Pour monter un projet de vie, se diriger vers ce en quoi on croit, il va falloir des couilles, mais il ne faudra pas les poser n'importe où et n'importe quand. On peut facilement se faire broyer par ses rêves, si on ne réalise pas les choses quand il le faut, comme il le faut. Il est également facile de se laisser impressionner face à ses ambitions, ne pas s'en croire capable, et donc rester dans l'inaction et la frustration.
Je ne prétends pas avoir réalisé des choses plus extraordinaires que d'autres, mais j'ai déjà pris des bons coups dans les dents, et j'ai suffisamment tenu le coup pour le dire aujourd'hui : j'enseignerai d'abord à mes gosses comment échouer avant de leur apprendre à réussir. Les choses sont ainsi faites, la vie c'est beaucoup de lutte, pour quelques moments de gloire. Mais quand ça arrive, c'est la transcendance la plus brute qui soit.
Je vais tâcher de rester assez général pour que mes propos soient applicables dans un maximum de situations et de personnes.
NB : ce post se veut positif, parce que c'est ce dont on a besoin quand on veut se lancer et sortir des vies bien balisées.
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Pour commencer : rêver grand
Pour se lancer corps et âme dans les projets les plus fous, il faut d'abord les rêver. Il faut de la folie, énormément de folie, pour rêver. Parce qu'à un instant T, au milieu de nos vies parfois mornes, la touche de rêvasserie peut faire tache. C'est le moment où on se dit que c'est pour les autres. Alors on se fait une raison, on enterre la semence, et on reprend nos vies là où on les avais arrêtées la veille. Et rien ne change.
La première étape sera d'accepter ces rêves. Nous vivons dans un monde où tout est codifié, et en particulier ce qui est possible pour une personne, et ce qui ne l'est pas. Quand j'ai formulé mes projets professionnels en fin de lycée, mes professeurs m'ont pour la plupart dissuadé de m'engager dans cette voie. Pas assez bosseur, pas assez mature : pas assez comme il fallait. Mais la vérité, c'est que personne ne nous connaîtra jamais mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Pour ma part, j'aurais eut tort de ne pas m'écouter, puisque j'ai réussi. Comme quoi, tout arrive...
Puis exploser les limites qu'on se/nous impose
La vérité, c'est qu'en tant que personnes, nous représentons une image, une mythologie, une "histoire" selon les principes de la psychologie narrative. J'adhère assez à ces idées, qui nous apprennent que nous ne racontons pas notre histoire en fonction de nos vies, mais bien au contraire que nous avons la vie qui correspond à l'histoire qu'on veut bien raconter de nous.
En clair, je peux me décrire comme une personne sensible, subtile et adepte de musique classique, et je mènerai une vie posée, fondée sur des relations de compréhension et de dialogue avec autrui.
Ou bien, je peux me définir comme une personne dynamique, sportive et avide de contact social, et je mènerai cette vie-là.
Ce ne sont pas des choses dont on prend conscience pris dans le feu de l'action, mais avec du recul.
Dans mon cas, je me rappelle m'être raconté cette histoire sur moi au lycée : j'étais vraiment si gentil, débordant d'amour et de tendresse, tellement que toutes les femmes auraient du le remarquer et venir à moi.
Le cerveau aimant inverser les causes et les conséquences, je pensais justifier l'anomalie de la situation en racontant cette histoire, mais c'était tout l'inverse. Cette façon de me concevoir me donnait les résultats d'un AFC, bien évidemment.
Et je sais que parmi ceux qui liront mon pavé, tous auront une ou plusieurs histoires qu'ils se seront racontées à plusieurs périodes de leurs vies, quel que soit le domaine.
