Numclose et phone game
Me voilà à une soirée salsa. Je suis débutant en la matière.
Malgré mon manque notable d’expérience, j’ai le temps en une soirée de danser avec presque la moitié des filles dans la salle. L’ « opener » est universel, utilisé par tous les mecs présents ce soir, et dans ce contexte, il passe parfaitement avec la plupart des filles :
Ou, dans sa version simplifiée :« Voulez-vous danser avec moi ? »
Qui, accompagné du langage corporel adapté, est une variante muette de la question ci-dessus.« … ?»
La plupart des filles acquiescent si tant est qu’elles soient disponibles. Certaines sont aussi désagréables et envoient gentiment balader.
La fille dont je vais vous parler a décidé d’inverser les rôles, et de me voler mon unique opener pour m’inviter à danser, de façon très spontanée.
Et me voilà en une fraction de seconde face à elle, très proche, les yeux dans les yeux, les mains dans les mains, et vu son physique, j’espère aussi que mes lèvres finissent bientôt dans les siennes.
Mais on n’en est pas là.
Donc cette danse qui ressemblait plus à un slow improvise qu’a de la salsa est devenu le théâtre de notre « entretien d’embauche ».E : Comment tu t’appelles ?
M : Whaleshark, et toi ?
E : Pauline
M (lui lâche les mains et recule) : Oh non, je ne peux pas danser avec toi
E : Pourquoi ?
M : Tu as le même prénom que ma DRH. J’ai l’impression que c’est un entretien d’embauche du coup
E (rigole) : Oui, c’est exactement ça, un entretien d’embauche
Je la complimente sur le fait qu’elle soit venue vers moi, que c’est quelque chose de rare chez les filles d’avoir ce genre d’initiative envers les hommes.
Elle essaie de mener la danse, je la remets à sa place en lui disant que c’est ma responsabilité en tant qu’homme. Rien de misogyne, c’est juste les règles de la danse.
Quand je ne l’entends pas a cause de la musique, je la rapproche de moi en lui tirant les mains pour me parler dans l’oreille.
Le eye contact est intense, presque hypnotique.
Après avoir dansé-discuté pendant dix bonnes minutes, je lui propose d’aller s’asseoir à un endroit où on peut s’entendre.
Elle accepte. Yes !
On continue à parler et à rigoler sans rien se raconter de personnel. On ne se connait pas, mais on se parle comme si on se connaissait depuis toujours.E : Alors, puisqu’on est en entretien d’embauche, parle moi un peu de toi
M : Qu’est ce que tu veux que je raconte ? Toi parle-moi de toi
Si les circonstances étaient autres, j’aurais senti la situation propice au kclose.
On se touche beaucoup. Je la taquine sur son nom de famille qui rappelle celui d’un vilain du cinéma.
Elle me parle d’une série que je regarde.
Je me rends compte que je parle quand même un petit peu trop. A un moment, on a un petit blanc et elle me dit qu’elle doit partir.M : Stop ! Si tu me dévoiles la fin, tu peux être sûre de ne plus jamais me connaitre
E : (rigole)
Elle se lève pour prendre ses affaires. Après m’être demandé pendant quinze secondes comment je vais numcloser, je me lève simplement et lui tends mon téléphone sur le menu des contacts, avec un sourire.
Elle me le donne. Chouette
36 heures plus tard…
A ce stade-là, j’ai compris que :M : Coucou, c’est Whaleshark de la salsa. Je voulais savoir si j’ai passé le premier entretien d’embauche
E : Coucou. On est en processus de vérification. Tu vas devoir amener encore quelques papiers.
M : Papiers, vérifications… Ce n’est pas une perte de temps tout ça ? Si j’étais toi, j’inviterais le candidat a un deuxième entretien avant qu’il ne s’en aille à l’étranger
E : Loool. Et pourquoi le candidat recherche-t-il un emploi s’il part à l’étranger ?
1. Elle joue à mon jeu, et on a tous les deux très bien compris quel était le sous-entendu
2. Elle recherche un truc sérieux
3. Je vais devoir trouver un moyen de la convaincre de venir en date sans lui mentir sur le fait que je ne suis pas particulièrement ouvert au l’option du couple. Et ça ne va pas être tache facile.
