Gustave Flaubert

Note : 13

le 17.01.2012 par Iskandar

8 réponses / Dernière par Kashvili le 30.07.2012, 12h56

Parce que des fois, on fait autre chose que regarder Netflix. Partagez et discutez ici de ce que vous aimez et de ce qui vous intéresse.
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Juste pour qu’il y ait un topic sur lui sur FTS, parce que j’ai eu la surprise de constater que si plusieurs en ont parlé, aucun topic ne lui était consacré. Et c’est quand même un comble qu’il ne soit pas présent sur un forum qui se présente comme le principal lieu d’échange français sur la séduction et plus globalement les rapports sociaux !

Les deux ouvrages les plus connus (je vais m’y mettre d’ailleurs sous peu) :

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« Madame Bovary, c’est moi ! » Je me suis toujours demandé s’il ne fallait aussi entendre cette phrase comme la toute première condamnation de l’AFCisme…

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Selon Wikipédia, « Le personnage de Frédéric, sans doute inspiré à Flaubert par ses propres expériences de jeunesse, est aussi la figure définitive d'une génération nourrie par le courant d'idées romantique le plus large. Ainsi, en même temps qu'il exalte la pureté de son amour pour madame Arnoux, celle-ci empêche Frédéric de choisir la moindre situation dans une société, d'abord influencée par la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe, puis par la deuxième République et enfin par le Second Empire, et qui mise beaucoup sur la carrière et l'idée de parvenir.»…

En résumé, pourquoi lire Flaubert :

* Parce que ça DHV ( parce que ça fait classe, en français).
* Parce qu’on peut parler partout du fait que Flaubert dénonçait les ravages du Romantisme dans les têtes au 19ème siècle. On ne peut pas en faire de même sur le 21ème avec la « Communauté » ou avec Blusher ( :blbl: ).
*Parce que non, ces ****** de yankees, avec leurs acronymes à la con, genre DHV :D , ne sont pas des précurseurs en matière de séduction :fuckyeah:


Sinon, je voulais juste finir sur une remarque. C’est fou de voir comment la « communauté » est parfois rejetée, alors qu’elle a pas mal de racines communes avec le Réalisme. C’est ahurissant de voir comment le Romantisme s’est à nouveau (sur)imposé, alors que Flaubert est l’un des auteurs français les plus lus en France et à l’étranger. Je me suis toujours demandé comment ça a été possible…
Peut être parce que le Romantisme est un idéal, et que les idéaux sont rarement réalistes.

Bref, il y a aussi le "Dictionnaire des idées reçues" qui est génialissime à lire.
C'est tout léger, à peine 80 pages.
Comme du Desproges, mais avec un siècle d'avance, et c'est vraiment dommage qu'il soit inachevé.
X a écrit :* Parce qu’on peut parler partout du fait que Flaubert dénonçait les ravages du Romantisme dans les têtes au 19ème siècle. On ne peut pas en faire de même sur le 21ème avec la « Communauté » ou avec Blusher ( :blbl: ).
Je trouve que c'est quand même un gros contresens que d'appréhender Flaubert uniquement du point de vue de la relation amoureuse ; même si c'est une grosse part de l’Éducation sentimentale, le roman est avant tout la condamnation du romantisme littéraire, qui n'a absolument rien à voir avec ce qu'on nomme romantisme aujourd'hui. C'est plus l'archétype littéraire du personnage romantique qu'il moque, plutôt qu'une manière d'affronter la vie réelle.
Quant à Madame Bovary et son « c'est moi », là encore je trouve qu'on va beaucoup trop loin, voire qu'on déforme totalement sa pensée, en la ramenant à de l'AFCisme. Parce qu'Emma Bovary, ce n'est pas seulement celle qui a lu trop de livres et qui du coup se désespère de la réalité ; c'est aussi et surtout celle à qui on ne propose qu'une réalité médiocre. Que la vie ne soit pas conforme aux romans est une chose, mais que la seule fuite qu'on lui propose soit le mariage avec un type banal et sans intérêt, dans une ville petite bourgeoise où les esprits sont aussi étriqués que les corsets féminins, c'est assez dramatique. Flaubert a bien plus d'empathie pour son personnage qu'on a pu le dire pendant des années ; à l'instar de Corinne ou l'Italie de Mme de Staël, Flaubert nous montre surtout un siècle où les femmes n'ont pas leur place, où elles doivent se contenter d'être des femmes de, aussi médiocres que leurs maris. Espérer vivre plus n'est pas une faute : c'est même totalement légitime.
Ce roman est d'une modernité absolue, voir le rapport qu'entretient Emma avec sa fille, qu'elle n'aime pas, à laquelle elle ne se sent jamais liée. Flaubert nous montre ce que peut devenir une femme quand sa seule échappatoire possible sont les livres, alors que la réalité la déçoit toujours un peu plus. Et pourtant, elle en a du cran Emma : elle croit que Charles va lui faire vivre autre chose, elle n'hésite pas à le charmer, voir cette extraordinaire scène où elle boit du curaçao avec lui, rejetant sa tête en arrière comme une femme totalement libre (et de peu de vertu).
Bref, je m'égare, et même si je me réjouis d'un topic sur cet auteur absolument dément (effectivement le Dictionnaire des idées reçues est un vrai régal, et la comparaison avec Desproges plutôt bien vue), je pense qu'il faut savoir raison garder, et ne pas essayer de plaquer des concepts actuels a des romans qui ont déjà deux siècles.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+2] Intéressant le 17.01.12, 14h21 par FK
  • [+1] 100% d'accord le 17.01.12, 14h31 par Adoniis
  • [+2] Encore le 17.01.12, 15h51 par Clyde69
  • [+1] Pertinent le 21.05.12, 14h01 par Terrigan
LuxLisbon a écrit :Je trouve que c'est quand même un gros contresens que d'appréhender Flaubert uniquement du point de vue de la relation amoureuse
Ce que je ne fais absolument pas. Si c’est l’impression que donnait mon premier message, je me suis mal fait comprendre. Flaubert a
aussi
abordé la séduction et les rapports homme-femme.