Il ne s'agit pas de dire "je vis ainsi alors que je suis comme ça", mais bien de prendre le contre-pied de l'ensemble et retourner ça sous un forme "je suis comme ça donc je peux vivre comme ça". Puis, "à laquelle des convictions me rattacher pour changer le quotidien". On vit parfois la même vie, continuellement pendant de longues périodes, parce qu'on ne suit plus que le même crédo, plus que la même conviction. La transition entre la façon donc on se pense et la façon dont on vit ne se réfléchit ensuite qu'à peine, tant qu'on met des actes en place (j'y reviens plus tard).
Pourquoi c'est si dur de se concevoir autrement
Il y a des raisons assez multiples à ça.
D'abord, cette histoire qu'on se raconte, on finit par y croire. Elle créée une identité à laquelle on tient, parce qu'elle nous sécurise et nous donne une apparente stabilité. Quand bien même on est dans un état intermédiaire mi-satisfait, mi-insatisfait. Pour reprendre une belle citation de je ne sais pas qui, "il faut être prêt à abandonner qui tu es pour celui que tu vas devenir". C'est bien d'abandon dont il s'agit. Dans certains cas, on a mis tellement de temps et d'espoirs dans une façon de se penser et de penser le monde, que changer revient à invalider tous les efforts fournis jusque là. Et ça peut devenir douloureux, surtout si les choix précédents avaient été forcés, faits dans une certaine urgence, et eux-mêmes dans la douleur.
D'autre part, on construit nos actes et nos relations en fonction de cette histoire. Le regard social remplit à ce moment-là son office, et ce rôle qu'on jouait, un rôle parmi d'autres, finit par devenir qui nous sommes aux yeux des autres. C'est bien pour ça que se fier au regard des autres devient incertain à un certain stade.
C'est un peu le "tu dois" de Nietzsche, le grand dragon aux écailles dorées, métaphore de la société, du regard, de ce qui nous est possible, et ce qui ne nous est pas permis. Dans une optique de changement, dans une envie de suivre notre instinct profond, notre volonté de puissance, ce dragon-là est à abattre.

J'oriente aussi les curieux à lire Sartre, qui a pas mal décrit ces concepts de regard de l'autre, du rôle qu'on joue, et du rôle qu'on finit par devenir. Dans mes souvenirs qui commencent à devenir lointains...
Si on veut changer de manière spectaculaire, il faut s'attendre à choquer, à surprendre. Certains accepteront, parce qu'ils nous acceptent tels qu'on est. Il peut être nécessaire de lier de nouvelles relations, plus en accord avec nos nouvelles attentes. L'entourage s'étonne de nous voir changer, et on peut parfois ne pas se reconnaître soi-même. Mais à ce moment-là, tout devient possible. Le monde n'est plus visible selon ses interdits, mais selon ses possibilités.
Passer des mots aux actes
On est chez soi, on cogite, on dresse la liste de ce qu'on voudrait, on se rend compte de ce qui va disparaître dans notre mode de pensée, dans notre façon de mener les choses. On commence à y croire, à bander tout seul parce que ça a l'air pas mal comme ça, tous ces projets. Et on imagine qu'on est le meilleur parce qu'on a réussir à avoir de l'imagination.
On se dit qu'on s'en fout de ce qu'en pensent les gens. On se dit qu'on s'en fout de ce qu'on était jusque là, et que merde, on peut faire ce qu'on veut, du moment qu'on suit ses envies les plus profondes.
C'est normal de prendre son pied à cet exercice, et c'est même nécessaire. Et ces frissons épiques sont fabuleux, quand on prend conscience de toutes les possibilités qui s'offrent à nous (il y en a toujours, quelle que soit la situation sauf si vous êtes dans une cellule de détention dans un sous-sol en Syrie, et même là, il y en a qui diraient qu'on peut faire quelque chose pour changer sa perception des choses).
Toutes les étapes sont là à ce stade, sauf la plus importante de toutes : AGIR !!! Tous ces beaux projets ne valent rien s'ils ne permettent pas de changer notre réalité. Il faut y aller, il faut bouger, il faut mettre les choses en pratique. Selon les projets et les envies intimes de chacun, les actions seront multiples, il y a des milliers de possibilités de changer son quotidien.
