Je suis Bo Ty, un pseudonyme derrière lequel se cache un anonyme jeune homme de vingt-deux ans.
Parfois, les mots seuls ne suffisent pas. On a beau essayer d’être rationnel, se confronter aux limites, aux obstacles, à l’impossible… le cœur a ses raisons que l’on ignore soi-même.
Cela fait maintenant dix jours que je suis célibataire. Dix jours de deuil. Je sors d’une relation de trois ans. Trois années de ma vie, plus longue période durant laquelle j’ai partagé la vie d’une même personne. Trois années remplies d’obstacles, de déceptions, d’erreurs, et de tout un tas de sentiments. Je pense être passé par à peu près tout. Si l’on m’avait dit que l’amour s’apparentait à des montagnes russes… j’aurais acheté un ticket quand même. Je me le serais fait offrir, à vrai dire. J’ai été trahi, trompé. J’ai fait face au mensonge, à la manipulation. Ces trois ans étaient toxiques, mais remplis d’apprentissage. Parfois, le prix du savoir est la souffrance.
Cela fait dix jours que je suis à nouveau seul. Et l’espoir revient. Celui qui donne envie de croire en la vie. En la beauté de moments simples, légers. La confiance revient aussi. La confiance en moi, mais aussi en les autres. Autant les amis que les femmes. Et même si cet horrible sentiment de manque, ce sentiment qui à lui seul suffit à éteindre toute forme de vie, est toujours là, il semble de plus en plus éloigné, petit à petit. Plus le temps passe et plus il l’efface… Et la motivation revient aussi. C’est finalement quand la tempête est passée que la vie reprend : « ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort »…
Je sors presque tous les soirs. Je rencontre de nouvelles personnes chaque jour, mes relations amicales se renforcent. Et ça suit son train-train. La vie continue, et elle reste remplie de surprises, d’occasions, de hasards, d’apprentissages… En premier lieu, je retrouve le goût de parler. Je retrouve le goût d’écrire. Et même si ça ne suffit pas à effacer mon vide intérieur, ça contribue à le distancer. Je n’arrive toujours pas à travailler. Encore moins à arrêter de fumer. Mes partiels arrivent à grands pas. Mais je sais que ma motivation ne me lâchera pas. Elle arrivera à temps, pour chacun des domaines de ma vie.
On s’est rencontré sur un site de rencontre plus ou moins connu et qui se fait de l’argent en masse sur le dos de l’amour, du sexe, ou encore, de l’espoir. Elle m’a envoyé le premier message, sans doute intriguée par ma description farfelue. Puis nous avons échangé quelques messages, pas forcément banals, pas forcément profonds, mais qui laissaient apparaitre des deux côtés une curiosité naissante, un instinct positif. Elle m’a proposé que l’on se rencontre autour d’un verre. Je lui ai donné mon numéro de téléphone. Puis est arrivée la rencontre, après quelques jours durant lesquels nous ne nous sommes pas échangés beaucoup de messages, ces messages étant neutres. Nous nous sommes installés autour d’un verre. Elle a pris un mojito et moi une pinte à quatre euros. Nous étions arrivés pile à l’heure pour l’ « happy hour ». Cette soirée commençait bien. Nous avons très vite accroché, les blancs étaient absent de la conversation qui s’éternisait et se renouvelait sans cesse, de manière presque autonome. Puis nous nous sommes gentiment fait virer par une table adjacente qui cherchait de nouvelles places. Elle ne voulait pas que la soirée s’arrête déjà, et moi non plus. Nous sommes donc allés dans un autre bar, où les gens étaient entassés, la musique trop forte, et les prix trop alléchants. Nous avons donc opté pour quelque chose de plus calme, où l’on s’entend, et où les prix restent tout à fait honnêtes. Nous parlions, buvions, reparlions, rigolions, fumions, et autres mots finissant par -ion. Je ne voyais pas le temps passer. Puis nous nous sommes levés, direction une fête de rue plutôt sympa, à base de jongleurs, danseurs, cracheurs de feu et autres amateurs de cirque de rue. J’aime bien les regarder se donner en spectacle. Le feu, c’est beau. J’ai croisé des potes, ils nous ont offert une bière, piquée dans le groupe d’à côté, avant de disparaitre dans la foule. Il faut dire que je n’étais pas venu pour eux, mais pour elle. Nous nous sommes assis, et le silence s’est finalement installé, laissant place à un regard parlant. Ses yeux alternaient entre mes yeux et ma bouche. Ce qui est ironique, c’est que ça m’est déjà arrivé de le faire : œil droit, œil gauche, bouche, et on recommence à dessiner ce triangle. Je m’étais toujours demandé ce que ça faisait, ce que ça provoquait. J’avais envie de l’embrasser, et rien d’autre.