(…) même si c'est une grosse part de l’Éducation sentimentale, le roman est avant tout la condamnation du romantisme littéraire, qui n'a absolument rien à voir avec ce qu'on nomme romantisme aujourd'hui.
Tu pourrais développer la différence entre les deux « romantismes » s’il te plaît. C’est vrai que si on réduit « Romantisme » à fleur-chocolats, ouais, c’est clair. Mais globalement, je trouve que les idées qui sous-tendent le Romantisme de l’époque sont encore très présentes aujourd’hui dans le divertissement populaire (mèm si wesh le délire de boté dans la tchatche genre parler comme un aristo tro chelou, on l’a renvoyé chez sa mère avec les mecs trop bogoss que fait la téloch genre Michael Vendetta :lol: ), avec une part d’effets proches de ceux de Flaubert. Bon, après, oui, il y a quand même une mesure à garder, nous ne sommes pas (encore ?) les héritiers époque de bouleversement sociétaux majeurs, comme l’après Napoléon de Flaubert.
Quant à Madame Bovary et son « c'est moi », là encore je trouve qu'on va beaucoup trop loin, voire qu'on déforme totalement sa pensée, en la ramenant à de l'AFCisme. Parce qu'Emma Bovary, ce n'est pas seulement celle qui a lu trop de livres et qui du coup se désespère de la réalité ; c'est aussi et surtout celle à qui on ne propose qu'une réalité médiocre. Que la vie ne soit pas conforme aux romans est une chose, mais que la seule fuite qu'on lui propose soit le mariage avec un type banal et sans intérêt, dans une ville petite bourgeoise où les esprits sont aussi étriqués que les corsets féminins, c'est assez dramatique. Flaubert a bien plus d'empathie pour son personnage qu'on a pu le dire pendant des années ; à l'instar de Corinne ou l'Italie de Mme de Staël, Flaubert nous montre surtout un siècle où les femmes n'ont pas leur place, où elles doivent se contenter d'être des femmes de, aussi médiocres que leurs maris. Espérer vivre plus n'est pas une faute : c'est même totalement légitime.
Oui, mais il faut quand même remarquer que les AFC purs et durs, souvent, ils ont une réalité sentimentale médiocre, d’où la fuite vers « l’idéal » des productions culturelles (livres à l’époque de Flaubert, vidéo aujourd’hui avec la télé et le cinéma). « Madame Bovary = AFC », non, ce serait tout de même exagéré de la réduire à ça. Cependant, je pense que dans le processus qui mène la Bovary à la ruine et celui qui anime les AFCs transis, il y a une certaine similarité, d’où que je les rapprochais. Et pas que les AFC d’ailleurs : des gens avec une vie affective inexistante, et qui commence une idéalisation malsaine à la Bovary, ça se trouve.

