Il n'y a pas d'amour sans liberté

Note : 45

le 13.03.2013 par Blusher

18 réponses / Dernière par Boubou le 22.03.2013, 18h11

C'était plus simple du temps de papa & maman. Pour celles et ceux qui veulent échanger autour de la vie de couple et des relations, et des différentes formes que tout ça peut prendre. Polyamour ou monogamie, relations libres, jalousie, engueulades dans la cuisine, routine, infidélité, la totale.
Je suis toujours sidéré de lire ou d’entendre les récits de ceux ou celles qui se mettent en couple puis ne se décollent plus un instant l’un de le l’autre. Quand leurs obligations professionnelles les y contraignent, ils trouvent le moyen de rester en contact permanent par messages-texte interposés qu’ils s’envoient à toute heure de la journée. D’autres passent des heures quotidiennes au téléphone à discuter. J’ai encore en mémoire le cas d’un coaché qui avait arrêté la pratique à haut niveau de la boxe Française pour pouvoir parler chaque soir pendant près de quatre heures avec sa copine sur Skype. Ce sont souvent les mêmes que l'on retrouve sur le SOS Love d'ailleurs.

Aussi quand je croise des gens, à Paris oui ailleurs, qui vivent ces relations fusionnelles, ils paraissent horrifiés et suspicieux d’apprendre qu’il m’arrive de passer 48 heures sans entendre la voix de mon cher amour.
Vous vous parlez comment sur Skype ? Téléphone ? Combien de fois par jour ?
Ma réponse est pour eux un blasphème, un crime de lèse-dulcinée. Oui, elle me manque souvent et je lui manque. C’est un luxe que de pouvoir se manquer. A vrai dire mon autonomie et la reconnaissance sans équivoque de son altérité me manqueraient plus encore si elles venaient à disparaître.

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S’aimer c’est ne faire qu’un, mais lequel ?

Dans le cas de ceux qui poussent la fusion jusqu’à son paroxysme, je serais tenté de répondre : ni l’un, ni l’autre.
Chacun se dilue dans un tout indifférencié et perd sa singularité. Dans ces conditions, l’adultère devient un acte non seulement transgressif mais libérateur. La rupture vient juste après.
Je me méfie donc des désirs fusionnels ; si je l’aime c’est essentiellement parce qu’elle est Autre, différente de moi. C’est de là qu’elle tire son pouvoir de fascination. Sinon, ce n’est que du narcissisme.

Hélas, le désir de fusion, à l’instar de toutes les passions est souvent impérieux. Ce fantasme platonicien d’unicité retrouvée mêlé au à celui de la propriété sexuelle qui se manifeste chez Othello jusqu’à la folie relèvent à mon sens d’une profonde angoisse existentielle. Chez Platon, le désir qui nourrit tous les autres désirs est d’ailleurs le désir d’immortalité. L’amour se veut éternel, et non plus seulement le mariage comme chez nos ancêtres ; et tant pis si les statistiques nous donnent tort. Il se veut aussi ‘complet’ au sens de Sternberg et de son triangle amoureux :

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A l’engagement s’ajoute donc l’amitié du compagnon et l’amour de la maîtresse sexy. Que de rôles pour une seule et même personne ! Et pour toute éternité ! C'est faire reposer tout l'édifice de notre vie sur les épaule de l'être aimé.

On ne devrait jamais dire « toujours »

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"Je t’aime pour toujours" est une promesse formulée quotidiennement par des millions de gens. Presqu’autant s’empresseront de la trahir. Et pour cause : à l’échelle humaine « toujours » n’existe pas. Bien sûr en faisant des enfants le couple se succède à lui-même mais ce n’est là qu’un succédané d’éternité. Nous n’avons guère d’autre choix que d’accepter sans frémir l’inéluctabilité de la fin de toute chose ici-bas. Faire preuve de cette humilité, c’est déjà construire une passerelle vers la tempérance, le respect de soi et de l’autre.

Aussi, si aujourd’hui elle et moi sommes heureux de nous être trouvé, c’est aussi pour avoir eu l’intelligence de ne pas fusionner. Nous pouvons nous réjouir de pouvoir nous remémorer des souvenirs de deux points de vue à la fois conciliables et différents. Notre vertu aura été la tempérance.

La difficulté, particulièrement au début quand la dopamine met à mal votre sens critique, est de jongler entre spontanéité de la pulsion amoureuse / sexuelle et la retenue nécessaire pour ne pas hypothéquer l’indépendance nécessaire au déroulement harmonieux de la relation. Il est tentant quand on est amoureux de se voir tous les jours, de bombarder de messages et de petites attentions l’objet de notre amour. Mais ce serait lui assigner un rôle. Nous cesserions de voir la personne pour ce qu’elle est, nous n’aimerions dès lors d’elle que l’image fantasmagorique qu’on s’en fait pour apaiser notre angoisse existentielle et notre peur de l’abandon.