« Il y a un truc que j’ai très envie de faire… ». C’était honnête.
Nous nous sommes embrassé, de façon naturelle. Elle en avait envie, j’en avais envie, et elle comme moi sentions que c’était le bon moment. Il n’y avait pas à réfléchir plus. Puis nous nous sommes souris, puis levés. Nous avons marché un peu. Elle m’a finalement invité à boire une dernière bière chez elle. Elle habite à 20 mètres de chez moi, ce qui est plutôt pratique. Elle m’a fait visiter son appartement. Il est sympa, plutôt original : il m’a plu. Sa colocataire n’est pas là jusqu’à la semaine prochaine, nous étions donc seuls. Nous nous sommes assis dans son salon, sur un lit qui sert de canapé, agrémenté de quelques coussins. Nous avons discuté, nous nous sommes embrassé de nouveau entre certaines phrases, mots, silences. Puis elle m’a montré sa chambre, une mezzanine dont le plafond était plus bas qu’elle. Je m’y suis bien senti. Nous nous sommes allongés, elle blottie dans mes bras. Nous étions ensemble depuis maintenant sept heures. J’ai repensé à la règle des sept heures.
On câlinait, caressait, chuchotait, allant toujours plus loin, plus fort. Elle avait envie de moi. Et je sentais bien que j’avais envie d’elle. Mais je ne voulais pas que ça arrive. Pas maintenant. Ça aurait tout gâché. Et puis, je n’étais pas encore prêt. C’est plus la beauté de l’instant qui m’intéresse, plutôt que celle du geste, ou de l’acte en lui-même. Et je préfère rester honnête, quoiqu’il en coute. Je me suis arrêté net. Je la fixais, mon regard dans le sien, à la lueur des bougies artificielles qu’elle avait allumé.
Nous nous sommes endormis, à la façon d’un vrai petit couple, dans les moments où tout se passe bien. Le lendemain, je suis rentré chez moi à midi. Elle avait cours, alors que nous n’avions dormi que cinq heures. Elle avait bien du courage. Pour ma part, je n’y serais pas allé, quitte à dormir.-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Je préfère que ça n’aille pas si vite.
-Oui… Je me disais la même chose.
Elle m’a relancé, une ou deux fois, dans la journée. Des messages neutres, comme à son habitude. Le soir, elle m’a confié qu’elle se sentait seule. Je lui ai proposé de venir chez moi. Elle était là une heure plus tard, il y a de ça quelques heures. Je ne voulais pas la saluer en l’embrassant. Mais je ne voulais pas non plus lui faire la bise. Je l’ai donc embrassée sur la joue. J’ai bien vu qu’elle s’attendait d’abord à un baiser, puis a ensuite cru à une bise. Peu importe. J’étais avec une amie. Elles ont donc fait connaissance pendant que je roulais mon joint. Après qu’on ait dit au revoir à mon amie, elle m’a dit qu’elle la trouvait vraiment sympa. C’est vrai qu’elle est sympa. Un peu folle, extravertie, et sympa. Nous étions alors dehors. Je lui ai proposé de marcher un peu, de simplement se balader, tous les deux. Sur le chemin, elle m’a raconté un peu ses histoires passées. Je lui ai parlé de mon ex. Elle m’a avoué que, quand elle n’arrive pas à obtenir quelque chose, quand ça lui échappe, elle a tendance à tout faire pour l’obtenir.