Dernier point, il faut se rappeler que Flaubert est un homme. S’il a pu trouver en lui les ressources pour écrire un tel roman, c’est que le problème ne devait pas être spécifique à la condition féminine. Même si je ne nie pas que les femmes étaient peut-être plus disposée à une telle dérive à l’époque à cause de leur condition sociale.
(…) je pense qu'il faut savoir raison garder, et ne pas essayer de plaquer des concepts actuels a des romans qui ont déjà deux siècles.
Je ne sais pas. Encore une fois, je ne prétends pas que notre époque a réinventé Flaubert, mais ce qui me surprend est une certaine similarité de ce qu’il décrit et de ce qu’on peut observer aujourd’hui, au point de commencer à pouvoir ré-appliquer certaines de ses idées. Parce que les éléments que je retiens sont intemporels ? Peut-être, va savoir… Mais que je sache (mais peut-être que le problème vient de là), Flaubert est l’un de ceux qui nourrit le plus son œuvre des dérives du Romantisme.
X a écrit :Ce que je ne fais absolument pas. Si c’est l’impression que donnait mon premier message, je me suis mal fait comprendre. Flaubert a
aussi
abordé la séduction et les rapports homme-femme.
Comme à peu près tous les auteurs de son époque, et d'avant, et ceux depuis :wink: Pourquoi ne pas parler de Stendhal alors ? Il se pose là, aussi, en termes de critique du romantisme (enfin, sa position est sans doute plus nuancée et moins ironique que celle de Flaubert, mais le Rouge et le noir est quand même loin de René de Chateaubriand).
X a écrit :Tu pourrais développer la différence entre les deux « romantismes » s’il te plaît. C’est vrai que si on réduit « Romantisme » à fleur-chocolats, ouais, c’est clair. Mais globalement, je trouve que les idées qui sous-tendent le Romantisme de l’époque sont encore très présentes aujourd’hui dans le divertissement populaire (mèm si wesh le délire de boté dans la tchatche genre parler comme un aristo tro chelou, on l’a renvoyé chez sa mère avec les mecs trop bogoss que fait la téloch genre Michael Vendetta :lol: ), avec une part d’effets proches de ceux de Flaubert. Bon, après, oui, il y a quand même une mesure à garder, nous ne sommes pas (encore ?) les héritiers époque de bouleversement sociétaux majeurs, comme l’après Napoléon de Flaubert.
Pardon de dérouler des évidences mais on parle d'un courant intellectuel et artistique, quand on parle du romantisme du 19è. Tu vois de l'AFCisme dans les tableaux de Delacroix ou de Géricault ? Pourtant ce sont eux aussi des artistes romantiques.
Romantisme, à la base, vient du terme « roman » : ça n'a rien à voir avec la relation amoureuse, c'est une manière de voir la vie et le monde tout entiers. En France plus précisément (parce que selon les pays le romantisme a eu des expressions bien différentes : Emily Brontë était une romantique, pourtant les Hauts de Hurlevent n'ont pas grand-chose en commun avec les œuvres de Hugo, par exemple), le romantisme est apparu en réaction contre la philosophie des Lumières qui a fait les beaux jours du 18è siècle, et ont placé (enfin, à une exception près, celle de Rousseau qu'on peut classer dans les grands auteurs romantiques) la raison avant tout autre chose. Les auteurs du 19è siècle, eux, décident que finalement, la raison ne leur a rien apporté (la Révolution française qu'on chérit tant a été un semi-échec, les mêmes inégalités se sont perpétrées, et pour remplacer la monarchie on a eu l'empire : les idéaux politiques se sont écroulés) et ils vont alors préféré l'exaltation du moi, du je (ce qu'on appelle le lyrisme en poésie).
Pour faire vite, le style romantique est un style qui fait la part belle aux sentiments (mais pas uniquement amoureux et pas uniquement idolâtres envers l'être aimé : on n'est pas que dans l'élégie, preuve en est du très connu Demain dès l'aube de Hugo qui parle de sa fille décédée), sentiments souvent mis en relation avec la nature, violente, libre. C'est le domaine du rêve, de l'individu aussi (et oui, notre société est pleinement héritière de cette conception de la vie), de la richesse intérieure, de la mélancolie : le romantique est rarement heureux, et son désespoir n'est pas forcément qu'amoureux.
Voilà quelques pistes pour savoir ce qu'est le romantisme en littérature. Bien évidemment qu'il y a un lien entre ce mouvement artistique et ce qu'on appelle aujourd'hui « romantisme », c'est-à-dire les fleurs, les dîners aux chandelles, bref les situations un peu clichées qui prennent place dans la relation amoureuse. Sauf qu'il faut bien garder à l'esprit que l'essence même du romantisme littéraire a été énormément dévoyé pour en arriver à un mot aussi commun et bien souvent, mal employé.
Pour aller plus loin, ne jamais oublier une chose : les personnages d'un roman ne sont pas des personnes. Essayer d'analyser leur psychologie mène bien souvent dans l'impasse, car de nombreux romanciers se moquaient bien de la crédibilité dans ce domaine-là (hormis avec le réalisme et le naturalisme, où on tend sans doute davantage à la peinture de personnages crédibles). Quand Flaubert met Rodolphe sur la route d'Emma, il ne crée pas une vraie personne, douée de sentiments et de raison : c'est un topos, pas une vraie personne. C'est le séducteur impénitent, sans scrupules, et qui use d'une rhétorique ridicule pour la séduire — et elle, toute qu'elle est à son malheur, se laisse avoir, pas par ses paroles, mais parce qu'elle veut se laisser avoir et vivre autre chose : elle non plus n'est pas une vraie personne de sexe féminin, c'est le cliché de la femme de province qui s'emmerde et veut croire que la vie, c'est plus que ça, cf. Flaubert : « Ma pauvre Bovary souffre et pleure dans vingt villages de France. »
X a écrit :Oui, mais il faut quand même remarquer que les AFC purs et durs, souvent, ils ont une réalité sentimentale médiocre, d’où la fuite vers « l’idéal » des productions culturelles (livres à l’époque de Flaubert, vidéo aujourd’hui avec la télé et le cinéma). « Madame Bovary = AFC », non, ce serait tout de même exagéré de la réduire à ça. Cependant, je pense que dans le processus qui mène la Bovary à la ruine et celui qui anime les AFCs transis, il y a une certaine similarité, d’où que je les rapprochais. Et pas que les AFC d’ailleurs : des gens avec une vie affective inexistante, et qui commence une idéalisation malsaine à la Bovary, ça se trouve.

