffisamment te détendre, te relaxer, te défouler, te décompresser, te poupouiller, te caresser dans le sens du poil afin de te permettre de t'endormir en douceur avec cette certitude rassurante que tu es en train de puiser à la source de l'énergie du héros des temps modernes que tu es..."
Elle est là l'astuce. Astuce, conditionnement de masse, ce que vous voulez.
Et ça touche les plus fragiles d'entre nous, à savoir les gens qui cumulent les facteurs qui entravent le plus l'épanouissement intellectuel :
- pénibilité du travail
- enfants à charge
- manque d'éducation, y compris à la pensée, à l'art, au sport, et à la culture dans le sens très général.
Par rapport à ce
"manque d'éducation, y compris l'éducation à la culture" on s'est tous fait niquer puisqu'il est globalement admis que l'intégralité de nos concitoyens sont suffisamment éduqués.
C'est devenu un lieu commun d'affirmer qu'une personne sans "éducation post bac" et avec un boulot sans aucune stimulation intellectuelle PEUT être pétrie de bon sens et de curiosité pour ce magnifique monde qui est le notre.
Si cette personne le peut c'est qu'elle le fait. Et donc il n'y a pas de problème.
Ou alors elle ne le fait pas mais ça relève de son intimité la plus inviolable. Là encore il n'y a AUCUN PROBLÈME.
Eh bien moi je dis qu'il y a un problème, car nous vivons dans un monde où la brave mère de famille qui travaille dans la grande distribution a été conditionnée à trois choses :
- Ne pas sortir de chez elle pour s'offrir à elle-même un quelconque loisir qui a du sens, parce que c'est trop fatigant (en plus des problèmes d'organisation que ça pose)
- Ne pas dépenser un centime pour quoi que ce soit qui puisse avoir du sens. Y compris les livres.
- Et enfin, pour ce qui est de la télé, qui a la qualité indéniable d'être à la fois gratuite ET accessible sans sortir de chez soi, se précipiter sur ces programmes débiles, toutes les soirées, toute la soirée, comme un bon gros chien de Pavlov.
Quand on voit qu'ici-même il faut débattre et reformuler pour faire la différence entre d'un côté la lecture et le l'autre le concept quasi-mortifère de "prise de tête" (la "prise de tête, véritable chien de berger toujours là pour nous faire rentrer dans le rang), c'est susceptible de mettre en lumière l'ampleur des dégâts.
Vous pensez bien que sinon je ne développerais pas ce discours délicieusement alarmisto-élitiste. (alarmiste et élitiste aux yeux du groupe
"population française des années 2000", si vous me suivez bien)
***
Dans ces conditions je veux bien que si certaines personnes sont connes et sans aucune curiosité c'est leur problème, mais vraiment il y a des dynamiques de propagande et de conditionnement dans les médias de masse, relayées par l'intégralité de la population en tant que groupe, qui tirent tout le monde vers le bas.
Quand j'ai un élève de 15 ans qui débarque à l'entraînement en me disant :
-
"Hey, t'as vu un peu Nabila qui a poignardé son mec?"
Et que je réponds
-
"Huh? De quoi tu parles? T'as pas plutôt vu la sonde Philae qui a atterri sur la comète?"
Quand j'agis comme ça je fais acte de résistance. ça ne fait pas de moi un héros, au contraire ça montre qu'il est très facile de résister.
MAIS, autant il est facile de résister, autant l'intégralité du groupe subit le conditionnement de tous les instants qui les encourage à
ne surtout pas résister...
Sinon vous pensez bien qu'à la machine à café on parlerait de Tracks, l'émission culturelle décalée d'arte, disponible en replay.
Une émission culturelle gratuite, accessible quand on veut grâce à la magie de l'internet, soutenue, magie de l'internet encore une fois par le site d'arte qui balance tous les liens vers les sujets et les artistes, avouez qu'on est obligés de faire un effort de réflexion pour prendre la mesure du trésor qui nous est offert. Offert pour de vrai, car là il n'y a aucun piège.
CONCLUSION
Voilà pourquoi on regarde de la merde.
Parce qu'on a été conditionnés à accepter et se satisfaire du fait que la merde structure notre temps de
"détente - repos - superglande" et structure aussi nos discussion légères, notre rapport à l'autre.
Il faut donc se détendre, de toute urgence et à doses massives, et uniquement avec la télé parce qu'un bon bain chaud avec un roman d'aventure ça ne fonctionne pas.
Il faut donc se détendre, sous la protection de
"Faut pas se prendre la tête",
et de
"tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout le monde il est intelligent, tout le monde il a une culture digne de ce nom"
Patrick Lelay qui ne l'a pas dit publiquement mais qui nous a montré à quel point il l'avait compris a écrit :Le cerveau c'est comme l'anus.
Avant de le sodomiser il faut d'abord le détendre.