
Très humblement, je trouve qu'on se trompe de combat quand on s'en prend aux faiseurs et pas aux décideurs. Je te trouve très caricatural dans ta vision de la démarche de McCarthy. Ce n'est ni une victime, ni un bourreau, ni un complice. Il a enseigné l'art. Il a étudié l'art. Il a pensé son œuvre avant de la faire, je ne vois pas en quoi il ne serait pas légitime dans l'espace public. Je ne vois pas pourquoi il serait fautif que le marché de l'art soit un oligopole à frange (ne me demandez pas pourquoi, j'aime ce mot). C'est comme si tu reprochais à Nicki Minaj la confidentialité d'un groupe comme Kat Onoma (je ne connais pas beaucoup de groupes pas connus, désolée).
Sur le marché de l'art, le problème c'est aussi la suprématie de l'art ancien (qui ne rapporte qu'aux maisons de vente, aux collectionneurs et aux galeristes) et de l'art moderne (qui ne fait vivre que les ayants-droit). Le problème c'est aussi le blanchiment d'argent. Le problème c'est la spéculation en général. Et ce n'est pas nouveau : l'œuvre d'art est quasiment depuis le début une marchandise. Elle a eu une fonction somptuaire pour les aristocrate, puis pour la bourgeoisie, puis pour les 1% d'aujourd'hui. Quoique, je connais des collectionneurs passionnés qui ne sont pas si riches que ça...
Je défends une définition de l'art matérialiste et économique. Tout ce que je dis c'est que ce qui fait que l'art est art, c'est l'opération symbolique de le montrer en tant qu'art. Rien de plus. Il n'y a pas essentiellement des artistes plus artistes que d'autres ou meilleurs que d'autres.
Parce que si on va plus loin dans cette veine, on tombe dans des notions de pureté et d'esthétisation entièrement subjectives.
- Banksy c'est bien parce qu'il fait de la dénonciation politique dans l'espace public avec des jolies images.
- Koons c'est mal parce que ses caniches géants ont « défiguré » Versailles.
(Je n'ai pas pris ces exemples au hasard, ce sont des artistes que je n'aime pas)
Pareil pour la notion de mérite. Si on pousse l'idée plus loin :
- Un photographe est moins un artiste qu'un peintre parce qu'il ne fait que « appuyer sur le bouton ».
- Les grands maîtres de la Renaissance sont des imposteurs parce qu'ils travaillaient avec des apprentis et qu'ils se contentaient parfois de signer l'œuvre finale peinte par leur atelier.
Ce qui ne m'empêche pas de dire que certaines expos sont à chier (CF le Grand Palais où je vais pourtant souvent). Je préfère penser qu'une programmation artistique doit se distinguer par sa variété, sa diversité et par la multiplicité des réflexions qu'elle engage et des regards qu'elle croise.
Pour répondre à la question que posait Iskandar. Le jeu vidéo peut très bien être considéré comme de l'art. Puisqu'il n'est plus désormais cantonné au marché global en tant que marchandise et qu'il a sa place dans les musées. Je pense notamment à l'excellente programmation de la Gaîté Lyrique. À l'inverse du jeu de société qui demande les mêmes compétences (fabriquer une mécanique de jeu, designer l'ensemble de la boîte) qui ne s'expose qu'en ludothèque.
Et pour répondre à Venusian : là encore l'universalité est une notion hyper trouble. On peut apprécier une œuvre très conceptuelle et très « élitiste » sans faire partie de l'élite. J'ai vu des œuvres avec plein de références à la pop-culture ne pas marcher du tout et des pièces minimalistes absconses rencontrer un écho chez toutes sortes de public.
Le souci actuellement, c'est que l'art reste réservé à une population restreinte. Malgré les cours d'histoire des arts au collège, malgré la gratuité des musées pour les publics défavorisés, malgré l'implantation de centres d'art en région et en banlieue, malgré toutes les politiques culturelles mises en place pour amener les gens vers l'art contemporain, on entend encore : « L'art contemporain, je n'aime pas » — ce qui n'a pas de sens parce que l'art contemporain c'est aussi bien le street art que l'art conceptuel.
Donc il y a un problème d'éducation générale, mais à la fois, l'éducation ne fait pas tout.
Quand je bossais à la FIAC, il y avait dans le stand que j'aidais à tenir une œuvre qui représentait plus ou moins un xylophone. J'ai vite était gonflée par toutes les Chantal la Bobo et les Robert le décorateur d'intérieur qui me posaient des questions méprisantes : « et pourquoi ça coûte aussi cher ? » et « je ne comprends pas la démarche » et « ça serait mieux sur un socle ». En revanche, la sculpture d'en face, ça c'était bien, c'était beau, c'était intéressant (il y avait des couleurs, c'était "joli" et tout). Mais ce xylophone était un hit pour les 2-4 ans qu'il fallait retenir pour ne pas que l'œuvre soit réduite en charpie. Les mecs qui s'occupaient des poubelles (et qui ne bronchaient devant aucune œuvre) sont venus nous demander des catalogues parce que l'œuvre était inspirée d'un instrument de chez eux. D'ailleurs, ils m'ont appris plein de trucs.
Donc le défi, c'est de faire de l'art contemporain un bien culturel comme un autre dans lequel chacun puisse piocher ce qui l'inspire ou ne l'inspire pas.
Enfin pour ceux qui voudraient un peu s'initier à l'art sans voir forcément Mickey faire des choses bizarres avec son sexe je conseille vivement :
La Piscine à Roubaix : C'est un piscine, mais avec des statues tout autour.
Le musée Gustave Moreau à Paris : un petit musée confidentiel qui montre l'œuvre de Moreau, mais aussi beaucoup de croquis, d'esquisses ... un bonheur pour ceux qui aiment dessiner.
Le Bal à Paris : des expos-photos souvent politiques d'artistes du monde entier. J'y ai appris plein de choses sur la tradition des livres de photographie d'Amérique du Sud, l'architecture en Afrique du Sud, les milieux ouvriers au Royaume-Uni. Avec à chaque fois des accrochages surprenants.
EDIT : On parle, on parle, mais on oublie facilement le premier lésé dans l'affaire :