« Qui veut voyager loin ménage sa monture »
Jean Racine

Avoir la discipline de se voir une ou deux fois par semaine.
Ne pas se précipiter pour habiter sous le même toit.
S’autoriser les sorties ou les voyages l’un sans l’autre.
Dans cette tempérance que d’aucun trouveront ascétique voire monacale, je vois donc une preuve d’amour véritable. Il s’agit de fonder un couple sur « la reconnaissance de deux libertés » pour reprendre le mot de Simone de Beauvoir. Sans liberté il ne peut y avoir de vraie morale ni de véritable amour. Il n’y aurait qu’un devoir exogène dont l’un ou l’autre chercherait tôt ou tard à s’échapper comme d’une geôle.

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Répétons-le : c’est bien d’amour qu’il s’agit. La distance dont je viens de faire l’éloge et qui me semble nécessaire à l’harmonie du couple n’est pas un stratagème destiné à asservir l’autre. On ne cherche pas à créer le manque pour le tenir captif (le fameux Hard to Get). Il s’agit d’une reconnaissance de la pleine dimension de l’autre et de sa liberté inaliénable. La réciprocité est consubstantielle à cette forme d'engagement.

Finissons par le bon mot de Larry David :
Qui est le plus libre entre le Chinois sous un régime totalitaire et l’Américain moyen marié ? Le Chinois n’a pas le droit de quitter le pays, le second n’a pas le droit de quitter la maison.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+3] 100% d'accord le 13.03.13, 20h29 par Hydrogene
  • [+3] Constructif le 13.03.13, 20h48 par tibdeconne
  • [+1] A lire le 13.03.13, 21h01 par John_Rimbault
  • [0] Trop dogmatique le 13.03.13, 21h13 par Marshall Ombre
  • [+1] Intéressant le 13.03.13, 21h24 par gekko
  • [+3] Post de qualité le 13.03.13, 21h40 par pastelle
  • [+1] Post responsable le 14.03.13, 12h43 par Vinsanity
  • [0] Tout ça pour dire quoi ? le 14.03.13, 13h07 par Constant99
  • [+3] 100% d'accord le 14.03.13, 13h16 par Mr.Smooth
  • [+2] Intéressant le 14.03.13, 15h16 par emorockerboy
  • [+3] Intéressant le 15.03.13, 09h23 par ailether
  • [0] C'est pas si simple le 15.03.13, 11h38 par Reborn
  • [+1] Constructif le 25.03.13, 00h48 par Moody'Mg's
  • [+2] Merci ! :) le 19.05.14, 17h01 par bratpojar
  • [+3] Post de qualité le 29.05.15, 00h04 par Lulla
  • [+3] A lire le 29.05.15, 12h17 par splifstarz
  • [+3] A lire le 30.05.15, 21h31 par SweetyKID
Sans faire de l'ombre au post de Blusher, je voulais partager ce lien qui explique en détails le triangle de Sternberg.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [0] Merci ! :) le 14.03.13, 13h52 par Blusher
Ce post me laisse une petite impression de "si vous ne vivez pas comme moi, votre amour n'est pas véritable". Mais bon, c'est peut être moi qui interprète trop.

Ceci dit, la frontière me semble ténue entre "s'autoriser à" et "se forcer à". S'autoriser des sorties sans l'autre, se forcer à ne pas voir l'autre plus de deux ou trois fois dans la semaine. Ça soulève aussi la question de quoi faire si l'autre n'a pas la même vision des limites que nous. J'imagine que pas mal de gens vont se croire dans la catégorie "fuck friend" si on leur impose de ne pas se voir trop souvent, de ne pas habiter ensemble, etc.

Enfin, parmi tous ceux qui sont à 100% d'accord avec le post de Blusher, combien d'entre vous sont prêts à renoncer à l'exclusivité sexuelle de votre partenaire ? La liberté, c'est aussi de pouvoir choisir avec qui on couche, et pas forcément se restreindre à une personne.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] C'est pas faux le 14.03.13, 14h47 par Olfff
  • [+1] Ca va mieux en le disant le 15.03.13, 11h39 par Reborn
  • [0] C'est pas faux le 18.03.13, 19h24 par Nidwazo
J'imagine qu'en cas de diffèrenciel de vision comme tu dis Constant, c'est surtout une question de communication et de ne pas laisser de doute sur la nature de la relation.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+2] Absolument le 19.02.15, 13h35 par Blusher
Moi je souscris complètement à ce que vient de dire Blusher. Les couples qui ne sont pas capables de passer une soirée l'un sans l'autre, je trouve ça d'un triste... D'autant qu'ils en arrivent alors à imposer aux autres leur conjoint de manière systématique : il est normal qu'un groupe d'amis accepte le conjoint d'un pote, mais je ne sais pas s'il est normal de ne plus voir le pote qu'avec son conjoint.