- Travailler ses cours si on n'est pas assez fort
- Sortir dans un bar avec des potes si on n'est pas sociable
- Inviter quelqu'un qu'on apprécie en terrasse et avoir un échange fouillé qui dépasse les banalités du quotidien, si on n'a que des relations superficielles
- Faire de la musculation, si on n'est pas assez imposant à son goût
- Lire de la philosophie, si on est trop brute de décoffrage
- Jouer au beauf avec ses potes, si on est trop dandy
- Quitter son travail et ouvrir sa boîte, si on n'est pas satisfait professionnellement parlant
- Apprendre la danse, un art martial, si on n'est pas à l'aise avec son corps
- Aborder cette jolie blonde devant la fac/le boulot/dans le train, si notre vie manque de sensualité
- Etc...

Le tout est de projeter ces convictions sur le monde, ne pas les laisser mourir dans l'œuf. Il faut qu'elles deviennent réelles à tout prix. Et souvent, si on n'agit pas, c'est qu'on n'imagine pas que ces choses puissent être réelles, parce que rêver grand implique d'imaginer des choses à des lieues de ce qu'on vit habituellement. C'est normal d'avoir du mal à y croire. Encore et toujours, il faut une pointe de folie, de l'effronterie, et se lancer. De manière générale, je me suis rendu compte que ce qui me faisait peur était ce qui m'apportait le plus à terme. J'en ai tiré un credo, "si ça t'impressionne, c'est que tu dois le faire".
L'émergence des difficultés, ou le moment où il faut être épique
This is not bullshit. Porté par des élans lyriques, des envies de suivre ses rêves, d'être en accord avec soi-même, on plane. On redécouvre les choses. Depuis peu, j'ai (re)découvert ma capacité à frissonner de plaisir quand j'entends le vent et les oiseaux en voiture, le matin. Rien n'est plus pareil. Je me rends compte de choses que je ne voyais jamais jusque là. Un peu shooté, pour ainsi dire.
Mais il y a aussi des doutes, les premières difficultés, les premières remises en cause dans le projet naissant, après quelques temps à changer son mode de vie, en accord avec ce qu'on croit être nos attentes. L'esprit n'est pas dupe éternellement. Il nous envoie des signaux, des remises en question du bien fondé de ces changements. C'est un test, une sorte de dernière chance : "Eh, tu es bien sûr de vouloir aller sur cette voie-là ? C'était confort avant, tu sais".
Alors là, deux possibilités :
- soit on se range dans les rangs, on abandonne, et on se dit qu'on a été un peu con de se laisser aller à tant de folies
- soit on rempile, on persiste dans l'effronterie, dans cette folie dont je parlais plus haut, envers contre tout, et on se tient à ce qu'on veut intimement
C'est toujours facile de se décider à changer, se dire qu'on ne veut plus la même vie, quand on n'a rien commencé et que tout n'est que parole. Quand les choses commencent à changer, quand la réalité devient différente, que tout commence à devenir "sérieux", on peut se poser des questions. Encore plus quand on essuie des échecs, ce qui indissociable de la prise de risque et du changement. C'est là qu'on parlera de courage ou d'abandon. Reste à savoir dans quelle catégorie on veut jouer... C'est là que se fera la différence entre celui qui abandonne, et celui qui prend ses rêves à bras le corps.
Et ce n'est rien de le dire pour moi, ce n'est rien de le lire pour vous : il faut le vivre, tester sa réaction, les états d'âme que ça amène, et les actes qui en découleront. C'est précisément maintenant que ça va secouer, et c'est exactement là que ça va devenir phénoménal. Porté par une nouvelle liberté intellectuelle, de nouveaux actes en conséquence, une nouvelle mentalité face au changement et à l'inattendu, les choses changent véritablement, et la routine est bien loin derrière.
