Chacune de nos actions et la conséquence d’une cause spécifique. Comme un algorithme informatique. Comme une loi physique. Les mêmes causes entrainent toujours les mêmes conséquences en nous. Rien n’est jamais neuf, nous tournons toujours en rond, nous agissons toujours dans le passé.
Cette absence de liberté n’est que la conséquence de notre éducation. Vous m’excuserez la comparaison, mais je pense par exemple à un chien que l’on dresse. S’il est calme et obéit à son maître, celui-ci le récompense d’une manière ou d’une autre. En revanche, s’il se met à aboyer et à courir dans tous les sens, alors son maître va le punir. Le chien va progressivement être programmé à rester calme. Mais, lorsqu’il est devenu un « bon » chien, un chien « respectable », lui reste-il encore la liberté de choisir ? Est-il encore capable d’agir ? Ou bien est-ce qu’il ne fait que réagir ?
Sommes-nous si différents ?
J’ai quelques bouquins sous la main, notamment les « Fragments d’un enseignement inconnu » où Gurdjieff en parle très bien :
Fragments d'un enseignement inconnu, p42-43 a écrit : Comme je vous l’ai déjà dit, la suprême illusion de l’homme, c’est sa conviction qu’il peut faire. Tous les gens pensent qu’ils peuvent faire, tous les gens veulent faire, et leur première question concerne toujours ce qu’ils auront à faire. Mais à vrai dire, personne ne fait rien et personne ne peut rien faire. C’est la première chose qu’il faut comprendre. Tout arrive. Tout ce qui survient dans la vie d’un homme, tout ce qui se fait à travers lui, tout ce qui vient de lui, tout cela arrive. Et cela arrive exactement comme la pluie tombe parce que la température s’est modifiée dans les régions supérieures de l’atmosphère, cela arrive comme la neige fond sous les rayons du soleil, comme la poussière se lève sous le vent.
Mais quel est le moteur de nos réactions ? Qu’est ce qui est constant derrière tout ça ?
La peur, tout simplement. La peur d’aller vers le nouveau, le neuf, l’inconnu. Parce que si on arrête de suivre cette putain de ligne au sol, alors quelque chose de terrible risque d’arriver. La foudre divine risque de s’abattre sur nous, en nous disant « Tu n’es pas un homme comme il faut, tu n’as pas fait les choses comme il faut.»
Comme il faut……..Quand je lis ça je me dis que TOUT tourne autour de ce « comme il faut ». Il faut que vous agissiez d’une certaine manière, que vous soyez un certain type de personne, pour être comme il faut.
C’est là que je voulais en venir.
Je pense que la plus grande peur que nous ayons, est celle de ne pas être « comme il faut ».
C’est de là que vient la peur du rejet (et non l’inverse, AMHA). Si nous sommes rejetés par la société, nous pensons que le monde lui-même nous rejette, parce que, au plus profond de nous même, nous ne méritons pas de vivre.
Tout part de là, et y revient.
C’est ça qui fait que la vie de l’homme moderne est ennuyeuse à mourir. La société trace une ligne par terre et lui dit « Si tu ne suis pas cette ligne, alors c’est le mal absolu, ça veut dire que tu as un profond problème, un profond défaut de conception. Le seul sens, le seul but de la vie, c’est de faire comme on te dit de faire ».
Si tu as de l’argent et des diplômes, tu es quelqu’un de bien, si tu es au chômage alors tu es un déchet de l’humanité.
Si tu chopes et si tu baise, alors tu es trop fort, si tu n’y arrives pas ça veut dire que tu es un faible déchet de l’humanité.
Si les gens t’apprécient, si tu es aimé, ça prouve bien que tu es un type cool. En revanche, si on ne te rappelle pas tous les jours qu’on t’aime et qu’on tient à toi, ça veut dire que tu es inutile. Pourquoi tu continue à vivre ? Le monde ne te veut pas.
C’est comme ça que ça fonctionne. Tous les gens cherchent à suivre la ligne.
C’est ça aussi qui fait que nous avons peur d’être seul, car être seul ça veut dire ne plus être validé, ça veut dire que personne n’est là pour nous dire si nous sommes quelqu’un de « bien » ou pas. La solitude peut rendre cette peur et cette souffrance extrêmement puissante.
Nietzsche a écrit : « Je me digère mal, disait quelqu’un pour expliquer sa sociabilité. L’estomac de la société est plus solide que le mien, il me supporte »
« Votre mauvais amour de vous-même fait de votre solitude une prison »
C’est ce qui fait que l’homme n’est plus un homme. Il n’est qu’un outil programmé par la société, à aller dans un sens, et à ne jamais faire demi-tour.
