Je voulais juste revenir sur le dernier post de Splifstarz page 5, car il touche du doigt l’un des principaux éléments que j’ai voulu mettre en avant dans ce topic :
Quand je demande aux gens pourquoi regardent-ils ces émissions que eux même trouvent stupides, la réponse qui revient dans la plupart des cas est: "Ben ouais mais ils sont trop cons/bêtes, ça me fait rire".
Pareil de mon côté. Le topic est parti dans une autre direction que celle que j’avais voulu. Ce qui n’est pas forcément un problème, puisque d’autres aspects sont abordés. Mais en fait, à la base, c’est vraiment cet élément qui m’avait fait le démarrer. C’est un truc que j’ai mis beaucoup de temps à comprendre car à accepter. Bon, mais pourquoi cette réponse ? Splifstarz apporte une réponse qui me semble pertinente :
Je suis intimement persuadé qu'il y a autre chose d'inavouable là dessous: ça les rassure. Sur leur propre degrés d'intelligence/stupidité.
Mais j’aimerais m’arrêter sur ça. Alors certes, on peut penser que le rire que provoque la télé-réalité se justifie par la cause sous-jacente ci-dessus. Mais en attendant, la télé-réalité développe un rire particulièrement cruel. Parce que certes, dans la vraie vie, on peut rigoler devant un comportement idiot au possible. Devant un comportement.
On passe au stade suivant lorsqu’on rigole à cause de quelqu’un en général. Un abruti, un raté dont la personnalité, l’essence fait qu’invariablement, l’hilarité démarre. Sauf que normalement, c’est un personnage de fiction. Genre, plus ou moins Charlot dans Modern Times. Pour donner un exemple toujours fictionnel mais malheureusement raté (mais bon, vu qu’il a été conçu par un artiste que j'ai tout particulièrement en horreur, à savoir Thomas N’Guijol…), mais qui normalement a été construit pour cela: le personnage de Franklin dans le navet Fastlife. On rigole au détriment du bouffon, et on rigole longtemps pour peu que le bouffon ait été drôle.
On passe encore au stade suivant lorsque le bouffon devient un camarade de classe. Mais oui, rappelez-vous, le débile qui était avec nous en classe en 4ème A. Vous vous rappelez la fois où cet idiot a commencé avec son délire X ? C’était tellement ridicule que même vous, vous avez pris part au sale coup Y que toute la classe lui a fait, et à la fin, on a bien rigolé. Bon c’était pas super sympa, et après, il avait l’air traumatisé pendant plusieurs semaines, mais bon, en même temps, nous en rigolait encore trois semaine après !
Alors certes, après (des années après ou quelques heures après une de ces nouvelles bouffonneries), on a mauvaise conscience, ce qui entrave le rire (mais ne l’arrête pas nécessairement). Et puis bon, c’est vrai que le gars, il a probablement pas eu une enfance facile, ce qui explique etc etc etc…
Et donc la télé-réalité nous emmène au stade suivant. Donc on a toujours ce camarade de classe. Le même gros bouffon. Sauf que là, par la magie de la télé-réalité, on peut s’en moquer sans entrave. Pour ceux qui connaissent et s’en sont moqué. Alors certes, c’est peut-être moins drôle avec le temps. Mais vous trouvez le « Allô quoi » de Nabilla plus intelligent avec le temps ? Vous trouvez que Michael Vendetta n’était pas un si gros con arrogant ?
Donc oui, pour peu que tu aies du recul, tu vas te dire que non, ils ne sont pas si con quand même en vrai. Juste qu’ils sont filmés. Des entraves au rire vont réapparaître, parce que ce sont quand même des gens. Mais quelle sera la force de ces entraves, vu qu’il est bien difficile de leur rattacher des images concrètes ? Pour peu que tu aies du recul et que tu sois tombé sur une vidéo du type Le Temps de Cerveau Disponible, ces entraves vont se renforcer, parce que tu vas capter que les manipulations ne sont peut-être pas aussi évidentes que cela. Par exemple, le coup des conversations orientées pour des raisons publicitaires, j’aurais pas capté tout seul sans aide avant un bon moment. Pour moi, c’était juste que ce sont des débiles. Mais combien de personnes remplissent ces deux conditions ? La majorité des gens regardent des pauvres abrutis, des ratés patauger dans la merde, et c’est assez drôle en fait.
Et en fait, c’est cet aspect que j’ai mis beaucoup de temps à capter, parce que je fonctionne beaucoup moins facilement comme ça. Le bouffon de la classe, même si je vais pas non plus m’impliquer, ça m’amuse pas tant que ça quand il se faire bizuter (je ne dis pas ça avec fierté ou quoique ce soit, d’autant que comme je disais, je serai plutôt le connard qui détourne pudiquement les yeux…). Et le truc, c’est que ces inclinations « négatives » on va dire, elles peuvent se rencontrer ailleurs. D’où que je parlais du goût des gens à critiquer les malheurs d’autrui par exemple. Mais tu ne vas pas (
toujours) ouvertement le reconnaître, voire ( ?) le refouler. Je veux dire, vous êtes déjà allez raconter que vous avez ridiculisé la tête de turc de votre classe surtout parce qu’en fait, avec le recul, vous vous rendez compte que vous avez eu une opportunité
ET un prétexte (finalement, avec le recul) ? En revanche, qui s’est déjà foutu du « Allô quoi ! ». Moi oui. Qui a partagé ce même sur Facebook, au moment où on a appris son incarcération ?
Alors qu’on parle d’une criminelle. Non ? Pourquoi ? Parce que ce n’est pas un
personnage sérieux ? Je vous rappelle qu’elle est dans le même cas que Bertrand Cantat (elle a eu plus de chance).
Vous noterez que ça n’a rien de nouveau. Et que cette « télé-poubelle », on peut par exemple la retrouver ironiquement dans… la culture « dominante ». La scène des paysans de Dom Juan de Molière, c’est très précisément ça, de la « télé-poubelle ». N’oubliez pas que c’est joué à un public parisien, et qu’on est au 17ème. Qui sont les parisiens à être allé dans la « cambrousse » à cette époque ? Et si vous voulez d’autres exemples, il y a la gravure par rapport à Sade que je mettais dans le post initial.
Donc le lien avec les autres aspects du débat maintenant. Je dirai simplement ceci (ze arrogant, il s’auto-cite, t’as vu):
Iskandar a écrit :Et un dernier point: on arrête pas de regarder la télé parce que c'est "mal", mais parce qu'on a mieux.
Et ce que vous essayez de combattre, ça a un attrait fort. Intelligence ou pas, culture ou pas, capacité à faire un peu d'effort pour obtenir le fruit un peu plus en hauteur, ou pas. C'est pas parce que t'es très intelligent et cultivé que tu ne vas pas raffoler de voir un abruti se ridiculiser. J'ai un de mes meilleurs potes dans ce cas. Pour ceux qui connaissent, un exemple de fiction de ce cas:
(Certes, on le voit mal regarder de la télé-réalité (ses débiles à lui sont plus intelligents), mais vous voyez l'idée...)
D’où aussi mes questions au début du topic.