La fille du bus 51

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le 23.11.2014 par Lac

1 réponses / Dernière par Lac le 23.11.2014, 11h27

La vie est faite de virages, d'obstacles à surmonter, d'audace, de surprises et de rencontres décisives. Racontez votre histoire, entrez dans la légende; partagez vos cheminements, vos interrogations, vos rencontres, vos aventures - foirées ou réussies, c'est pas le plus important - et recevez les avis et conseils des autres membres.
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Bonsoir à toutes et tous, et prenez place confortablement.

Avant d'aller plus loin, vous prendrez bien, j'en suis sur, un petit verre, un biscuit, un café ou un chocolat chaud pour votre lecture.
J'aimerai vous offrir un instant lecture, d'une rencontre faite en Australie. J’espère que j'arriverai à vous captiver suffisamment et a bien aérer mon récit pour que vous puissiez arriver en bas de cette page sans avoir laissé échapper ne serait-ce qu'un soupçon d'ennui dans votre lecture.

Avant propos : Je suis parti en Australie durant 4 mois, mon aventure ayant été écourtée pour cause d'erreur de jeunesse. A la base, j'aurai du y rester 1an minimum (pour y travailler, accumuler de l’expérience pro, pratiquer la langue de Shakespeare, tout en bougeant)
Durant ces quatre mois, j'ai découvert des paysages, une culture, une façon de vivre, j'ai trouvé un job.. et j'ai fait des rencontres.
Et ce soir j'aimerai vous parler de la fille du bus 51.

Tout commence un matin de Janvier.
7h du matin, l'air est déjà irrespirable, et un oiseau faisant facilement deux fois la taille d'un corbeau adulte chez nous, me réveille, comme tous les matins depuis un mois. Il a ces habitudes le bougre.
Sur le haut de la barrière métallique qui fait face à ma fenêtre, il piaille. Le son qu'il laisse échapper de part son bec s'apparente très fortement a celui d'une chèvre. Difficile de ne pas se réveiller lorsque Monsieur entre en scène.
Qu'a cela ne tienne. Le soleil est déjà bien haut dans le ciel d'un bleu parfaitement azur. Encore une bonne journée en perspective.
J'execute mon levé en deux fois. D'abord je viens me placer au bord du lit, assis, je savoure mon réveil. Puis seulement après une vingtaine de secondes, je me lève.
En arrivant dans la cuisine, je découvre mon hôte, torse poil, et short de bain. Le mec déjà bien ready aussi pour sa journée. Un vrai matinal.

"Hey Lac, how are you ? Did you sleep well tonight ?"
Comme à l'inverse, je ne suis pas très matinal, et que la réflexion en Anglais dès le matin ne se fait pas encore naturellement, je réponds d'un simple :
"Yes, for sure. Just a little bit hot"

Ce jour était un grand jour pour moi. C'était ma journée d'essai pour laquelle j'avais été rappelé quelques jours plus tôt, pour un job dans un gros restaurant à succès au niveau d' un port de plaisance, au Nord de la ville de Perth.
J'étais sans pression particulière, et j'ai laissé la journée courir tranquillement en prenant mon temps.
En prenant trop mon temps. Le mec vient de louper son bus qui doit le conduire jusqu'au lieu de travail.

Soudain, petite montée d’adrénaline. Mais une idée me vient alors immédiatement en tête :
"Ok, je suis en Australie.. mais bon, je baragouine vite fait alors.. pourquoi pas tenter le système D ?"
Le système D c'était le stop. Alors je choppe un morceau de papier qui trainait sur lequel j'écris :
"Need a lift to Hilary's Boat Habor !"

Une course sous 40°C s'engage.
"Arriver en retard pour son premier jour ? Impensable"
Sur le chemin, tout en courant, je peste contre moi :
"Mec, t'es trop con. T'as un bus, UN foutu bus à prendre dans ta journée, mais non. Faut que tu le rates. Vieux naze. Tu chies"

J'atteins rapidement un premier feu. L’auto-stop commence.
Les voitures passent doucement. Le trafic n'est pas très dense. Et surtout, personne ne s’arrête :
"C'est normal. C'est pas une artère principale. Mais si je cours 2 kilomètres au dessus, je rejoindrais cette espèce de grosse nationale."
Rangeant ma feuille, je repars en courant, déjà tout transpirant.