Mais, pour citer Taurus dans son excellent post La meilleure injustice :
Taurus a écrit :Tu rentres dans le métro après une nuit merdique, et tu tombes sur le looser arrogant que tu a vu adossé au bar, accompagné des deux bonnasses qui t’ont envoyé chier .Ce serait facile s’il était habillé de façon stylée mais tu te demandes s’il a pris une douche avant de sortir de chez lui, et il a des baskets pourries et un vieux t-shirt. Ce serait compréhensible s’il était beau, mais il a un nez énorme, de l’acné, et en plus il a l’air débile. Ce serait facile de dire qu’il est authentique, mais la vérité c’est qu’il en a tellement rien à foutre d’elles qu’elles se sentent obligées de lui courir après pour remettre leur réalité en place.
Et pendant que tu perds une journée à chercher le mérite dans l’histoire et que tu conclus qu’il doit sûrement avoir de bonnes techniques de pnl (trop marrant quoi), il se tape la fille que tu as essayé de chopper avec deux ou trois routines du maniac plan.
Admettons qu’il ait de bonnes techniques, qu’il maitrise la MM, en quoi est-il supérieur à toi ?
Admettons qu’il choppe une fille différente par jour, en quoi est-il supérieur à toi ?
Qui fixe la norme ? Qui dicte ce qui est « cool » ou pas ?
Le conditionnement social, et…
Vous.
Sincèrement, posons-nous la question 30 secondes… Qui peut nous dire ce qu’il faut faire et ne pas faire ? Existe-t-il une seule personne dans ce monde qui soit vraiment supérieure à nous pour nous dire ça ?
Bien sûr que non.
Parce qu’il n’existe vraiment aucune valeur absolue. Si vous comprenez ça, alors vous être le maître du monde.
Nietzsche, Les Trois Métamorphoses a écrit :Mais dans le désert le plus reculé se fait la seconde métamorphose : l’esprit ici se change en lion, il veut conquérir sa liberté et être le maître de son propre désert.
Son dernier maître, il le cherche ici : il veut devenir son ennemi et l’ennemi de son dernier dieu, il veut se battre pour la victoire contre le grand dragon.
Quel est ce grand dragon que l’esprit ne veut plus appeler ni maître ni dieu ? « Tu dois » tel est le nom du grand dragon.
Mais l’esprit du lion, lui, dit « Je veux ».
« Tu dois » l’attend au bord du chemin, couvert d’écailles, dorées, miroitantes et sur chaque écaille étincelle en lettres d’or : « Tu dois ».
Des valeurs millénaires brillent sur ces écailles et ainsi parle le plus puissant de tous les dragons : « Toute valeur de toute chose, elle brille sur moi »
Toute valeur a déjà été créée et toute valeur créée c’est moi. En vérité, il ne doit plus y avoir de « Je veux ! ». Ainsi parle le dragon.
Mes frères, pourquoi est-il besoin du lion de l’esprit ? L’animal de bât ne suffit-il donc pas, lui qui renonce et qui est plein de respect ?
Créer des valeurs nouvelles, le lion lui-même n’en est pas encore capable, mais conquérir la liberté pour des créations nouvelles, voilà ce que peut la puissance du lion.
Créer sa liberté et opposer même au devoir le « non » sacré : à cette fin, mes frères, il est besoin du lion.
C’est la première étape de la révolution spirituelle que peut accomplir un homme. Arrêter d’être hypocrite. Arrêter d’être en conflit intérieur parce qu’il essaye de suivre des règles complètement débiles qui n’ont aucun fondement.
Evangile de thomas a écrit :6. Ses disciples l’interrogeaient ainsi :
Faut-il jeûner ? Comment prier ? Comment faire l’aumône ?
Que faut-il observer en matière de nourriture ?
Jésus disait :
Arrêtez le mensonge,
Ce que vous n’aimez pas, ne le faites pas ;
Vous êtes nus devant le Ciel,
Ce que vous cachez, ce qui est voilé,
Tout sera découvert
Retourner à nos racines, c’est la première chose à faire. Être sincère avec nous même, sur nos envies, nos désirs, nos aspirations, et toujours, toujours agir en conséquence. Faire la paix avec soi-même, retrouver l’équilibre.