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Donner suite
C'est faire preuve de maturité et en même temps d'une puérilité à toute épreuve que de suivre sa voie.
Il faut être un enfant pour rêver aux choses les plus invraisemblables.
Il faut être mature pour tenir ces rêves.
La personnalité équilibrée transgresse la barrière entre les deux et adopte l'attitude la plus adéquate selon les situations.

La désillusion de l'adolescence tient au fait que les rêve d'enfance se confrontent à la réalité, violente, faite d'obligations et de concessions.
Certains continuent de voir le monde comme une punition en grandissant, comme une limite à leurs envies. D'autres acceptent peu à peu le monde non plus comme ils le voulaient, idéal, mais tel qu'il est : une opportunité, avec ce que ça implique de défis, de ténacité, de dépassement de soi, en prenant en compte certaines règles du jeu.
Les premières fois, on se lance, on essaye sans vraiment y croire. Et quand des résultats arrivent (il en arrive forcément, et pas forcément ceux qu'on en attendait ce qui rend la chose encore plus amusante), on se dit que ça marche peut-être pas si mal, de sortir de ses principes poussiéreux pour explorer de nouvelles facettes de la vie.
J'ai bien conscience que nous ne partons pas tous égaux, nous n'avons pas tous les mêmes cartes en main (j'ai d'ailleurs souvent envié les cartes des autres). Mais chacun à notre échelle, nous pouvons faire quelque chose d'incroyable, et c'est la seule chose qui compte.
Dans un monde où la plupart baisse la tête, rester droit et tenace dans ses projets fait la différence.
Là où ça devient intéressant, c'est quand on essaye de jouer avec les choses, à sortir des cases préconstruites. Pour en revenir à la psychologie narrative, il n'est pas obligatoire de se raconter de manière unilatérale, comme le mec au béret qui lit du Zola, ou le mec à casquette qui écoute du 2-pac.
Mélangez les inspirations, suivez des envies différentes, et vous obtenez des personnalités et des vies qui dénotent, et d'autant plus équilibrées qu'elles savent suivre leurs envies.
C'est l'histoire du motard philosophe, avec des tatouages sur les bras, qui arrive encore à pleurer devant une comédie romantique et à te parler de la poésie de l'antiquité à aujourd'hui.
Ou encore l'histoire de cette nana hyper sexy qui ne quitte pas ses talons, qui ne pèse pas très lourd, mais qui étale n'importe quel mec forte de ses 15 ans d'arts martiaux, et ne refusera jamais une soirée bière avec ses copains/copines.
Je fais dans le radical, volontairement. Dans tous les cas, ces personnalités se foutent de la case dans laquelle on aurait tendance à les mettre. Elles suivent leur envie, elles ont mis leurs projets à exécution, et elles sont devenues cette histoire qu'elles ont osé raconter d'elles mêmes.

Tout est possible, et ça commence en le rêvant.
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Note de fin :
J'ai balancé pas mal de mièvreries, et j'assume cette folie. Je persiste et je signe, d'ailleurs.
J'espère que cette synthèse de ce que j'ai découvert depuis quelques années aidera certains à se découvrir des projets, à croire en leurs envies, à ne pas sombrer dans toutes les impossibilités qu'on nous balance à tout bout de champ. Énormément de choses sont possibles (à défaut de tout, je ne ferais jamais 2m00 c'est comme ça), et d'autant plus qu'on est jeune (le facteur temps restant et énergie physique disponible joue évidemment un rôle) tant qu'on se l'autorise, et qu'on met des moyens en face.
J'espère aussi que ceux qui se reconnaissent (et il y en a forcément sur le site) sauront apporter des nuances et des pierres à ce que j'ai dit. J'ai forcément été incomplet, et je sais qu'il est possible d'aller encore plus loin.
Dans tous les cas, merci de m'avoir lu