Durant ma course, je check l'heure :
"Si personne me prend dans les 15min, mon gars, c'est mort.."
C'est alors qu'une seconde idée me traverse l'esprit.
"Mais tiens.. J'ai un peu d'argent sur moi. Pourquoi ne pas faire un appât pour inciter quelqu'un à me prendre ?"
Alors, au stylo, à la va-vite je rajoute :
"I can add 10$ !!!!!" (avec plein de points d'exclamations derrière, pour ajouter un effet bien Needy, j'ai absolument besoin de vous..)

J'arrive enfin au carrefour. Tout dégoulinant (pas le carrefour)
Effectivement la circulation est bien plus dense cette fois ici, MAIS.. il n'y a pas de feu cette fois.
Je me trouve à ce moment là devant un flot continu de voitures impossible à arrêter, et brandir mon bout de papier ne sert absolument à rien.. les gens ne me calculent même pas.

Je désespère. Arrêté a deux pas d'un stop, je tente le tout pour le tout.
Je commence à remonter la petite file de voiture, et personne ne semble intéressé par ma (petite) offre. De plus, il faudrait que quelqu'un aille justement dans MA direction.
La file, déjà petite, diminue jusqu’à ce qu'il n'y ait plus aucun véhicule devant le stop. Je commence à rendre les armes :
"Mec, c'est perdu. T'as tout donné, mais là, c'est mort.. t'as plus le temps"

A cet instant, un 4x4 déboule alors au loin. M'étant déjà ravisé, je tenais mon bout de papier sans aucune conviction, la main a moitié dans le sac, prêt a ranger ce malheureux "piece of paper".
Et la, le miracle se produit. Le 4x4 s'approche, s’arrête, et la vitre coté conducteur se met à descendre tout doucement :
"Hey dude, what's up ? Come on man, i bring you"
C'était un mineur. Il y en a beaucoup dans cette partie de l'Australie, et ces mecs là gagnent bien leur vies. Un mec baraqué comme pas deux.
J'accepte bien sur l'offre, je grimpe, et le 4x4 s'élance en trombe dans un crissement de pneus..

[Et la je suis trop claqué pour continuer pour le moment.. Faites moi savoir si vous désirez-la suite. Ça donne un peu de suspens au récit !]

Ps : Cette histoire n'est bien sur pas une invention.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [0] Yep le 23.11.14, 09h40 par FK
  • [0] La suite, vite ! le 23.11.14, 10h27 par Leocel
  • [0] Sympa :) le 23.11.14, 11h23 par Snow
[Suite]

Le mec est peu bavard, mais très souriant. C'est moi qui doit faire la conversation. Je commence par lui demander ce qu'il fait, ou il va et ou il vit.
Il me répond que c'est un mineur, revenu d'une mine de nickel située a 1200km plus au Nord. Il fait des allers retours toutes les 3 semaines entre son lieu de travail et sa famille, ce qu'ils appellent des "Shift". Il est revenu une semaine pour voir sa femme, ces enfants.. et sortir avec ces potes boires des verres.
Le mec s'avère vraiment peu bavard, plutôt concentré sur la route.
Mais il a une bonne tête. Barbe hirsute, lunette noire, crane semi-rasé et une boucle d'oreille à l'oreille droite.

Je lui parle alors de moi. Ce que je viens faire ici en Australie, et ce pourquoi je veux absolument me rendre au lieu indiqué. Lui faisant comprendre que je suis grave à la bourre pour mon premier jour, il s’exclame avec un large sourire :
"Oh, great man ! We have to do it !"
Le type qui aime les challenges. Parfait, je pouvais pas mieux tomber.
En arrivant sur le lieu, je lui pose une dernière question :
"Did you recognize my accent ?"
Il me regarde. Il cherche.
"Hmmm damn no.. where do you come from ?" lance-il
"I'm French"
"Hell not ! Hahaha" plaisante-il.
Un chic type.

Il m'amène au plus près du lieu. Je descends, une franche poignée de mains, le remercie mille fois, et commence à courir.
Le restaurant est le dernier bâtiment de la zone portuaire, situé au bout de la jetée. Une nouvelle course contre la montre s'engage. Il fait chaud, le port est bondé, et je dois me faufiler à travers une foule assez compacte. Je fini par arriver pile à l'heure, et quelques mètres avant le resto, je me remets tranquillement à marcher.

En entrant je m'annonce auprès du personnel.
Le chef m'attend ? Aie.
Je suis arrivé pile à l'heure, certes, mais il aurait sans doute préféré me voir arriver plus tôt, c'est certain. Le poste ne m'étant pas acquis, je me dit que je démarre déjà mal.
On me fait patienter à l'étage. Le lieu est impeccable. Propre, et surtout très silencieux. C'est un Lodge, un espace bar réservé aux soirées privées. Le bar est somptueux, des centaines de bouteilles d'alcool diverses sont exposées au mur derrière le comptoir. Les bouteilles sont toutes éclairées d'une couleur différente, ce qui donne un ensemble très agréable à regarder.