Et là, je me demande qu’est ce qu’il peut bien manquer pour obtenir ce foutu date. Elle a l’air très intéressée, rentre dans mon jeu, est curieuse.M : On a une DRH méfiante
M : La confiance est très importante dans les relations de travail
M : Ecoute, je ne connais pas le candidat, mais je parierais qu’il prévoit de revenir dans un délai acceptable
E : Qu’est-ce qu’un délai acceptable ?
M : Entre trois semaines et trois mois. Je n’ai pas encore de réponse exacte.
M : Asseyons-nous dans un bar tranquillement, et posons-nous nos questions. Si ça marche entre nous, très bien. Sinon, on se sépare en tant qu’amis.
M : De toutes les façons, je suis sur qu’on passera un moment génial
E : Où voyages-tu ?
M : J’ai déjà répondu a trop de tes questions et je ne connais encore rien de toi.
E : Loool tu me fais rire. Et tu n’as encore répondu a aucune de mes questions
M : Tu ferais une bonne interrogatrice a la police.
M : Je ne parlerais pas sans mon avocat
E : Prends-en un bon parce qu’il va souffrir
Je lui ai déjà propose plusieurs fois et elle esquive mes propositions.
Et le temps presse, je m’en vais bientôt.
Peut-être n’a-t-elle pas l’impression de me connaitre assez bien ? Je réserve cette partie pour le date, pas envie de faire connaissance par textos.
Peut-être ne l’ai-je pas assez complimentée et elle ne comprend pas pourquoi je m’intéresse à elle. Essayons.
Je lui envoie une photo d’Uma Thurman dans Kill Bill.
Las de tourner autour du pot, je tente le tout pour le tout.M : Maintenant je t’imagine comme ça. Je savais que tu as une initiative qui te rend spéciale (allusion au fait qu’elle m’ait invité à danser), mais maintenant je sais que tu peux être tout aussi bien cruelle.
M : Ecoute, cette conversation est très sympa, mais j’ai un peu de mal avec les conversations virtuelles.
E : Tu as du mal avec les conversations tout court (fait allusion au fait que je ne réponde pas à ses questions)
E : Qu’est ce qu’on va faire de toi ?
Je me suis rendu compte que mon anglais m’a fait écrire une boulette. En disant « partager », je voulais dire « parler de ».M : Je vais te le dire. Ce soir à 20h je serai à <bar>. J’aimerais bien que tu viennes et qu’on profite d’une petite heure ensemble.
Si après un quart d’heure, je vois que tu n’es pas là, on pourra juste espérer que dans un futur très aléatoire, on ait une autre opportunité de partager nos vies complètement folles.
Bisous
Zut, elle va croire que je veux me marier avec elle maintenant.
Bon voyons quand même sa réaction. Peut-être que l’idée ne la dérange pas
Bref, on en est là. Malgré le fait que le feeling était excellent, j’ai l’impression que quelque chose a cloché quelque part dans mon game mais je n’arrive pas à savoir quoi.E : Non, je ne viendrai pas, j’ai un examen cette semaine. Ne m’attends pas espèce de cinglé
M : Dommage. Quand j’étais étudiant, je bossais aussi dur que toi, et j’ai dû renoncer a beaucoup de choses dans ma vie. Aujourd’hui je comprends que c’était une erreur.
E : Oui, non, mais ou et donc or ni car, blablabla...
E : Quand j’aurai moins de boulot, je viendrai avec plaisir.
M : Je m’en vais dans deux jours.
M : Au passage, je viens de me rendre compte que j’ai fait une erreur en écrivant. En disant, « partager nos vies », je voulais en fait dire « parler de nos vies ». Je ne suis pas aussi fou que ça.
E : Dommage, j’aimais ta folie
E : Ou tu voyages ?
M (comprenant que je n’aurai pas de date pour le confort) : A <pays>
E : Waouh ! Et tu vas ou après ? Avec qui ?...
Est-ce le manque de confort et le fait que je cherche à garder le mystère sur ma personne jusqu’au bout ?
Ou alors le fait qu’elle ne voie pas de perspective pour une LTR ?
A-t-elle peur de se laisser aller trop rapidement ?
Ou encore, l’excuse des examens est-elle réelle ?
Gros point d’interrogation…