J'avais froid...
Je suis là, j'ai devant moi plein d'ordinateurs, pour changer, car il se trouve que je suis dans la bibliothèque de mon université.
Alors, je ne sais pas si je vous l'avait dit ou pas, mais là où j'étudie, c'est le gendre d'endroit où les filles s'appellent Octavie ou bien Aliénor, ou des noms dans ce goût là, avec des longs nez, des collants noirs, du rouge à lèvre bien rouge comme dans les années 30 (qui tranche avec la relative paleur de leur peau) et puis airs vaguements aristo.
Il y en a des jolies. Mais moi, j'aime pas trop les Octavies et les Aliénor et même si ça peut paraître hypocryte de la part d'un mec qui a eu un amour sur une Albertine, c'est comme ça.
Donc j'étais en cours, à écouter les élèves ponctuer leurs interventions plus ou moins pertinentes, avec des "justement" et des "est ce qu'on ne pourrait pas dire", voir les deux accolés, parce que ça fait encore plus genre, et que je ne connaît aucune classe d'étudiant qui ne parle pas de la sorte.
Les mecs ,ici, ils s'appellent Côme, où Henri. Ils sont grands et minces, ils ont une mèche et puis des écharpes. Enfin, des foulards. Pleins de foulards, ils adorent ça. Me demandez pas pourquoi mais c'est comme ça.
Sinon, t'as des types qui s'appelent Phillipe, ou des Jean-choses. Ceux là, ils arrivent avec des costards corporate. Parfois, ils ont une calvitie naissante. Parfois, pas toujours.
C'est ceux là qui font font le plus de "justement" et tout, pour attirer l'attention, je crois. Ils aiment bien sortir des trucs pas pertinents en commençant par "est-ce qu'on ne pourrait pas dire", et ça a tendance à exaspèrer ces messieurs les proffesseurs qui ont vite appris à cerner s'ils avaient affaire à un Jean-chose ou pas.
Il est vrai que moi, avec mon nom sans tirets au mileu, ou sans particule, mon air méthèque (voir de juif errant, ou de pâtre grec, à ce qu'il parraît), c'est pas l'ambiance qui me botte le plus. En plus j'avais mis Bobby, qui commence à se faire vieux, le pauvre, et les sweat shirts blancs c'est pas le genre de truc qui botte les Aliénor et les Cômes, ni même les Jean-choses.
Pour le reste tout est de qualité, je crois, à part l'immeuble a moitié décrépi et mal isolé, fait dans le style international le plus vulgaire qui soit, mais ça, ils y travaillent. Au moins.
Ca me désole juste de voir le lustre lumineux, dessiné par Starck à en juger du style, trôner comme ça dans la bibliothèque alors qu'on se caille nos génitrices dans les couloirs et les salles de classes. A cause de l'isolation.
Puis comme je fait du Fiscal, et même que j'aime ça, je me dit que c'est en parti vos parents, voir vous mêmes qui avez financé ça.
Je veux dire, avoir contribué à la décision d'un Monsieur du secteur public qui a décidé que c'était mieux d'avoir un gros lustre lumineux Starck, pour que la photo de l'Université soit chouette ou quoi, avec votre argent. A la place d'avoir isolé les murs avec du Pluto.
Le Pluto?

Chais pas. Quand j'était petit, la laine de verre, ça me faisais penser à Pluto, le chien de Mickey. La couleur, toussa...
Du coup, chez nous, les murs sont pas assez rembourrés avec du Pluto, et ça fait que je dois mettre des sweat shirts. En tout cas c'est l'excuse que je m'étais trouvé.
...et pourtant
Et pourtant.
Oui, c'était un peu déprimant de raccrocher avec cette routine, tandis que je viens de terminer un stage d'un mois et demi en design, en stratégie;
Dieu, que j'ai pu m'éclater. Notamment, on m'a demandé de travailler et de faire des dossiers sur des trucs comme l'histoire du bauhaus, ou bien le developpement durable, et tout ces trucs que l'on peut sortir à des diners pour faire l'intéressant.
Puis, j'avais fait de l'évenementiel, juste 3 jours. Je devais faire le commercial de base en allant vendre la boite à EquipMag, le gros salon du retail, du style aller expliquer aux grands patrons de chez BHV, ou des Galleries Lafayette ce qu'on pouvait bien leur faire pour qu'ils se fassent encore plus de maille. Grand bien leur en fasse. C'est du Win-Win.
Je ne peux le dire autrement, mais j'ai été très bon. J'ai toujours été bon, à l'oral, avec ce qu'il faut de décalé et de sincérité pour ramener une conversation à du plus humain.
Il y en a même qui ont commencé à me poser des questions, savoir ce que je faisais, à me demander mon nom et des machins comme ça. J'ai pu parler avec des mecs vraiment intéressants. Et les working girls entre 30 et 40 ans...