Le chef arrive à grand pas. Il me propose de m'asseoir, et l'entretien commence sur les chapeaux de roue. Il semble très pressé, mais soucieux de savoir à qui il a affaire. Il me questionne sur mes aptitudes, sur mes expériences passées.
L'entretien ne dure pas plus de 5min, et il m'invite a passer en cuisine.
Commence alors un petit tour du propriétaire, ainsi qu'une présentation du personnel. Ma mise a l'essai commence alors. Il me met en relation avec le plus ancien commis de cuisine. Un mec super sympa qui m'épaulera durant toute la soirée. Ce soir au coup de feu, 300 couverts sont annoncés, et nous ne serons que deux à la plonge.
"No worries"
On relève les manches et c'est parti.

La soirée commence doucement. Calmement. J'en demande pas mieux. Ça me permet de me familiariser un peu avec le matériel.
Soudain un "Top change !" retenti.
Sans un mot, le commis qui m'épaule me montre du doigt un grand bac bleu, situé coté cuisine. Il s'agit du bac des cuistots.
Il y jettent tous les gros ustensiles de cuisine à ramener à la plonge pour les nettoyer.
Et ça va de la simple poêle à l’énorme marmiton, en passant par une énorme presse à pomme de terre, des égouttoirs surdimensionnés, des planches a découper à rallonge.. tous ces ustensiles sont jetés encore brûlants et sont à traiter rapidement, car il ne faut pas mettre les chefs en retard dans les préparations.
C'est la que je me dit que 300 couverts, et donc autant d'assiettes d’entrée, de plat, de dessert et de couverts à laver, avec en plus le bac des chefs à changer toutes les 10min, ça va être chaud mon gars.

Et effectivement ça l'a été.
La soirée s'emballe mais il faut être à la hauteur. Un défilé de serveurs arrive en cuisine, des piles d'assiettes se forment, les poubelles se remplissent, et c'est encore un truc à gérer. Une fois les poubelles pleines, ils faut les descendre au sous sol. Il faut aussi gérer les poubelles des chefs. Ah, sérieux !
On tient le coup. Il a plus l'habitude que moi, il est rodé à la tache, et enchaîne rapidement. De mon coté je fait le maximum aussi. Une fois la vaisselle passée dans l'immense lave-vaisselle, il faut la sécher et aller entreposer tous les ustensiles, assiettes, couverts, casseroles, poêles aux bons endroits.. sachant que je ne connais pas encore la cuisine parfaitement. Je commence à être a la bourre.
"Hey guys ! Top change !"
Hahahaha, parfait. Fait chier !

Le mec à la plonge avec moi assure grave. C'est un indien, venu en Australie il y a 8 ans. Il enchaîne les taches avec une telle simplicité..
Entre deux lavages, il trouve même le temps de m'aider un peu, de me dire quoi faire, comment gagner du temps en plaçant mieux les assiettes, en remplissant mieux mes casiers, et en faisant moins d'aller retours. Il trouve même un moment pour me dire qu'il est content de moi, et que je fait du bon boulot. Il me confie qu'il n'aime pas les nouveaux, qu'il trouve souvent trop lents et peu investis dans leurs taches. Mais moi, ça passe. Il me fait un signe du pouce. Ça fait plaisir.

La soirée se termine 2h plus tard. Je suis rincé.
Mais il faut encore nettoyer toute la cuisine, des établis jusqu'aux sols, descendre les dernières poubelles, nettoyer nos outils de travail et surtout, laisser le moins de vaisselle possible pour le Kitchen Hand qui viendra le lendemain a 9h du matin pour faire la journée jusque midi.
Le chef fini par m'appeler.

Il est content de moi, et dit que j'ai assuré pour un coup de feu pas simple à maîtriser pour un premier soir. Avec un grand sourire, il m'annonce que j'ai le poste. Tout content, et assez fier de moi, je quitte la cuisine, et sors du restaurant.
Dehors, le vent s'est levé, et il fait nuit noire.

Il est 00h, et j'ai tout juste le temps de choper le dernier bus qui me ramènera à deux pas de chez moi. Le bus 51.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [0] La suite, vite ! le 23.11.14, 12h15 par Matadsex
  • [0] A lire le 23.11.14, 19h58 par Esty
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