Dernier point, il faut se rappeler que Flaubert est un homme. S’il a pu trouver en lui les ressources pour écrire un tel roman, c’est que le problème ne devait pas être spécifique à la condition féminine. Même si je ne nie pas que les femmes étaient peut-être plus disposée à une telle dérive à l’époque à cause de leur condition sociale.
Il y a de nombreux AFC qui n'ont aucun idéal chimérique, qui n'ont pas besoin de livres ou de films pour se sentir seuls et malheureux.
D'ailleurs, je persiste et signe : je pense qu'on fait une erreur en analysant le mal de vivre d'Emma Bovary par son rapport aux romans. Son rapport aux romans est la conséquence de son mal de vivre : que peut-elle bien faire d'autre de ses journées, si ce n'est lire, et lire encore ? Elle s'ennuie, Emma. Voilà son plus grand malheur, sa grande douleur — et c'était celles de nombreuses femmes de son époque, qu'on laissait croupir à la maison pour s'occuper d'enfants que parfois elles n'aimaient pas (l'amour maternel n'étant pas systématique). Du coup, elle lit des livres, et du coup, le premier mec venu, elle l'épouse. Et comme elle s'ennuie encore, le premier qui veut bien la sauter autrement que dans un lit, eh bien elle le suit, là encore.
Et elle consomme. Elle s'achète des robes, parce qu'elle se fait chier, et ça la mènera à sa perte : elle ne se suicide pas par amour, elle se suicide parce qu'elle a trop de dettes. Ça en fout un coup, quand même, à l'image de fille idiote qui rêve tellement au grand amour qu'elle va se tuer pour lui...

