Chapitre II - Acte I : Le retour de FlicAnge... Une lettre
Depuis quelques mois je préparais mon retour. Quelques bribes échangées sur facebook - on ne s'était jamais supprimés. Mes perches de rencontre qui s'effondraient platement en un bruit sec.
Never think it gonna be easy. Amadouer l'animal. Au bout de 3 mois, au détour d'une conversation, il m'offre finalement une opportunité saisie avec joie. Dans un lieu de son monde.
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La soirée est excellente. Envie de plus. Incapable de jouer, de ne servir que l'entrée, voilà que j'en vais jusqu'à proposer le dessert : nous rendre dans sa tanière. Surprise moi-même par ce qu'il éveille en moi. Voir défiler les lustres dans la nuit, lovée dans un nuage dans cette berline sombre qui me berce, avant d'entamer une nuit torride et refermant les chaînes de la dépendance affective qui me dévore déjà de nouveau.
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Les semaines passent, je n'écris pas tous les jours, je le laisse respirer, moi aussi j'en ai besoin. On se voit régulièrement. Il fait quelques projets sur le moyen terme (une activité dans 2 mois, partir en week-end loin). Chaque fois c'est une soirée, une nuit, et toujours je me donne
entièrement. Toujours sur mon initiative. Je ne comprends pas encore qu'il ne veut pas rentrer dans mon monde ou qu'il ne fait rien pour me revoir, que ce n'est que quand il n'a rien de mieux à faire. Il écrit peu de lui même, livre des messages courts, ne refuse jamais un RDV par un "non" ou un "désolé" mais simplement par une énième excuse. J'investie temps et énergie,
j'ai envie que ça fonctionne, comme d'habitude c'est un défi.
Seulement cette fois, tous les facteurs ne dépendent pas de ma motivation, ce n'est pas un examen.
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La première chute : nous devions nous voir à mon retour, la date était fixée. Le jour J,
aucune réponse. Je passe la journée à m'affairer pour que tout soit parfait, un travers que j'ai. Me mets aux fourneaux. Coiffée, maquillée, rasée. Je réitère quelques messages à plusieurs heures d'intervalle, sans trop insister mais assez surprise de son silence. "Je me lève tôt demain, j'ai /
chose importante/". Je laisse deux jours passer, enrubannée dans un mutisme coi, les larmes déchirant mes yeux. Envie de me laisser l'eau envahir mes poumons au fond de cette baignoire.
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Le surlendemain il s'excuse légèrement d'un "sorry", il avait oublié que je revenais si tôt, je l'appelle,
il attend toujours la dernière sonnerie du 2e appel pour répondre, c'est un pli qu'il a pris avec moi. Nous parlons longtemps, il me raconte sa journée, j'ai tout pardonné intérieurement, on partage vraiment quelque chose de
spécial...
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Il organise un événement dans son monde, je ne suis pas invitée...
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Je lui retéléphone quelques jours après. Il a prévu une soirée coloc mais est dispo après. Je quitte ma soirée plus tôt que prévu, lui demande, à l'ancienne,
chez toi ou chez moi ? Il veut venir dans mon terrier. Je me réjouie de le revoir pour la première fois depuis mon retour. Je rentre, il est sur le point de partir de chez lui, en 10 min, une girouette l'habite, il "doit se lever tôt demain, a plusieurs choses /
détaillées/ à faire". Je suis abasourdie. Je replonge à nouveau dans l'ascenseur émotionnel,
à quelques semaines de mes partiels je n'ai plus la force d'encaisser ses coups...
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Silence radio.
Je sais que je ne pourrais pas le changer, que je suis toujours la
n+1 après une relation
n qui a fait souffrir, et jamais la
n+2 avec qui on a envie d'être, stable.
Mais j'aurais aimé qu'il soit sincère quand on s'est demandé si on voyait d'autres personnes. J'aurais aimé retirer mes lunettes rose quand il a dit "non, de toute façon j'ai pas le temps". Ce qui ne voulait
absolument pas dire "non, tu me combles".
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En tant que
crazy bitch, je suis retournée sur le site de rencontres où l'on s'est connu. Un faux compte. Je flash, il m'écrit. Sans même que j'eus à mettre une photo, un
vrai crevard de compétition. J'ajoute en photo la fille la plus populaire de mon ancien lycée. Cette fois moi aussi je joue, je me fais plus
hard to get. Je ne suis celle qui préparait le petit déjeuner pour son réveil avant que je parte travailler, posant un regard doux sur son corps enseveli dans mes draps. Extrait :
Sophomorex : - wahou, mais comment se fait-il que tu sois célibataire ?
FlicAnge : - Je sais pas... Et toi?
- Tu as l'air jolie comme un coeur :-)
Sophomorex : - Moi c'est par choix

j'aime bien m'amuser, je vais être franche je cours plusieurs lièvres à la fois... ça ne te pose pas de problème ?