Elle m’a ensuite demandé si l’on pouvait aller se poser chez moi. J’ai accepté, ça m’allait. J’ai retrouvé la moitié de joint que j’avais laissé en partant. Elle ne fume pas : ça la fait badder. Je connaissais une fille comme ça, que le joint rendait toujours triste, ou à qui il faisait toujours peur. Nous avons regardé la télé. Un épisode, puis un autre, et encore un autre. Elle m’a proposé de me masser, ce que j’ai accepté avec joie. C’était gratuit, et simplement gentil, attentionné. Et ça détendait bien. Elle était derrière moi, et contre moi, pendant que ses mains se baladaient sur mon dos nu. Je me suis contenté du massage. Je n’attendais rien de plus pour l’instant.
Un autre épisode. Il est deux heures et demie. Je lui propose de la raccompagner chez elle, histoire de lui éviter une ou deux agressions. Elle a reçu l’idée avec enthousiasme. Une fois devant sa porte, quelques mètres plus loin, je lui souhaite une bonne nuit. Elle m’embrasse. Je rentre chez moi. Quelques minutes plus tard, mon portable vibre.-J'ai l'impression de te connaître depuis cent ans.
Ça, ça ne changera jamais. Le plus important reste l’honnêteté. Exprimer clairement ce que l’on veut, communiquer ses intentions, ou son absence d’intention. Rester soi-même, ne mentir ni à soi, ni aux autres. C’est, je pense, la base de toute relation saine. Peu importe la nature de la relation. Pourquoi faudrait-il forcément nommer quelqu’un chose qui ne se doit pas forcément d’être nommé ? La beauté réside dans l'instant présent, dans ce moment suspendu entre un passé révolu et un futur imprécis. Et tout le reste, n'existe soit plus, soit pas.-J’aime bien quand on est ensemble.
-Moi aussi, je ne vois pas le temps passer, mais voilà, comme je t’ai dit tout à l’heure, je n’ai pas envie de te faire souffrir.
-Je sais… je comprends. Après, je trouve qu’on passe de bons moments et tu me promets rien, si ça reste comme ça c’est cool et si on y arrive pas parce que c’est trop galère pour l’un ou pour l’autre, on arrêtera, non ?
-Oui, je peux rien promettre sachant la période dans laquelle je suis, je suis encore un peu perdu, et je suis encore loin de savoir pour combien de temps je le serai… Et ça veut dire quoi, arrêter une relation qui n’a pas d’ « étiquette » ? Moi, je sais que, et bien je souffre déjà, et donc plus grand-chose ne peut m’atteindre, mais j’ai peur que tu t’attaches et que ça te fasse souffrir, si finalement ça n’évolue pas. Tu comprends ?
-Oui, je comprends…
-Après, c’est à toi de savoir ce qui est le mieux pour toi, prendre le risque ou non, et dans tous les cas tu resteras une belle rencontre et je respecterai ce que tu auras choisi. Je t’apprécie et je pense que tu es vraiment quelqu’un de bien, et c’est rare, surtout maintenant.
-Moi j’aime bien les moments qu’on passe ensemble et pour l’instant ça me convient très bien. Après, je pense que si mes sentiments évoluent ou qu’on est dans un mode différent, et bien on en parlera clairement.
-Ok, ça va. Un mode différent, comment ça ? En tout cas, je ne veux pas que ça t’empêche de rencontrer un mec qui pourrait te rendre heureuse !
-Je ne sais pas… si il y a vraiment un décalage dans nos attentes ou quoi… Ok, pas de problème, mais ne t’inquiète pas pour ça, si il faut que ça arrive, ça arrivera.
-C’est quoi tes attentes ?
-Pour l’instant, avec toi, je n’en ai pas. Je pense que tu es un « pote + »… style un mec avec qui je m’entends bien, avec une affection particulière.
-Ok, alors ça me va.
-Cool ! Je te laisse dormir. Bisous.
-Bonne nuit ma petite, bisous.
-Bonne nuit Bo Ty, dors bien.