Voilà grosso modo la question centrale du double-manifeste de Anne Fausto-Stering qui s'attaque ici à une question pratiquement jamais abordée : celle de la norme médicale décrétant qu'il n'y a de naturel qu'homme et femme et que ce qu'il peut y avoir au "milieu" ou "entre" ne correspond pas à quelque chose de normal, naturel... alors que si des gens naissent comme ça, c'est que c'est d'une certaine façon... naturel, justement !
Bon d'accord, la fréquence est assez faible, entre 1,7 et 4% des individus naîtraient parfaitement hermaphrodites (en gros, ovaires + testicules, parfois les deux en un), avec des gonades d'un sexe mais des caractéristiques sexuelles de l'autre, sans même parler de toutes les nuances possibles et imaginables au milieu.
Fait intéressant, même entre deux personnes classifiées "homme" ou "femme" de manière stricte (autrement dit, gonades, chromosomes, système endocrinien et caractéristiques sexuelles secondaires correspondent au modèle admis d'"homme" ou de "femme"), les formes, configurations des organes sexuels peuvent être bien différentes ! En lieu et place d'une division dichotomique homme/femme, même dans ces cas classiques, il y aurait de vastes amplitudes où la nuance est reine !
Anne Fausto-Steling va même plus loin. Dans ses deux manifestes datant de 1993 et de 2000, elle remet aussi en cause la norme médicale (qui commence à changer, d'ailleurs), voulant que ces anormalités soient soignées, "corrigées" le plus tôt possible, pour faire en fonction de ce que l'on voit comme le plus évident, soit un homme, soit une femme. Face à cette attitude (qui bien que partant d'un bon sentiment de vouloir éviter des souffrances supposées à un individu considéré comme anormal) reflétant un jugement partial socialement construit où les normes sont objectivées par une nature non-porteuse de normes en soi, AFS propose de privilégier un accompagnement psychologique de ses individus et de leurs parents, ainsi que de leur laisser le choix de toute opération ou traitement hormonal, ne limitant les interventions chirurgicales unilatérales qu'à deux conditions :
1) que ça améliore la qualité de vie de l’hermaphrodite en cas de réel handicap (et non à partir de jugements de valeur) ou lui évite des complications pouvant mettre sa santé en danger
2) qu'on laisse les gonades alternatives en place si l'hermaphrodite souhaite "revenir en arrière".
Aussi, d'un point de vue politique et sociologique, AFS milite pour la reconnaissance de ces individus leur intégration sociale, la considération de leur situation comme étant une différence et non une anormalité. Politiquement parlant, AFS préconise de laisser tomber la distinction homme/femme sur les cartes d'identité, considérant que les empruntes digitales, l'ADN et les considérations d'ordre physiologique générales suffisent amplement pour identifier un individu, leur laissant le loisir de définir leur sexe et leur genre comme ils l'entendent.
Et évidement (faut-il le préciser ?), JAMAIS à aucun moment, il est dit que c'est mal d'être homme ou femme au sens classique du terme.
Maintenant, je ne peux vous conseiller que de lire "Les cinq sexes" . Si je trouve la préface longue et rébarbative, les deux manifestes qui font ensemble entre 50 et 60 pages valent franchement le détour, vous ne pourriez qu'en ressortir plus instruit et ouvert sur de nouvelles perspectives