Quant au point sur le sexe de Flaubert, j'ose espérer que tu n'as aucun doute sur le fait que j'étais au courant depuis longtemps : Gustave est bien un prénom masculin. Je ne vois absolument pas en quoi ça l'aurait empêché d'avoir un regard sur la condition féminine de son époque. C'est à déplorer mais je constate que les romans les plus forts concernant la cause féminine ont été écrits par des hommes — à quelques petites exceptions près. Personnellement, je trouve que c'est un peu cliché de se dire qu'un homme ne peut pas écrire un roman qui porte un regard vrai sur les femmes. Encore heureux, on n'est pas simplement réduit à notre sexe, et on est capable de voir plus loin, et ce qui se passe de l'autre côté.
X a écrit :Je ne sais pas. Encore une fois, je ne prétends pas que notre époque a réinventé Flaubert, mais ce qui me surprend est une certaine similarité de ce qu’il décrit et de ce qu’on peut observer aujourd’hui, au point de commencer à pouvoir ré-appliquer certaines de ses idées. Parce que les éléments que je retiens sont intemporels ? Peut-être, va savoir… Mais que je sache (mais peut-être que le problème vient de là), Flaubert est l’un de ceux qui nourrit le plus son œuvre des dérives du Romantisme.
Bien entendu, qu'il a nourri son œuvre de sa critique constante du romantisme. Mais du romantisme littéraire. C'était un auteur, c'était son métier : ce qu'il écrivait n'avait peut-être rien à voir avec ce qu'il était dans la vie (grande admiratrice que je suis de Flaubert, je n'ai jamais rien lu sur sa vie et n'en veux rien savoir : la psychobiographie ne m'intéresse pas le moins du monde ; comme avait dit Jules Romains : « Les esprits d'élite discutent des idées, les esprits moyens discutent des événements, les esprits médiocres discutent des personnes. »), et on ne peut certainement pas l'extraire justement des querelles intellectuelles qui avaient cours à l'époque.
Un poète comme Tristan Corbière a par exemple pas mal moqué l'imagerie romantique, ce n'est pas pour autant qu'on peut en faire une figure de proue des PUA.
Je crois que la chose essentielle à garder en mémoire, c'est qu'on parle d'époques et de contextes différents. Aborder une fille dans la rue au 19è siècle, c'était aborder une prostituée (enfin, si elle disait oui). Comment peut-on transposer les théories sur la séduction au 21è siècle dans des romans du 19è ? Qui ne restent que des romans, d'ailleurs ; qui ne sont en rien prescriptifs et ne donnent jamais, à aucun moment, des pistes sur la manière de vivre sa vie. Un essai pourrait donner des indications sur la marche à suivre dans sa vie personnelle, mais un roman certainement pas — ce n'est pas son but.
On est tous d'accord pour dire que l'AFC, c'est le mec à qui on a toujours dit (parce que la société a évolué au 20è siècle — nouveau problème pour mettre en parallèle Flaubert et les théories en question sur ce site) qu'il fallait être gentil avec les femmes. Ce n'est pas quelqu'un qui s'est forgé une vision du monde à travers les livres ou les films : c'est surtout quelqu'un à qui on a dicté sa conduite. Et c'est un homme, le plus souvent (même si des femmes peuvent en être aussi parfois). Or, chez Flaubert, les mecs ils savent ce qu'ils veulent, et ils l'obtiennent. Il n'y a bien qu'Emma pour se retrouver ennuyée et malheureuse du soir au matin, alors que Charles Bovary est lui très heureux, de même que Rodolphe.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+3] Très intéressant le 17.01.12, 16h49 par Clyde69
  • [+1] +1 le 24.08.12, 00h21 par SoulStripper
[Attention troll ]

Marie Morgane; une réaction ?
:idea:

[Attention troll ]
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [0] Foutage de merde le 17.01.12, 20h11 par Lockedinsyndrome
  • [0] ??? le 17.01.12, 22h53 par Iskandar
Tu vois de l'AFCisme dans les tableaux de Delacroix ou de Géricault ?
De l’AFCisme en peinture :? Remarque, c’est à explorer, ce doit pas être impossible, voire ça doit exister, mais je ne connais pas.
Pour faire vite, le style romantique est un style qui fait la part belle aux sentiments (mais pas uniquement amoureux et pas uniquement idolâtres envers l'être aimé : on n'est pas que dans l'élégie, preuve en est du très connu Demain dès l'aube de Hugo qui parle de sa fille décédée), sentiments souvent mis en relation avec la nature, violente, libre. C'est le domaine du rêve, de l'individu aussi (et oui, notre société est pleinement héritière de cette conception de la vie), de la richesse intérieure, de la mélancolie : le romantique est rarement heureux, et son désespoir n'est pas forcément qu'amoureux.
Oui, mais, transposé dans les rapports hommes-femmes, ont retrouve un modèle qui conduit à l’AFC. Fleurs, chocolats et dîners romantiques en sont la manifestation (commune). Mais la base…
Sauf qu'il faut bien garder à l'esprit que l'essence même du romantisme littéraire a été énormément dévoyé pour en arriver à un mot aussi commun et bien souvent, mal employé.
Je ne suis pas d’accord. Enfin, oui, il y a eu un sacré dévoiement, mais c’est surtout dû au changement de temps (on est plus au 18ème ) et de public (on est plus le public à la culture Classique et littéraire des classes aisées du 18ème).
Son rapport aux romans est la conséquence de son mal de vivre
+1. Mais ça, c’est un mécanisme général. Les gens malheureux et qui n’y arrivent pas sur un point vont tenter d’imiter là où ils pensent pouvoir trouver des solutions (« fake until you make it »… va vraiment falloir que je vois ce que ça donne). Avoir le recul nécessaire pour se rendre compte qu’en fait, le réalité et la fiction, ça fait 36, sachant qu’une des caractéristiques d’une bonne fiction est souvent la vraisemblance…