FlicAnge : - simple et direct
- ;-)
- Et toi? Si je cours plusieurs gazelles?
Sophomorex : - Aucun problème du moment qu'elles sont au courant que j'existe et qu'elles le vivent bien, sans faux-espoir. Que tout soit effectivement simple et direct. C'est le cas ?
FlicAnge : - deal
Sophomorex : - trop facile, même pas de challenge... tu as combien de gazelles beau /
prénom/ ?
FlicAnge : - Tu veux du challenge?
Sophomorex : - qu'est-ce que tu as de plus pour me combler que mes deux autres lièvres ?
FlicAnge : - lol
- de plus? rien à me prouver ;-)
Sophomorex : - tu as de l'ego ça me plait
FlicAnge : - trop
- et toi, tu as quoi de plus?
Sophomorex : - Moi je sais analyser les gens.
Je peux sentir qu’on t’a fait du mal en amour, alors tu n’attends plus rien de personne, tu ne veux pas t’attacher, tu ne fais pas confiance, tu ne donnes que des miettes avec parcimonie. Alors qu’être fort c’est peut-être finalement accepter de se donner entièrement et prendre le risque de souffrir ?
Le crâne rasé comme signe qu’on ne peut plus rien t’enlever ?
Tu es probablement frustré de ton poste dans /
établissement/, mouton noir parmi tes collègues pas très réfléchis, dans un job où l’épanouissement est absent et où l’on ne reconnait pas tes qualités et ta singularité, à leur juste valeur.
Sans doute as-tu l’amer regret de ne pas avoir été plus ambitieux et de ne t’être lancé professionnellement dans /
activité/ ou /
activité/ pour vivre pleinement de ta passion. Il est possible que tu sois fatigué de rencontrer des femmes superficielles et consuméristes que tu te sens obliger de « cultiver », de familiariser à /
une de ses activités/, de changer dans leur nature qui ne te comble jamais.
Tu refuses les normes, aimes provoquer par tes actes, tes propos et ton apparence. Mais ne serais-tu pas finalement un pur produit de la société actuelle : en appliquant l’approche libérale du travail qui t’est monotone à tes relations : « je prends, je jette », loin de tout semblant de franchise et de courage, le défi comme unique moyen de valorisation. Quelle valeur prend la personne une fois que tu la crois acquise ? Plausiblement aucune. Qu’est-ce que t’a véritablement apporté le vécu de ces moments ?
J’ai pu observer ce besoin que tu as de séduire, pour être flatté dans ton ego et te sentir exister par ton absence plutôt que par ce que tu es : qu’y a-t-il derrière le masque ? Est-ce qu’entretenir le mystère, se montrer inaccessible, n’est-ce pas crier « aimez-moi » et ne pas pouvoir être seul ? Ne jamais dire « non », être toujours sur le fil de l’élastique, dans le contrôle, dans le jeu, dans le faux peut-être ? N’est-ce pas manquer de confiance en soi et compenser cette faiblesse non assumée en enchaînant les relations sur le "catalogue Meetic", en quête de toujours mieux. Condamné à ne jamais être heureux parce que tu pourrais bien être incapable d’être un jour satisfait ? Ce /
animal/ sur la photo est j’imagine, à l’image de ce que tu as attends des femmes : surattentionné et qui sait retourner à sa place d’un simple geste de ta part.
En refusant de donner une chance à tes relations en te rendant disponible à la première venue, en passant de bons moments nocturnes à la carte sans t’imprégner du monde de l’autre, en étant dans le challenge, l’opportunisme et la quantité, la qualité t’échappe. As-tu seulement vécu /
prénom/ ?
C’est tout pour moi, /
prénom utilisé pour le faux compte/ est une chimère, comme l'impression première et faussée que j'eus de toi, bon vent /
ses prénom et nom/
FlicAnge : - joli
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Il ne m'a pas supprimée de facebook et je n'arrive pas me résoudre à prendre les devants. C'est tellement
mort de chez mort, sans qu'il ait eu besoin d'enfoncer le clou. Je le hais et en même temps il est
tout ce qui me fait vibrer. Mais je sais qu'on idéalise facilement un homme fantôme, qui brille par son absence.
J'étais persuadée d'avoir créer des instants agréables qui vont lui manquer, mais je sais qu'il ne reviendra
jamais vers moi.
Qu'est-ce que ça veut dire "
joli" ?! Oui je l'ai coincé, je ne me laisse pas balader sous mes airs de
blondinette inoffensive. J'attendais qu'il me traite de cinglée, de
crazy bitch, qu'il hésite sur mon identité entre plusieurs de ses conquêtes. Mais non. Il ne m'offre même pas son dédain.
J'ai piétiné son ego surdimensionné qui nous empêche de vivre quelque chose et il se contente de me jeter son ironie à la figure.