Jiddu Krishnamurti, se libérer du connu, p16-17 a écrit : Si j’étais assez sot pour vous donner un système et si vous étiez assez sot pour l’adopter, vous ne feriez que copier, imiter, vous conformer, accepter, et en fin de compte ériger en vous-même une autorité, laquelle provoquerait un conflit entre elle et vous. Vous éprouveriez la nécessité de faire ce que l’on vous a dit, tout en vous sentant incapable de le faire. Vos inclinations, vos tendances, vos besoins seraient en conflit avec le système que vous croiriez devoir suivre et vous seriez dans un état de contradiction. Vous mèneriez ainsi une double vie entre l’idéologie du système et la réalité de votre existence quotidienne.
[…]
Et d’abord, peut-on rejeter toute autorité ? Si on le peut, c’est que l’on n’a plus peur. Et alors qu’arrive-t-il ? Lorsqu’on rejette une erreur dont on a porté le fardeau pendant des générations, qu’est-ce qui a lieu ? … N’arrive-t-il pas que l’on est animé d’un surcroît d’énergie ? On se sent davantage capable d’agir, on a plus d’élan, plus d’intensité, plus de vitalité. Si ce n’est pas cela que vous ressentez, c’est que vous n’avez pas rejeté le fardeau du poids mort de l’autorité.
Mais lorsqu’on s’en est débarrassé et que l’on possède cette énergie en laquelle ne subsiste aucune peur, aucune crainte de se tromper, de ne pas savoir choisir entre le bien et le mal, cette énergie n’est-elle pas alors la mutation ? Une immense énergie nous est nécessaire, et nous la dissipons dans la peur ; mais lorsque cette vitalité survient du fait que nous avons rejeté la peur sous toutes ses formes, c’est elle-même, cette énergie, qui provoque en nous une révolution radicale : nous n’avons pas à intervenir du tout.
Ainsi l’on reste seul avec soi-même et cet état est effectivement celui de l’homme qui considère ces questions avec beaucoup de sérieux : ne comptant sur l’aide de personne ni de rien, il est libre de s’en aller vers des découvertes. La liberté est inséparable de l’énergie et celle-ci, étant libre, ne peut jamais rien faire qui soit erroné. La liberté diffère totalement de la révolte. La question de « faire bien » ou de « faire mal » ne se pose pas dans la liberté. Etant libre, on agit à partir de ce centre, on est donc sans peur. Un esprit dégagé de toute peur est capable de beaucoup aimer, et l’amour peut agir à son gré.
J’ai eu cette révélation il y a peu : l’erreur n’existe pas. Vous ne pouvez pas vous tromper. C’est une impossibilité mathématique. Ce que nous faisons est toujours juste et bien, quoi que nous fassions. Se tromper est un mythe, ça n’existe pas. C’est une invention que certains hommes ont inventé pour en contrôler d’autres.
La seule question à se poser n’est pas « Est-ce que je me trompe ? » mais « Est-ce que je suis en train d’agir selon mes envies ? ».
La chose la plus judicieuse à faire, est de se demander « Qu’est ce que je veux vraiment ? » et de le faire maintenant, tout de suite, sans que notre intellect se mette en marche : « Est-ce que c’est raisonnable ? Est-ce que je vais me faire rejeter ? Blablabla on s’en fout on s’en fout… »
Relevons la tête, arrêtons de suivre la ligne tracée sur le sol. Il existe un monde merveilleux autour de nous. Un océan de possibilités.
C’est comme ça que l'on peut ressentir cette liberté. On devient comme Néo dans Matrix, et on se rend compte que l'on peut absolument tout faire. Personne n’a rien à nous dire.
Le monde est un immense terrain de jeu.
On n'a même plus à réfléchir. Quand nous voulons quelque chose dans la vie, nous nous levons et nous le prenons. Parce que ça a toujours fonctionné comme ça et que ça fonctionnera toujours comme ça.
Nous pouvons toujours vivre dans le neuf, dans la nouveauté, dans le présent.
Nous pouvons être libres, maintenant, tout de suite.
Nietzsche, Les Trois Métamorphoses a écrit :Mais dites, mes frères, de quoi l’enfant est donc capable dont ne le fut pas le lion ? Pourquoi faut-il donc que le lion féroce devienne un enfant ?
L’enfant est innocence et oubli, un recommencement, un jeu, une roue roulant d’elle-même, un premier mouvement, un « oui » sacré.
Oui, pour le jeu de la création, mes frères, il est besoin d’un « oui » sacré : c’est sa volonté que l’esprit veut à présent, c’est son propre monde que veux remporter celui qui est perdu au monde.
Faust, Goethe a écrit : Vi veri universum vivus vici
Par le pouvoir de la vérité, j’ai, de mon vivant, conquis l’univers