Et au fond, c’est même pas le procès du Romantisme que je veux faire. Ce qui me surprend encore une fois, c’est que loin d’avoir retenu les problèmes et difficultés évoqués par Flaubert, on s’enfonce au contraire dans le travers, avec l’avènement d’une merde comme la télé-réalité. La distanciation réalité-fiction, quel prof de français travaille réellement dessus avec ses élèves ?
Qui ne restent que des romans, d'ailleurs ; qui ne sont en rien prescriptifs et ne donnent jamais, à aucun moment, des pistes sur la manière de vivre sa vie.
Or, chaque année, il y a toujours un petit rigolo pour aller faire une déclaration cash à une fille ou lui écrire des poèmes ? Et d’où sortent-ils ces idées saugrenues ? Parce qu’écrire des poèmes, je vois mal ce qui aujourd’hui justifie cette habitude du 18ème, du moins, d’où proviendrait dans notre culture actuelle les éléments qui rendraient naturels et intéressants pour nous cette habitude d’une population très versées dans la culture antique et la littérature…

Plus globalement, ça m’amène à ce point :
Bien entendu, qu'il a nourri son œuvre de sa critique constante du romantisme. Mais du romantisme littéraire.
Pourquoi cette distinction « romantisme commun » et « romantisme littéraire » ? Oui, le clampin d’aujourd’hui n’a aucune des ressources pour rivaliser avec Flaubert. En fait, il n’a même pas les ressources nécessaires pour apprécier la même chose que Flaubert. Soit. Mais une bonne partie de son divertissement proviendra d’une « adaptation » (« appauvrissement », « transformation », peu importe) de ce « romantisme littéraire ».
l'AFC, c'est le mec à qui on a toujours dit (…)qu'il fallait être gentil avec les femmes. Ce n'est pas quelqu'un qui s'est forgé une vision du monde à travers les livres ou les films : c'est surtout quelqu'un à qui on a dicté sa conduite.
Pas d’accord. Les fictions y participent pas mal, à ce conditionnement (cf plus haut). Twilight, Twilight, es-tu là :blbl: :blbl: ? Au fond, elle se créent en nouvelles autorités, en d'autre forces du "on" qui prescrit.
Comment peut-on transposer les théories sur la séduction au 21è siècle dans des romans du 19è ?
Ce dont il n’est pas question ici.
Personnellement, je trouve que c'est un peu cliché de se dire qu'un homme ne peut pas écrire un roman qui porte un regard vrai sur les femmes.
On l’entend assez souvent. Pour écrire un vrai et bon roman sur la cause X, il faut être de la cause X. Que la cause X soit les femmes, les minorités, etc…
Iskandar a écrit :Oui, mais, transposé dans les rapports hommes-femmes, ont retrouve un modèle qui conduit à l’AFC. Fleurs, chocolats et dîners romantiques en sont la manifestation (commune). Mais la base…
La base de quoi ? Lamartine, Nerval ou Hugo n'ont pas passé leur temps à parler d'amour. Notre-Dame de Paris par exemple est un roman où les personnages masculins sont quand même bien proches de ce qu'on connaît aujourd'hui : Phoebus tire Esméralda mais ne l'aime pas, quant à Quasimodo qui l'idéalise, il n'aura de toute manière jamais un seul regard de sa part puisqu'il est laid. Même la littérature romantique propose une vision de la réalité qui est juste et qui n'exalte pas un amour fantasmé et réussi. A aucun moment je n'ai lu dans les grands textes du 19e qu'on pouvait séduire grâce à un poème — ou alors on en revient à Madame Bovary et à cette femme qui se fait avoir parce que sa condition lui est tellement insupportable qu'elle croirait n'importe quoi (et c'est effectivement du n'importe quoi puisqu'une fois que Rodolphe s'est amusé, il oublie Emma et prend la tangente dès lors que cela devient trop sérieux).
Je crois que la littérature, et même la littérature romantique que tu incrimines tant, a bien montré quelle était l'attitude dominante des hommes vis-à-vis des femmes. Ou alors on a Frédéric Moreau dont le narrateur se moque du début à la fin...
Iskandar a écrit :+1. Mais ça, c’est un mécanisme général. Les gens malheureux et qui n’y arrivent pas sur un point vont tenter d’imiter là où ils pensent pouvoir trouver des solutions (« fake until you make it »… va vraiment falloir que je vois ce que ça donne). Avoir le recul nécessaire pour se rendre compte qu’en fait, le réalité et la fiction, ça fait 36, sachant qu’une des caractéristiques d’une bonne fiction est souvent la vraisemblance…