Elles me rendent fou. Vous savez, ces brunes de taille moyenne, avec des formes sexy et du bronzage qui sent la lampe à UV de chez Caudalie? Bah j'adore. Et j'aimais bien les voir marcher comme ça, en mageant mon sandwich au poulet et à la moutarde de chez Paul. A vrai dire, je me suis permis d'aller en voir une.
Je lui ai dit que c'était sûrement indécent de ma part, mais que je la trouvait "troublante de féminité". C'était indécent car je lui faisais ma présentation en même temps, et que la boîte ou je travaillait avait image de boite de design sérieuse et talentueuse...mais sérieuse quoi.
Alors, elle était toute contente, me souriant, me donnant de ce regard là, amusé et puis enfantin, qui était sans doute un peu hypocryte car elle savait qu'elle était belle, avec ses cheveux tout noirs et lisses, et sa peau bronzée aux UV.
Evidemment, elle avait une alliance.
Mais c'était cool.
Et je lui ai dit tout ça car j'avais vu qu'elle avait une alliance, vous avez compris.
Enfin, de toute façon, j'ai toujours eu ce côté théâtral que je suis incapable de transporter dès que je prend un risque émotionnel. Traduisez: une fille qui me plaît.
Enfin, je dit ça, c’est pas vrai.
J’y arrive.
Un peu.
Vous savez, outre E. , j’ai flirté comme il fallait avec 3 autres filles cet été, avec la guitare et ma voix, et l’air chaud des vacances. Christophe Maé, Dust in the Wind… ça aide.
Mais je me sentais pas de raconter ça.
Ca n’avait aucune espèce d’importance face à mon amour. Le fait est que c’est un espèce de satané miracle que j’ai réussi à en séduire, car il fallait ajouter à mon côté « je ne fait pas d’avances », un côté « je te parle jusqu’à la nausée de la fille que je kiffe et que me fait faire n’importe quoi, regarde ce poème là que j’ai écrit ».
Un miracle, je vous le disais.
Le fait est que ça y est, c’est passé. Que je vais sûrement recontacter l’une de ces filles qui -pour une fois- n’habite pas dans un bled à l’opposé de Paris. Qu’en plus, j’ai des filles qui sont venues me parler sur Facebook, dont une vraiment jolie, mais elle habite loin, donc ça fait chier. (réminiscence d’AUM)
Manners maketh man.

Devise d’Oxford, je crois, ou d’une belle université anglaise.
Le style fait l’Homme.
Pour ce faire, je remet à jour un programme qui saura me faire devenir celui que je veux être.
Chaque semaine et demi, je m’engage, à peu de choses près, à avoir lu 1 livre, a avoir fait une création artistique, a avoir appris un nouveau morceau à la guitare.
A côté de ça, 3 fois par semaines, je fais de l’activité physique, à la gym, mon cours de danse, et la peinture que je reprend.
Mes parents m’ont poussé a faire tout ça. J’ai la conscience d’être un privilégié de merde, alors la moindre des choses…
C’est comme mon père qui me dit de ne pas avoir peur, de faire de l’entreprenariat, parce que j’ai juste pas de risques.
La seule chose que l’on me demande de faire c’est de bien travailler à l’école, mais surtout de faire ce que j’aime, et le faire bien.
Mes parents se sont fait un sang d’encre pour moi. Avec eux, et le psy que je suis allé voir, on a creusé.
C’est quelque chose que je n’avais jamais vu.
En fait, que je ne m’aime pas, ça je le sais.
Ce que le psy a vu, quand je lui racontais ma vie, c’est qu’en fait, je me mets sciemment dans des positions émotionnelles où je me fais mal.
Il n’y a qu’à lire un peu tout ça, ce que j’ai écrit.
Je me déteste, et inconsciemment, je suis un masochiste émotionnel.
Ca m’a fait un grand choc quand j’ai découvert ça.
Le psy m’a dit que je passais mon temps à me punir. D’être moi. Ou un truc comme ça.
Je me hais, donc je me fout dans des situations abracadabrantes pour me faire souffrir….à dessein.
A savoir pourquoi je ne m'aime pas...je ne sais pas; Ca va mieux qu'avant. En fait, la grande diffèrence, c'est qu'avant je ne lachais pas mes émotions.
Maitenant ça sort. Maitenant, je suis le genre de mec à avoir une larme de bonheur discrète quand toute ma famille est là pour mon anniversaire. Mais ça vient avec d'autres choses moins sympa.
Enfin, à propos du fait que je ne m'aime pas...
Mon père m’a dit: « Smooth, si tu continue comme ça, le vrai risque c’est que tu devienne malade. »
Là, j’ai su que c’était sérieux, et que quand il disait malade, il voulait vraiment dire physiquement malade.
Dans le genre cancer, ou ulcère.
J’ai avoué à ma mère que je m’étais mis deux fois en situation de suicide. Parce que ça devait sortir.
Mon père, lui, il l’avait compris. On est trop proche pour que je lui cache des trucs.
Il m’avait téléphoné quand j’allais hyper mal cet été, et il m’avait dit que lui aussi était passé par ce genre de trucs.
J’ai dit « mise en situation » et pas tentative.
Ca veut juste dire que je me suis mis au bord d’une falaise, en Corse, tout juste au bord, et je me suis dit « Qu’est que ça peut me foutre si je saute ? »
Puis j’avais vu la lune et son reflet sur l’eau, j’ai pensé à ma famille, et aux gens que j’aime, et je me suis dit que c’était des caprices.
J’avais déjà fait ça, en Février, sur le pont de l’Alma.
Sauf que la deuxième fois j’avais vraiment réfléchi. Pendant 2h. Je sais pas si je l’aurais fait, à vrai dire je pense pas, mais ça m’a fait bien penser. Aux choses Vraies, et à pourquoi on se lève le matin et ce genre de trucs.
Comme je vous le disait, j’ai trouvé mes réponses. Et je suis là.
La mise en abîme face à mes échecs (pas que de cœurs) , m’a , par ailleurs, fait prendre énormément de recul sur ma vision des choses.
Déjà, en humilité.
La vraie, pas la fausse.
Je vais pas tous vous les faire, je détaillerais, entre deux rencontres avec le sexe féminin.
Bacci