Episode XI : Où je défends la liberté de la presse (part one)
Avant d'entrer dans le vif du sujet, permets-moi deux précautions d'usage... Tout d'abord, je souhaite avertir Senco et toute personne attachée à l'article 212 du code civil que ce billet peut heurter leur sensibilité. Ensuite, que je m'autorise un saut dans l'espace-temps pour me projeter à ces dernières semaines et narrer cette histoire l'esprit frais et la curiosité intacte...
Novembre 2011, donc. Bien que basé en province, je travaille pour une grande institution parisienne qui me demande des déplacements réguliers vers la capitale. Le plus souvent pour des réunions mais aussi parfois - comme dans le cas qui nous intéresse - pour accompagner des groupes de visiteurs...
C'est donc sur un quai de gare que commence ce récit. Passablement en retard et embrumé par une nuit trop courte, je rejoins avec force motivation le groupe essentiellement composé de personnes agées... C'est alors qu'une collègue me dit
« ah ben te voilà enfin ? Il y a la journaliste qui te cherche, elle voulait savoir si tu venais... ». Ah oui... J'avais presque oublié que des aventures aussi palpitantes que des petits vieux qui prennent le train à l'aube se devaient d'être relatées, non pas uniquement sur FTS, mais aussi dans la presse locale, qui a mis Pauline sur le coup...
Pauline a 32 ans. Belle brune aux yeux noirs et aux formes avantageuses, je l'ai croisée à deux ou trois reprises et l'ai eu quelques fois au téléphone, sans jamais m'autoriser aucune familiarité extra-professionnelle. Information qui a son importance pour mesurer l'étrangeté de l'entrée en matière qu'elle me réserve...
C : (smack, smack) Tu vas bien, en forme pour cette journée de crapahutage ?
P : Bof... mal dormi... perturbée par la lettre que m'a écrit ma grande... elle ne veut plus que je me dispute avec son père...
C : Aie... Ils ont quel âge tes enfants ?
P : 7 et 3... deux filles...
C : Comme les miens, alors
P : Deux filles aussi ou des garçons ?
C : Une grande fille et un petit garçon... Bon, ben j'espère qu'on va réussir à te changer les idées alors...
Sans entrer davantage dans le détail de ma situation, je m'éjecte rapidement pour socialiser avec le reste du groupe... Je ne la verrai d'ailleurs pas dans le train (elle s'est isolée dans un autre wagon pour finir sa nuit)... Attitude que je conserverai au cours de la visite, passant de l'un à l'autre, alternant des informations délivrées avec prestance (ouais dès fois je me pète) à l'ensemble du groupe avec des confidences que je lui glisse à l'oreille... Je sens son intérêt, nous échangeons regards furtifs et rires, elle recherche ma compagnie puis s'envole parler à quelqu'un d'autre, et revient... j'en fais de même... comme dans une danse nuptiale de papillons... (je précise aux entomologistes qui nous suivraient que je ne sais pas si les papillons ont une danse nuptiale, ce n'est qu'une image et je ne répondrai pas aux protestations).
Champagne ! L'heure est venue du déjeuner où je n'ai pas eu grand peine à l'attirer à ma gauche. Peu à peu et l'alcool aidant, la discussion générale devient prétexte à toute forme de chuchottement et sous-entendus, comme lorsque mon boss évoque nos journées de travail qui peuvent s'étirer jusqu'au bout de la nuit...
P : donc en fait, tu ne dors jamais ?
C : si, si, dans un placard...
P : Non mais sérieusement ?
C : Sérieusement, j'ai un lit caché dans un placard... curieuse ?
P : Forcément... je suis journaliste...
C : Pause clope ?
P : Euh... là, maintenant ? Ca va jaser non ?
C : Oui. Mais j'ai l'habitude^^
La visite s'achève par l'inévitable passage par la boutique de souvenirs, où je mets en œuvre une technique déjà testée et approuvée (argh, je sais, les routines c'est le mal, mais je dois l'isoler maintenant)
C : Bon, je vous laisse dépenser votre argent, je dois passer au bureau... il y a un café juste en face, on se retrouve dans une petite heure.
Alors que le groupe se précipite à l'intérieur, Pauline reste sagement sur le trottoir...
C : Tes enfants vont t'en vouloir si tu ne leur ramène pas la boîte à musique ou le tapis de souris...
P : je sais... mais...
C : curiosité journalistique, hein ?
P :
Le temps de passer les contrôles de sécurité pour la faire badger, et nous voilà au bureau.
P : C'est le fameux placard ?
Je l'ouvre et m'assied sur le lit... Elle vient à mes côtés... vraiment très près... et m'interroge sur ma situation personnelle, et professionnelle, comment je gère mon boulot avec mes gosses, comment se passent mes relations avec leur mère, comment je vois mon avenir, tout ça... On est plus dans le jeu, on est dans l'intime. Je n'en ai pas forcément l'habitude, je suis déstabilisé, et j'aime ca... Téléphone. Ma collègue se demande où on est, et me demande d'activer. Arf... C'était un beau moment.
Après vingt petites minutes, elle récupère donc ses papiers...
« déjà ? » demande l'agent d'accueil,
« je suis désolée de ruiner ta réputation » me glisse-t-elle amusée dans l'oreille...
Retour au sein du groupe où nous ne nous quittons plus mais où nous jouons le jeu de nous mêler aux conversations. Assez pour l'entendre affirmer sa bissexualité à un gay qui l'interroge sur le mariage homosexuel... Assez aussi pour l'entendre répondre
« j'ai un seul défaut, je suis fidèle » à celui qui lui demande pourquoi elle ne pige pas pour d'autres journaux... Je n'ai jamais vraiment cru aux shits-tests, ou du moins je les ai rarement rencontrés. Je sais que cette phrase est un message qui m'est destiné... Mais je sens aussi qu'elle n'attend pas que je m'y arrête... J'ai plutôt le sentiment qu'elle vise à faire taire d'éventuelles rumeurs naissantes, et à ma laisser assumer la responsabilité de ce qui pourrait se passer.
Je les raccompagne à la gare – restant à Paris pour dîner avec Fanny – et salue l'ensemble du groupe tandis qu'elle se tient, une nouvelle fois, à mes côtés pour que je la garde pour la fin. Une personne veut lui dire au revoir, elle se défend de rester avec moi, je lui susurre que
« les apparences sont parfois trompeuses » au moment de lui faire la bise... Sans un autre membre du groupe demeurant sur le quai, c'eut été un moment parfait pour un goodbye kiss...
Si Talleyrand me pardonne, ce sera pour la prochaine fois
(to be continued)