Et au fond, c’est même pas le procès du Romantisme que je veux faire. Ce qui me surprend encore une fois, c’est que loin d’avoir retenu les problèmes et difficultés évoqués par Flaubert, on s’enfonce au contraire dans le travers, avec l’avènement d’une merde comme la télé-réalité. La distanciation réalité-fiction, quel prof de français travaille réellement dessus avec ses élèves ?
Mais Emma Bovary n'imite strictement rien. En fait je crois qu'on a fondamentalement tort d'essayer de la comprendre comme une idiote qui imite les exemples qu'elle a trouvés dans ses romans : quand elle repousse sa fille parce qu'elle ne la supporte pas, elle est bien loin d'adopter le comportement normé qu'elle lit dans les bouquins "de bonne femme".
Emma, elle croit Rodolphe, pas parce qu'elle a lu des conneries, mais parce qu'elle veut désespérément se casser. Parce qu'elle étouffe et qu'elle se fait chier. Même sans avoir lu un seul livre, elle l'aurait suivi et elle se serait fait avoir, parce que son désespoir la pousse à n'importe quoi pour essayer de s'extraire de sa condition.

Quant à la distance entre la réalité et la fiction, tu peux l'apprendre aux gens tant que tu veux, ça ne les empêchera pas de tomber dans le panneau si leur vie ne les satisfait pas suffisamment. Maintenant, je crois qu'aujourd'hui, comme tu le dis toi-même le modèle c'est davantage Secret Story que les bouquins ou films romantiques... D'ailleurs, même les films romantiques présentent de plus en plus des situations plus réalistes, comme le sex friend (bon, ça finit toujours sur une histoire d'amour, mais ça c'est les US : et pourtant, des grands écrivains romantiques, ils n'en ont jamais eu).
D'ailleurs, dire que c'est la faute des profs me semble être un peu hors de propos : je ne connais pas un seul enseignant qui ait dit à ses élèves que la littérature, c'était comme la vie, bien au contraire. Voilà pourquoi ils se font chier à parler de concepts comme le pacte littéraire, l'illusion de la vérité, j'en passe et des meilleures.
Iskandar a écrit :Or, chaque année, il y a toujours un petit rigolo pour aller faire une déclaration cash à une fille ou lui écrire des poèmes ? Et d’où sortent-ils ces idées saugrenues ? Parce qu’écrire des poèmes, je vois mal ce qui aujourd’hui justifie cette habitude du 18ème, du moins, d’où proviendrait dans notre culture actuelle les éléments qui rendraient naturels et intéressants pour nous cette habitude d’une population très versées dans la culture antique et la littérature…
Mais dans quel texte du 18e on se déclare avec un poème ? Sérieusement quoi ? Quel texte du 18 ou du 19e encore lu aujourd'hui présente cette version-là de l'amour ? Chez Shakespeare par exemple le coup de foudre est immédiat et les deux ados de 13 ans baisent deux jours après s'être rencontrés ; chez Hugo il n'est question que de brimades et de prostitution ; ... Et puis qu'on cesse de me dire que des auteurs qui datent ont autant d'influence aujourd'hui...
Iskandar a écrit :Pourquoi cette distinction « romantisme commun » et « romantisme littéraire » ? Oui, le clampin d’aujourd’hui n’a aucune des ressources pour rivaliser avec Flaubert. En fait, il n’a même pas les ressources nécessaires pour apprécier la même chose que Flaubert. Soit. Mais une bonne partie de son divertissement proviendra d’une « adaptation » (« appauvrissement », « transformation », peu importe) de ce « romantisme littéraire ».
Pourquoi cette distinction ? Eh bien, parce que c'est un terme qui a deux définitions différentes.
Tu sais, il y a des mots dont on détourne le sens au fil des siècles. C'est ce qui s'est passé avec le romantisme : on part d'un mouvement artistique pour en faire une manière d'appréhender les relations avec le sexe opposé. Je suis désolée mais rien de ce qu'on définit aujourd'hui comme romantique n'a ses sources dans le romantisme littéraire ou pictural du 19e. Jamais il n'est question de dîner aux chandelles, de cadeaux, de fleurs, de mièvrerie : c'est au contraire l'exaltation de sentiments forts, tristes, sombres, vus par le prisme de la subjectivité du locuteur.