Après, je sais que tout cela est assez subjectif et qu'on a pas tous le même besoin d'indépendance et de liberté. Mais je crois que malgré tout ça explique pas mal pourquoi certains couples sont si déséquilibrés, mais tiennent quand même : chacun s'appuie sur l'autre, parce qu'ils n'existent presque plus l'un sans l'autre. Il faut que ça fonctionne, coûte que coûte. Et si l'un des deux sent que l'autre lui échappe, alors c'est la rupture, plutôt que de réfléchir à un autre mode de fonctionnement plus respectueux de l'espace nécessaire à chacun pour s'épanouir.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [0] Ca va mieux en le disant le 14.03.13, 19h16 par John_Rimbault
Globalement Blusher a raison, mais après, dire qu'il ne faut se voir qu'une ou deux fois par semaine paraît un peu dogmatique. A long terme, c'est peu réalisable car le couple vivra sous le même toit.

Cependant Blusher a raison dans l'idée de garder sa vie et son indépendance. Ce qui a séduit le partenaire, c'est notre unicité, notre vie, notre façon d'être. En ne s'accordant plus de liberté, on perd ça et donc on perd la source même du désir et de l'amour de l'autre. Mauvaise idée. C'est pour ça que des gens deviennent dépendant du conjoins. Il passe du stade de vouloir être avec l'autre à nécessité ça présence. Ils deviennent « needy », ce qui est un tue l'amour.
C'est pour ça qu'à mon sens FTS est dans le juste en disant tout d'abord d'avoir une vie intéressante et des potes. D'une la personne sera bien dans sa peau et dans sa vie, de deux elle rencontrera des gens et génèrera de l'attraction, de trois, elle pourra construire un couple sain.
C'est pour ça que les personnes qui pensent que se mettre en couple résoudra tous leurs problèmes font fausses route

Pour finir, je conseillerais de regarder ce Ted talk qui est extrêmement intéressant sur l'idée de comment maintenir le désir et l'amour à long terme. Je ne l'ai que partiellement repris dans mon post et il complète très bien le post de Blusher ; http://www.ted.com/talks/esther_perel_t ... nship.html
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+1] Constructif le 14.03.13, 19h19 par John_Rimbault
Ashen a écrit :Globalement Blusher a raison, mais après, dire qu'il ne faut se voir qu'une ou deux fois par semaine paraît un peu dogmatique. A long terme, c'est peu réalisable car le couple vivra sous le même toit.
En même temps, pourquoi est-ce que cela serait une obligation de vivre sous le même toit?
Je veux dire, ok on a tous cet idéal de l'amour fusionnel, symbolisé par le fait d'habiter ensemble, faire sa vie avec la personne que l'on aime par-dessus tout, etc etc...

Mais d'un autre coté, est ce que c'est quelque chose qu'on est capable de vivre au quotidien?
Quid des personnes qui, à un moment à un autre, ont envie de se retrouver seules avec elles-même?
Un truc con: dans mon cas personnel, je dors toujours mal avec quelqu'un dans le même lit, même s'il n'y a pas de contact physique, quelle que soit la personne. Donc vivre au quotidien avec une même personne et dormir avec elle, fût-ce la femme de ma vie, je pense que j'aurai très vite des problème de santé (rigolez pas, c'est super sérieux!).

Je prenais mon exemple personnel pour demander si simplement, aujourd'hui, est ce que plus de liberté ne passerait pas aussi par le fait de ne pas habiter ensemble?
La liberté n'est pas dans le fait d'habiter ensemble ou séparément, ni dans le fait de se voir tous les jours ou toutes les semaines. Ce sont des exemples, qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre, mais dont il faut comprendre le sens et le replacer dans le contexte de celui qui écrit. Le fond du message ce n'est pas de donner des règles universelles, mais un principe, celui de la liberté. Et la liberté, à mon sens, c'est avant tout une question de choix.

Ce n'est pas un problème d'habiter ensemble, si c'est un choix non contraint.
Ce n'est pas un problème de se voir tous les jours, si c'est un choix non contraint ;
si chacun de ces jours, se voir est le résultat d'une envie mutuelle.

Ça demande sans doute un recul important. Ça nécessite d'accepter que l'autre puisse ne pas en avoir envie, mais également que nous même puissions ne pas en avoir envie.
D'une certaine façon, pour être vraiment libre ensemble, il faut que chacun soit prêt à perdre l'autre.

C'est un thème intéressant, particulièrement à titre personnel, notre mode de vie imposant à ma copine et moi d'être ensemble pratiquement 24/24 7/7. Quelque chose qui est très difficile pour construire une relation saine, en fait, tant le risque de créer une dépendance ou un déséquilibre est grand. On s'en sort bien pour le moment, même s'il y a eu des passages difficiles.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+3] Absolument le 15.03.13, 04h23 par Blusher
  • [+1] Intéressant le 15.03.13, 10h38 par tibdeconne
Salut à tous, une petite contribution de mon philosophe préféré:


à partir de 2:09
Salut à tous, une petite contribution de mon philosophe préféré:

à partir de 2:09
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