Iskandar a écrit :Pas d’accord. Les fictions y participent pas mal, à ce conditionnement (cf plus haut). Twilight, Twilight, es-tu là :blbl: :blbl: ? Au fond, elle se créent en nouvelles autorités, en d'autre forces du "on" qui prescrit.
Quel rapport avec Twilight ? Twilight a perverti toute la tradition du roman gothique et romantique (oui oui) anglais, qui parlait de vampires avides de sang, de sexe. Lis le Moine, de Lewis : ça, c'est du romantisme anglais, complètement macabre.
Twilight est une merde pour adolescents, qu'on a aseptisée au maximum pour dire aux jeunes que baiser, c'est mal. On ne peut certainement pas relier cette chose au romantisme littéraire du 19e qui n'hésitait pas à évoquer l'acte sexuel et qui n'était certainement pas prescriptif ni pudibond.
Iskandar a écrit :On l’entend assez souvent. Pour écrire un vrai et bon roman sur la cause X, il faut être de la cause X. Que la cause X soit les femmes, les minorités, etc…
C'est faux. Ce n'est pas parce qu'on l'entend assez souvent que cela est vrai.
Les plus grands auteurs de la cause féminine sont des hommes. Et pourtant, j'aime passionnément Simone de Beauvoir, mais il faut se rendre à l'évidence : Madame Bovary, c'est quand même bien autre chose que la Petite Fadette.
Quand on est soi-même de la cause X, on manque parfois du recul nécessaire à l'établissement d'une oeuvre qui rend justice à la dite cause. D'où l'intérêt de voir des oeuvres sur les Noirs écrites par des Blancs, et vice-versa, et des livres sur des femmes écrits par des hommes.
    Notes et commentaires reçus par ce post :
  • [+2] Constructif le 15.07.12, 08h27 par Iskandar
Effectivement, tester des "concepts" (si l'on peut bien qualifier comme tels les anglicismes un peu clinquants qui composent ce fameux jargon des séducteurs) contemporains en les appliquant à des chefs-d’œuvre de la littérature classique (au sens large, ce qu'on peut étudier en cours) peut être assez amusant, comme une manière de s'approprier une œuvre par le détournement. Cependant, comme l'a signifié LuxLisbon, cela constitue une réduction considérable du sens de l’œuvre en question.
En l'occurrence, la séduction occupe effectivement une place dans les livres que tu as évoqué. D'une part, cette place est relativement secondaire, peut-être davantage dans Madame Bovary que dans l’Éducation sentimentale, mais souvent indissociable d'une espèce de rêverie lyrique, qu'on a associée au courant romantique. Cette rêverie peut être un fantasme d'évasion pour Emma, un fantasme d'idylle ou de pouvoir pour Frédéric... C'est assez loin de notre volonté actuelle de relativiser la valeur de ce qui nous attire.

D'autre part, tu as évoqué l'archétype de l'AFC (sigle encore un peu barbare à mes oreilles, mais je vais m'y faire) sans préciser dans quel personnage de Flaubert on pouvait le reconnaître. Dans une hypothétique "typologie littéraire de l'AFC" section Flaubert (on sait jamais, ya ptêt des chercheurs en socio que ça pourrait intéresser), c'est plutôt Charles Bovary qui tiendrait la première place : une sorte d'AFC médiocre et sous-testostéroné qui arrive à ses fins... De toute manière, l'AFC est, par définition, exclusivement masculin.
On l’entend assez souvent. Pour écrire un vrai et bon roman sur la cause X, il faut être de la cause X. Que la cause X soit les femmes, les minorités, etc…
C'est peut-être à ça que Flaubert répond en affirmant "Madame Bovary, c'est moi" : on reconnaît notamment les bons écrivains à ce qu'il sont capables d'échapper à un bête clivage idéologique entre telle ou telle cause, avec une certaine expérience, un certain recul. Ça n'empêche qu'ils soient impliqués, bien au contraire. Fort de sa longue expérience de la rêverie lyrique, Flaubert nous rend plus conscient (dénoncer ? Non, ce n'est pas la même chose...) des illusions qui encombrent notre esprit afin que l'on parvienne à les mettre à distance.
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